ANNEXE III

COMPTE RENDU DES AUDITIONS DE LA MISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES



Pages

Mercredi 25 septembre 1996

· M. Olivier MURON, Directeur de la promotion, de la recherche et de son transfert

INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE EN INFORMATIQUE ET EN AUTOMATIQUE (INRIA)



3

Mercredi 9 octobre 1996

· M. Michel MATHEU, chef de service

COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN



11

Mercredi 16 octobre 1996

· Mme Anita ROSENHOLC, Chargée de mission

DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET À L'ACTION RURALE (DATAR)

· M. Georges-Yves KERVERN
M. Jean-Michel BILLAUT
Mme Claudine SCHMUCK

Membres du CLUB DE L'ARCHE



15



17

Mercredi 30 octobre 1996

· M. Jean-Luc ARCHAMBAULT, Directeur

SERICS

· M. Bernard VERGNES, Président

MICROSOFT EUROPE

· M. Gérard MOINE, Directeur des relations extérieures
M. Gérard EYMERY, Responsable du service multimédia


FRANCE TÉLÉCOM



21

22

26

Mercredi 6 novembre 1996

· M. Gérard THÉRY, Président

CITÉ DES SCIENCES

· M. Pierre BOURIEZ, Responsable du développement technologique
M. Christian ROSSI, Directeur de la communication


LYONNAISE COMMUNICATIONS

· M. Stéphane TREPPOZ, Directeur du développement du pôle médias
M. Jean-Pascal TRANIE, Directeur général de la Générale d'Images

COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX



29



31



33

34

Mercredi 13 novembre 1996

· M. Pierre LAFFITTE, Président de la mission

35

Mercredi 20 novembre 1996

· M. Pierre FAURE, Adjoint du directeur de l'informatique, chargé des autoroutes de l'information

DASSAULT AVIATION



39

Mercredi 27 novembre 1996

· M. Jean-Pierre MACHART, Directeur

EUROTÉLÉPORT



41

Mercredi 4 décembre 1996

· Mme Louise CADOUX, Vice-président délégué

CNIL



45

Mercredi 18 décembre 1996

· M. Roland FAURE , membre du CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL, et Président du CLUB DIGITAL AUDIO BROADCASTING

· M. Claude WARGNIER, Directeur technique à EUROPE 1 et Vice-président du CLUB DAB

· M. Alain STARON, directeur des nouveaux services de TPS



47

47

48

Mercredi 29 janvier 1997

· Mme Clara DANON, Sous-directeur des technologies nouvelles
M. Alain ELIE, Chef du bureau pour l'enseignement scolaire
Mme Françoise THIBAULT, Chargée de mission à l'enseignement supérieur, à la direction de l'information scientifique, des technologies et des bibliothèques


MINISTÈRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE



51

52

53

Mardi 18 février 1997

· M. Jean-Marie RAUSCH, Sénateur

55

Mercredi 26 février 1997

· M. Philippe LEVRIER, Directeur général

FRANCE 3



57

Mercredi 12 mars 1997

· M. Richard BION, Chargé de mission pour les nouvelles technologies et les systèmes d'information

COMMISSARIAT À LA RÉFORME DE L'ETAT

· M. Xavier AUTEXIER , Délégué général
M. Gilles RAGUENEAU, Vice-président

SYNDICAT DE L'INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION



59

63

Mercredi 26 mars 1997

· M. Bruno CHETAILLE, Président TDF

67

Échange de vues sur l'organisation des travaux de la mission

Audition de

Olivier MURON
Directeur de la promotion de la recherche et de son transfert

INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE EN INFORMATIQUE
ET EN AUTOMATIQUE
(INRIA)


Mercredi 25 septembre 1996

M. Pierre Laffitte, président , a estimé nécessaire de mettre en lumière, à travers une première série d'auditions, les enjeux économiques et sociaux de l'entrée dans la société de l'information. Il a ensuite présenté un certain nombre de thèmes que la mission devra examiner à cette fin. Le premier est le contrôle du contenu des services distribués sur les réseaux de la société de l'information et la répression des contenus illégaux par une législation nationale ou grâce à une démarche internationale. Un rapport élaboré récemment à la demande des ministres de la communication et de la poste (rapport Falque-Pierrotin) présente à cet égard des observations qu'il conviendra de prendre en considération.

Il sera aussi nécessaire de cerner l'équilibre à réaliser entre les impératifs contraires de l'ordre public et de la liberté d'expression. La Conférence internationale de Stockhlom et les vives réactions à la loi récemment adoptée par le Congrès américain afin d'endiguer la violence dans les émissions de télévision montre la nécessité et la difficulté de cette démarche.

La mission devra aussi examiner les moyens de renforcer les politiques publiques susceptibles de favoriser l'entrée dans la société de l'information, compte tenu de l'intérêt économique et social d'une généralisation des nouvelles technologies. L'amélioration du fonctionnement et des prestations des services publics peut nécessiter l'emploi de ces technologies susceptibles de contribuer ainsi à la réduction de la fracture sociale. Les secteurs de l'éducation et de la santé offrent un vaste potentiel à cet égard.

La défense de l'identité culturelle entre aussi dans le champ d'investigation de la mission. Il est nécessaire de faire obstacle à l'emprise excessive de l'anglais de base dans les domaines où se déploieront les nouvelles technologies. Il sera d'autant plus nécessaire de préserver la diversité linguistique sur les réseaux de la société de l'information que le rôle des services à contenu culturel progressera rapidement.

Par ailleurs, il incombe aux pouvoirs publics de répandre la formation et l'information des catégories sociales et professionnelles intéressées par la généralisation rapide des nouvelles techniques. Des secteurs tels que la création artistique sont impliqués par ces évolutions alors que la plupart des personnes intéressées ne sont guère préparées à tirer profit du potentiel ainsi mis à leur disposition.

M. Alex Türk, rapporteur , a interrogé le président sur le calendrier des travaux de la mission, sur l'opportunité d'élaborer des propositions de réformes législatives à l'issue de ses travaux et sur la nécessité d'examiner de façon très large la problématique des nouvelles technologies.

