CONCLUSION
Au cours
de sa mission, votre rapporteur a pu mesurer la qualité du réseau
français d'enseignement maritime, ainsi que la compétence et le
dévouement des personnes qui ont la charge de son bon fonctionnement
quotidien.
Les résultats de l'enseignement maritime, en termes d'insertion
professionnelle et de reconversion à terre, sont remarquables, mais ils
ne doivent pas conduire à différer une modernisation qui
s'avère indispensable pour conforter son avenir.
En premier lieu, sans remettre en cause l'intérêt de promouvoir
l'expérience en mer, élever le niveau de formation initiale
permettra de donner un attrait supplémentaire à la formation
maritime, et lui fournira les moyens de répondre aux exigences
professionnelles de demain.
En second lieu, le passage sous statut public du personnel de l'association
pour la gérance des écoles de formation maritime et aquacole
permettra de simplifier et d'assouplir la gestion de l'enseignement maritime,
avant la mise en oeuvre d'une politique cohérente de formation.
En troisième lieu, développer de nouvelles formations dans les
écoles de la marine marchande, en lien avec leurs compétences,
sera un moyen de mettre en valeur leur savoir faire.
Enfin, toute modernisation devra s'accompagner d'une implication plus franche
de l'Etat, notamment en matière d'investissement, qui témoignera
ainsi de l'intérêt qu'il porte à l'enseignement maritime et
de la confiance qu'il met dans son avenir.
Liste des personnes entendues 4( * )
•
Administration centrale du ministère de l'Équipement, des
transports et du logement
- M. SERRADJI, directeur des affaires maritimes et des gens de mer,
- M. ANTIN, chef du bureau de l'enseignement maritime,
- M. DAMEME, inspecteur général de l'enseignement maritime.
•
Association pour la gérance des écoles de formation
maritime et aquacole
- M. FAVRET, directeur de l'AGEMA.
•
Écoles
- M. BARNIER, directeur de l'ENMM de Saint-Malo,
- M. BRARD, directeur de l'ENMM du Havre,
- M. BRIAND, directeur-adjoint de l'ENMM de Nantes,
- M. GIRARD, directeur du lycée maritime Anita Conti Fécamp-Le
Havre,
- M. ROBERT, directeur du lycée professionnel maritime de Paimpol,
- M. TOULLIOU, directeur du lycée professionnel maritime de Saint- Malo.
•
Armateurs
- Mme DION, chargée des questions de la formation maritime à
l'Union des armateurs à la pêche de France (UAPF),
- M. SULPICE, chargé des questions de la formation maritime au
Comité central des armateurs de France (CCAF).
Examen en commission
Mercredi 1er juillet 1998, la commission a entendu une
communication
de
M. René Régnault
, rapporteur spécial des
crédits de la marine marchande, sur sa
mission
de
contrôle
relative à la
situation de l'enseignement
maritime
en
France.
M. René Régnault
a évoqué la situation
générale de l'enseignement maritime, avant de préciser
l'ensemble des défis auxquels il serait prochainement confronté,
tant du point de vue de son fonctionnement interne, qu'au regard des exigences
internationales de qualification des marins.
Il a indiqué que l'enseignement maritime, spécialisé,
concerne de ce fait un nombre limité d'élèves. Le
réseau de l'enseignement maritime comprend 4 écoles de la
marine marchande et 12 écoles maritimes et aquacoles regroupant au
total 2.649 élèves ; bien que de petite taille, il
constitue le seul support pour la formation des marins et officiers
français, à la pêche comme au commerce.
Considérant que la cohésion est un élément
essentiel de la qualité du réseau d'enseignement français,
M. René Régnault
a estimé que le rattachement
des écoles à une même structure administrative,
actuellement le ministère de l'équipement, des transports et du
logement, était une garantie de la pérennité de
l'enseignement maritime en France.
