2. Les mesures nationales
Une fois ces mesures adoptées par l'Union européenne, chaque État membre doit les appliquer. Les Gouvernements sont compétents pour prendre toutes les mesures nécessaires au respect de la législation européenne, en vertu du principe de subsidiarité 21 ( * ) . En France, les interventions de l'État n'ont concerné, pendant longtemps, que l'amont de la filière, pour assurer la modernisation de la flottille et lutter contre la diminution des ressources. Depuis la crise des années 90 et la mutation profonde que traverse ce secteur, le Gouvernement a pris conscience de la nécessité de restructurer l'ensemble de la filière
2.1 La gestion de la ressource
Les dispositions générales concernant la gestion de la ressource en France sont fixées par le décret n° 90-94 du 25 janvier 1990 « pris pour l'application de l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 modifié, fixant les conditions générales d'exercice de la pêche maritime dans les eaux soumises à la réglementation communautaire de conservation et de gestion » . Ce décret traduit en droit français les mesures fixées par l'Union européenne. Il instaure des mesures techniques pour réglementer l'accès à la ressource et limiter les captures.
a) Les mesures techniques
Ces mesures visent à assurer le renouvellement des ressources halieutiques et la protection des écosystèmes marins. Elles concernent pour l'essentiel :
- la fixation des caractéristiques des navires (longueur, puissance motrice, tonnage), dans certaines zones de pêche ou pour certaines espèces, par arrêté du préfet de région ;
- la limitation du nombre d'engins de pêche autorisés par navire ou par pêcheur, soit dans certaines zones, soit pour la pêche de certaines espèces ,
- la fixation des caractéristiques et des conditions d'utilisation des engins de pêche, la détermination des engins autorisés, la fixation du maillage des filets et de la longueur des filets dérivants ;
- la fixation de tailles minimales ou de poids minimum de commercialisation pour les principales espèces commerciales ;
- la détermination de zones de pêche (l'usage des filets remorqués est interdit dans la zone des 3 milles), détermination de réserves ou de cantonnements ;
- la fixation de périodes ou de temps de pêche, par zone ou par métier de pêche ;
- la fixation de périodes de fermeture de la pêche ;
- la limitation du nombre de navires (régime de licences, permis de mise en exploitation).
Ces dispositions peuvent être différentes suivant les régions. Ces mesures ne sont pas permanentes : elles peuvent être prises seulement pour une campagne de pêche et peuvent ne concerner que certaines espèces ou certains métiers de pêche
b) La limitation du volume des débarquements
Une fois les TAC (totaux admissibles de capture) fixés par le Conseil des ministres européens, ils sont répartis en quotas nationaux. La répartition dépend des captures des trois dernières années, des compensations accordées à certains États (Irlande, Grande-Bretagne) et du jeu des négociations entre les États membres. La France était globalement satisfaite des négociations sur les TAC et quotas 1997. La plupart des quotas sont restés stables, comme celui de l'anchois, de la langoustine ou du cabillaud en Manche et mer du Nord. Certains ont diminué légèrement, comme la sole : le quota de la France a perdu 310 tonnes. La commission européenne voulait fixer le quota de sole français à 3 665 tonnes, mais le ministre français des pêches a réussi à obtenir 4 955 tonnes. Le quota de baudroie a augmenté, de 23 480 tonnes à 26 100 tonnes. La commission a de plus en plus mal à se mettre d'accord avec les États membres et à faire accepter ses réductions de captures et de flottilles.
Ensuite le système d'allocation de ces quotas de pêche varie beaucoup d'un État à l'autre. En France, le décret du 25 janvier 1990 prévoit la répartition des quotas, par le ministre chargé des pêches, « pour une période donnée, par zones géographiques, par types de pêche, par groupements de navires ou par navire » . En pratique, c'est le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), sous la tutelle de l'État, qui répartit les quotas. Une commission « flottilles et quotas », qui regroupe des organisations de producteurs, des membres de l'organisation professionnelle et des administrateurs, a été créée à cet effet.
Le quota national pour une espèce est divisé en sous-quotas par façade maritime, à l'exception de la façade méditerranéenne, qui n'est pas concernée par les TAC. Les sous-quotas sont ensuite distribués par OP, groupe d'OP ou par quartier maritime. Les critères de partage sont les apports antérieurs et les caractéristiques des navires. Ces critères ne prennent pas suffisamment en compte le recul de la pêche industrielle par rapport à la pêche artisanale. Depuis quelques années, la flotte industrielle a fortement décliné. Les critères de partage des sous quotas ne sont pas renégociés chaque année : ils sont figés depuis le début des années 90 par décret, et continuent d'attribuer une part plus importante de quotas à la flotte industrielle, qui participe aujourd'hui pour moins de 40 % au volume des débarquements. Ceci a entraîné des conflits, ces deux dernières années, entre la FEDOPA (fédération des organisations de producteurs artisanales) et les organisations industrielles comme le FROM 22 ( * ) Nord ou le FROM Bretagne La FEDOPA remet en cause les bases de la répartition entre pêche artisanale et pêche industrielle et réclame de nouvelles règles de partage.
En France, il n'y a pas d'allocation individuelle par navire, contrairement à d'autres pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas et contrairement à ce que prévoit le décret du 25 janvier 1990. Une loi en préparation prévoit une allocation par organisation de producteurs pour certains stocks.
