EXAMEN DU RAPPORT
Au cours d'une réunion tenue le
mardi 21 octobre à 16 heures, conjointement avec le
groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications, sous la présidence de M. Jean
François-Poncet, président, la Commission des Affaires
économiques a procédé à l'examen du rapport
d'information de M. Gérard Larcher, président du groupe
d'études sur l'avenir de la Poste et des
Télécommunications sur "
La Poste, opérateur
public de service public, face à l'évolution technique et
à la transformation du paysage postal européen
".
Après que M. Jean François-Poncet, président, eut
salué la présence à cette réunion de M. le
Président du Sénat, M. Gérard Larcher, rapporteur, a
présenté les grandes lignes de son rapport et ses propositions.
Félicitant le rapporteur pour la richesse et la qualité de son
exposé, M. Jean François-Poncet, président
,
a
souligné que celui-ci avait tenu compte, d'une part, des
préoccupations du personnel et des impératifs
d'aménagement du territoire et d'autre part, de l'exigence d'ouverture
de La Poste à la concurrence et à la modernité.
Ayant, à son tour, félicité le rapporteur, M. René
Monory, président du Sénat, a souligné que son travail
était riche d'enseignements.
M. Jean François-Poncet, président, a ensuite demandé au
rapporteur pour quelles raisons il pensait que la poste allemande, dont la
privatisation était prévue, pourrait choisir de s'allier à
la poste française, qui reste un opérateur public. Puis, il l'a
questionné sur les motifs qui l'inclinaient à penser que la
procédure préalable à toute réorganisation des
services publics prévue par la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire permettrait de
répondre aux attentes des élus locaux en matière de
présence postale sur le territoire, faisant valoir que cette
procédure confiait la décision finale au ministre et qu'elle
n'offrait aucun recours aux élus, si la décision finale
était celle du repli.
S'agissant de l'alliance avec la Deutsche Post AG, M. Gérard
Larcher lui a répondu que si, actuellement, le secteur postal
était une industrie de main d'oeuvre, à l'avenir il serait de
plus en plus capitalistique, ce qui rendrait nécessaire la conclusion
d'alliances internationales. Il a observé qu'en l'état actuel des
choses, la poste allemande était celle qui était la plus
susceptible de s'allier avec la poste française, compte tenu de la forte
tradition de service public existant outre-Rhin et du fait de la
" taille
critique " qu'elle permettrait d'atteindre, pour nouer une alliance
avec
un intégrateur mondial. Il a ajouté que si l'on souhaitait
développer les activités internationales de La Poste, il
était nécessaire de ne pas exclure de la doter d'un capital.
En ce qui concerne la réorganisation du réseau, il a
souligné que les articles 28 et 29 de la loi précitée
prévoyaient, en cas de désaccord du préfet sur la
fermeture d'un service public, un arbitrage du ministre et que cet arbitrage
serait rendu sous le regard de la représentation nationale. Il a, en
outre, indiqué qu'il était nécessaire de s'interroger sur
les moyens qui permettraient de réaliser un aménagement dynamique
du territoire et qu'à cette fin, il avait proposé d'affecter une
partie de la taxe professionnelle de France Télécom à
l'aménagement postal du territoire.
Il a souligné le fait qu'en Haute-Loire, par exemple, le
développement des activités économiques n'avait pas
profité à La Poste mais aux opérateurs privés.
Après avoir félicité le rapporteur et souligné
l'importance du rôle social de La Poste en zone rurale, Mme Janine Bardou
a rappelé l'inquiétude des élus locaux face à
l'éventualité d'une levée du moratoire. Elle a
estimé qu'il fallait avoir une vision dynamique de l'aménagement
du territoire et, notamment, compenser la fermeture de certains services
postaux en zone rurale par la délocalisation d'autres services de
l'opérateur public dans les mêmes zones.
En réponse, M. Gérard Larcher
a déclaré que
La Poste était non seulement un guichet social de fait, mais qu'elle
constituait aussi, bien souvent, à la fois la banque et la
" tirelire " des personnes défavorisées. Evoquant
ensuite le problème du réseau, il a estimé que les
élus ne devaient pas être les victimes d'un " marché
de dupes ". Il a souligné la nécessité de
procéder à des délocalisations de services telles que
celle réalisée récemment par les services financiers de La
Poste en Limousin, et il a souhaité le développement d'un service
postal mobile de haute qualité, analogue à celui qui est
développé en Allemagne.
M. Jean Huchon a souligné l'impact des différences de
densité de population entre les pays européens et il a
évoqué l'incidence négative des grèves des centres
de tri de 1995 pour La Poste, avant de rappeler le rôle que jouait la
qualité des hommes pour l'avenir du service postal.
M. Gérard Larcher, après avoir constaté que la
densité postale était très variable en Europe, a
indiqué, s'agissant de la grève, que lors du conflit de 1995,
5 % du personnel étaient parvenus à bloquer
l'activité de l'entreprise. Il a estimé qu'il était
nécessaire d'encourager la médiation dans les conflits sociaux et
il a jugé qu'une garantie de la continuité du service devait
être la contrepartie de l'effort demandé aux Français pour
le financement de La Poste.
