b) Les effets potentiels sur la concurrence des différences constatées dans les législations applicables au secteur
Sur un
marché donné, la concurrence entre entreprises d'assurance
opérant à partir du territoire concerné ou de celui d'un
autre Etat membre, s'exerce par les tarifs, mais peut être
affectée par les avantages fiscaux résultant d'une
délocalisation des contrats. Cette situation porte en germe des
distorsions de concurrence d'autant plus sensibles que le marché sera
ouvert aux opérateurs étrangers.
- Les sources de distorsions potentielles
Les différences de traitement fiscal ou prudentiel subis par deux
opérateurs peuvent avoir pour effet d'alourdir les charges d'un seul
d'entre eux. Les modalités légales d'action des opérateurs
ainsi que les régimes fiscaux des produits ou des sociétés
peuvent être des sources de distorsions de concurrence entre
opérateurs à l'intérieur d'un même Etat membre ou
appartenant à différents Etats membres.
• Les modes d'exercice de l'activité
L'exercice de l'activité selon l'un ou l'autre des statuts
résultant de l'application des directives place l'opérateur dans
une situation variable vis-à-vis des obligations fiscales, comptables et
réglementaires du pays d'accueil. Le tableau ci-après propose une
comparaison sommaire des conditions d'exercice par la voie d'une filiale, d'une
succursale ou en L.P.S.
|
Filiale |
Succursale |
L.P.S. |
Agrément |
oui |
non |
non |
Avantage de proximité sur le marché envisage |
oui |
oui |
non |
Avantage en termes de fiscalité directe des cotisations (1) |
oui |
oui |
non |
Surveillance prudentielle |
pays d'accueil |
pays du siège |
pays du siège |
Fiscalité et comptabilité |
pays d'accueil |
pays d'accueil |
pays du siège |
• Lorsque les mesures d'incitation fiscale sont liées
au versement des primes à un assureur établi (source :
C.E.A.)
Ce tableau montre qu'il existe un certain équilibre entre les avantages
et inconvénients de chaque situation statutaire, l'optimum étant
celle dans laquelle l'opérateur bénéficie à la fois
de l'avantage de proximité commerciale et des règles fiscales et
prudentielles les plus légères qui lui donneront un avantage
tarifaire, celles-ci pouvant être celles du pays d'accueil ou du pays
d'origine.
• Les tarifs proposés
Les règles de fonctionnement technique et financier des entreprises
varient en fonction des risques pris en charge. De façon simple, il peut
être indiqué qu'en assurance de dommages, la prime couvrant un
risque sur une période donnée est mutualisée en vue
d'indemniser les sinistres alors qu'en assurance vie, au contraire, une
fraction importante des primes payées par un assuré est
créditée sur un compte dont le montant augmenté des
intérêts acquis lui sera versé aux termes du contrat. Toute
augmentation de charge fiscale ou d'exigence prudentielle supportée par
l'entreprise doit normalement trouver sa contrepartie dans l'augmentation des
primes ou cotisations.
Il ne semble pas que des comparaisons globales entre régimes fiscaux,
directs ou indirects, pesant sur les sociétés d'assurance dans
les différents pays de l'Union européenne aient été
effectuées. Cependant et nonobstant les différentiels de taux
d'imposition des bénéfices sociaux ou de la taxe professionnelle
qui ne sont pas spécifiques au secteur des assurances, certaines
dispositions fiscales constitueraient un handicap dans la concurrence opposant
les opérateurs établis en France à leurs concurrents
étrangers et constituent une spécificité française.
Il en est ainsi par exemple de la taxe sur les salaires (article 231 du
code général des impôts) qui n'existe pas dans les autres
Etats membres. Assise sur la masse salariale dont elle peut représenter
jusqu'à 13,60 % du montant total, cette taxe entraînerait un
prélèvement d'en moyenne 6 % du chiffre d'affaires des
compagnies d'assurance. S'appliquant également aux courtiers, dont la
part des salaires dans le chiffre d'affaires avoisine 70 %, elle
constituerait un handicap sérieux dans la concurrence qui les oppose aux
opérateurs étrangers non établis sur le marché de
la couverture des grands risques.