Au niveau communautaire, les TAC concernent 21 espèces. En France, seules 8 espèces sont réparties en sous-quotas : plie, sole, cabillaud, merlan, lieu noir, anchois, hareng et maquereau. Elles représentent 21 % de la production française. Il s'agit des espèces dont le quota est le plus fréquemment atteint, voire même dépassé. En 1994, seuls les quotas de sole et de maquereau ont été dépassés. Pour les autres espèces, les débarquements restent inférieurs aux quotas : ils ne sont donc pas répartis. Le Royaume-Uni est le pays le plus affecté par les surconsommations de quotas. Une fois le quota d'une espèce épuisé, la pêche doit en être interdite.
Le ministre chargé des pêches peut également fixer, par arrêté, des limitations de captures pour des espèces non soumises aux TAC et quotas, lorsqu'elles sont menacées de surexploitation, ou lorsque l'équilibre économique de la pêcherie est menacé. Les limitations de captures concernent aussi les prises accessoires, c'est-à-dire les espèces qui ne sont pas directement visées, mais qui se retrouvent prises dans les filets ou par les autres engins de pêche. Enfin, des plans de capture peuvent être mis en place par les organisations de producteurs ou les Comités locaux des pêches maritimes (CLPM) pour gérer les ressources. Dans la pratique, les restrictions de pêche mises en place par les OP ou les CLPM, ont souvent plus pour objectif de gérer les aléas de la production et du marché que de préserver la ressource. Par exemple, en mars 1996, face à la mévente et à la baisse des prix sous les criées du bar, les organisations de producteurs ont limité les captures à 2 tonnes par bateau. Même chose dans le port de Sète, où les débarquements de sardines sont limités, en été, à 3 tonnes par chalutier et par jour pour éviter que le cours de la sardine ne chute.
Enfin, la France est membre d'un certain nombre d'organisations internationales. Par conséquent, elle doit aussi prendre en compte les recommandations de ces organismes, comme celles de l'ICCAT (Comité international pour la conservation des thonidés de l'Atlantique) sur les captures de thons. L'ICCAT recommande, par exemple, pour le thon rouge, d'éviter les captures de poissons de moins de 1,8 kg (c'est-à-dire âgés de moins d'un an), de limiter les captures de thons de moins de 6,4 kg et de réduire de façon significative les prises par rapport aux niveaux de captures de 1993 et 1994.
2.2 La gestion de flottilles
Le Gouvernement français cherche à réduire l'effort de pêche, conformément aux POP européens et, en même temps, à assurer le renouvellement et la modernisation de la flottille de pêche française, pour garantir sa compétitivité.
a) L'application des POP et les sorties de flotte
La politique française s'inscrit dans le respect des Programmes d'orientation pluriannuels (POP) européens, instaurés en 1983. Les POP cherchent à favoriser l'adéquation entre les capacités de capture et le volume des ressources halieutiques disponibles, tout en assurant l'équilibre entre États membres. Le critère retenu est la puissance motrice globale exprimée en kW. Trois POP ont déjà été mis en place. Le POP I, couvrant la période de 1983 à 1986, a été peu respecté. Il avait pour objectif de stabiliser l'effort de pêche. Mais la puissance motrice des flottilles européennes n'a cessé d'augmenter durant cette période. Le POP II (1987-1991) a imposé des règles plus précises, afin de réduire l'effort de pêche : 3 % pour le tonnage et 2 % pour la puissance motrice.
Fin 1991, seuls 6 pays respectaient ces exigences : France, Allemagne, Italie, Danemark, Portugal, Espagne. Le Royaume-Uni, l'Irlande, les Pays-Bas et la Belgique étaient très en retard. En cas de dépassement, par un pays, des objectifs du POP, l'Union européenne bloque le versement des aides au renouvellement de la flotte. Ces sanctions ne sont pas suffisamment sévères ni dissuasives. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Irlande accordent très peu d'aides à l'investissement à leurs pêcheurs. Ils ne se préoccupent donc pas des conséquences financières de leur non-respect des POP. D'autre part, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, l'âge moyen des flottes de pêche est plus élevé. Les investissements portent davantage sur les équipements techniques des navires que sur la construction de nouvelles unités.
Le POP III (1992-96) était plus contraignant et tendait à segmenter la flotte par technique et par espèce. Fin 1996, la plupart des pays sont en retard par rapport aux objectifs du POP 3. La France avait un objectif de réduction de 771 341 kW. Fin 1996, il ne lui restait que 20 000 kW à retirer. En termes de réduction du tonnage, seuls quatre pays respectaient les objectifs du POP en 1996 : Danemark, Grèce, France et Portugal. Les pays les plus en retard étaient : les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Espagne, qui devaient encore retirer, en juillet 1996, respectivement : 88 737 tjb, 70 217 tjb et 28 707 tjb. En termes de puissance, quatre pays étaient encore en retard en juillet 1996 : les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Italie et la France Les deux premiers pays avaient encore plus de 100 000 kw à retirer et l'Italie 48 997 kw
En avril 1997, un quatrième POP (1997-2001) a été adopté par le Conseil des ministres, alors que la France et le Royaume-Uni ont voté contre. La France estime que les nouvelles réductions prévues par l'Union européenne ne prennent pas suffisamment en compte les efforts déjà fournis par certains États membres, les spécificités de chaque flottille et le fait que certains sous-exploitent leurs quotas de pêche, alors que d'autres les surexploitent. La France sous exploite une grande partie de ses quotas et une part importante de ses captures est constituée d'espèces qui ne sont pas visées par les objectifs de réduction de mortalité. Le POP IV s'appuie sur un rapport scientifique (Rapport LASSEN), une large consultation des professionnels et une étude d'impact. Il prévoit une nouvelle réduction de l'effort de pêche de 30 % pour les espèces qui montrent des signes d'épuisement et de 20 % pour les espèces en surexploitation (maquereau, merlu, baudroie, langoustine). Cela correspond à une diminution de la capacité de pêche française de 6 %, soit encore près de 60 000 kW. La puissance française est, aujourd'hui, de 991 561 kW.
