1.2.2 Le Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres (CELRL).

Il a pour mission de mener une politique foncière de sauvegarde des espaces naturels les plus sensibles et les plus convoités sur le littoral et les rivages des lacs de plus de 1 000 ha. Son domaine s'étend à l'ensemble des cantons littoraux et aux communes riveraines de ces lacs 101 ( * ) , soit 11 régions, 26 départements, 495 cantons et 2360 communes. À ceci, il convient d'ajouter 7 régions et 16 départements « intérieurs ». En superficie, l'aire de compétence du Conservatoire couvre un peu plus de 4 milliards d'hectares en métropole.

Sa création a été proposée par le rapport Piquard, qui prenait exemple sur le National Trust britannique, et considérait que seule une maîtrise foncière permettrait une protection efficace des espaces naturels menacés.

L'ensemble des acteurs du développement du littoral dressent un bilan favorable de son action. Le débat porte moins sur son existence et sa mission, que sur la destination des terrains acquis par le Conservatoire.

Au 1er Janvier 1997, le Conservatoire a acquis 370 sites représentant 50 000 hectares et assurant la protection de 690 km de rivages (dont 541 km en rivages maritimes métropolitains).

Ces acquisitions représentent, entre 1976 et 1996, 1 612 MF 102 ( * ) en francs durants. Le Conservatoire possède 9,1 % du linéaire côtier (8,8 % du linéaire métropolitain) et 0,87 % de la surface correspondant à ses compétences.

Les terrains acquis par le Conservatoire sont dans la grande majorité des cas gérés par les collectivités territoriales (communes et départements). La surveillance des espaces du Conservatoire est effectuée par 130 gardes début 1997. Ce nombre augmente actuellement de dix par an.

Le fonctionnement du Conservatoire est assuré par 36 personnes, effectif qui n'a pratiquement pas varié depuis 1982. Du personnel supplémentaire est fourni par les départements. Les moyens financiers du Conservatoire consistent, pour l'essentiel, en une dotation budgétaire de l'État. Les collectivités locales assument la charge de la gestion des terrains du Conservatoire et, dans certains cas, les départements contribuent à leur acquisition.

L'État a manifesté sa volonté de maintenir sa dotation dans le futur à un niveau comparable à celui des trois dernières années. Les dotations en autorisations de programmes ont atteint 95 MF en 1980 et 1981, et, après une forte baisse, 135 MF en 1994. En francs constants, le budget d'investissement pour 1994 est inférieur de 29 % à celui de 1980.

Au cours des deux dernières années, l'action du Conservatoire a été l'objet de deux expertises : l'une de la Cour des Comptes, l'autre de l'OCDE 103 ( * ) .

La Cour des Comptes a notamment critiqué le mode de mise en valeur et de gestion des terrains acquis.

Selon la loi de 1975, la gestion des terrains acquis est confiée en priorité, si elles le demandent, aux collectivités territoriales. Le Conservatoire assure son rôle de propriétaire en prenant en charge les investissements. La Cour évoque deux cas pour lesquels le désengagement des collectivités responsables des terrains conduit à leur dégradation.

TABLEAU 5
DOTATION DU CONSERVATOIRE DU LITTORAL DE 1977 A 1996

Source : Conservatoire du Littoral

Lorsque les collectivités ne demandent pas à assumer cette responsabilité, le Conservatoire peut s'adresser à des associations spécialisées agréées à cet effet ou à des exploitants agricoles.

L'insuffisante mise en valeur du domaine propre du Conservatoire correspond à des lacunes dans les outils de gestion de ces sites. Actuellement, des plans de gestion n'existent que pour la moitié d'entre eux.

Le Conservatoire lui-même n'a pas les moyens d'un suivi permanent du fait de la faiblesse des effectifs de ses délégations régionales, ni de véritable capacité interne d'expertise et de conseil au gestionnaire. Une gestion active nécessiterait des moyens plus adaptés. Il y a aujourd'hui 130 gardes pour un peu plus de 300 sites, alors que les trois quarts justifieraient le recrutement de gardes à temps plein, et pour certains plusieurs gardes.