Il a ajouté que tout découpage aurait des effets négatifs
tant du point de vue de la cohérence du système d'enseignement,
qu'au regard des risques de la "dilution" de ces écoles, en nombre
réduit, dans des systèmes scolaires trop vastes pour qu'elles
puissent faire valoir leur spécificité.
Il a souligné, de surcroît, la logique du rattachement de ces
écoles à une administration qui a par ailleurs la charge de toute
la carrière des marins, notamment de leur régime social, qui
élabore la réglementation dans le domaine maritime, et applique
les conventions internationales en matière de formation ou de
sécurité.
S'agissant de l'enseignement lui-même, il a précisé que la
qualité de la formation française était reconnue,
notamment la formation des officiers français, polyvalente depuis 30
ans, qui servait de modèle aux autres pays européens.
Toutefois, il a estimé que l'enseignement maritime devait
procéder à des réformes internes d'importance, qui
permettraient de valoriser son savoir-faire.
En premier lieu, en raison d'une nette séparation entre les fonctions
d'exécution et les fonctions d'officiers auxquelles préparent les
écoles de la marine marchande, il a souhaité qu'il soit mis fin
au cloisonnement des cursus, afin de réaffirmer une cohérence
d'ensemble de la filière maritime.
Il a estimé qu'un bac professionnel dans le secteur pêche-commerce
pourrait trouver son utilité dans une fonction de passerelle entre les
deux types de formation car la perspective de pouvoir aller jusqu'au
baccalauréat donnerait incontestablement un attrait
supplémentaire à la formation maritime.
En second lieu, il a indiqué que le passage des enseignants des
écoles maritimes et aquacoles sous statut public devrait se mettre en
place prochainement. Il a relevé que le statut privé des
personnels, salariés de l'association pour la gérance des
écoles de formation maritime et aquacole (AGEMA), était
coûteux et créait des rigidités inutiles.
Il a estimé urgent de donner un statut public aux enseignants, qui
facilite leur mobilité et serve de préalable à une
véritable politique de formation. Il a précisé que cette
évolution devrait avoir pour conséquence de mettre fin au
rôle de l'AGEMA, dont la subvention ne devrait subsister qu'assortie
d'une profonde reconsidération de ses missions.
M. René Régnault
a indiqué que la troisième
réforme d'importance devrait consister à spécialiser et
développer les écoles de la marine marchande, condition sine qua
non de leur survie.
Il a fait observer que le passage des écoles maritimes et aquacoles sous
statut d'établissements publics locaux avait conduit à de
profondes restructurations, notamment en Bretagne.
Il a estimé nécessaire de renforcer les formations des
écoles de la marine marchande afin de préserver leur avenir. Les
écoles s'impliquant beaucoup dans le domaine de la formation continue,
il a estimé que cette orientation, motivée en partie par des
contraintes d'autofinancement, devait être encouragée. Mais il a
souhaité que chaque école développe de nouvelles
formations en fonction de ses atouts.
Il a évoqué les formations à la plaisance et les nombreux
projets à l'étude pour distinguer le savoir-faire de chaque
école, par exemple l'accueil d'élèves étrangers
à Marseille ou la mise en place d'un centre de formation pour le corps
enseignant à Nantes.
M. René Régnault
a déclaré que ces
pistes de modernisation s'inscrivaient dans un contexte général
marqué par la modification de l'environnement et de la
réglementation internationale maritimes.
Il a indiqué que les écoles devraient connaître une
augmentation progressive de leurs effectifs dans les années à
venir. Tous les experts, nationaux, comme internationaux, prévoient une
pénurie d'officiers dans les années à venir, de l'ordre de
400.000 unités à l'horizon 2005, en raison de la croissance du
fret maritime, de l'augmentation du nombre de navires, du vieillissement de la
population des officiers et de l'application de la convention internationale
relative à la formation des marins. La carrière de marin est une
carrière courte, qui exige un renouvellement fréquent des
effectifs.
