Audition de Joël de ROSNAY
Cîté des Sciences et de l'Industrie
Résumé : L'évolution simultanée du nombre des utilisateurs des réseaux interactifs multimedias internationaux (qui va passer de 50 millions aujourd'hui à 400 millions en l'espace de 40 mois), et des avancées technologiques (nous sommes arrivés à l'ère du push media), ainsi que la constatation du retard pris par la France dans celles-ci nous oblige à agir très vite dans un sens combinant la réduction du coût du téléphone,l'équipement rapide et peu onéreux du plus grand nombre en matériels informatiques, et une formation repensée et généralisée à tous les niveaux de la société.Il faut même se montrer audacieux tant l'attente paraît grande en ce domaine. Le plongeon de la France dans l'économie informationnelle étant inévitable, autant mettre à profit l'économie du Minitel, quitte à faire preuve d'un peu d'imagination.
1.
Nous sommes à la
cinquième
grande étape de l'évolution des réseaux interactifs
multimedias internationaux.
La première étape de cette évolution a été
l'accès au réseau lui-même, représenté par
les fournisseurs d'accès ;
La seconde a été l'utilisation d'outils de navigation pour
naviguer sur cet énorme océan d'informations créé
par l'interconnexion des ordinateurs entre eux ;
La troisième ont été les moteurs de recherche,
destinés à trouver l'information pertinente;
Quatrième étape : l'intranet.Les entreprises ont
réalisé que les moteurs de recherche pouvaient fonctionner pour
leur propre documentation. (65 % des 1 000 premières
entreprises mondiales ont un intranet) ;
La dernière étape est le push media ou web casting ou encore
" intervision " : chacun peut reçevoir l'information
qu'il souhaite au moment désiré, le tout en fonction d'un
questionnaire préalablement rempli.
2.
Cette
évolution
est à placer aux
côtés d'une autre évolution, celle du nombre des
internautes
: de 50 millions aujourd'hui (dont
30 millions aux USA) il va passer à 400 millions en l'an 2000
(il y aura alors 1 milliard de pages
Web
) ; l'âge moyen
des utilisateurs est de 35 ans aux USA et 29 ans en Europe. Toutes
ces évolutions ont une conséquence directe: nous sommes en train
de passer d'une structure pyramidale de notre société
traditionnelle, à une structure en réseaux ;
3.
Le
message
à faire passer aux
pouvoirs publics
est le suivant : l'évolution multimodale fait que les entreprises
et les particuliers auront vite le choix entre à la fois le cuivre (qui
permet de passer 56,6 kg de Bits), le coaxial, l'ADSL (qui permet
300 méga Bits dans un sens et 150 à 200 kg Bits dans
l'autre), le satellite (34 méga bits dans deux sens, sur orbite
basse de 400 km), et la fibre optique. Il faut donc favoriser tous les
accès.Or, comme aujourd'hui il y a surtout de l'accès à
bas et moyen débit, il faut que la France, ses PME, ses entreprises,
dès maintenant, pratiquent la connaissance de l'interactivité
disponible sur ces bas et moyens débits.Et plutôt que se connecter
à
Internet
ou à
l'intranet
, il faut apprendre
à se connecter par Internet:au lieu d'attendre du réseau un
programme, la responsabilité est renvoyée sur ceux qui
s'interconnectent.
4.
