2. Une ouverture progressive, mais inéluctable, du marché postal
Nous l'avons signalé précédemment, une
majorité d'États membres souhaitaient une ouverture
concurrentielle beaucoup plus poussée du marché postal. Le
Gouvernement français a réussi, en dépit de cette
situation défavorable à maintenir le domaine
réservé de La Poste sur la publicité adressée
(publipostage) et sur le courrier transfrontalier entrant, qui sont les deux
segments les plus porteurs du marché du courrier à l'heure
actuelle et représentent respectivement 11 % et plus de
6 % % du chiffre d'affaires-courrier de La Poste.
Ainsi, sans le compromis réalisé in extremis à Dublin, la
libéralisation aurait porté aux deux tiers la part du trafic
courrier de La Poste exposé à la concurrence, alors que
grâce à lui
elle
porte sur la moitié de ce
trafic
.
Mais ce coup de frein ne constitue que la première étape du
processus enclenché.
Suite au compromis de Dublin, la position commune du Conseil du
18 décembre 1996 fixe les modalités de révision de la
future directive, qui associera le Conseil et le Parlement européen,
conformément à la volonté de la France. Toute
décision sur une éventuelle poursuite de la
libéralisation
devra entrer dans le cadre de ce processus de
révision et faire l'objet d'une nouvelle décision du Conseil et
du Parlement
avant le 31 décembre 2000
, une nouvelle
étape de libéralisation ne pouvant entrer en vigueur avant le
1er janvier 2003.
Toutefois, en l'absence de dispositions nouvelles avant cette date, la
directive deviendrait caduque au 31 décembre 2004
. Dans ce cas,
les États membres ne retrouveraient cependant pas toute liberté
d'action. En effet, la Commission européenne pourrait alors s'appuyer
sur les pouvoirs que lui confère le Traité de Rome, notamment son
article 90 (qui lui donne compétence pour soumettre aux
règles communautaires de concurrence les entreprises des Etats membres
bénéficiant d'un monopole), pour fixer les règles
applicables au secteur postal. Elle serait par exemple en droit de s'opposer
à ce qu'un État membre élargisse le champ des services
réservés à l'opérateur de service universel si,
pendant la période d'application de la directive, il avait
été prouvé qu'un périmètre de monopole plus
circonscrit suffisait à assurer le financement du service universel.
Il faut, par conséquent, avoir conscience du fait que la contraction
des monopoles postaux est irréversible. L'opposition de la France qui a
su la retarder ne saurait la paralyser.
Le processus de révision de la directive est soumis à la
procédure de la co-décision, qui prévoit une
décision à la majorité qualifiée des États
membres. Or, on l'a vu, la France est isolée au milieu de partenaires
européens pressés de poursuivre dans la direction d'un
marché postal ouvert.
L'article 7-3 du projet de directive prévoit que les futures
discussions porteront, notamment, sur la libéralisation du courrier
transfrontière et du publipostage et sur un éventuel
réexamen des limites de prix et de poids. En outre, son article 26
précise que les États membres pourront maintenir ou introduire
des mesures plus libérales que celles prévues par le projet de
directive.
Tout laisse donc penser que cette première phase de
libéralisation modérée pourrait déboucher d'ici
cinq ans sur une ouverture beaucoup plus poussée du marché
,
que nous n'aurons pas les moyens de contenir.
Ainsi qu'on le verra ci-après, un certain nombre de pays ne se privent
pas de s'engager d'ores et déjà sur cette voie, alors même
que la directive ne devrait être adoptée définitivement que
d'ici la fin de l'année 1997 et transposée dans le droit national
dans l'année qui suivra cette adoption.
C'est ainsi que même l'Allemagne -celui de nos partenaires sans le
soutien duquel la France n'aurait pu arracher le compromis de Dublin- compte
libéraliser son publipostage dès 1998.
La Poste est confrontée, par ailleurs, à une mise en cause des
conditions d'exercice de ses activités financières.