2. Le problème de la répartition des compétences
Une lacune fréquente se pose en obstacle à la réalisation des politiques ou des applications réglementaires décidées, par manque d'attribution des compétences entre les différents intervenants institutionnels. Ce problème se vérifie dans les ports français avec d'autant plus d'acuité quand il s'agit de la mise en place du contrôle nécessaire au respect des mesures de gestion de la ressource ou d'organisation du marché. Le grand nombre de services administratifs concernés et le partage des compétences pour la réalisation des contrôles sont souvent des obstacles à la mise en oeuvre de ces contrôles et à leur efficacité. De plus, on note un manque de volonté et de moyens pour contrôler réellement le secteur des pêches maritimes et faire appliquer les réglementations.
Pour l'application des exigences sanitaires communautaires, il n'existe aucune autorité compétente pour attribuer officiellement les niveaux de fraîcheur aux lots de poisson sous les criées (règlement 103/76 décrivant les critères de commercialisation). Les services vétérinaires ont en charge le respect sanitaire selon des normes de salubrité, mais ils ne sont pas mandatés pour intervenir sur l'aspect qualitatif à travers la classification E, A et B. De fait, l'interprétation de la qualité est très variable selon les ports 34 ( * ) . Il existe donc un réel problème de contrôle de l'application des critères selon la grille de l'Union européenne, dans la mesure où aucun service indépendant et impartial n'a été désigné comme compétent pour définir les niveaux de qualité.
Les gestionnaires portuaires qui s'en chargent la plupart du temps ne sont pas à l'évidence les mieux placés, puisque leur rémunération se fait au prorata de la valeur débarquée et que leur intérêt est d'attirer le maximum de producteurs à la vente, ce qui dissuade les classements trop « rigoureux ». La concurrence entre les ports et les criées est ici ressentie comme négative. Les démarches actuelles manquent ainsi d'indépendance, avec l'emploi fréquent de « qualiticiens » par les armements producteurs et le manque d'impartialité qui en découle.
Dans le même ordre d'idée, on constate, au vu des premières expériences en matière de certification, qu'il n'existe pas d'harmonisation nationale d'appréciation des exigences sanitaires. Chaque département, à travers les DDCCRF (Directions départementales de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) et les DSV (Directions des services vétérinaires), émet une interprétation individuelle sur les modalités d'application des règlements en vigueur. Il n'existe pas de guide national, malgré la nouvelle approche communautaire, qui vise à responsabiliser les professionnels en les incitant à faire des propositions pour la réalisation des mesures édictées. Cette situation conduit à une formulation disparate des recommandations et des procédures de reconnaissance des critères qualitatifs.
Nous avons également pu constater précédemment combien le fonctionnement des QP pouvait présenter des risques de dérive par manque d'encadrement suffisant (relations OP-coopératives de mareyage). Ceci est d'autant plus vérifié en temps de crise, où le soutien des producteurs réclame des mesures d'urgence à efficacité immédiate.
Ces quelques études de cas nous informent sur les conséquences de la dispersion des acteurs et leur manque de volonté à coopérer et coordonner leurs actions. Il s'agit à l'évidence d'une source de fragilité pour la filière des pêches maritimes et d'amplification des crises conjoncturelles.
* 34 Ainsi, dans certains ports, la catégorie B correspond au poisson "blessé", dans d'autres, il s'agit du poisson "maigre" ou "abîmé"... De même, la classe E (Extra) est parfois attribuée systématiquement aux produits de la pêche côtière...