En France, le mouvement de réduction de la flotte par l'application des POP a commencé en 1985. Entre 1983 et 1996, la flotte est passée de 11 660 à 6 509 unités, soit une réduction de 44 %. La puissance motrice a continué d'augmenter jusqu'en 1989. Depuis, elle a baissé de 17 %. Dès le deuxième POP, le régime des permis de mise en exploitation (PME) a été mis en place, par une décision du Comité central des pêches maritimes en septembre 1988, pour adapter l'évolution de la flottille aux objectifs du POP II. Les PME reposent sur un principe de numerus clausus. Ils contraignent les entrées de flotte à une sortie de puissance au moins équivalente. À partir de 1990, les PME permettent d'équilibrer les entrées et sorties de flotte en terme de puissance installée. Les sorties volontaires de flotte peuvent se faire suivant trois modalités : transfert vers une activité différente, exportation du navire vers un pays tiers ou démolition.
À partir de 1991, les PME sont accompagnés de plans de sorties de flotte qui visent à encourager les sorties de navires par le versement d'aides à l'arrêt définitif. Le plan Mellick, mis en place le 13 mars 1991, prévoyait la sortie de 100 000 kW (10 % de la puissance installée à bord des navires). Ce plan a concerné 975 navires. Ses résultats ne font pas l'unanimité. Le rapport d'évaluation de l'Ifremer 23 ( * ) montre qu'il a parfois permis d'éliminer des navires anciens pour racheter, par la suite, des navires plus performants. Dans un premier temps, le plan Mellick a donc eu un effet inverse de celui recherché. D'autre part, la réduction de la puissance motrice d'un navire ne suffit pas à réduire son effort de pêche. Il faut également tenir compte du progrès technique et d'autres facteurs. Ainsi, la puissance de traction d'un chalutier ne dépend pas que de la puissance du moteur, mais aussi du taux de réduction moteur/hélice, etc. Le fait est que le critère de la puissance des moteurs est le seul à être facilement contrôlable. Il y a donc un arbitrage à faire entre le degré de précision de la restriction de l'effort de pêche et la facilité de contrôle et d'application de cette restriction.
Depuis 1991, des plans de sortie de flotte sont redéfinis chaque année. En 1995, le plan a permis la sortie de 200 navires, dont 40 % de chalutiers, soit une réduction de puissance de 20 151 kW. Pour la réalisation de ce plan, l'État a versé 16,5 millions de francs, auxquels viennent s'ajouter 16 millions de francs de l'Union européenne, plus des aides régionales et départementales.
b) Les aides à la construction et à la modernisation
Parallèlement au versement des aides à l'arrêt définitif pour réduire l'effort de pêche, le Gouvernement français et l'Union européenne, dans le cadre de l'IFOP, accordent des subventions à la construction et à la modernisation des navires. Ces aides ont pour but de maintenir la flotte à un niveau satisfaisant de compétitivité et de performance par rapport aux flottilles étrangères. Même si l'Union européenne cherche à réduire les flottilles de pêche, il est indispensable d'assurer le renouvellement et la modernisation des unités restantes. Ces nouveaux navires doivent être plus polyvalents et plus sélectifs, donc plus respectueux des ressources halieutiques (possibilité de transférer l'effort de pêche d'une espèce sur l'autre, moins de captures de juvéniles, moins de rejets, etc.).
Les aides nationales à la construction ont considérablement diminué depuis 1992, tout comme les aides européennes. Pour 1995, les aides à l'investissement pour les flottes de pêche et les entreprises de culture marine, au chapitre 64-36 de la loi de finance, « Pêches maritimes et cultures marines
- Subventions d'équipement », se sont élevées à 25 millions de francs et 40 millions de francs avec les investissements à terre. Ces aides ont toujours été supérieures à 100 millions de francs jusqu'en 1991. D'ailleurs, de nombreux bateaux performants qui ont été construits dans les années 1986-1991 ne trouvent plus d'armateurs en raison des difficultés de la pêche. Pour le Gouvernement, il n'est plus justifié d'aider massivement à la construction et la modernisation des navires. Le marché de l'occasion doit être encouragé. Les aides à la construction ont même été gelées momentanément en avril 1996.
Évolution des subventions à la
modernisation
des entreprises de pêche (chapitre 64-36).
La flottille de pêche française semi-hauturière ou hauturière (supérieure à 25 mètres) est effectivement jeune et moderne. Mais ce n'est pas le cas pour les petites unités de pêche artisanale, qui représentent 80 % de la flotte de pêche française. En effet, 65 % des unités de 12-25 mètres ont plus de 10 ans d'âge et les moins de 12 mètres ont souvent plus de 25 ans. La flotte artisanale risque donc d'être confrontée très rapidement à un problème d'obsolescence.