A l'instar de la précédente, la contribution spéciale des
institutions financières est une spécificité
française. Les taxes sur les excédents de provision
(article 235 ter x du même code) sont également
considérées par les professionnels comme un handicap d'autant
qu'elles peuvent revenir à sanctionner une gestion prudente.
D'un autre côté, une étude réalisée par le
Comité européen des assurances et portant sur l'environnement
fiscal de l'assurance santé montre que les sociétés
françaises soumises au code des assurances ne sont frappées
d'aucune taxe sur les bénéfices non distribués
provisionnés pour assurer la solvabilité de l'entreprise ou pour
maintenir le niveau des provisions d'équilibrage, à l'inverse des
sociétés danoises, anglaises, italiennes ou portugaises.
Les règles prudentielles ont pour vocation de protéger les
assurés contre les aléas de l'activité d'une
société d'assurance dont les tarifs sont établis sur la
base de l'expérience passée et avant que l'opérateur ne
connaisse le prix de revient de ses services. Lorsque les bases du tarif ou les
prévisions effectuées sont erronées, il en résulte
des pertes qui peuvent entamer la solvabilité de l'opérateur. Des
normes prudentielles et comptables moins strictes sont susceptibles de donner
un avantage dans la concurrence aux entreprises de l'Etat membre qui les a
adoptées dès lors qu'elles favoriseraient l'élaboration de
tarifs moins élevés.
En matière d'assurance de dommages et de façon
élémentaire, il peut être considéré que la
somme des primes versées doit permettre de couvrir l'ensemble des
charges de l'entreprise d'assurance pour l'année en cours :
sinistres, rentes, frais de fonctionnement, etc. ; le tarif de l'assurance
doit donc permettre d'assurer les recettes nécessaires à cette
couverture. Les recettes tirées des primes seront donc
provisionnées selon différentes normes afin de couvrir les
sinistres présents et à venir, les tarifs proposés par les
sociétés leur étant liés. A nombre et valeurs de
sinistres constants, il peut donc être admis que plus le niveau de
provision imposé par les règlements est élevé plus
les tarifs de base seront élevés.
L'harmonisation des règles prudentielles résultant des
" troisièmes directives " a rapproché les
modalités de constitution des provisions techniques imposées aux
sociétés d'assurance. Des différences demeurent cependant,
ainsi que le montrent les exemples suivants ; elles sont toutefois
considérées comme marginales par les experts.
Les modalités de calcul de la provision pour sinistres restant à
payer, définie comme la valeur estimative des dépenses
nécessaires au règlement de tous les sinistres survenus et non
payés à la date de l'inventaire, en sont un exemple. Cette
provision doit être suffisante au jour du règlement et non au jour
de l'inventaire, ce qui implique une actualisation dont les
procédés diffèrent selon les Etats membres et qui
d'ailleurs, dans certains cas de contrats d'assurance à long terme,
serait incomplètement réalisée par les assureurs. De plus,
le rendement des actifs affectés à la représentation de
cette provision constitue un produit financier affecté par les
opérateurs appartenant à certains Etats membres au
résultat final (France) alors que d'autres l'intègrent en
déduction des engagements (Grande-Bretagne), ce qui favorise la baisse
des tarifs.
De même, il a été dit que les provisions
réglementées avaient pour contrepartie à l'actif du bilan
de la société des créances sélectionnées,
cette représentation permanente des provisions techniques par des actifs
réels, d'une valeur au moins égale, permet aux entreprises de
tenir leurs engagements envers les assurés. Or, les méthodes
d'évaluation de ces actifs diffèrent (valeur historique,
vénale ou actuelle), et l'écart de valorisation qui en
résulte est susceptible d'influer sur le tarif final par le biais de
l'estimation des plus ou moins values latentes qui entrent dans le calcul de la
marge de solvabilité.
