B) IMPRIMERIE ET RÉFORME : L'ALLIANCE SACRÉE
Mais la Renaissance ne réside pas seulement dans cette
recherche érudite, qui ne semble orientée que vers le
passé. Elle constitue aussi et surtout un véritable courant
intellectuel, moderne et novateur. Ainsi n'est-ce pas seulement à
travers le goût de l'Antiquité que l'humanisme va favoriser les
progrès de l'imprimerie, mais davantage par son système de valeur
au sein duquel le livre est érigé en vecteur essentiel de la
communication.
Liée dès son origine aux progrès de l'humanisme, qu'elle
va en retour favoriser, l'imprimerie va se retrouver ensuite mise au service
d'une cause religieuse : la Réforme.
Cependant, sur ce point, on prendra garde de ne pas se laisser prendre au
piège de déterminismes naïfs, tout comme on résistera
à la tentation d'établir une lecture historique fondée sur
des causalités simplistes.
En d'autres termes, tout nous engage à faire nôtre la restriction
formulée par Febvre et Martin : "
Nous n'avons pas évidemment
la ridicule prétention de montrer que la Réforme est fille de
l'imprimerie : mais le livre, témoin des convictions, soutien dans
les discussions, instrument de ralliement des hésitants, joue, au
XVI
e
siècle, dans le développement du
protestantisme, un rôle essentiel
".
Le 31 octobre 1517, en effet, les 95 thèses de Luther sont
publiées en latin. Elles marquent les débuts de la
Réforme. Et "
pour la première fois se déclenche ce que
nous appellerions aujourd'hui une campagne de presse. Du même coup se
révèlent les possibilités que confèrent
l'imprimerie à ceux qui veulent atteindre et soulever l'opinion
".
Pour le résumer d'une phrase, " toute une littérature
d'information se constitue, ancêtre de notre actuel journal (1(
*
)) ".
De fait, dans un contexte culturel marqué par un déclin relatif
de l'audience des livres humanistes (et notamment ceux d'Érasme), "
Luther fait la fortune de ses imprimeurs
". Au total, Febvre et
Martin
estiment que "
la diffusion des écrits de Luther dépasse sans
doute le million d'exemplaires dans la première moitié du
XV
e
siècle
", de sorte que "
pour la
première fois s'est constituée alors une littérature de
masse, destinée à tous et accessible à tous
".
Dans le même temps, s'affirme en Europe, avec la propagation des textes
de Luther, qui se joue de la censure, le caractère international du
commerce du livre. Ainsi, Calvin, à l'instar de Luther, saura se servir
de la presse pour diffuser des dogmes nouveaux, tandis que Genève
deviendra, à la fin de la première partie du XVI
e
siècle, une capitale européenne de l'imprimerie.
Le livre apparaît donc comme un multiplicateur d'écrits, dont la
force de pénétration procède du caractère massif de
son pouvoir de diffusion. Rien d'étonnant, dès lors, qu'il soit
tout naturellement enclin à favoriser la propagation des idées
nouvelles et, en retour, à s'en nourrir.
Mais la révolution du livre n'a pas seulement été d'ordre
quantitatif. Elle était aussi -- et surtout, sommes-nous tenté
d'ajouter -- d'ordre qualitatif, ce qui n'a fait, bien entendu, que renforcer
son succès.