On peut constater aussi qu'il y a un manque de transparence et de contrôle dans l'octroi des aides, principalement en raison du monopole du Crédit Maritime. Les prix des navires sont tellement élevés que les pêcheurs doivent beaucoup emprunter et fortement s'endetter. Ils sont obligés de passer par certains organismes prêteurs, qui sont aussi chargés de monter les dossiers d'aide. Les pêcheurs en deviennent dépendants. Un fileyeur de 12 m coûte environ 1,5 million de francs, un chalutier hauturier de 25 m : 12 millions de francs et un thonier de plus de 65 m : 75 millions de francs. Progressivement, seules les entreprises de pêche pourront acheter des navires et les patrons-pêcheurs artisans risquent de disparaître.
c) Les aides accordées au secteur des pêches
Avec la crise, la situation financière des armements est devenue préoccupante. Les fonds propres des navires étaient faibles et la part de l'endettement court et moyen terme était élevé. En 1993, le niveau moyen des fonds propres des 12-25 m était même négatif : -167 KF pour une dette totale de 1,6 million de francs. La crise a également montré que le cadre financier et comptable des entreprises était inadapté. Les défauts découlent du statut juridique de l'entreprise individuelle : absence d'obligation de constituer des réserves lors des années de forte activité et de haute rémunération, confusion des caisses et possibilité d'effectuer des prélèvements sur le compte de l'exploitant en sus de la rémunération du patron à la part
Face à ces difficultés et à la mobilisation des pêcheurs, en février - mars 1993, qui a conduit au blocage des gares et des aéroports dans le Finistère, à la destruction du pavillon de marée de Rungis et aux grandes manifestation de Quimper, Nantes et Bayonne, le Gouvernement français a dû prendre des mesures d'urgence exceptionnelles dans le cadre du contrat de progrès pour la pêche signé le 28 mai 1993. Ces mesures ont conduit au plan de restructuration financière de la pêche artisanale adopté en février 1995.
Les mesures adoptées se rangent en trois catégories
1/ Certaines ont apporté une compensation ponctuelle à la crise de 1992-93 :
- versement d'une aide compensatoire de 3 024 francs par marin embarqué, soit 42,5 millions de francs versés par l'État à 5 800 entreprises de pêche ;
- aide d'urgence aux familles de 10 millions de francs, versée en deux fois. Une somme d'environ 2 500 francs a été versée aux familles les plus en difficulté. Ces aides ont concerné entre 5 000 et 6 000 familles, en fonction de leurs revenus et du montant de leurs dettes.
2/ Certaines ont apporté un allégement des charges sociales :
- exonération totale des cotisations d'allocations familiales pour les salaires inférieurs à 1,1 SMIC et de 50 % pour les salaires compris entre 1,1 et 1,2 SMIC (soit un effort financier de 29 millions de francs). Ces exonérations ont concerné près de 7 000 marins ;
- réduction à 17,6 % du taux de cotisation ENIM de la part armatoriale des charges sociales pour les navires artisans de 12 à 25 m. Le taux était précédemment compris entre 18,55 et 25 %, soit un allégement de 30 % des cotisations patronales, représentant une dépense de 42 millions de francs. Cet allégement a concerné 1 500 navires. En mars 1994, cette mesure a été étendue à tous les autres armements de pêche. Les taux sont passés de 35,65 % à 17,6 %, soit une réduction de 50 % des charges sociales et une perte de recettes pour l'ENIM estimée à 104 millions de francs comblée par l'État ;
- allégement de 50 % des cotisations sociales des marins du 1 er janvier au 1 er juin 1994. Pour la pêche artisanale, mise en place le 1 er juin d'une caisse mutuelle de garantie des salaires (le compte épargne navire 24 ( * ) : 1,7 million de francs), permettant de garantir un revenu minimum de 5 000 francs aux pêcheurs. Cet allégement a représenté une dépense de 83,5 millions de francs ;
- réduction des cotisations sociales pour les navires de 10 à 30 tjb (tonneau de jauge brute) qui, mis en service avant 1986, étaient taxés en fonction de leur tonnage, soit une réduction de 17,3 % à 8,45 % pour les marins et de 16 % à 7,15 % pour le propriétaire. Cette mesure est survenue après juin 1994 et a représenté une dépense budgétaire de 5 millions de francs et a concerné 289 navires ;
3/ D'autres mesures ont enfin apporté un allégement des charges financières avec le contrat de progrès pour la pêche signé le 28 mai 1993 :
- réduction des charges financières, aussi bien pour la pêche industrielle que pour la pêche artisanale, avec le réaménagement des emprunts en cours, l'allongement de la durée des prêts bonifiés pour les plus de 12m jusqu'à 3 ans supplémentaires. Le taux des prêts bonifiés a été abaissé d'un point. Pour la pêche artisanale et l'équipement des ports de pêche, le taux est passé de 6 à 5 % et pour la pêche industrielle de 8 à 7 %. L'État a d'autre part pris en charge la bonification pour les prêts auparavant non bonifiés des plus petits bateaux, et a maintenu la bonification des armements industriels renégociant leurs prêts, pour un montant total de 240 millions de francs, au lieu des 180 millions initialement prévus ;
- renforcement des fonds propres des entreprises de pêche : 90 millions de francs financés par l'État à cet effet, et 90 millions par les régions ;
- versement du solde des crédits prévus pour la construction et la modernisation des navires (61 millions de francs débloqués).
L'objectif de ces mesures était de rétablir la situation financière des entreprises de pêche et de renforcer leur compétitivité. Certaines de ces mesures ont fait suite au rapport sur la situation financière des armements à la pêche artisanale, commandé par le gouvernement en 1994. Ce rapport, réalisé conjointement par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des services des Affaires maritimes, a montré que la situation financière de la pêche artisanale était très contrastée suivant les types de bateaux, les ports, les espèces pêchées et les métiers pratiqués. Les fileyeurs bénéficient d'une situation plus favorable que les chalutiers, car leurs charges fixes sont moins élevées. De même les chalutiers pélagiques sont en situation plus favorable que ceux qui pratiquent le chalutage de fond. Les charges fixes d'un chalutier de fond représentent 45,2 % de son chiffre d'affaires, soit
1 707 KF en 1993, contre 38,5 % du CA pour un chalutier pélagique, soit 1 110 KF et 32,2 % du CA pour un fileyeur, soit 1 055 KF en 1993. En outre, les navires orientés vers les espèces communes résistent moins bien, car ces dernières sont plus difficiles à valoriser
Le rapport conclut que les bateaux de moins de 12 mètres ne connaissent pas de difficultés particulières. Cette situation favorable provient d'une bonne valorisation des produits (il s'agit d'espèces de haute valeur marchande et de grande fraîcheur), de l'augmentation des captures de certaines espèces démersales, de la faiblesse des charges d'exploitation et du fait que les investissements initiaux ont été amortis. Pourtant, il s'agit d'une flottille assez âgée.
