Bernard FLEURY
Commissariat au plan
Résumé : Aujourd'hui, l'utilisation des logiciels éducatifs est extrêmement décevante ; il y a un décalage évident entre le discours triomphaliste d'il y a quelques années et les réalités ; si on avait une baguette magique, il faudrait créer des boutiques d'inculturation, en libre-service que l'on placerait dans un endroit de passage; dans l'entreprise, la difficulté vient du fait qu'on est en face d'un dispositif à la fois transparent et rapide ; c'est un peu comme si, tout à coup, on demandait à tout le monde de rentrer dans un camp de nudistes, sans préparation ; ce qui change avec Internet, c'est la logique " hyper ": il faut arriver à ce que l'information en mode hypertexte soit rendue publique et gratuite, et qu'elle soit démocratiquement accessible ; pour l'Education, c'est cette logique d'hypertexte qu'il faut faire apprendre aux enfants :il faut qu'ils apprennent à se faire aider par des machines pour chercher l'information
1. Le grand public
: Je suis très
frappé par le fait qu'une mission comme la votre s'organise autour du
thème " comment faire pour que le grand public s'intéresse,
se mobilise autour d'Internet " ; il me semble qu'il n'y avait
pas la
même énergie, la même mobilisation, au moment où,
dans les années 80, la télématique française a eu
du mal à décoller ; j'y vois
l'effet d'une
autocritique
, d'une tendance de la société
française à rejeter ce qu'elle a produit elle-même et
à accueillir, en revanche, un peu complaisamment, ce qui vient des
USA ; j'attire au passage l'attention sur un
fait
étrange
: on accueille Internet comme un produit du
progrès américain alors qu'il est très largement le fruit
d'un " colbertisme " américain, tenace, massif puisqu'il est
issu de 20 ans d'efforts et de financements publics aux USA ;
2. L'Education
: aujourd'hui, l'utilisation des
logiciels
éducatifs
est extrêmement décevante ; dans les
collèges, elle est quasi nulle ; il y a un décalage
évident entre le discours triomphaliste d'il y a quelques années
et les réalités ; au niveau de l'utilisation
des
micro-ordinateurs
dans l'enseignement supérieur, il y a beaucoup
de retard ; à l'Université de Dauphine, beaucoup
d'étudiants " niveau maîtrise " ne savent pas utiliser
Excel par exemple ; tant qu'il n'y aura pas, du côté des
étudiants, une exigence pour qu'il n'y ait plus une telle
inertie
, toute l'institution sera telle que les nouvelles
technologies ne seront pas facilement introduites ;
si on avait une
baguette magique, il faudrait créer des boutiques d'inculturation, en
libre-service, surtout sans informaticiens ; on les placerait dans un
endroit de passage, comme à Beaubourg
; Internet n'est pas
une " vague de plus ", comme le furent la télévision ou
l'informatique : ce n'est pas une nouvelle vague
mais la vague qui
emporte
; le système a vieilli, il est en crise :
Internet est ici un efficacité et une puissance extraordinaires ;
je ne peux donc pas imaginer que cela, cette fois-ci, ne changera pas
profondément le dispositif scolaire ; l'essentiel est que les gens,
dans tous les pays du monde, apprennent
à taper sur un clavier et
apprennent à pratiquer des langues
étrangères
;
3. Plus il y aura de commutation électronique
, plus il y aura de
cyberspace
, plus le besoin de commutation spatiale réelle
et donc de transport de densité urbaine se développera ;
Internet aujourd'hui est vital, urgent ; mais les problèmes du
XXIè siècle c'est la ville, les transports intra et extra
urbains ; ce sont des choses compliquées à résoudre
parce qu'il y a des problèmes d'environnement, d'espace, d'encombrement,
de concurrence ; alors que sur le
cyberspace
- et c'est son
charme - plus il y a de monde, mieux c'est : le voisin ne gêne pas,
au contraire, il peut vous apporter une information que vous n'avez pas ;
dans un monde où le lien social est en train de changer, l'idée
que tout le monde puisse être lié par ces systèmes
là est intéressante ;
4. L'entreprise :
globalement, la difficulté vient du fait
qu'on est en face d'un dispositif à la fois transparent et rapide ;
c'est un peu comme si, tout à coup, dans l'entreprise, on demandait
à tout le monde de rentrer dans un camp de nudistes, sans
préparation ; cependant les gens sont prêts à suivre
des cours, à s'adapter ; la vraie difficulté tient au fait
que tous les dispositifs d'opacité que les hommes ont mis en place pour
travailler sont résistants ; comment s'y prendre
concrètement ? D'abord, il ne faut pas que le secteur public reste
en retard, qu'il donne le mauvais exemple ; il faut que les entreprises
publiques donnent l'exemple ; puis, faire comprendre à toutes les
autres entreprises qu'Internet n'est pas " une vague de
plus " mais
une vague de fond ; il faut également mettre l'accent sur les
conséquences que cela va avoir sur la formation, le management,
l'organisation des entreprises ; il faut donc une approche transversale du
phénomène : il faut un noyau qui mobilise les moyens et
mettre dans le coup tous les gens qui, à l'intérieur de
l'entreprise, sont concernés par le processus quelle que soit la
structure au sein de laquelle ils travaillent ; puis il faut une structure
d'appel (implication de la direction générale) ;
5. Il ne faut pas abandonner le Minitel
; il faut conserver sa
fonction " annuaire " : on ne va pas chercher un numéro
de téléphone sur Internet ; il faut que le Minitel rentre
dans le téléphone ; on peut employer une
métaphore :
le Minitel, c'est le vélo, et le
vélo ne peut évidemment pas présenter la moindre
concurrence par rapport à l'auto
; pour une fois que nous
avons réussi à être plus " marchands " que les
anglo-saxons, ne boudons pas notre plaisir ;
6. Internet
ne peut être comparé à la
révolution " télé " (télétravail,
télésanté,...) : ça fait un siècle que
ça existe ; ce qui est
un point de bifurcation avec Internet,
c'est la logique " hyper "
(hypertexte) : une
logique
où l'on cherche l'information dans une logique de flux, d'urgence, on
recherche telle information et elle seulement ; ça explique
pourquoi les greffes des tribunaux sont tellement sollicités : on a
besoin de cette information tout de suite ; il faut donc faire comprendre
aux gens que
l'information en mode hypertexte doit être rendue
publique, gratuite et qu'elle soit démocratiquement
accessible
; pour l'Education, c'est cette logique d'hypertexte
qu'il faut faire apprendre aux enfants ; maintenant, ils n'ont plus
à se perdre dans un océan d'informations ; c'est savoir, au
contraire, ce dont ils ont besoin ; il faut qu'ils sachent que
l'information, c'est un peu comme le calcul : il y a des machines
pour vous l'apporter : apprendre à se faire aider par des machines
pour chercher l'information
;