1.2 Les moyens d'acquisition foncière de l'État et des collectivités
1.2.1 Acquisition foncière publique et protection
Il convient de ne pas assimiler acquisition publique et protection environnementale. Les interventions des pouvoirs publics n'ont pas forcément pour but la protection, et, sur le littoral, la création et les réalisations des missions Racine et d'aménagement de la côte aquitaine (MIACA) l'illustrent éloquemment 96 ( * ) .
Aux Pays-Bas, une stratégie de maîtrise foncière totale a pour premier objectif l'aménagement. Les collectivités locales sont en situation de monopole pour l'achat de tous les espaces naturels à transformer en terrain à bâtir, et les revendent après y avoir inclus l'ensemble des coûts des équipements nécessaires. Elles excluent ainsi toute possibilité de mitage, et la valeur des terrains reste proche de celle de l'espace agricole.
Le cas britannique est inverse, puisque ce sont des associations qui, grâce à des subventions de particuliers, sont parvenus à protéger une large partie des côtes du Royaume-Uni.
Pour en revenir au cas français, outre certains pouvoirs publics, des intervenants privés, notamment des associations, agissent spontanément en faveur de la protection de l'environnement, qui n'est donc pas un monopole public. Cependant, en raison des coûts d'une politique foncière, les capacités d'action de ces associations se révèlent très restreintes 97 ( * ) . Dans les faits, seuls les pouvoirs publics ont les moyens d'intervenir efficacement.
La propriété publique est dévolue à plusieurs usages 98 ( * ) . Il n'existe aucune raison de penser qu'il suffit qu'un terrain soit public pour qu'il soit systématiquement préservé.
Trois opérateurs publics, aux statuts très divers, ont développé une importante maîtrise foncière sur le littoral, avec comme objectif une mise en valeur environnementale :
- le CELRL détient 50 000 ha, soit près de 10 % du linéaire côtier métropolitain ;
- l'ONF, bien que moins connu comme intervenant, gère un patrimoine foncier appartenant à l'État, supérieur en superficie, et comparable en linéaire côtier, à celui du CELRL : 411 km de côtes relèvent du régime forestier (par ailleurs, l'ONF gère 77 km de côtes appartenant au CELRL) ;
- il convient d'ajouter à ces deux domaines 100 km de linéaire côtier acquis par les départements au titre de la Taxe Départementale sur les Espaces Naturels Sensibles.
C'est donc au total plus de 900 km de côtes qui sont ainsi protégés, soit près de 20 % du linéaire côtier 99 ( * ) . En considérant que ces propriétés correspondent à des zones non urbanisées ou mitées, c'est le tiers du linéaire côtier naturel dont la maîtrise foncière est assurée 100 ( * ) .
Au-delà de l'examen du mode de gestion développé dans ces espaces, l'objet de cette section est de déterminer :
- si cette maîtrise foncière a permis la préservation des espaces naturels de qualité ;
- si elle a constitué un handicap pour le développement économique des territoires concernés.
* 96 Au cours des années 60 et 70, les missions Racine (Languedoc-Roussillon) et MIACA (Côte d'Aquitaine), ont conduit, au nom de l'État, la réalisation d'ensembles touristiques.
* 97 Ainsi, depuis 1976, les Conservatoires Régionaux des Espaces Naturels, n'ont acquis que 10 000 ha, soit cinq fois moins que le Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres (depuis 1976).
* 98 Dans les années 50, Le Corbusier avait fait un plan d'urbanisme de la ville de la Rochelle. Ce plan prévoyait une ceinture verte sur l'ensemble des terrains publics non bâtis entourant la vieille ville. Quinze ans plus tard, il n'y en avait plus trace. Tout avait été urbanisé. Et, quand on examinait comment avait démarré le processus, on découvrait que c'était justement pour construire des bureaux de la DDE qu'avait été accordée la première dérogation.
* 99 Il faut prendre ce pourcentage avec prudence, car il ne précise pas sur quelle épaisseur... « En fait, l'épaisseur du rivage dépend des régions concernées et surtout de la zone d'injluence des activités qui s'y développent. Le rivage du pêcheur ou du conchyliculteur n'est pas celui du sidérurgiste. Le rivage du véliplanchiste n'est pas celui du météorologue. Le rivage ajoute à ses charmes de s'adapter à la conception de ceux qui le fréquentent ou l'utilisent... » D. Legrain.
* 100 À elle seule, l'ONF estime détenir 23 % de la partie non urbanisée de la façade atlantique, et 20 % pour la façade méditerranéenne.