C. LE RÔLE IMPORTANT JOUÉ PAR LES ASSURANCES MUTUELLES DANS L'ASSURANCE DOMMAGES FRANÇAISE48( * )
La forte
implantation des sociétés d'assurance mutuelles sur le
marché de l'assurance dommages, en particulier dans la couverture du
risque automobile (jusqu'à faire de la MACIF le premier assureur
français auto puisque son portefeuille couvre 4,7 millions de
véhicules soit 16 % du parc automobile français) est le
produit d'une longue persévérance et d'une lente diversification
commerciale : des produits, des clientèles et géographique.
A fin 1997, les sociétés d'assurance mutuelles de tête
du GEMA au nombre de 12 (pour 24 sociétés adhérentes
avec les filiales), regroupent 15 millions de sociétaires en
assurance non-vie. Elles ont encaissé en 1997 40 GF de cotisations,
avec une croissance de 2 % (malgré un déclin du chiffre
d'affaires global de la profession en assurance non-vie de la même
année de 1 %, après une croissance de 1,2 % en 1996).
Elles disposaient d'un encours de placements de 62 GF à fin 1996.
Leur part de marché en assurance auto est de 32 %. Elles assurent
40 % des véhicules de particuliers, 33 % du parc de logements
des particuliers. Leur taux moyen de frais généraux en 1996 est
de 21,8 %, très inférieur à la moyenne du
marché qui est de 26,3 %.
En assurance-vie, les filiales ou " soeurs " des SAM du GEMA et le
groupe Assurances Banques Populaires regroupent 2 millions de
sociétaires pour 20 GF de primes émises en 1997
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*
)
.
L'histoire de la MAAF est assez illustrative de ce lent déploiement des
mutuelles sans intermédiaires (MSI), qui n'apparaît rapide que
rétrospectivement et aux yeux de ceux qui n'ont pas voulu croire
à la crédibilité de mutuelles longtemps
réputées sauvages, et qui ont aujourd'hui pignon sur rue
grâce à leur succès auprès des consommateurs,
fondé sur leur capacité à être les pionniers de
l'industrialisation de l'assurance en amont et en aval de la relation avec le
sociétaire assuré.
La MAAF a été créée en 1951 par la Chambre des
métiers des Deux-Sèvres pour couvrir le risque automobile des
artisans du département. Les artisans étant " un mauvais
risque ", à la différence des instituteurs, pris en charge
par la MAIF, qui sont " un bon risque ", la MAAF a été
d'abord poussée à la diversification de sa clientèle en
commençant par les " salariés " des artisans qui sont
un meilleur risque, pour, en élargissant son périmètre de
mutualisation, améliorer son risque médian en diluant son risque
initial. La sélection du risque par l'orientation du marketing a donc
été au coeur de cette stratégie de diversification de la
clientèle.
Puis, sur cette base de clientèle élargie, et
d'élargissement de son rayon d'action géographique, est intervenu
progressivement l'enrichissement en produits de portefeuille de la MAAF qui a
abordé dans les années 60 l'assurance habitation,
l'assurance des professionnels dans les années 70, l'assurance-vie
dans les années 80, enfin l'assurance santé dans les
années 90. C'est en 1976 qu'elle a mis fin à tout obstacle
statutaire à sa diversification. En 1992, la mutuelle éclate
pour répartir ses activités entre une filiale commerciale
à 99 % et la société mutuelle maintenue. A
fin 1996, le groupe assure plus de 2 millions de sociétaires
pour un chiffre d'affaires de 8,3 GF en non-vie, 161 000
souscripteurs de contrats d'assurance-vie, pour une collecte de 1,9 GF
(12,5 GF de provisions mathématiques).
Chaque stratégie de développement de chaque mutuelle est bien
entendu marquée par la qualité de sa clientèle
originelle : l'Association générale de prévoyance
militaire a commencé par développer des produits d'assurance-vie,
avant de s'étendre à l'automobile ; en créant une
filiale d'assurance dommages FILIA-MAIF ouverte à tout assuré
parrainé par un sociétaire MAIF, la MAIF s'est également
ouverte avec succès à la clientèle des non-enseignants.
Bien que certaines mutuelles d'assurance aient traditionnellement exercé
une activité d'assurance-vie, la plupart ont développé
plus récemment leurs activités d'assurance-vie.
En 1997, sur 165 sociétés d'assurance mutuelles 148
étaient des mutuelles d'assurance dommages, 14 d'assurance-vie, 3
mixtes. (On se reportera au chapitre II pour une comparaison
européenne des SAM et de leur place sur chaque marché, ainsi
qu'à l'encadré ci-après pour les caractéristiques
juridiques des mutuelles d'assurance).
Les caractéristiques des sociétés d'assurance mutuelles *
Régies par le code des assurances, les sociétés d'assurance mutuelles (SAM) présentent les caractéristiques essentielles de la mutualité d'assurance :
-
- objet non commercial et but non lucratif ;
- cotisations fixes ou variables, susceptibles de faire l'objet d'une ristourne et, le cas échéant, d'un rappel de cotisation lorsqu'elles ont adopté la forme variable de celle-ci ;
- assurance des risques des seuls sociétaires qui sont à la fois individuellement les assurés et collectivement les assureurs ;
- absence de capital social et donc de titres représentatifs ;
- exercice démocratique du pouvoir (un homme, une voix), qui n'est donc pas lié au montant des apports de cotisation d'assurance.
Ainsi, contrairement aux sociétés anonymes, les mutuelles d'assurance sont des sociétés de personnes qui fonctionnent sans capital actions (décret loi de 1938), avec seulement un fonds d'établissement ayant la nature de fonds propres, car constitué le plus souvent à fonds perdus par les fondateurs et les sociétaires. Elles se différencient par là également des coopératives, qui remettent à leurs sociétaires des titres représentatifs de leur capital social. A cet égard, il est intéressant de noter que par une curiosité de l'histoire, on peut exercer, en France, l'activité bancaire sous forme de coopérative mais pas de mutuelle, et l'activité d'assurance sous forme de mutuelle mais pas de coopérative.
Conformément au code des assurances, les sociétés d'assurance mutuelles sont des sociétés civiles par nature soumises à un statut particulier.
Les SAM ont également comme spécificité que les excédents non ristournés appartiennent à la collectivité indivise et intemporelle des sociétaires. C'est la raison pour laquelle, en cas de dissolution, l'excédent d'actif net est dévolu soit à d'autres sociétés d'assurance mutuelles, soit à des associations reconnues d'utilité publique. Enfin, il faut souligner le lien très fort de la relation juridique établie entre le sociétaire assuré et sa mutuelle, et les deux principes qui en découlent :
-
- tout sociétaire doit pouvoir, directement ou indirectement,
participer aux instances dirigeantes de la société ;
- chaque sociétaire dispose de droits égaux ; aucun traitement préférentiel ne peut être accordé à un sociétaire, par exemple en fonction d'élément financier. La démocratie mutualiste repose sur les principes propres aux organismes de l'économie sociale, à savoir un homme, une voix.
Les trois spécificités françaises qui viennent d'être évoquées traduisent, sous des aspects divers, la même préoccupation de protection poussée des personnes et ce que l'on peut appeler la présence indirecte de l'Etat-providence. Les modalités d'intervention de l'Etat à des fins de protection des citoyens ne sont d'ailleurs pas sans faire réfléchir aux évolutions possibles des modalités de la protection sociale publique, à l'heure actuelle directement organisée sous forme de monopoles.