Audition de Michel FENEYROL
Directeur du C.N.E.T
Résumé : L'un des rares points forts de la France dans le domaine des technologies de l'information, sont les télécommunications ; si, au sortir de l'après-guerre, la France partait de rien, elle dispose aujourd'hui d'équipementiers et d'opérateurs bien placés au niveau mondial; l'essentiel est donc de consolider nos atouts, en mettant notamment l'accent, dans la recherche, sur les logiciels qui eux-mêmes mettront toujours plus d'intelligence dans les services et les réseaux; le schéma d'Internet, tel qu'il existe aujourd'hui, a un problème de stabilisation économique; techniquement, le standard a des limiteset l'on se pose la question de savoir comment il pourra faire face à l'évolution du trafic ; il faut tout faire pour qu'en France le nombre de personnes travaillant sur la recherche dans les télécommunications soit augmenté, et ce pour faire face à la concurrence que se livrent les grands opérateurs mondiaux.
1. La situation de la recherche en
télécommunications
: en France, l'un des rares points forts,
dans le domaine des technologies de l'information, est le domaine des
télécommunications:
Sur les composants, nous sommes très limite mais la situation s'est
sensiblement redressée depuis 1989;
Sur les matériels grand public c'est un peu nuancé mais il y a de
nombreux secteurs comme la hi-fi, où nous sommes très mal
placés; on a encore, en Europe, deux constructeurs importants qui sont
Philips et Thomson;
En télécommunications, alors que nous étions très
mal placés au sortir de la guerre, grâce à un certain
nombre d'efforts, dont ceux du C..N.E.T, nous faisons partie aujourd'hui des
trois ou quatre grands de ce monde; il faut maintenant consolider parce que
tout continue d'aller très vite autour de nous: les domaines de la haute
technologie sont en pleine évolution, croissent très vite et les
"grands" sont globalement menacés par de nouveaux entrants venant du
monde de l'informatique et de l'audiovisuel, domaines dans lesquels nous sommes
moins bien placés ; il y a deux secteurs encore séparés:
La recherche dans le domaine des équipements: on a ALCATEL; le C.N.E.T a
contribué dans les années 1950 à 70 au
développement d'ALCATEL ; les télécommunications
françaises trouvaient d'ailleurs leur intérêt; nous avons
quelques industriels performants comme, par exemple, la SAGEM, ce qui
n'était pas le cas après-guerre où nous étions
dominés par des constructeurs étrangers (ITT et ERICSSON
principalement) ;
Les opérateurs: France Télécom, avec son centre de
recherche, le C.N.E.T, a le premier ou deuxième centre de recherche
européen; celui-ci fait partie quatre premiers mondiaux, après
ATT, NTT et Deutsche Telekom; il faut se rendre compte que, dans le nouveau
contexte compétitif, la compétition va se concentrer sur la
recherche et le développement des principaux grands opérateurs ;
les financements nécessaires sont tels que les résultats obtenus
par les grands opérateurs seuls pourront les assurer;
Au total, la France dispose d'atouts ;
2. Aujourd'hui
, nous entrons sur des réseaux qui sont
multiservices
; ainsi, la recherche sur les services de
télécommunications se dissocie petit à petit ; on voit par
ailleurs se développer plus
d'intelligence
au-dessus des
équipements: on achète des équipements et, au-dessus, si
on veut faire des services, il faut encore faire de la recherche ; la
bataille
sur cette recherche là met en jeu essentiellement
des problèmes de logiciels dans lesquels on rencontre en face de nous
des gens venant du monde informatique:
Microsoft
,
Sun
,...
Notre problème aujourd'hui est donc de bien situer, pour notre
opérateur,
où se situe sa future innovation
; c'est
certainement plus d'intelligence dans les services, dans les réseaux
; les services de données et d'images sont ceux qui vont le plus
croître ; il est clair que dans le monde dans lequel nous entrons,
au-delà de la communication purement téléphonique vocale
la majorité des services grand public vont être des services
commandés à la voix ;
Parmi nos atouts, on peut dire que nous avons su maîtriser les
réseaux; sur les langages vocaux comme sur le langage écrit, le
C.N.E.T est fort et n'a pas de problèmes ; toutefois, sur les logiciels
de terminaux liés aux ordinateurs, les constituants de base viennent des
Etats-Unis ; je suis donc en train d'installer une équipe du C.N.E.T aux
Etats-Unis.
3. Internet
: le schéma Internet, tel qu'il existe, a un
problème de
stabilisation économique
: et il y a
aujourd'hui deux approches de son économie :
celle consistant à payer la transaction ;
celle qui consiste à dire: c'est un système audiovisuel, j'y
consulte ma banque, je vois passer de la publicité: c'est la pub qui
paye ; c'est le modèle "push"; cette dernière est, par exemple,
celle de Bill Gates; elle consistera à pousser toujours plus la
publicité sur Internet ; mais, il y aura probablement un certain temps
avant que ce système déstabilise la diffusion hertzienne, par
satellite ou par câble et son équilibre économique ;
toujours est-il qu'actuellement, s'il y a beaucoup et toujours plus de trafic,
on ne sait pas bien qui gagne de l'argent sur ce système ; on va
commen-cer à avoir des systèmes de paiement électronique,
mais ce n'est pas aujourd'hui parfaitement résolu, techniquement ;
Techniquement
, le standard a des limites et la question va se
poser de savoir comment il va arriver à monter en débit et en
stabilité; certaines évolutions pourront s'appuyer sur les
technologies ATM
;
les recherches en cours montrent par
ailleurs que l'on devrait arriver à mettre au point des
téléphones à écrans sur lesquels vous pourrez
à la fois consulter l'annuaire et les services modèle
Télétel et à consulter Internet;
4. Le C.N.E.T aujourd'hui
, représente 4.300 personnes: il y a un
peu plus de 3.000 ingénieurs et chercheurs parmi lesquels
2.000 ingénieurs Bac + 7 (universitaires + thèses) ou
des gens de très grandes écoles d'ingénieurs; cela
représente une puissance en cerveaux tout à fait importante; le
budget est de 3 milliards de francs par an
.
;
Si on regarde l'évolution des forces
, elles vont se reconvertir vers
les logiciels d'intégration
,
qui seront de plus en
plus réalisés en interne
.
Après
ces reconversions, le champ des recherche, tant pour les
opérateurs que pour les équipementiers restera extrêmement
vaste, avec des techniques très évolutives et des voies de plus
en plus variées ; il n'y a aucune raison objective pour que la
quantité de forces à engager dans le
Recherche/Développement baisse, si on veut rester
leader
. Autre
risque à maîtriser pour France Telecom, c'est
l
e
transfert de notre savoir-faire à des sous-traitants qui peuvent armer
nos concurrents; le problème de fond que nous avons à
résoudre est d'augmenter nos forces de développement de
logiciels; ainsi, les Allemands, qui faisaient traditionnellement moins de
Recherche/Développement que France Télécom sont en train
de nous rattraper sur cette activité.
De même, il faut favoriser tous les efforts au niveau des
Universités
, du CNRS, de l'INRIA, bref, faire qu'en France le
nombre de gens qui travaillent sur de la recherche dans le domaine des
télécommunications augmente.
Nous avons aujourd'hui des projets communs de recherche et développement
avec Deutsche Telekom, avec Sprint. Toutefois, les expériences de
coopération les plus réussies sont avec les Italiens mais leur
alliance avec les américains (et l'intervention de France
Télécom sur le sol italien) vont nous mettre en situation
de
concurrence.