2. Une politique perfectible
Au cours des dernières années, la politique communautaire de la concurrence a fait l'objet de nombreuses critiques. On a parfois eu le sentiment que la mise en oeuvre des règles de concurrence prévalait sur toute autre considération et singulièrement sur la prise en compte des préoccupations industrielles. Dès 1993, dans un rapport sur ce sujet, notre collègue Maurice Blin observait qu'" à la limite, il est permis d'affirmer que la politique de concurrence, telle qu'elle est menée aujourd'hui, conduit à créer des distorsions de concurrence à l'encontre des entreprises européennes " (70( * )) . De fait, la politique de concurrence, qui dépend presque exclusivement de la Commission européenne, semble parfois être conduite de manière indépendante des autres politiques communautaires. L'absence de règles de concurrence au niveau mondial peut en outre pénaliser les entreprises européennes, soumises pour leur part à des règles très strictes.
a) Stabiliser les pouvoirs de la Commission européenne
La
conduite de la politique communautaire de la concurrence repose presque
exclusivement sur la Commission européenne qui dispose, comme on l'a vu,
de prérogatives très étendues. Pour une large part, elle
est chargée de définir les règles applicables,
enquête sur les manquements éventuels et prend les
décisions à l'égard des entreprises fautives. En
matière de concentrations, elle peut accepter ou refuser une
opération, mais choisit parfois d'autoriser une concentration en
imposant des conditions plus ou moins lourdes aux entreprises concernées.
Au cours d'une audition devant la Délégation de
l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, M. Franck Borotra,
alors ministre de l'Industrie, de la Poste et des
Télécommunications, avait évoqué le cas des aides
d'Etat, pour s'inquiéter "
des pouvoirs quasi-exclusifs que
détient désormais la Commission européenne dans ce domaine
puisque le Conseil s'est refusé à intervenir en la matière
et n'a jamais engagé la procédure, prévue par le
Traité, qui permettrait un contrôle politique des aides d'Etat. Le
ministre a déploré cette situation, d'autant plus
préjudiciable d'après lui, qu'elle mine la
légitimité de l'action de l'Union européenne en
matière de contrôle des aides nationales
"
(71(
*
))
. La question de l'étendue des
pouvoirs de la Commission européenne ne pouvait être
ignorée, alors même qu'à l'époque, elle souhaitait
obtenir un nouvel élargissement de ses compétences en
matière de contrôle des concentrations.
•
La réglementation de 1989
Dans ce domaine, la Commission européenne était compétente
lorsque :
- le chiffre d'affaires sur le plan mondial de l'ensemble des entreprises
concernées dépassait cinq milliards d'écus ;
- le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la
Communauté par au moins deux des entreprises concernées
dépassait 250 millions d'écus.
En revanche, la Commission européenne n'était pas
compétente, même lorsque les seuils étaient atteints, si
chacune des entreprises concernées réalisait plus des deux tiers
de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à
l'intérieur d'un seul et même Etat membre. C'est ce qu'on appelait
la règle des deux tiers.
•
La revendication de la Commission
En 1996, la Commission a proposé de ramener les seuils, respectivement
de 5 à 3 milliards d'écus pour le chiffre d'affaires mondial et
de 250 à 150 millions d'écus pour le chiffre d'affaires
communautaire. Elle souhaitait en outre abaisser encore davantage les seuils
lorsque l'application des dispositions nationales impliquerait l'examen, dans
au moins trois Etats membres, d'une opération de concentration.
Si cette dernière proposition pouvait paraître acceptable, dans la
mesure où elle était susceptible d'éviter des
décisions contradictoires de la part des autorités nationales,
l'abaissement général des seuils ne semblait guère
justifié. La charge de travail de la Commission européenne en
matière de concurrence est désormais considérable. Le
nombre d'affaires (tous domaines confondus) est passé de 1.081 en 1994
à 1.472 en 1995. Cette évolution est largement imputable à
l'élargissement de l'Union européenne, mais il serait peu
raisonnable d'élargir encore le champ de compétences de la
Commission qui a résolu en 1995 le même nombre d'affaires qu'en
1994.
Notre Délégation s'était opposée, le 17
décembre 1996, à cet élargissement des compétences
de la Commission en matière de concentrations au motif qu'il existait en
France un contrôle de la concurrence performant pour les
opérations de concentration qui n'atteignent pas les seuils
communautaires. Cette répartition des tâches entre les instances
communautaires et nationales lui paraissait conforme au principe de
subsidiarité.