M. Pierre Laffitte, président , a estimé que la mission devrait présenter, dans les différents secteurs examinés, des orientations à partir desquelles les commissions permanentes du Sénat pourraient élaborer des propositions de loi. Aux Etats-Unis, on observe cependant que les principaux développements en cours résultent d'initiatives locales et non de lois fédérales. Dans la même optique la mission pourrait élaborer, à l'intention des collectivités locales, des recommandations susceptibles de favoriser l'appropriation des nouvelles technologies par les acteurs locaux. En ce qui concerne la dimension réglementaire de l'entrée dans la société de l'information, il peut être aussi envisagé d'inciter le ministère des affaires étrangères à lancer des initiatives internationales sur un certain nombre de thèmes. Par ailleurs, les travaux de la mission ne sauraient être limités au fonctionnement d'Internet. En conclusion, il a semblé à M. Pierre Laffitte que l'appellation de " mission commune d'information sur l'entrée dans la société de l'information " serait mieux adaptée à la réalité des problèmes qu'elle entendait traiter. Il a recueilli l'accord des membres de la mission sur cette proposition qui sera portée à la connaissance des présidents de commission concernés avant d'être notifiée à M. le Président du Sénat.

M. Jacques Mahéas a approuvé la proposition d'examiner tous les aspects liés à l'entrée dans la société de l'information et a estimé nécessaire d'aborder spécialement la formation des jeunes à l'emploi des nouvelles technologies ainsi que le rôle de l'éducation nationale à cet égard. Il a aussi souhaité que la mission exerce un rôle de conseil aux collectivités locales en éclairant les maires sur le potentiel des nouvelles technologies et sur les solutions techniques à leur disposition.

M. Pierre Laffitte, président , a jugé essentiel que la mission ait un rôle pédagogique à l'égard des collectivités locales et a estimé que les auditions permettraient de mettre en valeur un certain nombre d'initiatives exemplaires.

M. Jean-Marie Rausch a souhaité que l'objectif de la mission soit clairement délimité par rapport aux travaux en cours dans d'autres enceintes et a regretté le manque de portée des expériences en cours. Il a spécialement noté l'insuffisante implication de France Telecom dans l'expérimentation de nouveaux services. Il a souhaité que la mission identifie les blocages qui ralentissent le développement des systèmes de communication, citant à titre d'exemple la difficulté d'obtenir le raccordement à Internet par le câble, solution plus économique pour l'usager que le raccordement par le réseau téléphonique.

M. Pierre Laffitte, président , a souhaité que la mission se penche sur ces problèmes, citant, à son tour, l'exemple de Numéris dont le développement est freiné par l'absence de structures commerciales appropriées à France Telecom. La mission devra éclairer les causes, en grande partie culturelles, du retard de la France dans ces différents domaines.

M. Franck Sérusclat a demandé quel serait le rythme de travail de la mission et a souhaité que les travaux de celle-ci n'interfèrent pas avec la préparation d'un rapport que lui a confié l'Office des choix scientifiques et technologiques sur les apprentissages essentiels.

M. Pierre Laffitte, président , a jugé difficile de passer totalement sous silence les initiatives qui se déroulent dans le cadre de l'éducation nationale mais qu'aucune base de données ne permet de diffuser au-delà des établissements directement intéressés. Il sera aussi nécessaire d'aborder la question du câblage des écoles, dont on ne comprend pas le retard en France alors que le Québec a lancé un programme en ce sens dans l'enseignemnet primaire, le câblage des établissements d'enseignement secondaire étant déjà effectué avec des conséquences très positives sur le taux d'équipement des ménages en ordinateurs.

M. Alain Joyandet, rapporteur , a estimé que les travaux de la mission devraient résoudre deux questions majeures : comment aider le pays à ne pas prendre trop de retard en matière de nouvelles technologies et comment éviter que la généralisation de celles-ci ait lieu de façon incontrôlée. Il a observé qu'un grand nombre des problèmes évoqués au cours du débat seraient mieux résolus en favorisant l'initiative locale. Il a aussi insisté sur l'importance de la démarche pédagogique de la mission et sur la nécessité de présenter de façon claire aux acteurs locaux l'ensemble de la problématique de la société de l'information. Ceci passe en particulier par la présentation d'expériences de terrain. Il sera aussi utile d'aborder les conséquences des technologies numériques sur les médias traditionnels.

M. Pierre Laffitte, président , a relevé que de nombreux organes de presse, en particulier de la presse quotidienne régionale, s'inscrivaient d'ores et déjà dans l'évolution vers la société d'information.

M. Pierre Hérisson, rapporteur , a de son côté insisté sur la nécessité de démystifier les nouvelles technologies et sur l'objectif d'assurer au plus grand nombre l'accès aux nouveaux services au meilleur coût.

M. Pierre Laffitte, président, a conclu le débat en indiquant qu'un programme d'auditions sera établi compte tenu des observations présentées par les membres de la mission, que les auditions auraient lieu le mardi après-midi, et que le public serait informé des travaux de la mission grâce à des questionnaires diffusés régulièrement sur le serveur Web du Sénat.

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Olivier Muron , directeur de la promotion de la recherche et de son transfert à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), afin de recueillir la position de cet organisme sur le développement des technologies de l'information. Il a en particulier souhaité connaître son appréciation sur les bénéfices pouvant être retirés par la France de ces nouvelles technologies, ainsi que sur la nécessité de définir une politique de contrôle des informations diffusées destinée à prévenir certaines dérives.

M. Olivier Muron a tout d'abord précisé que son intervention serait essentiellement centrée sur la problématique des réseaux qui lui semblait déterminante pour la réflexion sur l'avenir des autoroutes de l'information, dont Internet est le prototype. Il a ensuite procédé à la définition d'un réseau, instrument permettant de véhiculer des informations numérisées : textes, sons, images. Il a précisé que ces réseaux pouvaient utiliser plusieurs types de support, comme les satellites, les réseaux câblés ou les réseaux téléphoniques.