Dans le secteur de l'assurance vie, la prime est déterminée en
fonction d'un facteur risque (durée de vie du preneur), d'un facteur
intérêt (rémunération du capital versé) et
des frais d'acquisition et de gestion du contrat (le
" chargement ") ; elle est calculée de telle façon
qu'à chaque instant, pour chaque groupe de contrats, la valeur actuelle
des engagements de l'assureur soit égale à la valeur actuelle des
engagements de l'assuré. Le législateur européen a reconnu
la nécessité d'un principe prudentiel général
applicable aux tarifs de ce secteur selon lequel les primes pour les affaires
nouvelles doivent être suffisantes selon les hypothèses
actuarielles raisonnables, pour permettre à l'entreprise de satisfaire
ses engagements. Le tarif des entreprises d'assurance vie doit être
bâti sur des données précises qui sont définies
strictement par les Etats membres. Certains Etats membres (les Pays-Bas) n'en
laisseraient pas moins les entreprises libres de fixer leurs tarifs sur des
bases purement commerciales, considérant que l'on ne peut
a
priori
exiger d'une entreprise des primes suffisantes pour financer
intégralement la constitution des provisions mathématiques
dès lors que cette sous-tarification serait compensée par des
fonds propres substantiels. La France quant à elle ne tiendrait pas
compte de la baisse des taux d'intérêt dans le calcul de certaines
de ses provisions.
Enfin, il peut également être indiqué que de façon
générale, la France détermine les plus ou moins values
latentes de façon globale, alors que l'Allemagne ou le Luxembourg les
déterminent ligne à ligne, ce qui est de meilleure prudence.
Au total, s'agissant de la fiscalité pesant sur les entreprises, il doit
être souligné d'une part, que le taux de l'impôt sur les
bénéfices des sociétés commerciales
prélevé par l'Etat est supérieur, en France, au taux de
30 % préconisé par la Commission et que, d'autre part, les
sociétés d'assurance sont assujetties à des impôts
spéciaux qui ne semblent pas avoir d'équivalent dans les autres
Etats membres.
Par contre, il n'apparaît pas que le niveau des exigences prudentielles
adoptées par la France, place les entreprises dans une situation
manifestement inégale par rapport à celle de leurs concurrents
opérant sur le marché français.
• Le régime fiscal des conventions et revenus
Les impôts ou taxes frappant les primes ou cotisations sont très
divers selon les Etats membres.
Le tableau ci-après montre les écarts constatés dans les
pays de l'Union européenne de la France pour trois branches
d'assurance :
LA
FISCALITÉ DES CONTRATS D'ASSURANCE
DANS L'UNION EUROPÉENNE
(
pour une cotisation de 1 000 unités
)
(Source : F.F.S.A. - 1996)
En matière d'assurance vie, le taux d'intérêt technique
garanti par le contrat est un élément important du choix du
preneur. Or la liberté laissée aux entreprises dans la
détermination de ces taux diffère selon les Etats. En France,
pour des raisons prudentielles, le rendement garanti est plafonné selon
plusieurs options ; cette règle, transférée dans le
livre premier du code des assurances s'applique à tous les
opérateurs ayant une activité sur le territoire français
car elle est considérée comme étant d'intérêt
général. Un souscripteur pourra donc avoir avantage à
souscrire une assurance vie auprès d'une compagnie garantissant un
rendement qui soit en rapport avec celui des actifs réels placés
par l'entreprise (Grande-Bretagne ou Luxembourg), plutôt qu'auprès
d'un de ses concurrents qui ne peut garantir qu'un rendement limité par
exemple à un pourcentage du taux d'émission des emprunts d'Etat
(France) ou tenu par un taux fixé uniformément (Allemagne).
Le niveau de prélèvement fiscal sur les revenus est
également un critère de choix d'un contrat d'assurance vie, les
revenus des contrats étant imposés dans la quasi totalité
des pays. Le régime fiscal français a varié de
façon importante dans un passé récent. Aujourd'hui, les
revenus de ces contrats sont au moins soumis à la contribution sociale
généralisée et à la contribution au remboursement
de la dette sociale. A l'avenir, les revenus de certains de ces contrats
pourront être grevés, après abattement, d'une taxe de
7,5 %. De tels prélèvements distinguent la France de
certains Etats voisins qui ne prélèvent aucun impôt sur les
revenus versés.
La déductibilité des revenus ou de l'impôt des fonds
versés dans le cadre d'un contrat d'assurance vie ou un fonds de pension
est une autre source de différenciation.