•
Les nouvelles dispositions
Le nouveau règlement sur le contrôle communautaire des
concentrations, adopté par le Conseil en juin 1997(
72(
*
)),
est entré en vigueur le 1er
mars 1998 et modifie sensiblement le régime établi en 1989, sans
toutefois satisfaire entièrement les demandes de la Commission.
L'abaissement des seuils a été accordé non pas
systématiquement mais seulement lorsque l'opération de
concentration concerne au moins trois Etats membres. En outre, ce texte a pour
effet d'étendre la portée du contrôle et la
compétence exclusive de la Commission à de nouvelles
opérations : transactions sans dimension communautaire lorsqu'elles ont
des effets significatifs dans plusieurs Etats membres, opérations
concernant toutes les entreprises communes de plein exercice atteignant une
dimension communautaire.
L'équilibre ainsi réalisé parait satisfaisant : en
augmentant les concentrations soumises aux règles impératives et
à la procédure stricte du contrôle communautaire, ce
nouveau règlement devrait offrir aux entreprises concernées une
flexibilité moins importante que par le passé mais une
sécurité juridique accrue.
b) Mettre la concurrence au service de l'industrie
Au-delà des pouvoirs détenus par la Commission,
le
problème essentiel qui se pose aujourd'hui est celui de la
manière dont est conduite la politique de la concurrence. Dans son
dernier rapport sur la politique de la concurrence en 1995, la Commission
européenne fait valoir que
" la politique de concurrence et la
politique de compétitivité ne sont [...] pas antinomiques ;
au contraire, elles poursuivent les mêmes objectifs, c'est-à-dire
créer les conditions indispensables au développement et au
maintien d'une industrie communautaire performante et concurrentielle,
améliorer sans cesse la qualité des produits et des services
offerts aux citoyens européens et assurer la stabilité de
l'environnement économique " (73(
*
))
. On ne peut qu'approuver cette
affirmation, mais les décisions prises en matière de concurrence,
et particulièrement dans le domaine des aides d'Etat, montrent que la
compétitivité de l'industrie européenne passe parfois au
second plan.
Signalons tout d'abord que,
contrairement à une idée
reçue, la France ne fait pas partie des Etats membres qui aident le plus
leurs entreprises.
Au cours d'une audition devant la
Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée
nationale, M. Franck Borotra, alors ministre de l'Industrie, avait ainsi
observé que
" sur la période 1990-1992, la France a
accordé 800 écus par personne employée, contre 1.090
écus en Allemagne, 1.165 en Italie et 1.513 au Luxembourg. Il a
précisé que ces montants prenaient d'ailleurs en compte, pour la
France, les aides à l'exportation, ce qui n'est pas le cas pour
l'Allemagne " (74(
*
))
.
La Commission européenne reconnaît cet état de fait et a
formulé d'intéressantes observations sur le niveau des aides dans
l'Union dans son quatrième rapport sur les aides d'Etat dans le secteur
des produits manufacturés et certains autres secteurs de l'Union
européenne :
" abstraction faite de la Grèce, les
niveaux d'aide les plus élevés sont observés en Italie et
au Portugal. Ces pays se situent bien au-dessus de la moyenne communautaire,
l'Italie ayant même relevé son niveau par rapport à la
période précédente, alors que le Portugal a fortement
réduit le sien. La Belgique et le Luxembourg sont
légèrement au-dessus de la moyenne communautaire, et la France,
l'Irlande et les Pays-Bas, légèrement au-dessous.
[...] La situation en termes d'aides rapportées à la valeur
ajoutée est plus ou moins confirmée par les statistiques des
aides par personne employée. Ici, les nouveaux Länder allemands
pris séparément se situent bien au-dessus de tous les Etats
membres, suivis par l'Italie. La Grèce, le Luxembourg, la Belgique et
l'Irlande sont au-dessus de la moyenne communautaire. Le chiffre très
élevé enregistré par les nouveaux Länder allemands
s'explique à la fois par les aides considérables accordées
par la Treuhand et par une forte baisse du nombre de salariés. La
France, l'ancienne Allemagne de l'Ouest et les Pays-Bas se situent bien
au-dessous de la moyenne communautaire et le groupe des donneurs d'aides les
plus modérés comprend maintenant, par ordre décroissant,
le Danemark, le Portugal, le Royaume-Uni et l'Espagne " (75(
*
))
.