M. Olivier Muron a présenté les trois étapes principales du développement historique d'Internet. Après avoir décrit la naissance de ce réseau dans le cadre des activités du département de la défense du gouvernement américain, il a indiqué qu'il s'était ensuite étendu à la recherche civile avec le raccordement des universités et des centres de recherche, la dernière étape intervenant avec l'ouverture au grand public. Il a relevé à cet égard que, depuis le début des années 1990, la croissance exponentielle du nombre d'ordinateurs connectés au réseau faisait tendre ce dernier vers "l'universalité". Il a par ailleurs souligné que le financement des infrastructures d'Internet, initialement public, était progressivement privatisé.

S'agissant de la gestion d'Internet, M. Olivier Muron a précisé que celle-ci était assurée par une association indépendante baptisée "Internet society", dont la mission était essentiellement de définir des protocoles d'accès au réseau, ainsi qu'un système d'adresses et des actions de promotion.

Il a ensuite précisé que le développement d'Internet nécessitait une action soutenue de standardisation. Il a indiqué que celle-ci se traduisait essentiellement par la définition d'un ensemble de protocoles techniques communs permettant d'interconnecter l'ensemble des réseaux participants. Il a remarqué que la qualité de ces protocoles d'accès s'était considérablement améliorée et que les réseaux de la télévision câblée disposaient maintenant de fonctionnalités permettant l'accès à Internet.

M. Olivier Muron a ensuite présenté les modalités de fonctionnement d'Internet, où l'information est décomposée en "paquets", appelés "datagrammes", et où chaque ordinateur connecté au réseau dispose d'une adresse individuelle lui permettant de recevoir une information numérique. A cet égard, il a fait remarquer que la faiblesse du niveau d'équipement des ménages français en micro-ordinateurs avait constitué jusqu'à une date récente un frein au développement d'Internet en France.

Evoquant les services offerts par Internet, M. Olivier Muron a insisté sur leur faible coût au sein d'un réseau dont la gestion garantit un bon niveau de fiabilité pour la transmission de l'information. Il a rappelé qu'aux fonctions traditionnelles de transferts de fichiers et de courrier électronique, s'était ajouté un système de pilotage de la recherche d'informations ainsi que des services interactifs multi-utilisateurs, destinés notamment à la vidéoconférence. Il a insisté sur l'importance du "world wide web" (www) qui a accéléré le développement du réseau. M. Olivier Muron a ensuite présenté des exemples d'applications diffusées sur Internet dans les domaines de l'information météo, de l'éducation et de l'information culturelle. Il a précisé sur ce dernier point que les travaux conduits par l'INRIA avec le ministère de la culture avaient permis de développer un serveur, aujourd'hui bilingue, bénéficiant d'un très grand nombre de consultations.

Il a ensuite décrit le développement récent des "Intranet", réseaux internes d'entreprises connectées à Internet.

A cet égard, le président s'est interrogé sur les modalités permettant de protéger ces réseaux contre des interventions extérieures.

M. Olivier Muron lui a répondu que ces réseaux étaient doublement protégés au moyen d'une adresse confidentielle et d'un système de mot de passe. Il a souligné que le raccordement des réseaux d'entreprises à Internet constituait un facteur important de croissance, celle-ci étant favorisée, en outre, par l'émergence de protocoles d'accès plus efficaces ainsi que par la faiblesse des coûts de ce système pour les utilisateurs. Il a indiqué que ce réseau couvrait aujourd'hui la plupart des pays du monde.

M. Olivier Muron a ensuite décrit les grandes catégories d'utilisateurs d'Internet. Après avoir noté l'importance du secteur commercial, académique et institutionnel, il a souligné la part croissante du grand public.

Le président ayant souhaité recueillir des informations sur les coûts de raccordement du public au réseau, M. Olivier Muron a indiqué qu'aux Etats-Unis celui-ci s'élevait forfaitairement à trente dollars par mois, les communications locales étant gratuites dans ce cadre. Il a relevé l'intérêt de ce mode de facturation par rapport au système français où le prix des communications s'ajoute à celui du raccordement.

M. Franck Sérusclat a souhaité connaître l'importance du public accédant à Internet en France. M. Olivier Muron lui a précisé qu'il était difficile de donner un chiffre précis en raison de la multiplicité des opérateurs, mais que ce nombre était généralement évalué à 100.000, ce qui situait la France à un niveau très inférieur à la moyenne européenne. Il a indiqué que cette situation contrastait fortement avec celle des Etats-Unis, où les opérateurs ont actuellement des difficultés à satisfaire l'ensemble de la demande. A cet égard, le président a précisé qu'aux Etats-Unis l'ensemble des bibliothèques publiques offrait la possibilité d'accéder au réseau Internet.

M. Olivier Muron a ensuite évoqué les grands enjeux d'Internet dans l'avenir. Il a souligné que le premier, d'ordre technologique, portait sur l'utilisation des différents supports. Il a indiqué que l'utilisation des réseaux câblés permettrait d'abaisser le coût des communications en autorisant la mise en oeuvre d'un principe de facturation forfaitaire. Il a insisté sur le fait que cette formule favorisait le développement des consultations et autorisait un débit très supérieur à celui du réseau téléphonique pour le transfert des données. Il a ensuite évoqué la nécessité de prévoir le développement de la consultation des messageries électroniques à partir de terminaux mobiles.

A ce sujet, le président s'étant interrogé sur les perspectives d'avenir de tels terminaux, M. Olivier Muron lui a répondu qu'elles étaient comparables à celles de la téléphonie mobile, à partir du moment où seraient parfaitement maîtrisées les techniques de miniaturisation de l'écran et du clavier.

Au sujet des technologies à retenir, M. Pierre Laffitte, président, et M. Alain Joyandet, rapporteur, ont souligné l'intérêt du système de diffusion par micro-ondes, dit "multiband multipoint distribution service" (MMDS) comme moyen pour une collectivité locale de favoriser l'émergence de réseaux à un moindre coût. Ils ont cependant insisté sur les limites que comporte cette technologie. Le président a ensuite noté l'intérêt des "sites numériques", permettant de fournir, à l'échelle locale, des informations sur les services de proximité dont peuvent bénéficier les citoyens, tels que la diffusion d'offres d'emploi ou l'accès à des informations pratiques sur les services publics.