Pour la flotte des 12-25 mètres, la situation est plus difficile. Un quart des bateaux, soit 373 navires, connaît de réelles difficultés financières pouvant compromettre la pérennité de l'entreprise. Une centaine d'entre eux n'était plus viable après la crise et ces navires ont dû quitter l'activité. Pour ces 373 navires, le montant moyen de la dette totale était 2,8 millions de francs en 1993. 16 % de ces navires avaient un excédent brut d'exploitation négatif, 26 % un EBE inférieur à 5 % du CA et les autres : un EBE inférieur à 10 % du CA. Les frais financiers se situaient en moyenne à 80 % de l'EBE et même à plus de 100 % pour 37 % de ces navires en difficulté. Le rapport souligne qu'il y a une grande concentration géographique des navires en difficulté dans quatre départements principalement : Finistère (qui regroupe 40 % des navires en difficulté), Morbihan, Loire-Atlantique et Charente-Maritime. Les ports de Douarnenez, Concarneau, Le Guilvinec, Lorient et La Rochelle connaissent des difficultés importantes. En revanche, la situation est plus favorable en Méditerranée et dans le Nord. À la suite de cet audit, le "plan Puech" a été mis en place en février 1995.
d) Le nouveau plan de soutien pour la pêche artisanale, dit "plan Puech"
Il a été adopté le 16 février 1995. Il comporte quatre grandes séries de mesures, pour un montant total estimé à plus de 300 millions de francs par la Direction des pêches et des cultures marines, partagés entre l'État, les collectivités territoriales et le Crédit maritime.
- améliorer la situation des marins, en prolongeant la durée de prise en charge du chômage technique, lié aux intempéries et « avaries techniques » (45 millions de francs, pris en charge par l'État), en clarifiant les contrats d'engagement et la définition des charges communes, en étendant aux patrons-pêcheurs les mesures de cessation anticipée d'activité et d'allocation complémentaire de retraite (10 millions de francs) et en débloquant une nouvelle enveloppe pour les secours d'urgence aux familles sur crédits ENIM (10 millions de francs, soit 20 millions en tout pour les secours d'urgence depuis 1993) ;
- désendettement des armements en difficulté mais encore viables, pour les navires de 12-25m, acquis entre 1988 et 1991, ayant supporté une charge d'amortissement due à l'achat d'un navire ancien surcôté, par une prise en charge d'une partie du capital restant dû sur les prêts à l'acquisition. Le surcoût provient de l'instauration, entre 1988 et 1991, des permis de mise en exploitation (PME), qui obligeaient à racheter des navires anciens pour obtenir des kW à sortir de la flotte et avoir ainsi le droit de construire un bateau neuf. Ces PME ont entraîné un renchérissement du prix des navires anciens. L'aide, plafonnée à 1 million de francs, a représenté en moyenne 600 000 francs par navire. Elle a concerné 170 bateaux artisans. Pour les entreprises non viables, deux types de mesures d'apurement du passif ont été mises en oeuvre : en cas de cession du navire, prise en charge du passif hors fournisseur évalué après cession et exonération totale des plus-values ; en cas d'arrêt définitif du navire, apurement du passif hors fournisseur, quel que soit l'âge du navire ;
- conforter la situation des navires de moins de 12 m en allongeant la bonification des prêts bonifiés à 15 voire 18 ans au lieu des 12 auparavant. L'État prend en charge l'équivalent de 5 points d'intérêt pendant la période de remboursement de l'emprunt restant à courir, pour une durée maximum de 6 ans. Exonération des plus-values de cession ;
- allégement des charges portuaires, pour réduire les prélèvements au débarquement et à la première mise en vente. Le Préfet de région et les collectivités territoriales concernés doivent élaborer un plan pluriannuel de réduction des charges portuaires. Cet allégement est très variable selon les ports et leur organisme gestionnaire.
Depuis 1993, les efforts du Gouvernement pour soutenir la filière de la pêche ont été conséquents. Entre 1993 et 1996, les aides au secteur (aides au revenu, prise en charge d'intérêts bancaires, restructuration de la dette, apurement du passif ont représenté une dépense budgétaire pour l'État de plus de 800 millions de francs. En ajoutant toutes les aides pour l'exploitation des ressources ainsi que les aides aux secteurs de la commercialisation et de la transformation, ce sont 1,5 milliard de francs qui ont été dépensés par le Gouvernement pour la filière pêche, auxquelles viennent s'ajouter les aides européennes et les aides régionales.