On a parfois le sentiment que la Commission européenne souhaiterait en
fait la disparition totale de ces aides.
L'Etat peut-il aujourd'hui
s'abstenir d'aider son industrie pour lui permettre de demeurer
compétitive dans le contexte de la mondialisation ?
Il serait
angélique de répondre par l'affirmative à cette question,
a fortiori lorsqu'on constate que tous les pays partenaires de l'Union
soutiennent, de fait, leur industrie nationale. La politique communautaire de
la concurrence doit être mise en oeuvre en prenant en
considération un ensemble de facteurs économiques et sociaux.
Ainsi, l'attitude de rejet de la Commission européenne à
l'égard du plan d'aide en faveur du textile, mis en oeuvre en juillet
1996 par le Gouvernement français, a paru critiquable. Ce plan avait en
effet pour objectif de faire face aux conséquences sur la
compétitivité des entreprises françaises des
dévaluations conduites par certains Etats membres de l'Union
européenne entre l'été 1992 et la mi-1995. Il constituait,
en outre, un élément de la politique de l'emploi en
prévoyant des allégements de charges sociales dans le secteur du
textile, du cuir, de l'habillement et de la chaussure, en contrepartie
d'engagements précis des entreprises pour la sauvegarde de l'emploi,
l'embauche de jeunes ou l'aménagement de la réduction du temps de
travail.
Et, de fait, son efficacité s'est trouvée confirmée par
une stabilisation des effectifs et l'emploi de 7.000 jeunes
supplémentaires.
Or, la Commission européenne refuse toujours de tenir compte des
distorsions de concurrence provoquées par des manipulations
monétaires et s'oppose aux aides d'Etat, dès lors qu'elles
revêtent un caractère sectoriel.
La préservation de
l'industrie et de l'emploi dans la Communauté paraissent insuffisamment
prises en considération dans les décisions arrêtées
en matière de concurrence.
Certes, une fois les emplois
supprimés, la Commission européenne propose d'intervenir par
l'intermédiaire des Fonds européens pour favoriser la
reconversion des salariés, mais on ne peut qu'être dubitatif sur
le caractère pleinement satisfaisant de cette manière de faire.
Il est aujourd'hui indispensable d'avoir une vision d'ensemble des politiques
communautaires pour prendre les décisions en matière de
concurrence. L'absence de prise en compte de considérations
industrielles ou sociales affaiblit les entreprises européennes face
à la concurrence mondiale. L'absence de coordination entre politique
structurelle et politique de la concurrence conduit, quant à elle,
à des distorsions de concurrence parfois considérables à
l'intérieur même de l'Union.
Il est clair qu'une politique de
concurrence au niveau communautaire est indispensable, à condition
qu'elle ne nuise pas à la compétitivité des entreprises
européennes, sur le marché communautaire d'une part, sur les
marchés internationaux d'autre part.
Mis en cause sur ce sujet, M. Karel Van Miert, commissaire à la
concurrence, a d'ailleurs défendu, à plusieurs reprises, sa
politique anti-trusts contre la critique essentielle de ne pas tenir compte de
la mondialisation de l'économie et de la concurrence internationale
à laquelle se heurtent les firmes européennes
.
Devant la Commission économique et monétaire du Parlement
européen, par exemple, il a récemment
(76(
*
))
affirmé qu'il lui appartenait de
veiller à l'existence d'une concurrence réelle, que
n'autoriseraient pas la constitution de monopoles ou l'intervention d'aides
d'Etat.
On a parfois le sentiment d'une totale incompréhension entre les
autorités européennes et le monde productif.
c) Obtenir l'instauration d'un cadre international
Un autre
problème ne peut désormais plus être ignoré :
celui de l'absence de règles de concurrence au niveau mondial.
L'Union européenne est dotée de règles de concurrence
précises, appliquées de manière rigoureuse par la
Commission européenne. En l'absence de réciprocité, ces
règles peuvent être un sérieux handicap pour les
entreprises européennes sur les marchés mondiaux.