Evoquant ces perspectives, M. Franck Sérusclat s'est inquiété des obstacles matériels à la diffusion de ce type de services. Le président a répondu que le rôle de la mission d'information était d'ordre pédagogique, et qu'il s'agissait de souligner le rôle d'incitation des pouvoirs publics dans ce domaine.

M. Olivier Muron a indiqué l'intérêt pour les collectivités locales de développer des serveurs Internet comportant des informations touristiques, dans la mesure où une étude récente montrait que près de 50 % des touristes américains se rendant à l'étranger utilisaient Internet pour préparer leur voyage.

M. Franck Sérusclat ayant souhaité savoir combien de bibliothèques publiques françaises offraient la possibilité d'accéder à Internet, le président lui a indiqué qu'une prise de conscience était nécessaire dans ce domaine puisque les bibliothèques publiques municipales n'offraient pas encore ce service. M. Olivier Muron a alors précisé que l'amélioration de la qualité des logiciels de recherche par "mots-clés" permettait aujourd'hui de retrouver aisément les informations recherchées.

M. Olivier Muron a ensuite procédé à l'analyse des problèmes de sécurité, qui constituent le deuxième grand enjeu de l'avenir d'Internet. Il a indiqué que les principaux problèmes de sécurité portaient sur la mise au point de "gardes-barrières" (fire walls) permettant de contrôler le point de passage entre des réseaux internes et Internet, ainsi que sur la sécurité des transactions. Sur ce dernier point, il a précisé que les techniques de "chiffrement" des informations s'avéraient souvent insuffisantes au regard de la puissance de calcul des ordinateurs.

M. Olivier Muron a présenté enfin le troisième grand enjeu pour l'avenir d'Internet, qui tient au contrôle de l'accès aux informations contenues dans les serveurs, l'objectif étant de limiter l'accès de certains utilisateurs, comme les enfants, à des catégories d'informations données. Précisant que le "contrôle à la source" était difficile à mettre en oeuvre, il a indiqué que la meilleure solution consistait à installer un logiciel de filtrage sur l'ordinateur de l'utilisateur afin d'empêcher l'accès à certains serveurs. En conclusion, il a insisté sur la nécessité de favoriser les expérimentations, notamment dans le domaine du câble, afin de promouvoir le développement des autoroutes de l'information.Le président a noté que le sous-équipement de la France dans le domaine du câble, résultant en partie de la qualité de la télévision hertzienne et des progrès du satellite, constituait à cet égard un handicap.

M. Alain Joyandet, rapporteur, a considéré que le thème des autoroutes de l'information pouvait constituer un axe de relance du "plan câble". Il a en outre souligné la nécessité de fournir aux décideurs locaux des informations précises sur le type de réseau à choisir dans le cadre d'une promotion des autoroutes de l'information.

Le président a enfin insisté sur la nécessité qu'il y avait pour les opérateurs étrangers de réseaux câblés de s'adapter à la culture française pour conquérir des parts de marché.

Audition de

M. Michel MATHEU,
Chef de service

COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN


Mercredi 9 octobre 1996

M. Michel Matheu , qui anime la section " énergie, environnement, agriculture et tertiaire " au commissariat du Plan, a tout d'abord insisté sur la convergence entre télécommunications, audiovisuel et informatique, suscitée par la numérisation, la compression et la transmission de données à haut débit. Il a qualifié ce rapprochement de phénomène " d'unimédia ", sur la portée duquel il s'est toutefois interrogé.

Il a, en effet, souligné la spécificité de ces trois secteurs et dressé le constat, plus que d'une réelle convergence, d'une politique d'alliances fortement influencées par les choix publics et le cadre réglementaire, ce que confirment les différences constatées entre pays européens en ce qui concerne le développement de technologies comme le service téléphonique sur le câble.

M. Michel Matheu a ensuite abordé la question des utilisations professionnelles des nouvelles technologies, en insistant sur l'importance pour leur développement des coûts supportés par les entreprises. Il a toutefois estimé que les marchés professionnels constituaient à moyen terme le plus sûr vecteur de développement de la société de l'information.

Quant au marché grand public, il a fait part des incertitudes qui caractérisaient son développement. Il a, en effet, estimé qu'en 1996, 15 à 20 % seulement des foyers étaient, en France, équipés de micro-ordinateur, dont 1 sur 6 ou 8 pourvu de " modem ". Au total, 2 % au plus de la population française était donc susceptible de se connecter aux services en ligne.

En outre, M. Michel Matheu a souligné l'importance des facteurs sociaux et psychologiques pour la diffusion des nouvelles technologies dans le grand public, en indiquant qu'il pouvait y avoir une inquiétude à leur égard ou, de la part de certains usagers, une incapacité culturelle ou intellectuelle à gérer l'afflux d'informations.

Enfin, M. Michel Matheu a abordé la question des inégalités sociales ou territoriales face au développement des nouvelles technologies, s'appuyant sur des statistiques de 1993 montrant qu'un ouvrier sur sept seulement avait déjà manipulé un micro-ordinateur.

S'agissant de l'inégalité territoriale, il a dénoncé l'illusion qui consistait à espérer que les nouvelles technologies pourraient contrebalancer, à elles seules, le phénomène d'urbanisation et de désertification rurale. Même si quelques délocalisations ponctuelles en milieu rural, ainsi qu'une désynchronisation des horaires de travail pouvaient, a-t-il affirmé, être favorisées par les nouvelles technologies, les réseaux et les services de la société de l'information ne lui paraissaient pas de nature à jouer un rôle majeur dans l'aménagement du territoire.