Aides accordées aux marins-pêcheurs sur la
période 1993-1995
(en millions de francs)
Type de mesures |
Montant |
Nombre de familles concernées |
1/ Mesures ponctuelles |
||
- aide compensatoire de 3 024,00 |
42,5 |
5800 entreprises de |
francs par marin embarqué |
pêche |
|
- aide d'urgence aux familles en |
20 |
entre 5000 et 6000 |
difficulté |
familles de pêcheurs |
|
Total mesures ponctuelles |
62,5 |
|
2/ Aides financières |
||
- renforcement des fonds propres |
90 |
|
- bonification des taux d'intérêt |
347 |
|
- versement du solde des crédits |
61 |
|
prévus pour la construction et la |
||
modernisation des navires |
||
Total aides financières |
498 |
|
3/ Allégement des charges sociales |
||
- réduction des charges patronales |
42 |
7000 marins |
pour les navires de 12-25 m (de |
||
18,55 % ou 25 % à 17,6 %) |
||
- réduction des charges patronales |
104 |
1500 navires |
pour les autres armements (35,65 % |
||
à 17,6 %) |
||
- exonération des cotisations |
29 |
|
d'allocations familiales |
||
- allégement de 50 % des cotisations |
75 |
|
sociales des marins entre le 1er |
||
janvier et le 1er juin 1994 |
||
- réduction des cotisations sociales |
5 |
289 navires |
pour les navires de 10 à 30 tjb |
||
(17,3 % à 8,45 % pour les marins, |
||
16 % à 7,15 % pour le propriétaire) |
||
- création d'un compte épargne |
1,7 |
|
navire |
||
Total charges sociales |
256,7 |
|
TOTAL |
817,2 |
(Source Direction de l'ENlM et DPMCM)
2.3 L'organisation du marché
Les interventions en faveur du marché concernent les secteurs de la commercialisation et de la transformation, et visent à améliorer l'écoulement de la production en valorisant les produits de la mer. En France, la gestion du marché se caractérise par une large utilisation des mécanismes communautaires : les organisations de producteurs doivent favoriser la concentration et la structuration de l'offre, tandis que le système de prix de retrait doit soutenir les cours à la première vente. Cette politique est ensuite complétée par des mesures nationales orientées vers l'amélioration de la qualité des structures de commercialisation et des produits de la mer.
a) Les interventions à la première vente
Ces interventions, réalisées par les OP, marquent la spécificité française dans l'application de la PCP. Les organisations françaises ont une politique forte de soutien des cours sous criée, alors que dans d'autres États membres, comme le Royaume-Uni, elles sont plus orientées vers la ressource. Il existe 30 OP en France, dont 9 sont spécialisées sur une espèce ou un produit (élevage en mer, conchyliculture...). Les plus significatives sont les 21 structures représentant la diversité des pêches sous criées.
- Les mécanismes d'intervention :
Le système des interventions permet la fixation, pour un certain nombre d'espèces (dont la liste figure dans les annexes du règlement de base marché), de prix planchers au-dessous desquels les produits débarqués par les adhérents ne sont pas vendus, mais retirés du marché. Il existe deux mécanismes principaux d'intervention à la première vente selon les espèces et les conditions du marché : le retrait et le report.
Dans le cas d'une marchandise faisant l'objet d'un retrait, la destination des produits est fixée par l'organisation de façon à ne pas entraver l'écoulement normal de la production. Par « écoulement normal », il faut entendre la commercialisation en vue de la consommation humaine en circuit direct. Les poissons retirés du marché sont donc le plus souvent orientés vers l'alimentation animale, essentiellement sous forme d'huile ou de farine de poisson.
Certains produits, notamment ceux présentant un intérêt qualitatif, peuvent faire l'objet d'une transformation et d'un report sur un second marché, afin que leur réintroduction commerciale (dans un délai minimal de 2 semaines et maximal de 6 mois) n'entraîne aucune perturbation pour la distribution des produits frais
Une aide au stockage privé est également prévue pour les produits congelés à bord des navires, ainsi que l'octroi d'une indemnité compensatoire pour les thons livrés à la transformation. Enfin, des normes de compensation existent pour deux produits : les conserves de sardines et de thon.
Le niveau des prix de retrait dépend du type d'espèces concernées. Pour les espèces « communautaires » (annexe I A et D), qui représentent 73 % des retraits, les prix de retrait sont fixés par le Conseil des ministres européens de la pêche, avec une fourchette de #177;10 % laissée à l'initiative des OP. Ils sont compensés par l'Union européenne selon une règle de dégressivité en fonction du pourcentage des retraits par rapport à la production totale commercialisée par l'OP, dans la limite de 14 %.
Pour les espèces « régionales » (annexe VI), qui représentent 20 % des retraits, les prix de retrait sont définis sur la base d'une concertation des OP, et financés par l'Union européenne à hauteur de 75 % dans la limite de 10 % des quantités commercialisées. Pour les espèces « autonomes », les prix de retrait sont fixés par l'OP elle-même et financés sur ses fonds propres. Pour les reports sur les espèces « communautaires », l'aide est fixée dans la limite de 6 % des quantités mises en vente annuellement, et pour une durée maximale de 6 mois. Il peut également y avoir des aides au stockage privé ou des compensations financières exceptionnelles, en cas de retraits importants.
En France, le pourcentage des retraits calculé sur la base des débarquements dans les criées est de 5,8 %. Une grande partie des OP ont un taux de retrait supérieur, notamment les OP méditerranéennes, basques et vendéennes. La France est le seul pays à pratiquer le système des retraits de manière aussi large, alors qu'il ne fait pas l'unanimité au sein de la profession.