- Des effets difficiles à mesurer
• Des échanges encore entravés
Les entraves aux échanges avec l'extérieur diminuent le
degré de concurrence sur un marché donné et il a
été dit qu'en matière d'assurances de personnes, il
pouvait être admis que les marchés étaient
géographiquement circonscrits à chaque Etat membre. Le C.E.A. a
dressé une liste des pratiques des Etats membres
considérées comme susceptibles de limiter les échanges
à l'intérieur du marché communautaire dont il convient de
rappeler quelques éléments.
La difficulté de tracer une frontière précise et commune
à tous les marchés entre liberté d'établissement et
L.P.S. est un premier exemple qui a déjà été
évoqué. La notification au titre de l'intérêt
général de " paquets de législation " produirait
les mêmes résultats. Sur certains marchés et nonobstant
l'opacité des réglementations applicables, il est en effet
constaté que les autorités de contrôle du pays d'accueil
remettent une liste de législations et réglementations
applicables en les déclarant toutes d'intérêt
général ou en laissant le soin à l'opérateur de
déterminer quelles législations, dans son cas d'espèce,
doivent être appliquées.
Les disparités fiscales sont également considérées
comme des sources d'entraves lorsqu'il existe des différences de
traitement entre les contrats souscrits auprès des assureurs locaux ou
étrangers ou même entre les différentes catégories
d'opérateurs d'assurance d'un même Etat membre. Sont citées
en exemple dans ce domaine, les distorsions fiscales en faveur de certaines
catégories de mutuelles dans le domaine de l'assurance
complémentaire maladie en France, en faveur des banques dans le secteur
des fonds de pension en Espagne ou en faveur de la Caisse de prévoyance
des médecins en Belgique.
Par ailleurs, la complexité des règles de conflit de lois
adoptées pour pallier l'absence d'harmonisation des droits du contrat
d'assurance rendrait très difficile l'exercice d'activité en
licence unique et pratiquement impossible la rédaction de polices
uniques commercialisables dans les mêmes termes sur les différents
marchés européens. Les définitions variables des produits
d'assurance vie ou décès auraient un effet identique.
Enfin, sont également considérées comme entravant la
liberté des échanges : l'obligation de désignation
d'un représentant fiscal, même en l'absence de taxation sur les
primes, la limitation du bénéfice d'avantages fiscaux sur les
cotisations d'assurance aux versements faits à des assureurs
établis, l'obligation pour l'assurance vie de respecter des taux
d'intérêt technique maxima ou les tables de mortalité du
pays d'accueil, la communication préalable des contrats à
l'autorité de contrôle, l'obligation de prévoir une valeur
de rachat dans les contrats d'assurance vie, etc.
• La difficile mesure de l'effet des différences
constatées
La mise à profit des différences réglementaires et
fiscales existant entre les Etats membres peut susciter certains comportements
des entreprises d'assurance comme des preneurs : transferts de
siège ou création de succursales vers l'Etat membre
" mieux-disant " réglementaire ou fiscal pour les
premières, orientation de leur demande de prestations d'assurance vers
les entreprises opérant à partir de ce même Etat pour les
seconds. Plusieurs indicateurs sont susceptibles de permettre une
appréciation de l'importance des transferts de contrats.
Le premier pourrait être constitué par le montant des primes
recueillies par les 458 sociétés ayant déclaré
leur intention d'opérer en L.P.S. en 1996. Or ce chiffre n'est pas
disponible à ce jour pour des raisons qui tiennent à une absence
de déclaration par ces sociétés dans leurs pays d'origine
conjuguée à une absence de sélection et de centralisation
de cette information par les services fiscaux chargés de
l'enregistrement des taxes versées par les représentants fiscaux.
Les variations d'activité des filiales de sociétés
étrangères opérant en France sont des indicateurs moins
pertinents dans la mesure où les opérations qu'elles
réalisent sur le territoire national sont soumises aux
réglementations prudentielles françaises. L'interprétation
des résultats est en outre délicate car les évolutions
peuvent refléter l'évolution des différentiels tarifaires,
l'entrée sur le marché de produits nouveaux ou la variation du
périmètre consolidé.
