2. La participation à une évolution générale : la poste des Princes de Taxis, embryon d'un système européen
Du Moyen-Age à l'époque moderne, l'Europe
connaît une expansion postale générale. La France,
traversée par des routes internationales, reliée aux
péninsules italienne et ibérique, à l'Autriche, aux Etats
allemands et néerlandais sur le continent, et à la
Grande-Bretagne par la voie maritime, y constitue un point de passage
obligé pour nombre de courriers internationaux.
Plusieurs systèmes postaux coexistent alors en Europe. En Italie, la
papauté gère son propre service ; en Suisse, existe une poste qui
dispose d'un bureau à Lyon où les marchands des grandes
cités commerçantes italiennes ouvrent aussi leur bureau de poste.
Le réseau le plus étendu est, sans nul doute, celui
créé dans le Saint-Empire germanique par la famille Tour et
Taxis, puisqu'il étend ses ramifications quasiment dans toute l'Europe.
Maître des postes impériales, le prince de Taxis anime un
réseau de relais, protégé par un monopole
conféré par l'empereur malgré les réticences des
princes des autres Etats allemands. Cette entreprise postale, qui assure la
fortune de son organisateur, fonctionne jusqu'à ce que la
Révolution lui porte un premier coup. Partiellement rétablie
à la Restauration, elle disparaît en 1857, lorsque l'Office des
Tour et Taxis est racheté par la Prusse en échange d'une
indemnité considérable.
La coopération entre les diverses postes européennes ne prend
corps que très progressivement. En effet jusqu'au XVIIe siècle,
les postes assurent l'intégralité du transport international des
lettres jusques et y compris sur le territoire des États
étrangers qu'elles traversent. En France, il leur est par exemple
nécessaire d'obtenir l'autorisation du roi qui, par lettres patentes,
leur donne le droit de traverser le royaume.
Peu à peu, les États étendent leur pouvoir sur la poste
internationale et signent les premiers traités postaux internationaux
bilatéraux, lointains ancêtres des traités
multilatéraux actuels. Progressivement, des systèmes
d'échange de lettres aux frontières sont mis au point, notamment
entre la France, l'Espagne et l'Angleterre, au XVIIIe siècle, ce qui
évite d'entretenir de multiples réseaux sur un seul trajet.
Cependant, la tarification du service apporté par les diverses postes
donne lieu à des différends d'autant plus vifs que le transport,
payé par le destinataire, est très coûteux.
Songeons qu'en 1737, l'itinéraire de Lyon à Rome comporte
90 relais ! Il va sans dire que les postes sont soucieuses d'être
rémunérées en fonction du coût réel qu'elles
engagent pour l'acheminement des lettres. Or, en l'absence du timbre (qui
n'apparaît qu'au XIXe siècle), une telle évaluation est
spécialement délicate et source de nombreuses querelles, qui
aboutissent à la renégociation, voire même à la
dénonciation, des traités postaux.