CONCLUSION
A
l'issue de ce rapide panorama de l'industrie française et
européenne, il est permis de faire preuve d'un peu moins de pessimisme
que nous n'en aurions éprouvé voici encore dix-huit mois.
L'intérêt désormais porté par les institutions
communautaires au secteur industriel, le retour de la croissance en Europe, les
avancées spectaculaires récentes sur le terrain de l'Union
économique et monétaire sont autant d'atouts pour que soit enfin
forgée une politique industrielle et commerciale porteuse d'espoirs pour
l'avenir.
Toutefois, en dépit de certains succès marquants, l'industrie
européenne souffre : elle perd ses emplois, elle régresse en
termes de parts de marchés notamment face à ses concurrents
asiatiques ou américains, elle se positionne insuffisamment sur les
segments mondiaux les plus innovants
. Or, nous ne pouvons l'ignorer,
l'Europe n'aura sa place dans le monde qu'en s'appuyant sur un socle industriel
performant et compétitif
. Elle y trouvera également le moyen
de créer de véritables emplois, les emplois industriels
étant un élément déterminant pour la
création d'emplois de service nombreux. Que peut faire l'Union pour
renforcer ce pôle essentiel pour son avenir ?
Notre délégation propose quatre grandes orientations qui
pourraient être utilement mises en oeuvre et qui se rapportent à :
- l'Euro dans un nouvel ordre monétaire international ;
- une meilleure défense des intérêts de l'Union ;
- la recherche de la compétitivité industrielle européenne
;
- la mise en oeuvre de politiques d'accompagnement.
*
1. La
première piste de réflexion s'impose d'elle-même en
constatant
l'urgence de la définition d'un meilleur ordre
monétaire international.
La création d'une monnaie unique est un atout considérable qui
supprimera désormais les désordres internes qu'ont pu causer, par
le passé, les dévaluations compétitives au sein même
de l'Union européenne. La crise asiatique et, partant, la forte
dévaluation des monnaies, dont le yen, qui en a résulté
seront lourdes de conséquences en matière de commerce
international. L'Europe doit impérativement faire entendre sa voix en
plaidant pour l'élaboration d'un meilleur ordre monétaire
international.
*
2. Le
deuxième angle d'attaque devrait s'attacher à
la
défense des intérêts de l'Union sur le plan international.
En effet, la prolifération d'accords commerciaux à laquelle nous
assistons rend sa démarche trop opaque tant pour les Parlements
nationaux que pour les acteurs économiques et ce manque de
visibilité nuit à sa compréhension et à sa
crédibilité. De surcroît, des négociations
menées sans cadrage politique préalable, sans évaluations
économiques sérieuses et sans réelle concertation entre
les différentes institutions européennes -l'Uruguay Round et,
plus récemment, le NTM et l'AMI- produisent, sur le plan international,
un effet désastreux et conduisent à des situations de blocage
extrême qui ne sont pas constructives. Pour être efficace, l'Union
doit savoir parler d'emblée d'une seule voix, les négociations du
GATT l'ont, par le passé, clairement démontré.
Il semble donc essentiel d'obtenir :
• la
définition d'une politique claire
et d'un cadrage
précis
dans la conduite des négociations internationales de
l'Union, dans le respect indispensable des règles du jeu institutionnel
: c'est bien au Conseil qu'il appartient de donner à la Commission les
mandats nécessaires à l'ouverture des pourparlers commerciaux et
non à celle-ci de prendre des initiatives qui seront mal ressenties,
quel que soit leur degré de pertinence ;
• la
négociation d'accords équilibrés
dans
lesquels il soit procédé à une juste appréciation
de l'équilibre et de la réciprocité des échanges,
de l'intérêt particulier de l'Europe et des conséquences
qui résulteront de ces accords sur les économies des Etats
membres ;
• un
contrôle effectif
du respect de ces accords,
éventuellement au prix de recours juridictionnels auprès des
instances européennes ou internationales compétentes ;
• la définition de
procédures
" anti-dumping "
au moins aussi performantes que celles
pratiquées par nos partenaires commerciaux, notamment américains
: le recours à des pratiques commerciales déloyales ne peut
être justifié par aucun argument, pas même celui qui, de
manière pernicieuse, considère que les consommateurs
européens peuvent y trouver avantage. Lorsque l'industrie
européenne subit les effets de tels comportements, ce sont aussi les
salariés-consommateurs qui en pâtissent, à plus ou moins
longue échéance. Aussi, notre Délégation appuie la
suggestion du Gouvernement français de créer une agence
indépendante pour le contrôle des actes de dumping, qui aurait le
mérite de " dépolitiser " les procédures.