Après un taux de croissance de 6,1 % en assurance vie et
14,4 % en assurance de dommages entre 1994 et 1995, années
où elles atteignent respectivement 9,9 % et 18,1 % des
cotisations totales, la part détenue par les sociétés
étrangères se contracte en 1996, à 9,5 et 15,6 %.
La variation de l'activité des filiales ou succursales françaises
opérant à l'étranger est un indicateur de l'ouverture des
entreprises françaises vers l'extérieur, mais ne peut traduire
des transferts de contrats dans la mesure où les mouvements
constatés peuvent provenir des variations de la demande locale.
L'examen des évaluations par pays montre que le montant des primes
collectées est affecté de variations importantes. Au Luxembourg
par exemple, le chiffre d'affaires des filiales françaises pour
l'année 1996 baisse de 30 % après une hausse
exceptionnelle en 1995. Cette évolution s'expliquerait par le fait que
l'année 1995 avait été marquée par un grand nombre
d'opérations effectuées en L.P.S. liées à
l'évolution de la dette publique de l'Etat belge et au remboursement de
bons de caisse, placés sur le marché luxembourgeois.
L'attractivité du marché luxembourgeois, dont ont profité
les filiales d'entreprises françaises, provient d'une absence de
taxation des revenus et d'une meilleure rémunération des
placements, protégée par un secret bancaire mieux gardé
que celui des autres Etats membres. Elle se traduit par le fait que 72 %
des primes encaissées proviennent de l'étranger et sont
encaissées selon le régime de la L.P.S.
Au total, la mesure des transferts de contrats vers des pays dont la
fiscalité est moins lourde ou les règles prudentielles moins
sévères ne peut être faite précisément.
Ceux-ci ne doivent cependant pas être surestimés car outre les
difficultés résultant des entraves subsistant aux échanges
intra-communautaires, la mise à profit des différentiels fiscaux
ou tarifaires suppose que soient remplies plusieurs conditions qui se trouvent
rarement réunies dans l'hypothèse des contrats de masse.
En premier lieu, quel que soit le risque couvert et nonobstant l'obstacle
linguistique, le preneur doit trouver à la délocalisation de la
couverture du risque un avantage suffisamment important pour en compenser le
coût. Ceci suppose donc une connaissance précise des conditions
d'exploitation ou des règles de protection du preneur en vigueur dans
l'Etat d'accueil. Un tel comportement parie, en outre, sur la durée de
l'avantage induit par le transfert qui doit être suffisamment stable dans
le temps pour ne pas être anéanti par une modification de la
réglementation des Etats d'origine ou d'accueil ; il est
également soumis aux fluctuation monétaires.
Dans le secteur particulier de l'assurance vie, les transferts de contrats sont
essentiellement le résultat des différences de rendement. Si l'on
retient l'exemple français, et dans l'hypothèse d'un contrat
souscrit avec une entreprise étrangère, trois situations peuvent
donc se présenter :
- soit l'engagement est souscrit en France auprès d'une entreprise
établie sur le territoire (siège social ou succursale) ; la
réglementation fiscale française subordonne le
bénéfice de la déductibilité fiscale qui est
limitée à des déclarations obligatoires. Par ailleurs les
rendements seront limités ;
- soit l'engagement est souscrit directement à l'étranger :
l'administration fiscale ne peut alors être informée de
l'existence du contrat que par la seule déclaration du
souscripteur ; eu égard aux limites imposées à la
déductibilité des primes et aux taxes dont sont frappés
les revenus du contrat (contribution sociale
généralisée ...), le souscripteur n'a
intérêt au dépaysement que dans la mesure où
l'investissement assure un rendement supérieur à celui
résultant du mécanisme français de
déductibilité ; il s'agit donc essentiellement de contrats
de forte valeur. Dans la mesure où doit être
déclarée à l'administration toute sortie du territoire
d'une somme supérieure à un certain montant, il n'est pas exclu
qu'une partie des fonds soit exportée en l'absence de toute
déclaration ;
- dans l'hypothèse où le contrat est souscrit en L.P.S., le
principe de territorialité fiscale veut qu'il soit frappé des
impôts et taxes locales de l'Etat de l'engagement. Or, les contrats
d'assurance vie ne donnent pas lieu au versement d'un impôt, seuls les
revenus versés en seront frappés ; l'intérêt de
la déductibilité accordée par la France se pose alors dans
les mêmes termes que dans le cas précédent.
