Audition d'Anita ROZENHOLC
Chargée de mission pour les nouvelles techniques de communication à la DATAR
Résumé : A la date du 15 octobre 1997, il ne convient pas de dire que la France est en retard dans l'utilisation des techniques d'information et de communication ; la situation est plus complexe. Il y a ceux qui sont de plein pied dans la " Société de l'information " et il y a ceux qui sont à côté et qui n'ont pas encore perçu les enjeux majeurs de cette nouvelle révolution industrielle : une France à deux vitesses en quelque sorte. Pour ceux qui résistent, l'effort devra consister à faire une révolution culturelle qui ne passe pas uniquement, tant s'en faut, par l'appropriation d'Internet.
Aussi devient-il urgent de mobiliser toutes les
énergies afin
de systématiser et de généraliser
simultanément
, sur tout le territoire, des pratiques de
télémédecine, de téléenseignement, de
commerce électronique, ou d'utilisation des EDI... car il faut bien
admettre que les règles qui prévalent dans la
société de l'information sont
une chance fantastique pour le
développement régional et la création d'emplois, pour
l'aménagement du territoire
. C'est pourquoi il est essentiel de
lancer le " grand Chantier " de la mise en oeuvre de la
société de l'information.
1. La France et les TIC
:
la France n'est pas en retard, elle
est scindée en deux
. Il y a ceux qui savent et ceux qui sont
à côté ; pas en retard, à
côté ; nous vivons une mutation industrielle qui valorise la
tertiarisation des processus de production et qui exige une gestion
tertiarisée de tous les patrimoines. La prise de conscience doit
atteindre l'ensemble des décideurs pour être au niveau de celle
des USA ou de Singapour.
La modernisation de l'administration : nul ne peut affirmer que la
formation professionnelle et permanente est de rigueur pour les cadres de
l'administration. Or, l'administration doit aujourd'hui donner l'exemple et
poursuivre deux objectifs : d'une part intégrer l'usage de
l'informatique en réseau et des outils telle la visioconférence
et, d'autre part, initier et soutenir autant que faire ce peut des projets
utilisant à forte dose les TIC. Le Commissariat à la
réforme de l'Etat souhaite une mise en réseau rapide de
l'administration et sa présence sur Internet ; il n'est toutefois
pas explicitement affiché la nécessaire compréhension par
les hauts fonctionnaires des règles de la société de
l'information qui permettraient de mieux orienter les investissements et les
soutiens publics en région.
L'Education nationale est bien évidemment en toute priorité
concernée par les TIC et le multimedia pour initier de nouvelles
pratiques pédagogiques, pour rendre accessible à tous la culture
mondiale mais aussi, encore ne faut-il pas l'oublier, parce que le travail
à distance sera majoritaire dans les modes de production futurs et qu'il
faut acquérir ce savoir-faire. Mais les compétences dans
l'éducation nationale sont partagées entre le ministère,
les municipalités et les collectivités locales. Aussi, pour que
la formation agisse avec toute l'efficacité souhaitable, il faut
impérativement que toutes ces compétences travaillent en harmonie
et ce n'est pas toujours le cas.
La formation continue est confrontée à une situation difficile
dans le mesure où les métiers les plus traditionnels se
transforment : l'électricien devient électronicien, le
garagiste devient informaticien ; mais les salariés appartiennent
le plus souvent à de très petites entreprises qui
bénéficient peu de la formation continue et professionnelle. Dans
le domaine des services d'intérêt général, le
multimedia on line devrait être d'un grand secours.
Les compétences pour créer des entreprises virtuelles en France
existent et, pourtant, de nombreux jeunes s'expatrient et les centre-d'appels
ne sont pas au rendez-vous alors que nos régions françaises sont
potentiellement aussi bien pourvues que l'Ecosse ou l'Irlande. Il nous faut
lancer des signaux qui donnent à nos territoires une image de
modernité.
La numérisation des patrimoines : l'Histoire nous a montré
que posséder des mines d'or et de diamants n'était pas suffisant
pour devenir un pays riche. Il fallait savoir exploiter ces richesses, les
transformer et les commercialiser : c'est là que se trouve la
valeur ajoutée. Or, la France est riche de patrimoines ayant une grande
valeur marchande dans la société de l'information sous condition
de numérisation et d'exploitation ; le souhait de Bill Gates de
s'approprier la reproduction numérique des fonds culturels de toute
nature montre bien la valeur potentielle de ceux-ci.
2.Que serait-il souhaitable de faire ? je dirais simplement qu'il nous
faut bien identifier nos potentialités dans la société de
l'information qui s'installe à grande vitesse, et ne négliger
aucune d'entre elles sachant que beaucoup sont dans des régions dites
fragiles. Le monde entier nous envie nombre de richesses cachées qui,
bien exploitées, créeraient de nombreux emplois.
Une révolution culturelle est à faire : la
dématérialisation de l'économie, l'importance croissante
des téléservices et des téléactivités
devraient obliger les acteurs de la vie économique, sociale et
culturelle à inverser les priorités traditionnelles qui portaient
essentiellement sur les routes et le béton ; les boucles locales
d'accès à des réseaus larges bandes doivent être au
coeur de la réflexion de ceux qui sont responsables des
investissements ;
Des emplois sont à créer dans de nouveaux métiers :
Créer un emploi de télé-vendeur pour accroître la
zone de chalandise de l'Armagnac, c'est accroître indirectement le nombre
d'emplois non-qualifiés ; il en va de même dans le processus
de production de la pâte de verre où la création de postes
de télé-
designer
permet de prospecter de nouveaux
marchés et d'accroître le nombre de salariés de la
production ; les centres d'appels, les systèmes de
traçabilité de produits agricoles, sont, par ailleurs, des
secteurs créateurs de nouveaux emplois que l'on voit se localiser en
Ecosse et en Irlande.
Des services publics à reconstruire :
Le
développement du téléenseignement, de la
télémédecine, la mise en réseau des
établissements publics, sont autant de bouleversements qu'il faut mener
à bine rapidement sur tout le territoire afin de faire en sorte que
chacun à son niveau et compte tenu de ses compétences, de ses
savoir-faire et de son patrimoine, soit perçu dans un espace
considéré comme ayant une attractivité compétitive.