2. L'exécution des peines de prison
Les
peines de prison sont exécutées de manière très
variable et l'on doit s'inquiéter d'une véritable
inégalité devant l'exécution des sanctions
prononcées.
En effet, le juge d'application des peines, conformément à
l'article D49-1 du code de la procédure pénale, a pleine
autorité pour l'exécution des peines. Il peut donc les moduler,
les raccourcir, voire les supprimer en fonction de l'attitude du
délinquant et de l'infraction qu'il a commise ainsi que de la situation
carcérale de son ressort. Ainsi, les condamnations à moins de six
mois de prison ferme par le Tribunal de grande instance de Lyon ne sont jamais
exécutées en l'état.
Les juges d'application des peines disposent également de nombreux
instruments pour atténuer les peines : possibilités de
substitution des modalités d'exécution, de suspension ou de
remise de peines, procédures dilatoires, etc.
En outre, pour les peines d'une durée inférieure à un an,
le recours au juge d'application des peines (JAP) entraîne parfois un
délai : celui-ci a un mois pour traiter l'extrait de jugement. En
pratique, il y a une tolérance de deux mois, au-delà de laquelle
le Parquet peut faire exécuter la peine lui-même.
Enfin, il peut arriver que la surcharge d'un service d'exécution des
peines d'une juridiction enregistre des retard considérables dans la
prise en compte effective des sanctions prononcées.
Le classement des affaires semble donc intervenir à chaque maillon de
la chaîne pénale :
- dès que l'infraction a été commise, si la victime
est fataliste, dissuadée, mal informée, etc...
- au moment de leur dépôt, si les plaintes sont
enregistrées en "main courante" ou portées contre X ;
- au moment de leur réception par le bureau d'ordre.
Par ailleurs, même si l'affaire est poursuivie, elle risque de s'enliser
au tribunal avant d'être jugée. Enfin, pour être effectif,
le jugement devra être exécuté.
Or, on peut légitiment s'interroger si cette multiplication des
"classements sans suite" à chaque étape de la procédure
judiciaire ne reflète pas un dysfonctionnement grave des services de
l'Etat.
En effet, l'impression retirée par votre rapporteur de l'ensemble des
entretiens qu'il a eus avec les services de police, de gendarmerie et de la
Chancellerie ainsi qu'avec de nombreux magistrats pourrait être
caricaturée de la manière suivante : les services de police
et de gendarmerie sont peu incités à recueillir les plaintes et
à élucider les affaires car ils savent que ces dernières
vont être classées sans suite. Le Parquet n'a pas
intérêt à poursuivre car il sait que l'affaire ne sera pas
jugée avant des mois, voire des années. Quant au juge du
siège, même s'il apporte une réponse dans un délai
raisonnable à l'affaire dont il est saisi, il sait que
l'exécution du jugement est très incertaine.
Ces dysfonctionnements devraient inciter chaque intervenant à
redéfinir son action en collaboration avec les autres services pour la
rendre plus efficace. Certes, le manque de moyens et de personnel constitue un
obstacle au fonctionnement régulier de la justice, mais il peut
également inciter chaque partenaire à réfléchir sur
les moyens de dépenser mieux, car autrement, les crédits mis
à sa disposition.
Pourtant, votre rapporteur a eu le regret de constater que si certaines
initiatives locales ont permis d'apporter, à moyens constants, une
réponse judiciaire adaptée aux nouveaux phénomènes
de délinquance à travers le traitement en temps réel et le
développement de la troisième voie, les résistances ne
sont pas négligeables.