Les comparaisons tarifaires valent pour l'assurance de dommages, mais n'ont de
sens qu'à niveau de prestation égal et il n'existe aucune
étude précise sur ce point. D'un avis général, la
France présente dans ce secteur une grande diversité.
Lorsqu'elles résultent d'une moins grande sévérité
des règles prudentielles, les différences tarifaires ont une
contrepartie qui est, théoriquement, une diminution du niveau de
sécurité offert aux souscripteurs, l'exemple britannique
récent des difficultés rencontrées par les Lloyds ou par
plusieurs opérateurs du secteur des fonds de pensions est significatif
à cet égard.
La marge de solvabilité est le reflet de la situation de l'entreprise au
regard des règles prudentielles. Les dernières marges de
solvabilité moyennes connues exprimées en pourcentage de la marge
minimale réglementée, telles que présentées dans
les rapports des autorités de contrôle de certains Etats membres,
sont les suivantes :
|
France (1) |
Allemagne (1) |
Luxembourg (1) |
U.K. |
Belgique (2) |
Dommage |
115 % |
249 % |
178 % |
non publié |
348,3 % |
Vie |
228 % |
190 % |
185 % |
non publié |
271,5 % |
Moyenne |
n.c. |
n.c. |
182,45 % |
non publié |
n.c. |
(1) hors
plus-values latentes (2) plus-values latentes incluses
La comparaison des écarts montre que, dans l'ensemble, les niveaux de
marge pratiqués sont supérieurs aux exigences
réglementaires. Il convient d'ailleurs d'être prudent sur les
conséquences à tirer de ces écarts car, comme le
soulignent les travaux du C.E.A., " les problèmes induits par une
insuffisance de marge ont été rares en Europe et les quelques
défaillances enregistrées n'auraient pas pu être
évitées par une augmentation des contraintes de marge. Dans la
plupart des cas, ces défaillances ont été causées
par de graves erreurs de management et/ou des investissements hasardeux...
Généralement les compagnies en cause remplissaient leurs
objectifs de marge et les contrôleurs ont été incapables
d'anticiper les causes des défaillances lorsqu'elles
survinrent "
270(
*
)
.
En matière d'assurance de dommages, la mesure de l'adéquation des
politiques tarifaires aux charges résultant des sinistres est en partie
fournie par l'examen du résultat technique.
La comparaison de ces résultats appréciés en pourcentage
des primes nettes des sociétés d'assurance britannique, allemande
et française montre des situations très diverses :
|
1980 |
1990 |
1994 |
France |
- 12 % |
- 12 % |
- 11 % |
Allemagne |
0, 5 % |
2 % |
0,1 % |
Grande-Bretagne |
- 3 % |
- 19 % |
- 5 % |
(Source : Sigma)
Le caractère négatif des résultats techniques des
entreprises financières peut s'expliquer par une sous-évaluation
des sinistres mais aussi des charges d'exploitation. A défaut des
produits financiers qui rééquilibrent le résultat net, il
traduirait une sous-tarification.
En conclusion, la mesure des effets des différences tarifaires ou
prudentielles constatées aux dépens des entreprises
françaises sur le marché de l'assurance des risques de masse
apparaît difficile à effectuer. Sur le marché
français des risques de masse, l'avantage dont pourrait
bénéficier les opérateurs étrangers opérant
en particulier en L.P.S. n'est pas net. Il semble même, au contraire, que
les parts détenues par les opérateurs français progressent
et que les tarifs qu'ils pratiquent ne leur créent pas un
désavantage dans la concurrence.
- Conséquence sur la structure de l'offre de produits d'assurance du
maintien de barrières à l'entrée sur les marchés
Les difficultés rencontrées par les succursales de
sociétés d'assurance étrangères pour s'implanter
sur le marché français de l'assurance des risques de masse
peuvent s'expliquer par les caractéristiques d'une distribution
dominée par la forte présence des agents généraux
et des " bancassureurs ".