Devant la
Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union
européenne, M. Franck Borotra avait également
évoqué le cas de la construction navale, rappelant :
" ... que l'Union européenne avait signé, dans le cadre
de l'OCDE, un accord extrêmement déséquilibré, qui
autorisait les Etats-Unis à maintenir, pour partie, leur arsenal
protectionniste. Bien que les Etats-Unis aient refusé de ratifier cet
accord, la Commission européenne persiste dans sa volonté de
mettre en oeuvre le démantèlement concédé à
Washington de notre dispositif de soutien " (77(
*
)).
Au cours de son audition par notre Délégation, Sir Leon Brittan,
Commissaire chargé des relations économiques extérieures,
reconnaissait l'insuffisance de la situation actuelle :
" Si nous avons
les moyens d'un dialogue renforcé avec d'autres autorités de
concurrence, ceci ne garantit pas toujours notre entière satisfaction
avec les règles qui sont d'application dans d'autres économies
importantes, ni même avec la manière dont ces règles sont
appliquées par nos partenaires. Il en résulte à la fois
l'incertitude pour nos hommes d'affaires qui veulent agir sur des
marchés extérieurs et fréquemment des tensions entre
nous-mêmes et certains de nos partenaires. On peut dire que beaucoup des
problèmes récents en matière d'accès aux
marchés du Japon, par exemple, qu'il s'agisse du marché des
pellicules photographiques ou des automobiles, sont des problèmes de
politique de concurrence plutôt que des questions d'obstacles
traditionnels aux échanges internationaux ".
Au cours des dernières années, les institutions communautaires
ont pris conscience des risques que comportait cette situation. Elles ont
entrepris de renforcer les liens entre autorités chargées de la
concurrence. Un accord a ainsi été signé avec les
Etats-Unis le 23 septembre 1991. Toutefois, ces accords bilatéraux
ne peuvent permettre de résoudre tous les problèmes.
En 1995, un groupe d'experts a formulé, à la demande du
commissaire chargé de la concurrence, un certain nombre de
recommandations. Ce groupe a en particulier estimé que la
création d'une autorité de concurrence internationale
n'était guère réaliste à court ou moyen terme. Il a
en revanche proposé l'élaboration d'un cadre de
coopération plurilatéral qui inclurait tous les
éléments figurant déjà dans les accords
bilatéraux, auxquels s'ajouterait une batterie de règles de
concurrence minimales ainsi qu'un mécanisme de règlement des
différends
(78(
*
))
. A la suite
de ces propositions
, la Commission européenne a publié une
communication intitulée :
" Vers l'établissement d'un
cadre international de règles de concurrence " (79(
*
))
,
par laquelle elle exprime sa
préférence pour la définition de règles
internationales dans le cadre de l'OMC
plutôt qu'au sein
d'organisations telles que l'OCDE ou la CNUCED. Pour la mise en oeuvre de ce
cadre de concurrence, la Commission estime qu'il conviendrait de
procéder par étapes afin d'éviter un blocage des
négociations. Elle suggère une approche en quatre phases :
- adoption d'une
structure de concurrence interne :
les membres de
l'OMC s'engageraient dans un premier temps à garantir l'existence de
règles de concurrence de base et des instruments nécessaires pour
les mettre en oeuvre ;
- adoption de
règles communes :
les membres de l'OMC pourraient
s'efforcer d'identifier des principes communs et de les faire adopter au niveau
international ;
- création d'un
instrument de coopération entre les
autorités responsables de la concurrence :
des dispositions
pourraient être mises au point concernant la notification,
l'échange d'informations et la coopération entre les
autorités responsables de la concurrence ;
- règlement des différends : l'OMC est d'ores et
déjà pourvue d'un
mécanisme de règlement des
différends.
" Ce mécanisme pourrait s'appliquer
lorsqu'un pays, par exemple, omet de mettre en place une structure interne de
concurrence ou lorsque, dans un cas particulier, il ne réagit pas
à une demande d'intervention en vue de faire respecter le droit de la
concurrence présentée par un membre de l'OMC ".
Ces pistes de réflexion sont intéressantes si elles peuvent
être rapidement concrétisées. En l'absence d'un cadre
international de concurrence, les entreprises européennes, qui subissent
au sein de l'Union des règles de concurrence très strictes, ne
peuvent bénéficier de telles règles lorsqu'elles
souhaitent s'implanter sur certains marchés étrangers. Dans le
contexte de la mondialisation, la politique de concurrence n'a de sens que si
elle s'applique de la même manière à tous, tant au sein de
l'Union qu'à l'extérieur de celle-ci.