Au cours du débat qui a suivi cet exposé, M. Michel Matheu a apporté les réponses suivantes aux observations et questions présentées par le président ainsi que par MM. Alex Türk et Franck Sérusclat :

- il serait possible de compléter les analyses du rapport du commissariat général du Plan en tenant compte de quelques particularités françaises : le développement précoce de la télématique a donné aux Français l'habitude de l'interactivité ; la faible pénétration du câble fait obstacle au développement de certaines applications de la société de l'information telles que le raccordement des particuliers à Internet et la téléphonie par le câble ; enfin, si l'apprentissage des nouvelles technologies a souvent lieu, en France, dans le cadre des activités professionnelles, la filière scolaire est en revanche moins performante que dans d'autres pays. M. Michel Matheu a rappelé à cet égard l'échec du plan " informatique pour tous " ;

- le phénomène d'urbanisation, constaté en France comme dans le reste du monde, représente un atout économique dans la mesure où, facilitant la création de pôles technologiques, il favorise la valorisation de ces sites dans la compétition internationale. Il est possible de limiter les conséquences négatives de l'urbanisation en installant des terminaux et des stations de travail dans certains lieux publics sur l'ensemble du territoire ;

- la difficulté qu'éprouvent souvent les collectivités locales à s'appuyer sur les nouvelles technologies et les déconvenues parfois constatées sont dues au fait qu'elles ne disposent pas des structures de compétence susceptibles de négocier avec les fournisseurs dans de bonnes conditions et de susciter l'adhésion des élus à des projets efficaces ;

- la sociabilité qui se développe autour des services de la société de l'information est artificielle à maints égards mais peut favoriser la multiplication d'autres types de contacts ;

- l'accentuation des inégalités sociales qui résultera vraisemblablement de la généralisation des nouvelles technologies est due essentiellement à l'impuissance du système scolaire à diffuser les structures mentales et culturelles nécessaires à l'utilisation des services de la société de l'information. Le véritable défi à relever est d'abord celui de l'éducation de masse ;

- la télé-éducation ne paraît pas appelée à se substituer à la relation directe professeur-élève. Elle rend possible une double transmission du savoir, l'enseignant utilisant, dans son contact avec les élèves, un support numérisé ;

- il ne semble pas que les nouvelles technologies de l'information représentent un important potentiel de création d'emplois, il se pourrait même que le solde des créations et des suppressions d'emplois résultant de l'entrée dans la société de l'information soit négatif. La diffusion des nouvelles technologies dans un pays donné est cependant indispensable en terme de compétitivité internationale ;

- en ce qui concerne les droits de la propriété intellectuelle, le rapport du commissariat général du Plan constate que les formes actuelles de gestion des droits ne sont pas adaptées, sans présenter de propositions de réforme.

Audition de

Mme Anita ROSENHOLC, Chargée de mission à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR)

et de

M. Georges-Yves KERVERN
M. Jean-Michel BILLAUT
Mme Claudine SCHMUCK,
membres du club de l'Arche


Mercredi 16 octobre 1996

Mme Anita Rosenholc a affirmé que tous les processus de production avaient de plus en plus recours aux nouvelles technologies ce qui induisait de profonds changements notamment dans les domaines de la télé-médecine, du télé-enseignement ainsi que de nombreuses autres activités.

En conséquence, la localisation de l'activité, a souligné Mme Anita Rosenholc , dépendait désormais largement des compétences dont disposaient en la matière les territoires concernés. Une meilleure répartition sur le territoire des activités " d'arrière guichet " était donc rendue possible par l'émergence de nouvelles technologies, les réseaux de communication permettant une gestion à distance de ces activités.

La DATAR, a précisé Mme Anita Rosenholc , était engagée dans une réflexion visant à définir les critères à remplir pour qu'un territoire devienne attractif, critères au premier rang desquels apparaissait la desserte en services de télécommunications.

Les services d'intérêt général devaient être les plus accessibles possible, ce qui impliquait par exemple la mise en réseau des établissements d'enseignement, le raccordement des établissements hospitaliers, la possibilité de " télé-vente ", notamment pour les librairies, ainsi que la diffusion des actes administratifs sur les réseaux en ligne.

Pour les petites et moyennes entreprises, Mme Anita Rosenholc a indiqué qu'une délocalisation dans les zones les moins peuplées du territoire était envisageable et même porteuse d'économies de gestion. La DATAR élaborait d'ailleurs des " plans de villes " et des " plans de départements " en vue de promouvoir des réimplantations d'entreprises.

En réponse à une intervention de M. Franck Sérusclat , Mme Anita Rosenholc a précisé qu'à son sens les entreprises étaient désormais " virtuelles ", c'est-à-dire que les procédés de fabrication des produits et de prestation des services avaient été transformés totalement par rapport à la décennie précédente, le travail étant désormais " éclaté segment par segment ", selon une localisation répondant à de nouveaux critères de choix.

En réponse à une question de M. Alain Joyandet , rapporteur , Mme Anita Rosenholc a ensuite présenté l'exemple de la ville de Besançon qui a souhaité mettre en réseau 12 sites de son territoire en vue d'instaurer un échange de données informatiques. La solution retenue par la ville avait été d'assurer elle-même un câblage en fibres optiques empruntant le réseau d'égouts. D'une façon plus générale, la perspective de la libéralisation des services de télécommunications au 1er janvier 1998 favorisera la réalisation d'un câblage en " boucles locales " dans un certain nombre de collectivités locales.

Mme Anita Rosenholc a souligné le rôle majeur des élus locaux dans la mise en place de ces initiatives auxquelles la DATAR était appelée à apporter son soutien. Elle a pris l'exemple de l'action de la DATAR dans le Cantal pour montrer que l'engagement des chefs d'entreprise était également un facteur déterminant.

En réponse à M. Alain Joyandet, rapporteur, Mme Anita Rosenholc a ensuite indiqué que le facteur le plus essentiel pour le choix des infrastructures était l'interactivité du moyen retenu, ce qui l'a amené à préconiser l'utilisation de la fibre optique, tout en soulignant son coût important. Elle a, en outre, jugé intéressantes les perspectives offertes par les techniques hertziennes, en liaison avec les programmes de lancement de satellites en orbite basse, qui devraient remédier à l'isolement de l'espace rural français. Toutefois, au delà de la technique utilisée, Mme Anita Rosenholc a souligné l'importance de la configuration du réseau en étoile, qui seule permet une véritable interactivité.