La Cour conclut ainsi :

« Les observations qui précèdent ne doivent pas ternir le bilan dans l'ensemble positif de l'action du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, qui a pu, avec des moyens limités, assurer la protection définitive de nombreux sites remarquables des côtes françaises. Sa politique d'acquisition devrait à l'avenir être conduite selon des priorités plus nettement définies, ce qui suppose que l'État assume pleinement son rôle dans l'application de la loi de 1986 sur le littoral. En outre, les objectifs de mise en valeur des sites et d'accueil du public deviennent désormais essentiels ; pour les atteindre, les outils et les méthodes de gestion des sites devront être adaptés, en concertation avec les collectivités intéressées ».

L'OCDE considère pour sa part que le Conservatoire du littoral apparaît comme une grande réussite de la France en matière de gestion des zones côtières, car il crée les protections fortes dont les espaces côtiers sensibles ont besoin face à la spéculation foncière et aux difficultés de faire appel aux outils réglementaires et de faire respecter les POS. Les acquisitions, après 20 ans, de 9 % du linéaire côtier et de 0,9 % de la zone de compétence potentielle du Conservatoire sont un premier succès important. Acquérir plus de 20 % du linéaire côtier est un objectif compatible avec les objectifs généraux d'une politique intégrée des zones côtières.

Le rapport de l'OCDE ajoute que si le taux d'intervention du Conservatoire était augmenté, il pourrait mettre hors d'atteinte un pourcentage de linéaire côtier égal ou supérieur à celui qui est urbanisé chaque année. D'une manière générale, il s'interroge sur le déséquilibre grave entre les moyens des organes chargés de préserver les zones côtières et ceux mis en jeu dans l'ensemble des processus fonciers et immobiliers.

La pertinence de la mission affectée au Conservatoire et son efficacité -compte tenu de ses moyens- ne sont donc pas remises en cause Objet, à l'origine, d'une certaine méfiance de la part des collectivités locales, le Conservatoire du Littoral a su tisser un réseau de partenariats associant services de l'État, collectivités territoriales et partenaires privés. L'efficacité de ce réseau est démontrée par la rareté des cas de contentieux impliquant le Conservatoire.

La gestion des terrains acquis apparaît comme le seul motif réel d'insatisfaction. Si les objectifs initiaux sont clairs (protection, mise en valeur et accueil du public), dans la pratique, nombreux sont les cas où ils sont inappliqués. On aboutit même à certaines aberrations, comme dans le cas, cité par le professeur Ramade, d'une parcelle de marais riveraine du Parc Naturel de Camargue, acquise par le Conservatoire, confiée à une collectivité qui en confie elle-même l'entretien à un paysan, lequel transforme la parcelle en rizière.

Au cours d'un atelier du Conservatoire, le délégué général de Rivages de France (l'association qui regroupe l'ensemble des gestionnaires de terrains appartenant au Conservatoire du Littoral) soulignait cette relative confusion dans la gestion effective des terrains : « Les gestionnaires en charge des terrains du Conservatoire sont très nombreux et le Conservatoire n'a aucun lien direct avec certains. C'est ainsi que, dans le Calvados par exemple, le Conservatoire a signé une convention de gestion avec le Syndicat mixte des espaces naturels, lequel syndicat a, à son tour, confié la gestion des différents terrains à des syndicats intercommunaux, à des communes, voire même à des associations. À ce dispositif déjà complexe, viennent se greffer des gestionnaires sectoriels comme les agriculteurs qui ont en charge une partie de la gestion sur une partie du site » 104 ( * ) .

On comprend que, dans ces conditions, il est difficile d'appliquer une stratégie d'ensemble, d'autant plus difficile à appliquer que la nature et la taille des terrains acquis sont extrêmement variables, et ne permettent pas toujours une véritable mise en valeur.

* 101 Ce domaine s'est progressivement élargi :

- par décret du 1er Septembre 1977, il s'est élargi aux départements d'Outre-Mer ;

- puis il s'est étendu aux communes littorales, au titre de la loi du 3 Janvier 1986 ;

- il a été étendu aux espaces limitrophes par la loi du 8 Janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages

- enfin, par décret du 23 Mars 1995, le Conservatoire peut intervenir à Mayotte.

* 102 À titre de comparaison, la ville de Paris consacre chaque année à ses espaces verts un budget de 1,2 milliard de francs.

* 103 dans le cadre de l'examen des performances environnementales de la France, Décembre I996

* 104 La gestion de l'estran (DPM) au droit des terrains du conservatoire devrait également être mieux prise en compte

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