Quelle que soit la conception défendue pour le soutien des cours (retrait et/ou report), les OP françaises, dans leur grande majorité, ont mis en place des politiques contractuelles pour dépasser la stricte intervention à la première vente. Elles choisissent de s'engager dans un partenariat avec des intervenants en aval de la filière (secteur de la distribution et des industries de transformation) en établissant des contrats d'approvisionnement. Outre la commercialisation effectuée en criée, les producteurs disposent, en effet, de la possibilité de vendre leur pêche par le biais de contrats à prix déterminés. Il s'agit d'un moyen de limiter les aléas de la vente aux enchères et de donner aux pêcheurs une certaine indépendance par rapport aux mareyeurs. Il est difficile de chiffrer le nombre de ces contrats, ces procédures commençant à se développer. Ainsi, PROMA (organisation de producteurs Morbihan Finistère Loire-Atlantique) a passé un contrat concernant la livraison de sardines avec Saupiquet en 1993, contrat qui est reconduit chaque année. De même COOPARMOR (organisation de producteurs des Côtes d'Armor) a établi deux contrats concernant la coquille Saint-Jacques : l'un avec un conserveur de Douarnenez (Cobreco) qui concerne la moitié de la production de la baie de Saint-Brieuc et l'autre avec le transformateur Davigel pour environ 20 t de noix congelées. Ces contrats constituent un pré-achat sécurisant pour les producteurs sur des espèces dont la régularité des apports peut être maîtrisée. Il s'agit d'un moyen efficace de réguler et de stabiliser le marché des espèces saisonnières, tout en encourageant la transformation.
- Des choix stratégiques diversifiés
L'intervention des OP françaises, marquée par une priorité donnée à la première vente, n'est cependant pas uniforme dans toutes les structures. Les choix stratégiques peuvent être différents. L'existence de deux fédérations nationales révèle le principal antagonisme entre les OP dites « industrielles », souvent d'origine antérieure à l'Organisation commune des marchés, et les OP « artisanales ». Deux associations nationales, l'ANOP (Association nationale des OP) et la FEDOPA (Fédération nationale des OP à la pêche artisanale), fédèrent respectivement 8 et 13 OP. La FEDOPA est une structure récente, créée en 1989, pour représenter spécifiquement les intérêts de la pêche artisanale. Elle entrait alors en complément de l'ANOP, de création plus ancienne (1975), qui fédérait davantage les armateurs à la pêche industrielle.
Les OP, adhérentes à la FEDOPA, s'efforcent de limiter les retraits et la destruction en intervenant par l'intermédiaire de coopératives de mareyage, ou en procédant au stockage des produits retirés. La création des coopératives de mareyage avait pour objet de nuancer le jeu des éventuelles ententes des mareyeurs sous criée. Cependant, nombre d'entre elles, ainsi que leurs OP connaissent des difficultés financières, en partie due à des objectifs d'intervention surestimés, mettant en péril les seuils de rentabilité économique inhérents à toute structure de commercialisation 25 ( * ) . Au contraire, l'ANOP combine plus souvent ses interventions sur le retrait avec une politique de partenariat pour la commercialisation de certains produits. Les OP, adhérentes à l'ANOP, n'ayant pas réalisé le même niveau d'intégration vers l'aval de la filière, ne connaissent pas de difficultés financières majeures.
Cette distinction traditionnelle tend cependant à s'estomper, du fait d'un brassage accru entre pêcheurs adhérents, qu'ils soient industriels ou artisans. Les FROM comptent ainsi de plus en plus de producteurs artisans dans leurs rangs, alors que leur composante industrielle initiale était caractéristique. Réciproquement, les plus grandes OP artisanales s'ouvrent aux pêcheurs hauturiers et aux armements semi-industriels
b) Les actions en faveur de la filière
Le secteur des pêches en France se caractérise par une grande diversité dans les métiers de pêche, dans les espèces, dans les zones de pêche, dans les points de débarquement, etc. Il y a 1 500 points de débarquement en France, et 40 criées. L'offre y est donc très dispersée et atomisée face à une demande très concentrée. Les producteurs subissent le marché au lieu de l'orienter. Depuis la crise, le gouvernement français a pris conscience de la nécessité d'avoir une approche globale du secteur de la pêche, qui prenne en compte l'ensemble de la filière.
Le gouvernement a ainsi porté une attention particulière à la restructuration du mareyage, maillon essentiel de la filière pêche, qui a beaucoup souffert de la crise. Le mareyage a été confronté à la mondialisation des échanges et à la mise aux normes européennes des équipements de première commercialisation. Beaucoup d'entreprises ont disparu, d'autres se sont concentrées. Elles étaient au nombre de 685 en 1987, 468 fin 1994 et 450 aujourd'hui. Pour venir en aide aux mareyeurs, un fonds de structuration a été créé en novembre 1994. Ce fonds cherche à moderniser et soutenir de façon sélective les entreprises de mareyage présentant un programme de développement viable et nécessitant un apport en capital.
Le décret du 6 septembre 1967 définit le mareyage comme le tri, l'allotissement et le conditionnement des produits de la mer. Mais aujourd'hui, les fonctions du mareyeur sont beaucoup plus vastes :
- fonctions techniques : tri, allotissement, conditionnement, transformation des produits de la mer (étêtage, tranchage, filetage, etc.) ;
- fonctions commerciales : négoce, import-export. Le mareyeur commercialise une gamme de produits qui va des produits frais aux produits congelés et élaborés ;
- fonctions financières : le mareyeur assure un relais financier lié à sa fonction de négociant.
Il est important de tenir compte de ces évolutions et de redéfinir la fonction du mareyage.
D'autre part, le gouvernement cherche à développer les démarches d'identification des produits de la mer, pour que le consommateur puisse différencier les produits, ce qui permettra de valoriser leur qualité. Ces actions s'inscrivent dans le règlement communautaire adopté en octobre
1995 sur les normes de calibrage et de qualité des produits. Toutes ces initiatives ont pour objet de favoriser la transparence et la fluidité du marché des produits de la mer.