En réponse à une intervention de M. Pierre Laffitte, président, Mme Anita Rosenholc a précisé que le coût de réalisation des réseaux était extrêmement variable, en fonction du nombre de fibres optiques, de l'importance des travaux de génie civil et du nombre de terminaux intelligents. Elle a aussi attiré l'attention des membres de la mission sur la nécessité de planifier l'utilisation des sous-sols des collectivités concernées.

Mme Anita Rosenholc a rappelé que les coûts liés à la maintenance et au fonctionnement des réseaux de télécommunications ne devaient toutefois pas être sous estimés.

M. Pierre Laffitte, président , a enfin fait part des expériences étrangères de tarification forfaitaire, dont il a souhaité l'application en France.

La mission a ensuite procédé à l'audition de MM. Georges-Yves Kervern, Jean-Michel Billaut, et de Mme Claudine Schmuck, membres du club de l'Arche.

M. Jean-Michel Billaut a indiqué que le club de l'Arche était une association créée en 1993 afin de promouvoir les nouvelles technologies de l'information et de la communication en France. Il déploie actuellement son activité dans trois directions :

- faire prendre conscience aux professionnels intéressés des progrès du commerce électronique. Il sera bientôt nécessaire d'y recourir pour vendre " en ligne " à l'étranger, compte tenu du développement de cette technique de vente aux Etats-Unis et dans le nord de l'Europe. Le club de l'Arche a suscité, à cette fin, la création de l'association française du commerce et des échanges électroniques ;

- le club prépare la création d'une association des villes numérisées destinée à favoriser l'insertion des collectivités locales dans le courant mondial d'échanges qui se constitue, à partir des Etats-Unis, autour du réseau Internet. Des initiatives ont d'ores et déjà été prises en ce sens à Parthenay et à Charleville-Mézières. L'objectif est de répandre l'information sur les possibilités offertes aux collectivités ;

- le troisième axe est la réflexion sur les moyens d'améliorer les prestations des administrations de l'Etat grâce aux nouvelles techniques, au meilleur coût. Les principaux développements sont attendus spécialement dans les domaines de l'éducation et de la santé.

M. Georges-Yves Kerven a ensuite évoqué le problème de la mise en réseau des collectivités locales. L'idée de mise en réseau s'appuie sur le phénomène des " city-states " en Amérique du Nord. Celui-ci résulte d'initiatives des collectivités locales désireuses de parvenir à une efficacité accrue grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. A titre d'exemple, M. Georges-Yves Kerven a cité une bibliothèque de New York permettant l'accès à toutes les publications numérisées et formant sur place les usagers à l'utilisation des postes de travail ; une initiative de volontaires californiens impliqués dans l'équipement des écoles en ordinateurs ; le développement des pratiques de télétravail, pour faire face en particulier aux pics de pollution automobiles (tele commuting).

Des expériences identiques sont en gestation dans le cadre de l'Union européenne avec l'opération " telecities ", financée par l'Union. De son côté, l'association française des villes numérisées, dont la constitution est en cours dans le cadre du club de l'Arche, devrait répandre l'information sur les expériences les plus avancées. Enfin, les " Technopoles de l'arc méditerranéen " devraient apparaître comme un lieu privilégié de diffusion des nouvelles technologies grâce à leurs importantes capacités dans les domaines de la communication et de l'informatique.

La " cindynique ", science des risques (trafic routier, sécurité, pollution ...), est un domaine d'application des nouvelles technologies dans lequel la France dispose d'une certaine avance grâce à son expérience de la gestion des risques dans des domaines comme la production d'électricité nucléaire. Il est possible de mettre des méthodes comparables de gestion des risques au service de la gestion urbaine. En effet, les réseaux à grand débit permettent de recueillir et de diffuser les informations utiles en temps réel, de prévoir le risque grâce à une modélisation et de proposer des modalités de gestion de la crise en cas d'incident. Un système d'aide à la décision, le système " DEDICS ", fondé sur le traitement informatique des précédents et sur l'emploi de tests de similarité, a ainsi été mis au point afin de gérer les feux de forêt. Il est envisagé d'appliquer la même méthode au transport de matières dangereuses.

Dans le même ordre d'idée, la " géo-cindynique " devrait conduire à une géographie numérisée des risques naturels ou sociaux susceptible de servir de base à la prise de décision individuelle ou collective.

M. Georges-Yves Kerven a enfin précisé à Mme Danièle Pourtaud que ce type de techniques permettait de mieux cerner le " fardeau social des traumatismes ", c'est-à-dire d'évaluer la fréquence, la nature et la localisation des risques dans certains domaines (accidents de la route dus aux modes d'aménagement des passages piétonniers), afin de lancer des actions préventives.

M. Jean-Michel Billaut , reprenant la parole, a rappelé que le chiffre d'affaires réalisé en 1995 par le commerce électronique sur Internet avait été évalué à 300 millions de dollars, montant relativement faible, mais que les estimations pour l'année 1996 se situaient dans une fourchette de 5 à 10 milliards de dollars. Il a en outre indiqué que la part prévisionnelle du commerce électronique représenterait, en l'an 2000, 20 % du commerce américain, son développement pouvant conduire en 2010 à la disparition de la moitié des surfaces commerciales des États-Unis.

Il a distingué trois catégories d'intervenants : les commerçants traditionnels soucieux de développer leur clientèle grâce aux possibilités offertes par Internet, les nouveaux intervenants créant des magasins électroniques et les centres de commerce électronique.

Il a précisé qu'il existait deux types de monnaie électronique, l'une réelle, le porte-monnaie électronique matérialisé par une carte ; l'autre, purement virtuelle, constituée de simples flux monétaires susceptibles, dans l'avenir, de ne plus transiter par le système bancaire.

M. Jean-Michel Billaut a ensuite évoqué les incidences du développement du commerce électronique sur la structure du marché qui pourrait à terme se réduire aux distributeurs et aux clients alors que les acteurs étaient aujourd'hui multiples et constituaient une chaîne de commercialisation. Il a indiqué que des services de recherche du meilleur prix pour un produit déterminé existaient d'ores et déjà sur le réseau américain et que ces enquêtes effectuées en temps réel pourraient, si elles se généralisaient, être source de déflation au niveau mondial, ce qui témoignait de la nécessité d'organiser les marchés.