M. Pierre Lefebvre
a remercié le rapporteur de la qualité
de son exposé, dont il a cependant indiqué qu'il ne partageait
pas certaines conclusions. Il a déclaré que ce travail avait le
mérite d'ouvrir le débat. Puis, il a souligné le
rôle social de La Poste, y compris en milieu urbain, avant de
s'interroger sur les liens entre l'accroissement de la concurrence et le
" braconnage " postal lié au repostage.
En réponse, M. Gérard Larcher
a déclaré que
le système des frais terminaux qui résultait des accords de
l'Union postale universelle donnait lieu à une
rémunération insuffisante des postes qui connaissaient les plus
lourdes charges de structures. Il a indiqué que La Poste
française ne percevait que 27 centimes pour la distribution d'une
lettre en provenance de l'étranger alors même que le coût
moyen de celle-ci s'élevait à 1,3 franc par lettre. Il a
rappelé que KPN, la holding qui détient la poste hollandaise,
avait mis en oeuvre une stratégie tendant à conquérir la
première place sur le marché du transport international, tant
grâce au port de Rotterdam que grâce à KPN ou à KLM.
Il a insisté sur le fait que le repostage rapportait 2 milliards de
francs par an à cette société et sur la
nécessité de lutter fermement contre cette pratique. Il a
jugé indispensable une réévaluation des frais terminaux et
une contre attaque commerciale de La Poste sur les marchés
internationaux et a proposé la création d'un " euro
timbre " à tarif unique pour l'envoi des courrier inter
Etats-membres au sein de l'Union européenne.
Répondant à M. Alain Pluchet qui l'interrogeait sur le
problème, en apparence insoluble, posé par le financement des
retraites, le rapporteur a souligné qu'actuellement les charges sociales
supportées par La Poste étaient supérieures de
7 points à celles de ses concurrents et que si rien n'était
fait pour y remédier, elles représenteraient le double de celles
acquittées par la concurrence à l'horizon 2005. Il a
évoqué plusieurs solutions au règlement de la question des
retraites : le versement d'une soulte, difficilement envisageable, la
prise en charge partielle des retraites par l'Etat, voire l'affiliation des
nouveaux embauchés au régime de retraite des salariés.
M. Hilaire Flandre
a souligné le risque de déstabilisation
de certains services du fait du développement des activités
financières ou d'assurance de La Poste. Puis, il a interrogé le
rapporteur sur l'incidence du développement des nouvelles technologies
sur les échanges de courriers.
M. Gérard Larcher lui a répondu que, même si la France
était pour le moment moins équipée que certains pays tels
que la Suède, les nouvelles technologies de la communication avaient
d'ores et déjà une incidence négative sur les
échanges de courrier physique. Il a souligné, en
conséquence, l'importance vitale que revêtait une reconquête
du marché des colis qui, lui, n'était pas soumis à ce type
de concurrence et connaissait une croissance.
Répondant à M. Louis Minetti, qui avait souligné
l'analogie entre le problème des retraites agricoles et celui des
retraites des postiers, M. Gérard Larcher a indiqué que La
Poste connaissait, comme le budget annexe des prestations sociales agricoles
(BAPSA), un problème de décroissance démographique, mais
qu'en outre la compétitivité de l'opérateur postal se
trouvait fortement limitée par rapport à ses concurrents,
à cause du poids des retraites. Il a souhaité, par
conséquent, que La Poste soit mise en mesure de supporter des charges
équivalentes à celles qui pèsent sur ses concurrents.
Ayant salué la qualité du rapport, M. Jean-Marc Pastor a
jugé qu'il restait cependant des interrogations, notamment sur
d'éventuels nouveaux statuts. Il a souhaité qu'il ne soit
procédé au vote sur les conclusions du rapport qu'à
l'occasion d'une réunion ultérieure de la commission.
Après avoir souligné le fait que le rapporteur s'était
attaché à trouver une voie aussi médiane que possible, en
tenant compte des sensibilités diverses et d'un environnement qui
s'impose à tous, M. Jean François-Poncet,
président
,
a estimé qu'il était difficile de
trouver un meilleur équilibre que celui proposé dans le rapport
et il a considéré qu'il n'était pas possible de
différer le vote sur les conclusions présentées à
la commission, précisant qu'il était en revanche loisible de
prévoir un débat ultérieur sur le sujet.
M. Gérard Larcher
a alors indiqué à
M. Jean-Marc Pastor qu'il était prêt à engager un
débat sur ce thème à l'occasion de la transposition de la
directive postale.
Répondant à
M. Désiré Debavelaere
,
qui s'interrogeait sur la possibilité d'asseoir la soulte de La Poste
sur les recettes tirées d'une seconde tranche d'ouverture du capital de
France Télécom au public, M. Gérard Larcher
a
souligné l'intérêt de cette proposition tout en relevant
que, dans la mesure où France Télécom gérait un
service public national et employait des fonctionnaires, une telle
opération ne pourrait en aucun cas remettre en cause la détention
majoritaire du capital de l'opérateur de
télécommunications par l'Etat. Il a souligné qu'une telle
opération reposait sur l'ancienne solidarité existant entre La
Poste et France Télécom.
Le rapport de M. Gérard Larcher a été adopté sans
opposition, tous les membres des groupes de l'Union centriste, des
Républicains et indépendants, du Rassemblement
démocratique et social européen, du Rassemblement pour la
République votant pour, les membres du groupe Communiste,
Républicain et Citoyen s'abstenant et les membres du groupe Socialiste
ne prenant pas part au vote.