II. LES TRAVAUX DES COMMISSIONS
1. La commission des Affaires politiques et de la Sécurité
La " première commission " s'est
réunie les 6 et 7 juillet sous la présidence de
M. Javier RUPEREZ (Espagne).
Elle a examiné le rapport de M. Bruce GEORGE (Royaume-Uni) sur
" un modèle de sécurité commun et global pour
l'Europe du XXI
ème
siècle ".
Après avoir retracé les étapes du débat sur le
modèle de sécurité depuis le document de Budapest de 1994
(1(
*
))
, puis rappelé les
missions confiées à l'OSCE par les accords de Dayton (21 novembre
1995), ce rapport s'attachait à cerner les principales questions qui
sont au coeur du débat sur le modèle de
sécurité :
1) " Pourquoi la perspective d'une OSCE dotée d'un fondement
juridique attire-t-elle les uns et repousse-t-elle les autres ? Quelles sont
les aspirations, quelles sont les appréhensions en jeu ?
2) " Si la Russie s'intéresse vraiment au renouveau de l'OSCE,
pourquoi aucun progrès n'a-t-il été enregistré au
sujet d'une force de maintien de la paix de l'OSCE au Nagorny-Karabakh ? Est-ce
dû aux parties directement concernées ou au fait que la Russie ne
souhaite pas l'engagement de l'OSCE ?
3) " A quoi bon perpétuer le Conseil de coopération
nord-atlantique, tel qu'il a été fondé,
c'est-à-dire sur le principe désormais périmé qui
visait à réunir d'anciens adversaires ? Les points figurant
à son ordre du jour ne pourraient-ils pas être mieux
traités dans le cadre plus vaste de l'OSCE compte tenu, toutefois, des
contributions de l'OTAN et d'autres organisations ?
4) " Si l'OTAN peut coopérer avec la Russie et de nombreux Etats
non membres de l'OTAN dans le cadre de l'IFOR, pourquoi ne pas envisager cette
mission comme un essai en vue d'une option future de sécurité
collective à l'échelle de l'OSCE et non pas forcément
comme une nouvelle Ligue des Nations ?
5) " Le fait que l'OSCE s'écarte du principe du consensus dans ses
prises de décisions aurait-il un impact pratique ? Un Etat participant
se sentirait-il obligé de ne pas respecter ce qu'il considérerait
comme son intérêt national dans le seul but de se conformer
à une décision de l'OSCE ? " Un consensus - moins -
un " ou " un consensus - moins - deux "
entraînerait-il
des conséquences importantes, comme par exemple des sanctions, et non
seulement des déclarations politiques ? La proposition de
l'Assemblée parlementaire de l'OSCE préconisant un
" consensus approximatif " de 90 pour cent permettrait-elle
d'améliorer et de rationaliser le processus de prise de décisions
?
6) " Ressort-il assez clairement du Document de Helsinki 1992 que
l'OSCE
peut décider d'elle-même d'effectuer une mission de maintien de la
paix, ou bien est-il nécessaire ou opportun qu'elle ait un mandat du
Conseil de sécurité des Nations Unies, comme la Russie l'a
exigé pour le Nagorny-Karabakh ?
7) " Que faut-il faire avec l'ensemble des
" mécanismes "
guère utilisés de l'OSCE ? Faut-il les réunir en un seul
mécanisme déterminant les violations présumées de
tout engagement de l'OSCE ? Les inspections prévues au titre du
régime des mesures de confiance et de sécurité
pourraient-elles être menées non seulement par des équipes
nationales mais par des équipes multinationales à partir d'une
agence de maîtrise des armements relevant de l'OSCE, idée
avancée par l'Assemblée parlementaire à Ottawa, ce qui
permettrait de s'écarter d'un modèle selon lequel,
conformément à un document de réflexion de la Suède
daté de décembre 1995, la sélection d'Etats-cibles
continue de refléter les caractéristiques de la guerre froide et
selon lequel la moitié seulement des Etats participants de l'OSCE aurait
jusqu'à présent mené des inspections ou des visites
d'évaluation ? Etant donné qu'immanquablement le travail de
l'OSCE sur la maîtrise des armements en Bosnie ne sera pas terminé
d'ici 12 mois comme c'est le cas pour l'IFOR (si tout se passe comme
prévu) ne sera-t-il pas nécessaire de créer une agence de
l'OSCE chargée de la maîtrise des armements ?
8) " Alors que l'OTAN se prépare à décider, en
décembre 1996, les " prochaines étapes " de son
élargissement en proposant probablement des décisions relatives
aux nations qui seront les premières invitées à y
adhérer, a-t-on assez réfléchi à la manière
dont un élargissement et une transformation de l'OTAN et de l'OSCE
peuvent ensemble répondre à de nouveaux défis ?
