Mission TREGOUET
Résumé de l'audition de Jean-Noël TRONC
1°) Les travaux du Plan
Le Plan consacre une part importante de ses travaux aux technologies de
l'information (rapport sur les réseaux de la société de
l'information d'octobre 1996 ; séminaire Information, Communication et
Société ; groupe interministériel sur les plans de nommage
des sites Internet publics ; futur groupe de travail sur l'utilisation des
réseaux de communication, et notamment d'Internet, pour la modernisation
de l'Etat ; mission Oudet sur l'utilisation d'Internet par les administrations
étrangères ; création du site Web du Plan
www.plan.gouv.fr
; etc.).
2°) Les freins à l'accès des ménages aux
réseaux
Le Minitel a certes répandu l'usage des réseaux, mais sa
structure de coût se traduit par un réflexe naturel de
sous-consommation de services en ligne par les ménages. Ses limites
techniques et sa dimension nationale en font un réseau progressivement
obsolète.
Le sous-équipement en PC tient aux coût, à la
complexité d'utilisation, à un rythme d'obsolescence trop rapide.
En fait, on présente aux ménages le PC comme un bien de
consommation courante (vendu sur étagère en supermarché),
alors qu'il reste perçu comme un bien d'équipement.
Les limites propres au fonctionnement et au mode d'accès actuels
à Internet sont nombreuses : Internet reste une jungle
déroutante pour accéder à une information ou à un
service ; le service marche souvent mal, la connexion est aléatoire et
très lente ; la régulation du réseau se met
progressivement en place alors que la la culture des débuts,
marquée par la tradition d'auto-organisation et d'auto-régulation
propre à la communauté scientifique, laisse la place à
d'autres logiques pour le grand public.
Les coûts des communications sont élevés dès que
l'on passe à un usage régulier, or, il faut s'inspirer de
l'exemple télévisuel : s'il fallait payer « à la
séance » pour toutes les émissions, la consommation
télévisuelle s'effondrerait.
3°) Le débat Minitel/Internet
Le Minitel, réussite nationale incontestable, est désormais un
frein réel au développement d'Internet. Une logique d'utilisation
maximale de la rente dégagée par une technologie obsolète
prend les différents acteurs au piège : les offreurs de service,
qui risquent de perdre du terrain par rapport aux industriels étrangers
de l'information, les administrations, appuyées sur des modes de
diffusion aux règles tarifaires discutables.
La stratégie à adopter :
· Encourager les solutions sur Internet qui reprennent les avantages
du Minitel (la simplicité, la sécurité, la centralisation
des facturations - logique Kiosque) : galeries marchandes électroniques
· Développer, pour l'Etat, des services plus attractifs sur
Internet :
· les prestataires privés titulaires de concessions publiques
à offrir un service sur Internet
· obliger toutes les entités publiques à faire basculer
rapidement leurs serveurs Minitel sur Internet
· développer une véritable politique d'offre de contenus
et de services francophones de qualité (cf. IV)
4°) La modernisation de l'Etat
Le retard français sur Internet tient beaucoup au manque de contenus et
de services francophones de qualité. La distinction importe, puisque, si
l'idée qu'Internet est un outil extraordinaire d'accès à
l'information est désormais répandue en France, la
possibilité d'offrir des services, des transactions, reste
sous-évaluée.
L'Etat a donc une mission fondamentale, pour développer l'offre :
· de contenus francophones de qualité
· de services avancés qui permettent un accès
électronique à l'information et aux procédures.
Ce qui suppose :
· une politique ambitieuse et programmée de numérisation
des patrimoines publics, laquelle rend inévitable des choix essentiels
en matière de tarification des services. Le champ de la gratuité
doit s'étendre, conformément à la culture et à la
structure des coûts propres à Internet.
· le développement d'un Etat en réseau, capable d'offrir
un véritable télé-Service Public : les
téléprocédures en ligne, pour les particuliers et les
entreprises, doivent être proposées massivement. Elles doivent
permettre une simplification des démarches par des logiques de guichet
unique et des outils d'aides en ligne pour les procédures
administratives complexes.
Elles supposent, pour garantir l'égal accès, d'évoluer
rapidement vers un droit à l'adresse électronique pour tous, ce
qui pose la question du terminal (enjeu des bornes interactives).
5°) L'Ecole
· Pour l'école, il s'agit d'encourager le développement
de sites et de contenus par les élèves et les enseignants, en
s'appuyant sur ce que d'autres ont déjà fait (réseau
schoolnet
au Canada/Québec).
· La fourniture d'un micro-ordinateur communiquant à chaque
enseignant est une mesure nécessaire. Son financement peut justifier une
programmation échelonnée complétée, dans
l'immédiat, par l'installation de postes communs en salles des
professeurs et de formations systématiques.
L'engouement pour le thème du réseau ne doit pas faire oublier
que l'enjeu premier est la familiarisation précoce à l'outil, au
média électronique auquel les 2/3 des salariés sont
déjà confrontés sous une forme ou une autre dans leur vie
professionnelle.
· La première des mesures doit donc concerner une formation
élémentaire à l'ordinateur et au clavier, y compris la
dactylographie, intégrée comme une dimension
complémentaire de l'alphabétisation.
Les blocages français dans ce domaine (taper sur un clavier reste
perçu par les cadres comme une tâche dévalorisante)
constituent une cause explicative importante du retard français,
notamment par rapport aux Etats-Unis où, dès le secondaire, les
élèves doivent rendre des devoirs dactylographiés.
6°) L'aménagement du territoire
L'enjeu du satellite
Une approche dynamique est indispensable, et suppose de bien apprécier
la révolution à venir dès 1998 par la couverture totale,
non plus seulement de la population, mais du territoire, par des satellites bas
débit en orbite basse (Iridium, Globalstar, Odyssey) puis, dans quelques
années de plus, pour le large bande (Skybridge, Voicespan, Teledesic,
etc.).
Le rapport réseaux/tarifs/territoire va s'en trouver changé pour
de nombreuses applications de service public en réseau (enseignement,
santé, etc.).
Une structuration d'Internet qui relie à la logique territoriale
La neutralité géographique introduite par Internet est un
avantage, mais aussi un inconvénient (le problème était
déjà posé pour les services Minitel qui se veulent de
proximité).
· Chaque niveau territorial pourrait être décliné
dans des annuaires proposant une liste exhaustive des sites publics et
privés. L'annuaire de la documentation Française doit ainsi
évoluer pour intégrer les collectivités territoriales.
· Des sites annuaires par profession pourraient être
développés.
- Un annuaire des adresses électroniques individuelles pourrait
être adjoint à l'annuaire universel dont l'ART va superviser la
réalisation.
7°) La question du nommage de sites
· La définition d'un plan de nommage évolutif, qui
anticipe la généralisation de sites pour les administrations, est
indispensable et en cours d'élaboration.
·
Les règles définies internationalement
devraient inclure un principe de subsidiarité clairement affirmé,
reconnaissant la compétence des pouvoirs publics nationaux pour
désigner l'organe chargé d'attribuer les noms de domaine sous la
racine nationale (« .FR ») et pour fixer le plan de nommage
sous cette racine.
·
La France doit assurer sa présence dans les enceintes
internationales de l'Internet.