*
3. Le
troisième thème d'action de l'Union
pourrait
privilégier la compétitivité de son industrie
et
notamment imposer :
• un meilleur usage de la
politique de concurrence
européenne qui sache se départir de ses tendances à
privilégier le contrôle des conditions internes de concurrence
pour se préoccuper davantage de la concurrence avec le reste du monde.
L'Union doit désormais accepter de ne plus s'opposer à la
constitution, en son sein, de groupes industriels de taille mondiale,
affrontant la concurrence internationale à armes égales ;
• une évaluation de la
compétitivité de
l'industrie européenne
, ce qui suppose à tout le moins
d'avoir la volonté politique de procéder de façon
permanente à ce type d'appréciation et donc de disposer de
séries statistiques complètes et rapidement disponibles ;
• la définition de politiques de
recherche et, en particulier,
de recherche-développement
qui puissent se situer à un niveau
au moins équivalent à celui mis en oeuvre chez nos principaux
concurrents mondiaux et le soutien de choix de projets innovants, directement
utilisables pour l'industrie et essentiels pour sa compétitivité.
*
4.
Enfin, le quatrième axe d'intervention tiendrait à
la mise en
oeuvre de politiques internes d'accompagnement
pour aider au
développement industriel européen en insistant en particulier sur
:
• la prise en compte de la dimension industrielle dans la
définition de la politique régionale européenne pour la
période transitoire 2000-2006 et la
mobilisation des fonds
structurels
en faveur d'investissements industriels productifs susceptibles
d'aider à l'amélioration de la situation globale de l'emploi ;
• la nécessité de mettre en oeuvre des mesures favorisant
le développement accru du tissu de
petites et moyennes
entreprises
industrielles tout à la fois pourvoyeuses d'emplois et
essentielles à un aménagement du territoire harmonieux ;
• la prise en compte des besoins de l'industrie dans la
formation des
jeunes
et, notamment, le développement de l'apprentissage et de la
formation en alternance.
*
* *
Au-delà de la nécessaire affirmation de la
volonté industrielle de l'Europe et des institutions communautaires, les
gouvernements nationaux ont un rôle majeur à jouer dans ce combat.
Ainsi que l'a indiqué le Président de la République lors
de sa conférence de presse du 16 avril dernier,
" une forte
ambition européenne doit aller avec une grande ambition
nationale "
. Les handicaps français -
" trop de
dépenses publiques, trop d'impôts, trop de bureaucratie ",
on pourrait ajouter
" trop de déficits "-
exigent d'être corrigés, à la veille d'une année
cruciale pour l'Europe, pour ramener la France dans la moyenne
européenne.
C'est à nous qu'il appartient de renforcer notre
compétitivité, de valoriser l'excellente formation de nos
ingénieurs, de savoir retenir les jeunes diplômés qu'une
trop forte fiscalité peut conduire à l'expatriation, d'adapter
notre législation sur les fonds de pension pour que notre capital
industriel ne soit pas progressivement acquis par ces structures anglo-saxonnes.
L'Europe a fait, le 2 mai 1998, le choix de l'Euro : dans un marché
unique, doté d'une monnaie unique qui constituera un avantage
fondamental à valoriser, et d'un dispositif de convergence qui a fait la
preuve de son efficacité, la France ne doit pas être
" l'exception négative ". L'époque où il
était de bon ton d'accuser l'Europe d'être à la source de
tous nos maux est désormais révolue.
Il incombe à la France de procéder aux réformes
nécessaires pour faire face aux enjeux de la construction
européenne. Il lui revient également de peser sur les
décisions communautaires dans le sens des orientations
préconisées par le présent rapport.