2. Limites de la politique de soutien
La
France consacre dans le cadre du Compte de soutien aux industries de programmes
près de 1 milliard de francs en 1997. Le reflux, que l'on a pu
constater récemment, apparaît sans conséquences graves,
mais on peut douter de la pérennité du système mis en
place en 1992.
Recul de la production audiovisuelle en 1997
Après publication par le Centre National de la Cinématographie
d'un premier bilan de la production audiovisuelle pour 1997, la presse s'est
peut-être un peu rapidement fait l'écho d'un chiffre
brut marquant une baisse de la production de 19 %.
Cette affirmation masque une réalité qui doit être
expliquée avec rigueur.
Tout d'abord, on constate qu'après la réforme du Compte de
soutien de 1995, le volume de la production audiovisuelle aidée par le
Centre National de la Cinématographie a augmenté de
manière importante. Si ce volume apparaît en baisse en 1997, il
reste cependant à un niveau supérieur à ce qu'il
était au début des années 1990 :
2 144 heures aidées en 1997, contre 1 411 heures en
1993, 1 270 heures en 1994, mais 2 153 heures en 1995,
année de la réforme du Cosip.
De plus, les apports financiers des diffuseurs sont restés quasi
équivalents en 1996 et 1997, à plus de 2,6 milliards de
francs.
Or, l'année 1997 a été manifestement une année de
transition dans la production d'émissions de fiction. Ce sont
essentiellement les commandes de sitcoms et de fictions légères
de fin d'après-midi qui ont été fortement réduites,
notamment sur TF1, diffuseur traditionnellement le plus engagé en faveur
de ce format.
En réalité, les chaînes commandent toujours autant de
fictions lourdes pour le " prime time ", le total de leurs
investissements est équivalent à celui des autres années,
voire supérieur pour certaines d'entre elles. En 1997, 44,5 % des
oeuvres de fiction commandées par TF1 avaient un coût horaire
moyen supérieur à 4,5 millions de francs/heure contre
18 % en 1996. La proportion correspondante est pour France 2 et
France 3 de 86 % (73 % en 1996), et pour Canal + de
80 % (55 % en 1996). Au total, 264 téléfilms de
90 minutes ont été tournés en 1997, contre 226 en
1996.
Parallèlement, on voit se manifester les premiers signes de l'adaptation
de l'appareil de production français au marché
international : les chaînes de télévision
réorganisent leurs grilles de programmes pour 1998, et de grosses
commandes de fiction sont en cours pour France 2, TF1 et Canal +,
après appels d'offres. Ces commandes sont destinées à
mettre à l'antenne des séries aux formats internationaux de 52 et
26 minutes pour le prime time.
En 1998, le volume des fictions commandées par les chaînes devrait
donc fortement augmenter, en raison de cette nouvelle orientation et retrouver,
sinon dépasser, le niveau de 1996 en volume.
On a pu remarquer également que, bien qu'encore insuffisants, les
investissements étrangers sont cependant en hausse par rapport à
1996 : 169 heures ont été coproduites
internationalement, et les apports correspondant s'élèvent
à 311 millions de francs, soit 8 % de plus qu'en 1996 et
concernent les séries aux formats internationaux de 52 minutes pour
"Highlander", ou 26 minutes pour "Robin des Bois", par exemple, produites
par Gaumont et Dune.
Toutefois, les volumes de production de fiction des chaînes
françaises restent inférieurs à ceux de leurs homologues
anglaises, et surtout allemandes, qui, depuis de nombreuses années, ont
adopté sur les standards internationaux les formats des séries en
soirée.
Une adaptation souhaitable
Le système français de soutien à la production
audiovisuelle va devoir s'adapter à un environnement, à la fois
plus libéral et sans doute moins favorable sur le plan financier. Telle
est la conviction de votre rapporteur au regard des évolutions
technologiques et commerciales en cours :
-
1?
Un virage libéral
va devoir être
" négocié ", qui devra faire une place accrue aux
mécanismes classiques de financement au détriment des
méthodes administratives : sans doute devra-t-on s'orienter vers
une autre définition des critères de répartition du compte
automatique pour favoriser les entreprises qui visent d'emblée le
marché international et mettre en place une " ingénierie
financière " appropriée, comportant tout un ensemble de
procédures faisant intervenir des prêts bonifiés, des
mécanismes de garantie et surtout de capital risque.
2? Les ressources pourraient évoluer moins favorablement, pour toute une série de raisons :
• D'abord, on ne peut exclure une certaine régression de la part de marché des producteurs sur leur marché domestique . Si cette faiblesse est encore masquée en France par l'application d'une réglementation plus contraignante que la directive Télévision Sans Frontières , l'abandon récent, par anticipation sur l'évolution législative, du conventionnement des chaînes pour la diffusion par câble et satellite, montre la fragilité technique et politique des protections réglementaires ;
• Ensuite, les flux, sur lesquels sont assises les ressources du Cosip et, en particulier, les dépenses publicitaires, pourraient évoluer moins favorablement soit du fait de la montée de dépenses comme celles de parrainage actuellement non soumises à la taxe, soit en raison de l'émiettement de la manne publicitaire entre des supports multiples comme Internet, sortant du champ d'application du système d'aide.