En réponse au président Pierre Laffitte , il a indiqué que le commerce électronique connaissait une forte progression dans les pays du nord de l'Europe, contrairement à ceux du sud de l'Europe encore sous équipés.

Mme Claudine Schmuck a enfin présenté l'apport des nouvelles technologies de l'information pour les administrations. Elle a rappelé que certaines d'entre-elles avaient mis en place des services de courrier électronique mais qu'il s'agissait souvent de systèmes propriétaires, incompatibles entre eux, et que l'installation de réseaux Intranet permettrait de réduire les coûts. Elle a observé que le développement des services administratifs sur Internet devrait améliorer l'information des administrés et faciliter certaines formalités administratives.

Elle a indiqué qu'un recensement des réalisations les plus efficientes en ce domaine, mises en oeuvre aux Etats-Unis, en Scandinavie et à Singapour, était en cours et qu'un groupe de travail avait été chargé de définir les besoins prioritaires des administrés en France.

Audition de

M. Jean-Luc ARCHAMBAULT, Directeur du Service des Industries de Communication et de Services (SERICS)

M. Bernard VERGNES, Président de Microsoft Europe

M. Gérard MOINE, Directeur des relations extérieures
de France Télécom

M. Gérard EYMERY, Responsable du secteur multimédia
de France Télécom


Mercredi 30 octobre 1996

Dans un propos introductif, M. Archambault a indiqué que le ministère de l'industrie, des postes et télécommunications auquel son service était rattaché s'appuyait, pour la réalisation de ses travaux, sur le service juridique des techniques de l'information placé auprès du Premier ministre. Il a rappelé que l'observatoire, composé de parlementaires, de représentants des administrations et de personnalités qualifiées, s'employait à entretenir une dynamique initiée par les appels à propositions lancés en 1993, 1994 et 1995 et devait désormais dresser le bilan de cette démarche pragmatique pour passer d'une phase expérimentale à la mise en oeuvre de véritables projets.

M. Archambault a estimé que les progrès récents de la réglementation en matière de télécommunications étaient de nature à faciliter les initiatives en ce domaine et a précisé que les textes d'application des lois votées au cours de la dernière session parlementaire devraient être publiés avant la fin de l'année.

Il a indiqué que son service suivait les problèmes liés à la cryptologie et a rappelé que la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise France Télécom en avait libéralisé le régime en instaurant le système des " tiers de confiance ". Il a souligné que son service encouragerait le développement par les acteurs privés de techniques de cryptage. Il a en outre indiqué qu'un guichet permanent serait ouvert pour poursuivre le processus de labellisation des projets déposés en réponse aux appels à propositions.

En réponse à M. Pierre Laffitte, président , évoquant l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) par le Gouvernement et les administrations, en particulier les services déconcentrés de l'Etat, M. Archambault a indiqué qu'une dizaine de ministères possédaient un serveur WEB et que le premier ministre avait fixé comme objectif que chaque ministère en soit doté d'ici la fin de l'année 1997. Il a énoncé quelques exemples de serveurs mis en place par des administrations telles que le ministère de l'industrie, à destination des PME-PMI sur le thème de l'innovation, ou la Documentation française gérant un annuaire des services administratifs assorti d'un guide de recherche d'informations administratives.

Il a, en outre, rappelé que la messagerie interne mise en place par le ministère de l'industrie à l'usage des services et du cabinet serait prochainement étendue aux directions régionales de l'industrie.

Il a précisé qu'en 1997, les crédits du fonds interministériel de modernisation des administrations financeraient en priorité les projets de serveurs Internet et que le service d'information du Gouvernement avait lancé un projet Intranet pour faciliter et améliorer la coopération entre les administrations.

Il a enfin indiqué que le SERICS avait pour mission de veiller à la qualité et à la cohérence des schémas directeurs informatiques et de télécommunications des ministères.

En réponse à M. Franck Sérusclat, M. Archambault a rappelé en premier lieu que des actions de formation à l'utilisation d'Internet commençaient à être menées au sein des ministères et, sur un second point relatif au cryptage des données, que le système des clés détenues par des tiers de confiance permettrait de concilier les impératifs de confidentialité et de respect de l'ordre public. Il a confirmé que ce système éviterait à l'utilisateur de solliciter une autorisation.

M. Pierre Laffitte, président , a enfin informé les membres de la mission que la veille, lors d'une audition de M. François Bayrou, ministre de l'éducation national, de l'enseignement supérieur et de la recherche, celui-ci avait fait part de son intention de développer une action de coordination entre les rectorats concernant les réalisations de serveurs WEB dans les différentes académies. Il a enfin formulé le souhait que les ministères incitent les collectivités locales à se connecter sur Internet, facteur puissant de modernisation de l'administration locale, et a précisé que la mission s'attacherait à contribuer à cette action de promotion.

La mission a ensuite procédé à l' audition de M. Bernard Vergnes, président de Microsoft Europe. M. Bernard Vergnes a tout d'abord indiqué qu'il avait axé son intervention sur le thème de la stratégie de développement en France d'un opérateur américain. Il a précisé qu'il aborderait successivement la présentation de Microsoft, l'analyse de la dynamique du marché micro-informatique, le problème de l'Europe face aux nouvelles technologies, le rôle de Microsoft face aux entreprises et au grand public, et enfin les positions de l'industrie du logiciel au regard du droit français et européen.

M. Bernard Vergnes a rappelé que la vision initiale de Microsoft reposait sur la perspective d'un monde comportant "un ordinateur sur chaque bureau et dans chaque maison", tracée par Bill Gates.

Il a précisé que Microsoft était essentiellement un fournisseur de technologies logicielles, telles que les systèmes d'exploitation de ordinateurs personnels (MS DOS et Windows), les applications de productivité personnelle (traitement de texte et tableur), les systèmes d'exploitation des services informatiques ainsi que des applications multimédia.