Comment faire pour que la France rattrape son
retard
dans
les Nouvelles technologies de l'information
? Il y a d'abord la
volonté politique : le monde changeant (il est plus ouvert, moins
virtualisé), il faut arriver à prouver qu'il faut catalyser une
série d'initiatives de la base vers le sommet avec la complicité
de l'Etat.Il faut donc,
Diminuer le coût du téléphone en France; il est prohibitif,
notamment pour les écoles et les PME (on peut commencer par le tarif
nuit, de manière à ce qu'on puisse télécharger les
logiciels et travailler avec) ;
Des terminaux faciles à utiliser: il faut que France Telecom sorte son
Network computer.Tout ça pour qu'au départ, on incite les
français à partir d'un programme (qui pourrait être une
nouvelle formule de l'annuaire électronique étendue aux
entreprises)
Favoriser les jeunes entrepreneurs, qui seront les créateurs d'emplois
dans ces réseaux de la société informationnelle, et ce par
des moyens appropriés (fiscaux ; facilités pour la
création d'entreprises ; détaxation de certains types de
logiciels).Partant du principe que la société informationnelle
est et sera de plus en plus le catalyseur, l'accélérateur et
l'amplificateur de la société industrielle classique, il faut
clairement différencier ce type de création d'entreprises des
autres.La société informationnelle est comme l'huile qui va
dégripper et faire tourner de plus en plus vite le moteur rouillé
de la société industrielle classique.
Lancer à tous les niveaux de la société et de l'entreprise
une formation adaptée à ces outils.Il faut former les gens
à se servir d'un nouvel outil, l'ordinateur personnel, qui est le
combiné multimedia de l'an 2000. Internet pourrait s'appeler le
téléphone multimedia: l'essentiel est d'apprendre l'accès
au réseau.On apprend aussi aux gens à découvrir l'image,
à l'insérer, à la prendre avec une caméra
numérique, à l'insérer dans un document.
5.
L'enseignement
: chaque enseignant devra avoir son
adresse électronique
et être capable de communiquer
gratuitement avec le reste du monde ; on pouurait lancer dans le
même temps une
opération audacieuse
: la
formation des anciens par les plus jeunes.Ces derniers ayant compris
l'informatique plus vite que les moins jeunes, on inverse la proposition
classique : on laisse les jeunes de 12 ans former ceux de 20 ans qui
formeront ceux de 40.
6.
Le monde de
l'entreprise
: je soumets une idée :
"
la cantine du cerveau
".On peut s'y rendre par
exemple de 11
à 16 heures ; la cantine étant un lieu multimedia, une
sorte de
cybercafé
interne à l'entreprise (chaque
collaborateur dispose d'une carte à puce donnant accès au site,
permettant de stocker des informations; la carte servant en même temps
d'horodateur) ; tout ça pour éviter le système des
cours du soir ou l'on se rend fatigué et donc moins réceptif.
7.
Le
Minitel
: nous sommes assis sur un
trésor ; le minitel, c'est 8 milliards de chiffre d'affaires,
6 millions de terminaux, 6 millions d'usagers potentiels.Le
problème: les gens l'utilisent à 80 % pour l'annuaire, ne
sachant donc pas vraiment s'en servir.Les Français ont malgré
tout démontré par ce biais que la société on-line
interactive avait un besoin social.Le Minitel étant un continent
à lui seul, il faut le rapprocher du continent Internet.
8.
La
gratuité
: La leçon à
tirer pour la France, c'est qu'il faut désenclaver notre pays, notre
monde Télétel, en acceptant une
forme de risque
. Celle-ci
est paradoxale dans l'économie des réseaux, et pas très
bien comprise dans l'économie classique : c'est la gratuité.
Elle est génératrice de services à valeur ajoutée:
en étant gratuit dans un premier temps, en étant facile
d'accès, on crée des niches en synergie les unes avec les autres,
chacune d'entre elles se développant à son propre rythme. C'est
la création d'une économie fonctionnant par la loi des rendements
croissants: il y a des effets d'amplification, de boule de neige. Pour ce
faire, il faut d'abord des offres de transaction suffisamment attractives pour
des utilisateurs; l'accroissement du nombre des utilisateurs
génère des informations sur ceux-ci; on favorise alors les
interactions entre ces utilisateurs (forums
, news group
,...) ; plus
on agit ainsi, plus on fidélise les utilisateurs du site; on obtient
ensuite le profil de l'usager du site et l'on peut ainsi intéresser les
annonceurs. Il se crée une communauté d'intérêts.
C'est la nouvelle économie de la société de l'information.