-
• Enfin, on ne peut exclure, à long terme, qu'en dépit de
l'ajournement de la négociation sur l'A.M.I., l'exception culturelle et
la préférence communautaire, qu'elle justifie, ne soient battues
en brèche et que cela n'augmente le nombre d'ayants droit au
mécanisme de soutien.
Le plan de soutien à la production audiovisuelle
Le système français de soutien à la production audiovisuelle présente trois avantages :
• Il est déclenché par les investissements des diffuseurs, ce qui évite le financement de programmes sans débouchés ;
• Les divers paramètres retenus pour le calcul des aides prennent prioritairement en compte les dépenses effectivement réalisées en France, qu'elles soient techniques (personnel, prestataires) ou artistiques (auteurs, comédiens).
• Sa distribution est essentiellement automatique (plus de 80 %), mettant ainsi les entreprises de production à même de prévoir leurs financements, de négocier avec leurs clients et leurs partenaires coproducteurs sur des bases claires.
D'autre part, par le jeu des coefficients pondérateurs dans le calcul du financement, il a été possible d'encourager particulièrement le secteur de l'animation, devenu premier en Europe avec 40 % de la production, et celui du documentaire. Le bilan est donc largement positif.
Les faiblesses du système d'aide français concernent les points suivants :
-
• L'automaticité du soutien ne permet pas toujours de l'adapter
aux situations particulières, notamment pour tenir compte des
différences entre diffuseurs. C'est pourquoi une réforme est
à l'étude. Elle permettra aux producteurs travaillant pour les
chaînes thématiques d'accéder à un soutien
majoré dès lors que les capacités d'investissement de
celles-ci sont moindres.
Les genres d'oeuvres éligibles, fiction, animation, documentaire sont parfois trop limités au regard de l'évolution des nombreuses chaînes thématiques, dont l'essentiel de la programmation est orienté vers les magazines ou le spectacle vivant. Des aménagements du soutien sélectif devraient pouvoir répondre à ce problème. Un plan de soutien à la production audiovisuelle avait, du reste, été annoncé par Madame la Ministre à la fin du mois de septembre 1997 à Cannes.
Ainsi, plusieurs mesures avaient été annoncées en faveur des entreprises ; leur mise en oeuvre est aujourd'hui réalisée ou sur le point de l'être :
• Les comptes automatiques traditionnellement mis à disposition des producteurs en mai ont été notifiés fin février, améliorant ainsi de plusieurs mois la trésorerie des sociétés, la valeur du point servant de base aux prévisions financières ayant, quant à elle, été annoncée aux professionnels mi-janvier ;
• Les mesures d'encouragement à la production pour les chaînes du câble et du satellite, dont le régime de taxation a été normalisé pour le 1er janvier 1998, ont fait l'objet d'un décret modifiant le compte de soutien et permettront aux producteurs de bénéficier à la fois d'aides plus importantes et d'y accéder avec des contraintes de financement par les diffuseurs moins lourdes. En outre, les subventions aux programmes audiovisuels consacrés au spectacle vivant seront encouragées.
On note cependant que l'aide mise en place en 1995, par le Centre National de la Cinématographie, aidant les producteurs et les distributeurs à commercialiser leurs programmes à l'étranger ne connaît encore qu'un développement bien modeste.
Cette aide est destinée à financer en partie le doublage, le sous-titrage et éventuellement le reformatage des oeuvres ainsi que la fabrication d'instruments de promotion (plaquettes, bandes de démonstration...).
En 1995 et 1996, 50 % des aides ont été attribuées à des oeuvres de fiction et 45 % aux documentaires. Le doublage représentait 39 % des aides et les documents promotionnels, 20 %. En 1997, 2 millions de francs ont été attribués pour 80 programmes.
La faible utilisation de ce mécanisme a conduit le Centre National de la Cinématographie à réagir ; à l'aide d'une campagne d'information importante à la fin de l'année 1997, et d'un aménagement des modalités d'attribution de ce soutien, 140 dossiers ont été déposés dès la première commission de 1998, et 1 million de francs a ainsi pu déjà être attribué, sur un budget global de 6 millions de francs. Le Centre National de la Cinématographie travaille à la définition de critères permettant d'améliorer ce système, notamment au titre des aides au reformatage des fictions et des documentaires, pour mieux répondre aux besoins du marché international.
Ces adaptations viennent en complément des actions présentées dans le cadre d'un plan ambitieux de réforme de l'action audiovisuelle extérieure, qui se propose notamment de renforcer les moyens de TFI dans le cadre d'une redéfinition des rôles des différents acteurs de la présence extérieure de la France.