3. La répartition de ces moyens, surtout en hommes, correspond très mal à l'évolution de l'activité judiciaire
Le dispositif judiciaire actuel, hérité du
XIXème siècle, ne correspond plus aux réalités de
la fin du XXème siècle. Cette
inadaptation de la carte
judiciaire
a été mise en évidence par le rapport
présenté en février 1994 par M. Jean-François
Carrez, au nom du comité de réorganisation et de
déconcentration du ministère de la Justice, ainsi que par le
rapport sur la carte judiciaire établi par les services de la
Chancellerie en application de l'article 5 de la loi de programme du 6 janvier
1995 relative à la justice. Elle a également été
confirmée par les réponses des responsables de juridictions
à l'enquête de la mission.
Ils décrivent d'importantes inégalités dans la
répartition géographique des moyens, sources de graves
déséquilibres dans la charge de travail des juridictions comme
des magistrats et fonctionnaires.
Cette situation est en outre aggravée par une certaine paralysie de la
gestion des effectifs, à laquelle conduit une conception stricte du
principe de l'inamovibilité des magistrats.
a) Une carte judiciaire héritée de l'histoire
Produit d'une "
stratification
"
historique,
selon l'expression de M. Jean-François Carrez, à l'origine
très ancienne, la
carte judiciaire française
est
très largement le reflet de réalités
démographiques, économiques et sociales aujourd'hui disparues. La
densité géographique
des juridictions,
très
variable suivant les zones
, traduit encore l'héritage de l'Ancien
Régime et du premier développement industriel. De plus,
l'organisation judiciaire apparaît aujourd'hui largement figée
dans ses archaïsmes ; en effet, elle n'a quasiment pas
évolué depuis 1958.
Sous des appellations uniformes, les caractéristiques des
juridictions sont en réalité extrêmement diverses.
Ainsi, on constate, pour une même catégorie de juridictions, des
écarts énormes dans l'importance de la population desservie, le
volume de l'activité, les effectifs de magistrats.
Certaines juridictions se situent, de fait, en dessous du seuil
d'activité critique nécessaire à un fonctionnement
efficace. Le rapport établi par M. Jean-François Carrez
dénombre par exemple 37 tribunaux d'instance traitant moins de 250
affaires par an, 71 tribunaux de commerce traitant moins de 200 affaires
nouvelles de contentieux général et moins de 100
procédures collectives par an, 93 conseils de prud'hommes traitant moins
de 200 affaires par an... De tels niveaux d'activité ne permettent ni
l'amortissement des équipements, ni l'organisation rationalisée
du travail, ni la spécialisation des juges si nécessaire compte
tenu de la complexité croissante des normes et de la montée
générale des flux.