Le rapporteur spécial des crédits de la marine marchande a
souhaité que l'Etat donne aux écoles de la marine marchande les
moyens financiers qui leur font défaut pour faire face à leur
modernisation et à l'augmentation progressive des effectifs
Il a rappelé que tous les rapports de la Cour des comptes avaient
souligné la très bonne gestion de ces écoles. Il a
déclaré avoir pu lui-même constater les nombreux efforts
déployés par le personnel de ces écoles, pour en assurer
le bon fonctionnement quotidien.
Mais il a ajouté que cette extrême bonne volonté avait ses
limites et il a estimé qu'un effort financier devrait porter tout
particulièrement sur le patrimoine immobilier. Il a évoqué
l'état déplorable des bâtiments de l'école du Havre
et les problèmes immobiliers existant à Nantes et à
Marseille. Il a fait état, a contrario, de l'investissement immobilier
des collectivités locales et de leur pari sur l'enseignement maritime.
M. René Régnault
a déclaré que
l'investissement pédagogique était un autre enjeu essentiel, en
raison de l'entrée en vigueur de conventions internationales, telle la
convention STCW ("International
Convention on Standards of Training,
Certification and Watchkeeping for Seafarers") élaborée par
l'organisation maritime internationale ou la convention sur la
sécurité en mer, conventions qui imposent des contraintes
nouvelles en matière de formation des marins, de matériel de
radiocommunication et de sécurité.
M. René Régnault
a déclaré que
l'équipement des écoles en matériel correspondant aux
nouvelles normes en vigueur se réalisait à un rythme convenable,
même si quelques efforts restaient encore à faire. Prenant
l'exemple de l'école de Nantes, il a noté l'appui décisif
des collectivités locales en matière d'investissement
pédagogique, et le désengagement financier de l'Etat.
Il a indiqué que l'application des conventions internationales exigeait
de "repréciser" le système de formation et
d'accélérer la formation continue pour la certification de tous
les marins au commerce.
Il a plaidé pour une certaine "stabilisation" des formations et une
cohérence entre l'investissement pédagogique et les formations,
notant que l'école de Nantes, la mieux dotée en matériel
pédagogique, devrait perdre les formations des officiers de haut niveau.
Il a souligné que l'alternance des cours théoriques et de la
navigation en mer ainsi que l'association étroite au milieu
professionnel constituaient d'excellents aspects de la formation maritime.
Il a déclaré que les débouchés étaient
nombreux pour les élèves des écoles maritimes, surtout les
élèves officiers, qui avaient par ailleurs, après quelques
années de navigation, de bonnes chances de reconversion à terre.
Il a conclu que l'investissement public dans une formation
spécialisée, parfaitement identifiée, dont les
résultats en termes d'insertion professionnelle étaient
excellents, se trouvait ainsi pleinement justifié.
M. Alain Lambert, rapporteur général,
s'est
déclaré satisfait de constater que les marins français,
amenés à résoudre tous les problèmes pouvant se
poser en mer, soient recherchés pour leurs qualités dans d'autres
secteurs professionnels à terre, comme le secteur hospitalier.
M. René Ballayer
s'est fait l'écho des propos tenus par
l'épouse de M.Eric Tabarly, navigateur récemment
décédé, sur la faiblesse de l'engagement de la France en
faveur de la politique maritime.
M. René Régnault
a fait observer que si certaines
personnes se posaient la question du maintien d'un réseau d'enseignement
spécifique en matière de formation maritime, pour un nombre
réduit d'élèves, il était difficile de trouver les
mêmes qualités dans l'enseignement général et de
telles perspectives d'emplois à la fin de la scolarité des
élèves.
M. Christian Poncelet
,
président
, s'est interrogé
sur les raisons pour lesquelles la France avait cédé son paquebot
"Le France", dont l'exploitation paraissait aujourd'hui rentable.
M. René Régnault
a regretté que la France se soit
séparée d'un de ses plus beaux paquebots, au moment même
où s'amorce un renouveau en faveur du tourisme de croisière.
La commission a alors donné acte au rapporteur des conclusions de sa
communication et a décidé
d'autoriser leur publication sous la
forme d'un rapport d'information.