A. LA CONVERGENCE ET SES DANGERS

Le terme de convergence a été utilisé par le Livre Vert de la Commission du 3 décembre 1997 (Com 97/623 final) pour qualifier une situation caractérisée :

• soit par " la capacité des différentes plates-formes à transporter des services essentiellement similaires " ;

• soit par " le regroupement des équipements grand public comme le téléphone, la télévision et les ordinateurs personnels. "
En d'autres termes, par suite de l'évolution technologique, un même contenu peut être mis à la disposition du public au moyen de supports très divers ; inversement, une même infrastructure, une même plate-forme peut indifféremment distribuer différents types de données, qu'il s'agisse de texte, d'image ou se sons.

La bataille est mondiale. Au-delà des mouvements en cours en Europe, - dont il a été largement rendu compte dans le rapport de la commission de finances du Sénat sur les crédits de la communication audiovisuelle pour 1998 - , il convient - pour comprendre la situation - de se tourner vers les États-Unis, le plus vaste marché du monde, sur lequel viennent de commencer de grandes manoeuvres mettant aux prises des géants hors de proportion avec les entreprises européennes.

1. Les nouveaux services

La diffusion numérique, qui améliore considérablement la qualité de l'image télévisée, tire parti des techniques de compression pour multiplier les programmes disponibles, tout en offrant une véritable interactivité au téléspectateur.

Mais la notion de " nouveaux services " reste, comme l'admet le Livre Vert de la Commission, assez floue. En réalité, ce sont moins les services eux-mêmes qui sont nouveaux, que la façon, globale et massive, selon laquelle ils sont fournis.

De nouvelles possibilités techniques

La Commission fait référence à la notion de " nouveaux services " sans chercher à lui donner une " quelconque définition juridique précise ". A l'origine de la révolution numérique, se trouvent les techniques de compression d'images. La première conséquence en est l'augmentation de capacité en terme de nombres de chaînes. Corrélativement, l'augmentation des performances des logiciels permet de banaliser les équipements des consommateurs grâce aux décodeurs.

Le progrès technique permet d'atteindre un haut niveau de qualité des signaux audio et vidéo sur un ensemble d'infrastructures de réseaux différents. En fait, les nouveaux services, notamment pour la télévision, résultent soit de phénomènes nouveaux en eux-mêmes, soit d'inflexions importantes des possibilités antérieures :

• apparition de bouquets de programmes qui comportent un nombre croissant de chaînes thématiques. Ils vont atteindre des niveaux de segmentation de l'audience encore plus petits, en même temps qu'ils permettent la transmission de combinaisons de données d'images fixes ou mobiles ;

• développement de " quasi-vidéo à la demande " et de " paiement à la séance ", (diffusion de films ou retransmission d'événements) ;

• diffusion de données multimédias permettant le transfert de programmes informatiques, jeux vidéos, fichiers de données et accès direct à Internet.
Internet est " le moteur principal et symbolique de la convergence ", selon la Commission, sans doute parce qu'elle veut y voir un modèle de développement décentralisé et dérégulé souhaitable, de son point de vue, pour l'ensemble de la communication.

Mais, Internet est surtout symbolique, parce qu'il renvoie à un mode de consommation et à une offre diversifiée et globale qui témoigne d'une conception universelle de la satisfaction des besoins de communication.

Une offre globale

Si un certain nombre d'alliances, de joint ventures , et de fusions sont horizontales (entre entreprises situées au même niveau de la chaîne de production et de diffusion), les acteurs les plus importants de la convergence des marchés pratiquent l'intégration verticale. Pour la Commission, la fusion verticale doit être considérée " comme l'indicateur le plus significatif d'un changement des structures de l'industrie en réponse au phénomène de convergence ".

La France n'échappe pas à ce phénomène, ainsi qu'en témoigne la restructuration de groupe Générale des Eaux.

L'opération d'absorption d'Havas par la Compagnie Générale des Eaux (CGE) peut se justifier au nom de la convergence entre les télécommunications, l'audiovisuel, l'édition et le multimédia. " Les tuyaux sans contenu, ça sonne creux ", a déclaré M. Jean-Marie Messier.

De ce point de vue, le principe de l'opération est simple : proposer aux 4,3 millions d'abonnés à Canal + et aux clients de l'opérateur du câble, Numéricâble, des abonnements au téléphone fixe (Cegetel) ou mobile (SFR). Le président-directeur général de la CGE souhaiterait également alimenter les futurs services en ligne par la presse gratuite, les fonds éditoriaux d'Havas Publications Édition, qui contrôle notamment Larousse, Nathan, Le Robert, Plon, Julliard et Laffont. L'avenir est, pour le président de la CGE, " à la maîtrise des accès, aujourd'hui le téléphone, le câble et le satellite, demain le Web TV ", tout en développant " des services ciblés à valeur ajoutée ".

Dans la foulée de la libéralisation des télécommunications, des tests sont en cours, notamment à Annecy, pour vérifier si une duplication des abonnements serait possible. Si l'idée de convergence est bien dans l'air du temps, son efficacité commerciale doit encore être prouvée. Il est trop tôt pour savoir si cette idée de convergence peut se concrétiser rapidement, selon quel processus, pour quel coût et selon quels profits.

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