b) La mobilisation stratégique du gouvernement allemand
La
volonté d'être le premier en Europe en l'an 2000
D'un point de vue historique, l'Allemagne souffrait encore, dans les
années 1970, d'un important retard dans le domaine des biotechnologies,
conséquence de la fuite des cerveaux au temps du national-socialisme et
de l'hostilité d'une partie de l'opinion publique à la
génétique. Le renforcement de la législation sur les
recherches sur les organismes vivants en 1990 avait quant à elle
poussé certaines entreprises à délocaliser leurs
activités de recherche outre-Atlantique.
Prenant conscience de l'enjeu économique que représentent les
biotechnologies, le gouvernement allemand a fortement réagi. L'objectif
actuel est clairement annoncé, notamment par la voix de son ministre
chargé de la science et de la technologie : " devenir leader
européen dans le secteur des biotechnologies en
l'an 2000 ".
Le dispositif réglementaire mis en place en 1990 a ainsi
été assoupli en 1993 ; un conseil de la recherche, de la
technologie et de l'innovation a été mis en place auprès
du chancelier fédéral ; des programmes
fédéraux importants ont été financés pour
développer le secteur.
Un document du ministère fédéral de la science, de
l'éducation, de la recherche et de la technologie explique ainsi
(à l'attention des investisseurs étrangers ?) le raisonnement du
gouvernement allemand :
"
le marché des biotechnologies est en expansion
Le chiffre d'affaires est de 50 milliards de DM, la part du marché
américain est de 50 %. La part de marché de l'Allemagne sur
le marché européen est de 26,5 %.
le contexte réglementaire allemand a été assoupli
La loi de 1990 a été amendée, le gouvernement allemand
entend simplifier la législation communautaire et envisage de simplifier
davantage les procédures d'approbation de la dissémination des
OGM (directive 90-220).
le secteur allemand des biotechnologies est en forte expansion
Le nombre de " start-up " de biotechnologies (entreprises innovantes
en création) est passé de 40 en 1994 à 300 en 97 en
Allemagne.
Le nombre d'employés de ce secteur devrait évoluer,
d'après une étude menée en 1996, de la façon
suivante :
1985 20.000 emplois privés
1996 20.000 emplois privés + 20.000 emplois du secteur public
2000 110.000 emplois dont 20.000 emplois publics
Conclusion
: Les avantages du site allemand pour les biotechnologies
(l'économie la plus productive d'Europe ; le premier pays
européen pour le développement et la production des hautes
technologies ; un secteur des biotechnologies en expansion ; des
infrastructures scientifiques remarquables...) "
Force est de constater que les programmes publics sont à la hauteur des
ambitions allemandes dans ce secteur.
Les programmes publics de soutien au développement des
biotechnologies
Biotechnologies 2000
Ce programme fédéral, mis en place pour la période
1989-1994 et reconduit jusqu'en 1997, bénéficiait (en 1996) d'un
montant annuel de financement de 335 millions de Deutsche Mark
(1,1 milliards de francs), par le biais d'un soutien aux
établissements de recherche extra-universitaire et d'un financement de
projets de recherche.
Les axes de recherche prioritaires étaient les suivants en 1996 :
MONTANT DES FINANCEMENTS DU PROGRAMME BIOTECHNOLOGIES 2000
PAR SECTEURS
Le
concours Biorégio
En octobre 1995, le gouvernement fédéral a lancé un
concours appelé Biorégio, dont le but était
d'accélérer le développement industriel des
biotechnologies en Allemagne. Le gouvernement entendait ainsi encourager la
coordination de toutes les sources de financement de
recherche-développement et la mise en place de pôles de
biotechnologies par création d'entreprises et développement de
synergies régionales dans ce domaine.
Ce concours a été organisé de la façon suivante :
1-
Appel à candidature et aide à la soumission de
projet
Pour cette première étape, les régions devaient formuler
leur stratégie et les objectifs de leurs recherches tout en faisant
état du potentiel biotechnologique régional. Le gouvernement a
soutenu financièrement les régions dans cette préparation
de leur projet (50 % des dépenses plafonnées à
100.000 DM). A la date du 30 septembre 1996, date limite de
dépôt des dossiers de candidature, 17 zones géographiques
avaient déposé leur dossier.
2- Résultats
Trois dossiers ont été sélectionnés par le jury
constitué de membres issus de l'industrie, de la recherche scientifique
et de syndicats. Les efforts faits par les candidats pour mobiliser du
capital-risque pour les biotechnologies ont constitué un des arguments
décisifs dans le choix des lauréats. Le
20 novembre 1996, le ministère fédéral de la
science et de la technologie a annoncé les résultats du concours.
Les trois régions lauréates étaient :
- la " Bioregio " Rhénanie,
- la " Bioregio " triangle Rhin-Neckar,
- le " Cercle d'initiatives en biotechnologie " de Munich.
(plus un prix spécial du jury, attribué à la Bioregio
Iena, nouveau Land).
Les trois vainqueurs constituent des régions modèles qui auront
pendant 5 ans, à partir de 1997 un accès privilégié
au budget du programme " Biotechnologie 2000 ". Une somme de
150 millions de DM au total leur est réservée durant cette
période. Ces moyens doivent permettre de mobiliser le plus possible de
financements privés (capital -risque notamment).
L'intérêt du concours a été surtout la
mobilisation très forte qu'il a suscitée dans les 17
régions candidates, qui sont devenues autant de pôles
régionaux coordonnés en matière de biotechnologies.
Une opinion publique qui reste partagée
Si le gouvernement allemand s'est donné les moyens de profiter
pleinement des retombées économiques positives liées au
développement des biotechnologies, l'opinion publique est, quant
à elle, plutôt méfiante, voire carrément hostile (le
parti Vert et des associations environnementales y sont farouchement
opposés). Les Etats fédérés ne semblent pas non
plus toujours, partager pleinement les objectifs du Gouvernement
fédéral sur ce point.
La précision des règles européennes d'étiquetage
est, comme en France, une revendication majeure des associations de
consommateurs.