Or, le commissaire chargé de la concurrence, M. Karel Van Miert,
reconnaissait le 21 avril dernier que
" la création d'une
autorité internationale investie de pouvoirs d'investigation et de mise
en oeuvre dans le domaine de la concurrence n'était pas
faisable "
actuellement. Evoquant les prochaines négociations
de l'OMC, il a souhaité que soient prioritairement
négociés les domaines où un consensus peut être
rapidement dégagé (fixation des prix, parts de
marchés,...) tout en étudiant en parallèle les
thèmes les plus conflictuels, comme celui des monopoles (
80(
*
)
). En tout état de cause, ces
discussions ne sauraient aboutir avant 2003.
d) Assurer le bon fonctionnement du marché intérieur
La
constitution d'un marché unique aurait eu, selon la
Commission
(81(
*
))
, les effets
positifs suivants :
- création de 300.000 à 900.000 emplois
supplémentaires ;
- augmentation supplémentaire du revenu dans l'Union de l'ordre de 1,1
à 1,5 % sur la période 1987-1993 :
- taux d'inflation inférieur de 1 à 1,5 % à ce qu'il
aurait été en l'absence de marché unique ;
- renforcement de la convergence et de la cohésion entre les
différentes régions de l'Union.
En matière industrielle, il en serait résulté un
renforcement de la concurrence entre entreprises, une
accélération du rythme des restructurations -donc une
amélioration de la compétitivité-, une extension de la
gamme des produits offerts à des prix moins élevés, une
plus grande rapidité des livraisons transfrontalières et une
mobilité accrue des travailleurs au sein de l'Union.
Toutefois, si le marché unique constitue un atout pour améliorer
les performances des entreprises européennes, sa pleine
efficacité suppose que son fonctionnement ne soit pas entravé par
des imperfections ou des mesures prises au niveau national et qui en faussent
le jeu.
Interrogé sur ce point par votre rapporteur, M. Denis Kessler,
Vice-président du CNPF, signalait ainsi, parmi d'autres, plusieurs
dysfonctionnements à effet pervers sur l'industrie
européenne :
- le recours aux
dévaluations compétitives
;
- les distorsions provoquées par
la concurrence fiscale et sociale
entre Etats membres
: qu'on se souvienne ainsi de l'émotion
suscitée par l'annonce, en janvier 1993, du transfert de l'unité
de production de la firme Hoover de Dijon en Ecosse, où les conditions
sociales lui étaient plus favorables, délocalisation qui a
fondé les critiques à l'encontre du "
dumping
social
" pratiqué par le Royaume-Uni
(82(
*
))
;
- l'utilisation parfois abusive de l'article 100 A, paragraphe 4, du
traité qui autorise l'adoption de mesures nationales plus rigoureuses
que celles arrêtées au niveau communautaire dans le
secteur de
l'environnement
;
- la transposition de directives européennes différente suivant
les pays, notamment dans le domaine des marchés publics, ainsi que la
possibilité de recours plus ou moins facile pour les entreprises des
autres pays membres. C'est ainsi que, le 25 juillet 1997, la Commission a
poursuivi la procédure d'infraction pour manquement au droit
communautaire contre huit Etats membres ayant mal transposé plusieurs
directives touchant à la politique industrielle
(83(
*
)).
Consciente des imperfections qui demeurent dans le bon fonctionnement du
marché intérieur, le commissaire européen en charge de ce
dossier, M. Mario Monti, a récemment présenté un nouveau
plan d'action destiné à lever les derniers obstacles d'ici au
1
er
janvier 1999
(84(
*
))
. Ce document, qui a été
soumis aux chefs d'Etat des quinze pays membres lors du sommet d'Amsterdam de
juin 1997, a développé les objectifs suivants, auxquels on ne
peut que souscrire :
- assurer l'application effective du droit communautaire dans les Etats
membres ;
- promouvoir le développement d'un environnement fiscal plus
cohérent ;
- abolir les entraves qui subsistent dans certains secteurs (services
financiers, droit des sociétés, propriété
intellectuelle, commerce électronique) ;
- compléter le dispositif nécessaire à l'abolition des
obstacles à la libre circulation des personnes.
Le Conseil " Marché intérieur " du 30 mars 1998 a
pris note de l'état d'avancement de ce plan d'action : en dépit
de progrès significatifs, il semble que des retards importants soient
à déplorer sur le calendrier préfixé.