Certes, l'IFOR constitue un précédent d'importance vitale pour
les activités de maintien de la paix de l'OSCE, qui ont
été définies dans le Document de Helsinki 1992, notamment
en ce qui concerne le recours aux moyens dont disposent d'autres organisations,
mais ne se sont pas encore concrétisées sur le terrain. Le droit
souverain d'adhérer à des traités d'alliance est
inconditionnel mais indissociable de la tâche plus vaste qui consiste
à s'efforcer de créer un espace commun de sécurité
dans l'ensemble de la région de l'OSCE, notamment d'instaurer un
partenariat actif entre l'OTAN, la Russie et l'Ukraine et d'approfondir les
autres thèmes que le présent rapport a tenté de mettre en
évidence ".
Le rapport de M. Bruce GEORGE ne proposait pas de réponses à ces
questions. Toutefois, la proposition de résolution soumise à la
" première commission " esquissait certains aspects du
nouveau
" modèle de sécurité " :
- adoption du principe du " consensus approximatif " pour
les
décisions et renforcement de l'exécutif de l'OSCE ;
- mise en place d'un régime de sanctions pour non-respect des
engagements pris par les Etats participants ;
- soutien au concept d'" institutions se renforçant
mutuellement " dans le domaine de la sécurité et de la
coopération en Europe.
L'examen du projet de résolution a donné lieu à un large
débat ; de nombreux amendements ont été
adoptés et le texte voté par la commission -qui a
été, à un paragraphe près, repris dans la
déclaration finale- diffère sensiblement du texte initial.
Le texte final conserve, certes, l'orientation en faveur du
" consensus
approximatif " et du renforcement de l'exécutif, et se prononce en
faveur d'un régime de sanctions propre à l'OSCE ; mais il ne
reprend pas le concept d'" institutions se renforçant
mutuellement ", lui préférant la formule d'un
"
accord sur une procédure contraignante garantissant un
échange réciproque permanent d'informations ainsi que des
consultations et une coordination étroite des activités entre
l'OSCE, l'Organisation des Nations Unies, l'Union européenne, le Conseil
de l'Europe, l'OTAN et l'UEO au niveau du Secrétaire
général ou du Président, sur un pied
d'égalité, sans hiérarchie ni responsabilité
supérieure et avec toutes les parties intéressées dans le
but de maintenir la paix et la stabilité, et répondre ainsi aux
préoccupations de tous les Etats participants de l'OSCE en
matière de sécurité
".
Par ailleurs, alors que le texte initial abordait un seul conflit en cours,
celui de l'ex-Yougoslavie -en apportant son soutien aux actions en cours et en
"
reconnaissant qu'une présence internationale à long
terme en faveur de la paix pourra être nécessaire pour garantir
une viabilité durable des accords de Dayton
"- le texte
adopté, tout en reprenant cet aspect, mentionne également les
différents conflits dans lesquels intervient l'OSCE et souligne tout
particulièrement la nécessité d'intensifier les efforts
pour résoudre le conflit du Nagorny-Karabakh.
En outre, le texte final :
- prône le "
renforcement de l'OSCE dans les domaines de la
diplomatie préventive, de la prévention des conflits ainsi que de
la reconstruction dans les périodes post-conflit, y compris le
renforcement de ses instruments et la mise à disposition de ses
institutions des moyens nécessaires
" ;
- demande que soit encouragée "
la création de zones
dénucléarisées dans la région de l'OSCE, en tant
qu'élément nécessaire et important d'un nouveau
système de sécurité paneuropéen
" ;
- invite à un règlement du conflit en Tchétchénie
sur la base de l'accord de Nazran ;
- demande que "
toutes les parties en Albanie envisagent, dans un
délai raisonnable mais limité, de nouvelles élections
parlementaires tenues dans de meilleures conditions et en présence
d'observateurs internationaux
" ;
- invite "
l'OSCE et ses Etats participants à appuyer d'un
commun accord une interdiction unilatérale des mines antipersonnel
à l'échelon du monde, y compris la production, la vente,
l'exportation, le transfert à l'étranger et l'utilisation de ces
mines ainsi que la destruction des stocks existants
" ;
- invite également l'OSCE et ses Etats participants à signer le
protocole II de la Convention des Nations Unies sur les armes
conventionnelles (CWC), et à soutenir l'élargissement de la
portée de ce protocole aux conflits armés non internationaux.
Enfin, la commission a adopté un amendement préconisant de
"
prendre des mesures particulières pour une meilleure
intégration de la Russie dans l'architecture de sécurité
européenne comme la création d'un conseil de
sécurité européen dans le cadre de l'OSCE
".
Toutefois ce passage a été retiré de la déclaration
finale à la suite d'un vote organisé en session
plénière (70 voix contre 66) en raison de l'opposition de la
délégation ukrainienne. A l'exception de ce paragraphe, le texte
adopté par la commission a été intégralement repris
dans la déclaration finale.
A l'issue de ses travaux, la commission a renouvelé son Bureau,
désormais ainsi composé :
Président : M. Bruce GEORGE (Royaume-Uni), seul candidat ;
Vice-Président : M. Kimmo KILJUNEN (Finlande), qui l'a emporté
sur M. Anatoly KOTKOV (Russie)
Rapporteur : M. Anton BUTEIKO (Ukraine), qui l'a emporté sur
M. Jean de LIPKOWSKI (France).