Cette situation n'est pas très éloignée de la situation
des marchés allemands, sur lesquels la pénétration des
succursales étrangères est estimée à 4 %, ou
des marchés italiens. Dans ces deux pays les agents exclusifs
détiennent près de 80 % du marché.
La Grande-Bretagne se distingue par une plus grande ouverture aux
activités des sociétés étrangères
puisqu'elles collectent 33 % des primes alors pourtant que les
intermédiaires indépendants assurent près de 70 % de
la distribution ; cette situation est sans doute explicable par la
prépondérance nette des courtiers sur les agents liés.
La forte présence des mutuelles sans intermédiaires constitue par
ailleurs un obstacle à la pénétration des entreprises
étrangères sur le marché de la vente directe. La faiblesse
de leurs frais de chargement permet à ces opérateurs de maintenir
leurs coûts à des niveaux relativement bas et de vendre leurs
produits à des prix avantageux, d'autant qu'ils concentrent souvent leur
offre sur certaines catégories professionnelles dont le taux de sinistre
est inférieur à la moyenne
271(
*
)
.
Cette situation a conduit les assureurs étrangers désirant
opérer en France à procéder à l'acquisition
d'entreprises françaises de façon à
bénéficier de leurs réseaux de distribution. Dans un
passé récent, les opérations suivantes ont ainsi
été réalisées :
- août 1994, rachat du groupe Victoire par la compagnie britannique
Commercial Union ; cette opération s'est achevée par la
fusion en 1996 des sociétés Sinafer et SEV au sein d'Abeille Vie,
filiale de Commercial Union ;
- 1997, offre publique d'achat de la société allemande Allianz
(n° 1 allemand) sur les A.G.F. (n° 3 français).
Cette opération, qui s'est accompagnée de la cession de la
société Athéna au groupe italien Generali, aura
également pour effet une prise de participation d'Allianz dans la COFACE.
A la fin de l'année 1997, trois des dix premières entreprises
françaises étaient contrôlées par des compagnies
étrangères ; elles représentaient 16,2 % du
total des primes recueillies toutes assurances confondues, mais seulement
11 % dans le secteur de l'assurance vie. Ces résultats marquent une
prédominance de l'activité des sociétés
étrangères dans l'assurance de dommages qui n'est sans doute pas
sans lien avec la prépondérance exercée par les courtiers
d'origine étrangère, en particulier dans le secteur de la
couverture des grands risques.
Dans ce dernier secteur, les parts de marché détenues par des
sociétés d'origine étrangères seraient les
suivantes :
- risques crédit 84 %
- risques industriels 50 %
- transports gros risques 40 %
En 1996, l'essentiel de ces risques était couvert par
l'intermédiaire de maisons de courtage qui collectaient environ
76 % du montant des primes, contre 25 % pour les particuliers. La
couverture des grands risques génère d'ailleurs plus de 80 %
du chiffre d'affaires des douze premiers courtiers opérant sur le
marché français, dont le premier est une filiale à
100 % d'un groupe américain et cinq d'entre eux sont des
sociétés filiales à au moins 30 % de cabinets de
courtage étrangers (britanniques ou hollandais). Deux filiales de
banques distribuant des produits aux particuliers figurant également
dans ce groupe.
Au total, il n'est pas démontré que les entreprises
françaises subissent un désavantage important dans la concurrence
qui les oppose aux opérateurs étrangers du fait des
différences des législations fiscales ou prudentielles auxquelles
elles sont soumises.
Lorsque de telles différences existent, comme par exemple en
matière d'assurance vie, les risques de transferts de contrats sont
cependant faibles, en raison notamment de la subsistance de nombreuses entraves
aux échanges.
Au demeurant, les règles prudentielles ou fiscales ne sont qu'un
élément entrant dans le processus d'élaboration des tarifs
qui restent également dépendant de la politique de
sélection des risques ou des modalités de distribution choisis
par l'opérateur.
Les acquisitions d'entreprises françaises par des entreprises
étrangères montrent d'ailleurs que ces dernières cherchent
à bénéficier des avantages résultant de structures
préexistantes plutôt que de tenter une pénétration
du marché français par la seule promotion de leurs produits.