I. LES ENJEUX DU NUMÉRIQUE

La généralisation des technologies numériques au niveau de la production, d'abord, puis des moyens de diffusion ensuite, s'est traduite par une explosion du nombre de chaînes ; il existait quatre chaînes nationales numériques, il y a dix ans en France ; aujourd'hui, on en compte plus de quatre-vingt en sus des chaînes hertziennes.

Mais ce bond quantitatif est également un bond qualitatif. Nous sommes entrés pleinement dans la société de l'information, une société faite de réseaux interconnectés. Nous bénéficions d'une certitude, celle d'assister à un phénomène de convergence en déplorant toutefois beaucoup d'incertitudes sur les modalités de l'évolution.

En lançant une conférence audiovisuelle sur " Les défis et opportunités à l'ère numérique ", la Commission européenne et la Grande-Bretagne - profitant de sa présidence de l'Union européenne - ont mis l'accent sur le thème de la convergence dans l'espoir, à peine dissimulé, de relancer le processus de déréglementation.

Cette conférence, qui s'est tenue du 6 au 8 avril 1998 à Birmingham , sous le patronage notamment de BT et Cable & Wireless, deux géants des télécommunications britanniques, a été l'occasion d'une intervention remarquée du magnat australo-britannique, Rupert Murdoch : " Nous sommes pour le changement et le progrès, pas pour le protectionnisme. Nous sommes pour la libre circulation des ressources, l'un des buts de Jacques Santer, pas pour protéger les monopoles locaux. Nous sommes pour une compétition vigoureuse, pas pour des distorsions de marché. "

Les propos échangés lors de la conférence de Birmingham apparaissent comme les premières retombées du Livre Vert sur " La convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l'information ", élaboré sous l'autorité de Martin Bangemann, commissaire européen chargé des télécommunications et adopté en décembre 1997.

Les discussions de Birmingham ont montré qu'il n'y avait pas " convergence sur la convergence ". En effet, ce terme, qui se veut fédérateur s'applique à des évolutions dont on peut penser qu'elles ne seront pas nécessairement convergentes :

•  La première est d'ordre technique. Elle résulte du développement des technologies numériques qui permettent à des supports différents de transporter des signaux et des services analogues ou du moins concurrents ;

•  La seconde est de type capitalistique. L'ampleur des investissements nécessaires dans les modes de transport - on dit couramment les " tuyaux " -, les incertitudes sur les choix qui seront faits par le marché - et donc les risques encourus - encouragent les opérateurs à se regrouper et à s'adosser à de grands groupes de télécommunication ou d'informatique ;

•  La troisième est de nature commerciale. Les techniques mises en service et les regroupements entre opérateurs permettent d'envisager un système d'accès commun - " guichet unique de facturation " -, pour des services tels que téléphone, Internet ou télévision, même si ceux-ci sont reçus par des terminaux techniquement différents.
On voit bien que l'intérêt des gros opérateurs, issus notamment des télécommunications, est de s'abriter derrière une prétendue nécessité technique pour tenter d'obtenir l'abandon de toute réglementation des contenus, c'est-à-dire de toutes entraves au développement de leurs activités industrielles. Il y a là une confusion, volontairement entretenue, qui tend à minimiser les risques non négligeables d'une convergence non maîtrisée.

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