CONCLUSION
" Réseau ", " confiance ", "
pyramides ", tels ont
été sans doute les mots les plus souvent employés dans cet
ouvrage.
Une récapitulation des réflexions que m'ont inspiré ces
trois notions me permet de résumer ici les éléments de
réponse que je propose d'apporter aux trois questions fondamentales qui
se posent au citoyen et au responsable politique :
qu'est-ce que cette société de l'information si souvent
évoquée ?
pourquoi et comment devons-nous y entrer ?
La société de l'information se caractérise en somme,
à mon sens, par la substitution de
réseaux
à des
pyramides
mais cette société nouvelle ne peut se
développer que dans la
confiance
.
1. Quels réseaux ?
La notion est complexe et il importe de ne pas se laisser
prendre au piège de l'ambiguïté que peut créer toute
confusion entre ses multiples significations. Le réseau est à la
fois une technique, un concept et un phénomène social, une
structure d'organisation et un mode de transmission de l'information, un
ensemble de matériels et d'infrastructures et un marché sur
lequel se vendent des services marchands ; une forme d'échanges
intellectuels, une sphère d'influence ou un facteur de transformation de
la société. Le mot réseau pouvait servir autrefois
à désigner des systèmes organisés de fortifications
aussi bien que de circulation des véhicules.
Aujourd'hui encore, le danger existe de ne se servir des réseaux que
pour relier entre elles les citadelles du pouvoir, au sommet des pyramides.
A côté des réseaux décentralisés,
interactifs, maillés et égalitaires, subsistent encore, comme le
rappelle Pierre MUSSO dans son ouvrage " Télécommunications
et philosophie des réseaux ", des réseaux arborescents,
centralisés et hiérarchiques, du type de ceux utilisés par
la télédiffusion, qui suggèrent la domination de
l'émetteur sur une multitude de récepteurs.
Ce sont évidemment les premiers plutôt que les seconds que
l'évolution des techniques aussi bien que les valeurs de la
société de l'information, analysées dans cet ouvrage,
tendent à favoriser. C'est donc vers eux que doit se porter notre
attention.
Les autoroutes de l'information, préfigurées imparfaitement par
Internet, permettront d'allier les avantages des réseaux
informatiques
(débit, terminaux autonomes et intelligents,
numérisation des données),
téléphoniques
(commutation, maillage, bouclage, réciprocité et
égalité des échanges) et
audiovisuels
(transmission
de sons et d'images animées).
C'est la multilatéralisation simultanée des échanges
(messagerie, consultation de pages Web, visioconférence, forums de
discussion) qui représente finalement, avec la mutation de
l'informatique, devenue personnelle, communicante et multimédia, la
conquête essentielle des années récentes.
Mais les prouesses de la technique, aussi admirables soient-elles, ne doivent
pas conduire à faire de cette dernière une fin en soi, alors
qu'elle ne demeure qu'un moyen.
Les réseaux ne sont qu'un instrument. Les considérer de
façon pragmatique est le meilleur moyen d'éviter d'entrer dans
les débats stériles et dépassés qui opposent les
technolâtres aux technophobes ou de succomber aux utopies
saint-simoniennes allant jusqu'à faire de la théorie des
réseaux une religion.
C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à n'idéaliser ni la
technologie des réseaux elle-même, ni les usages qui peuvent en
être faits : la première est perfectible et soumise aux sanctions
du marché. Quant à ses utilisations, il convient tout d'abord de
ne pas faire de la
communication
un absolu et de bien la distinguer de
la notion d'
information
. Cette dernière, pour sa part, n'est,
comme je l'ai montré, qu'un minerai de base qui ne peut acquérir
de la valeur que grâce aux savoirs pour se transformer en connaissances
et en expertise qui enrichiront notre culture et donneront plus de sagesse
à nos peuples.