Les différentes mesures adoptées par le gouvernement en faveur de la filière ont concerné :
- le renforcement du rôle de coordination du FIOM au sein de la filière. Le FIOM a vu son budget augmenter (151 millions de francs pour 1995, dont 90 millions de l'État). Le budget était de 100 millions en 1994 et 73 millions en 1993. Pour 1997, le budget du FIOM a été voté à 162,4 millions de francs, dont 125 millions de subvention d'État ;
- le renforcement des fonds propres des OP (50 millions de francs). Toutes les OP ont été aidées, sans qu'il leur soit demandé de contreparties ;
- le lancement de campagnes de promotion et d'identification des produits (10 millions de francs sur crédits FIOM). Par exemple, les campagnes publicitaires sur l'huître, la campagne bière et mer ou la campagne sur le merlu ;
- la mise aux normes européennes des ateliers de mareyage (11 millions de francs sur crédits FIOM) ;
- la certification des produits (4 millions de francs sur crédits FIOM) ;
- la création d'un observatoire économique par le FIOM (3 millions de francs) ;
- la recherche de nouvelles opportunités de pêche (5 millions de francs) ;
- l'amélioration de la connaissance anticipée de l'offre. Quinze millions de francs ont été dépensés par le gouvernement pour mieux organiser l'aval de la filière, en améliorant la connaissance anticipée de l'offre et la mise en réseau des opérateurs ;
- la création d'un fonds de caution interportuaire pour faciliter l'intervention des mareyeurs (3 millions de francs) ;
- a création d'un fonds de structuration du mareyage pour améliorer l'efficacité de la commercialisation, moderniser et soutenir les entreprises de mareyage viables qui ont besoin d'un apport en capital. Ce fonds a été doté d'un montant initial de 25 millions de francs répartis entre l'État (10 millions de francs), la Caisse centrale de crédit coopératif (5 millions de francs), le Crédit Maritime (5 millions de francs) et Unigrains (5 millions). Seules les entreprises de mareyage présentant un projet de développement viable, et après une analyse financière et économique de leur situation, ont pu recevoir une aide. Cette aide a consisté en une avance en capital que le bénéficiaire s'est engagé à rembourser dans un délai de 5 à 7 ans ;
- l'extension des règles de discipline des OP aux non adhérents (régulation des captures, prix de retrait), en cas de graves perturbations du marché ;
- le renforcement des contrôles par le service des douanes, les services vétérinaires, etc, sur les importations de produits de la mer, afin de s'assurer de leur conformité avec les réglementations en vigueur ;
- la création d'une commission de suivi de la pêche (administration et profession) pour veiller à la mise en oeuvre de ces mesures. Cette commission se réunit une fois par mois
c) Les incitations en faveur de la qualité
L'un des axes prioritaires du « contrat de progrès », présenté par le gouvernement en 1993 visait le renforcement de la cellule qualité du FIOM, de façon à encourager l'adoption de démarches en faveur de la qualité par les professionnels de la filière des pêches maritimes. La préoccupation immédiate des pouvoirs publics dans ce domaine est d'attirer l'intérêt de l'ensemble des opérateurs sur cette question et de pratiquer une communication dynamique en direction des consommateurs.
Une étude 26 ( * ) réalisée par le BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs) sur des produits tests (poissons frais, filets congelés, panés) met en évidence l'insatisfaction des consommateurs concernant la qualité des produits de la mer en Europe. La fidélisation de la clientèle exige donc aujourd'hui davantage que la garantie du simple respect des « normes » sanitaires en vigueur dans un cadre de santé publique. On constate de plus en plus la recherche d'une qualité de consommation qui passe par la différenciation, l'identification du produit par son environnement (présentation, emballage) ou ses caractéristiques intrinsèques. La demande en produits certifiés connaît ainsi une augmentation difficilement chiffrable, mais notée par l'ensemble des distributeurs.
Depuis l'adoption des mesures de conditionnement en caisse de bord, premier pas vers l'amélioration qualitative des produits débarqués, les stratégies se sont multipliées et donnent aujourd'hui lieu à deux types de démarches. L'une
vise des signes de qualité sur un marché de niches spécialisées. L'autre cible la certification officielle. Dans tous les cas, deux étapes successives sont nécessaires :
- la maîtrise de la qualité à tous les stades de la filière, en impliquant les acteurs présents aux différents maillons de la filière ;
- la valorisation du produit par un signe de reconnaissance et un plan de communication.
Les préoccupations en faveur de la qualité des produits fleurissent au sein de la filière des pêches françaises, alors que l'ensemble des acteurs se retrouve autour d'un objectif commun d'augmentation de la valeur ajoutée par la certification.
* 21 Il s'agit d'un principe selon lequel l'Union européenne n'agit, sauf pour les domaines de sa compétence exclusive, que lorsque son action est plus efficace qu'une action entreprise au niveau national, régional ou local.
* 22 Fonds régional d'organisation des marchés.
* 23 Durand, Gueguen, Catanzano. Efficacité d'un outil de politique structurelle dans le secteur des pèches : le plan Mellick, Ifremer, novembre 1992, 23 p.
* 24 Le compte épargne navire est un dispositif mis en place par Jean Puech le 1er juin 1994 pour garantir aux pêcheurs un revenu mensuel minimum de 5000,00 francs. Le financement est assuré par une cotisation des marins de 300.00 francs par mois et une participation de l'État. Participation de 100 %, soit 300,00 francs par marin, du 01/06/1994 au 30/08-1994. Participation de 50 %, soit 150,00 francs par marin, entre le 01/09/1994 et 30/11/1994 et de 30 %, soit 90,00 francs par marin, entre le 01/12/1994 et 31/05/1995.
* 25 Rapport Mettling, Hénaff, IGF, 1995
* 26 Enquête menée, début 1995. par International Consumer Research and Testing sur un panel de consommateurs européens.