M. Bernard Vergnes a souligné la très forte croissance du chiffre d'affaires de Microsoft qui atteindra 9 milliards de dollars dans le monde en 1996. Il a rappelé que ces résultats reposaient sur un très important effort d'investissement dans le domaine de la recherche-développement, puisque 2,1 milliards de dollars devaient être investis en 1997 à ce titre. Il a noté qu'un tel niveau d'investissement plaçait Microsoft sur une échelle comparable à celle de compagnies comme Ford. Après avoir présenté la structure de Microsoft-Europe, dont il a précisé qu'elle générait 31 % du chiffre d'affaires mondial de la société, M. Bernard Vergnes a décrit l'organisation de Microsoft en France qui employait 500 personnes.

M. Bernard Vergnes a ensuite analysé l'évolution du marché des ordinateurs personnels (PC), qui connaît un développement exponentiel depuis vingt ans. Il a rappelé que la puissance des processeurs, qui sont à la base des micro-ordinateurs, doublait tous les dix-huit mois. Il a ensuite décrit les nouvelles formes que prendraient ces ordinateurs personnels dans l'avenir, soulignant en particulier l'intérêt des téléphones intelligents, des ordinateurs "portefeuille" et des ordinateurs "embarqués" à bord d'un véhicule.

Abordant le phénomène Internet, M. Bernard Vergnes a noté qu'il s'agissait de l'événement le plus important dans le monde de l'informatique depuis l'avènement de l'ordinateur personnel (PC). Il a précisé que le phénomène du réseau conduisait à un raccourcissement important du temps de développement des logiciels, qui étaient mis à disposition des utilisateurs à des fins de tests avant d'être en version définitive.

M. Bernard Vergnes a ensuite présenté la situation de l'Europe face aux nouvelles technologies. Sur ce point, il a insisté sur le retard de l'Europe par rapport aux Etats-Unis, indiquant qu'il existait deux fois plus d'ordinateurs personnels (PC) aux Etats-Unis qu'en Europe. Affinant ce constat, il a fait remarquer que 90 employés sur 100 disposaient d'un ordinateur aux Etats-Unis et que ce chiffre tombait à 50 en Europe. Il a relevé que la France se situait dans la moyenne européenne avec 48 %, tandis que le nord de l'Europe avoisinait les 75 % et que l'Italie n'atteignait que 32 %.

Analysant l'équipement des familles, M. Bernard Vergnes a insisté sur un écart encore plus important par rapport aux Etats-Unis, puisque le taux d'équipement des familles aux Etats-Unis s'élevait à 33 %, tandis que la France se situe dans la moyenne européenne, aux alentours de 10 %.

M. Bernard Vergnes a ensuite présenté le taux d'utilisation d'Internet par les entreprises, précisant qu'aux Etats-Unis 65 % des entreprises utilisaient ou prévoyaient d'utiliser Internet, et que ce taux tombait à 28 % dans le cas de la France, tandis qu'en Allemagne il s'élevait à 45 %.

Dans ce contexte, M. Bernard Vergnes a tenu à dénoncer l'importance du problème du piratage des logiciels par les entreprises. Rappelant que les grandes entreprises ne posaient pas de problème en raison du besoin de maintenance de leurs logiciels, il a indiqué que le taux de piratage s'élevait néanmoins en France à près de 50 %. Il a souligné que l'importance de ce piratage représentait, au niveau européen, un manque à gagner de l'ordre de 4 à 5 milliards de dollars, ce qui représentait la perte de quelques centaines de milliers d'emplois potentiels. A cet égard, M. Bernard Vergnes a souligné que chaque emploi créé dans l'industrie du logiciel entraînait la création de huit emplois dans les industries connexes.

S'agissant de la position de Microsoft face aux entreprises, M. Bernard Vergnes a noté que l'univers informatique était passé d'un schéma de fournisseur unique à un schéma où à chaque niveau, qu'il s'agisse du processeur, de l'ordinateur, des périphériques ou des réseaux, régnait la concurrence et la liberté de choix de l'entreprise. Il a indiqué que, dans ce contexte, avait trouvé naissance le nouveau métier dit "d'intégrateur", destiné à assurer une prestation unique et à intervenir à tous les stades des choix liés à la mise en oeuvre d'un système informatique.

M. Bernard Vergnes a ensuite abordé le thème de la position de Microsoft par rapport au marché constitué par le grand public. Il a considéré que, dans le domaine des prestations grand public, l'Europe était un marché en retard de deux à trois ans sur les Etats-Unis. Il a expliqué ce décalage comme la résultante du moindre revenu des ménages européens, conjugué au poids de la taxe à la valeur ajoutée qui renchérit fortement le prix des ordinateurs. Il a souligné qu'aux Etats-Unis les taxes sur les ventes variaient en effet de 2 à 5 % seulement. Il a complété cette explication en relevant que le comportement de marge des entreprises était beaucoup plus important en Europe qu'aux Etats-Unis puisque les marges variaient en Europe de 25 à 45 % tandis qu'aux Etats-Unis elles se situaient aux alentours de 5 %. Il a conclu cette explication en notant que tout conduisait à augmenter le prix d'achat d'un ordinateur en Europe.

S'agissant des produits destinés au grand public, M. Bernard Vergnes a indiqué que la stratégie de Microsoft reposait sur une stratégie double. Il a précisé qu'il s'agissait, d'une part, des produits "off-line" qui reposaient sur la diffusion de logiciels sur CD-ROM, et, d'autre part, de produits "on-line" pour lesquels Microsoft développait une stratégie de diffuseur et de fournisseur d'informations sur Internet. Au sujet des CD-ROM, M. Bernard Vergnes a indiqué que si le produit, en langue française, "Biblio-rom" avait pu être lancé en collaboration avec Larousse, l'encyclopédie et l'atlas mondial "Encarta" n'avaient pas pu être réalisés avec des partenaires français.

M. Bernard Vergnes a cependant conclu ce développement en rappelant que le marché grand public en Europe était limité dans la mesure où plus de 85 % des familles européennes ne possédaient pas encore de PC.

M. Bernard Vergnes a ensuite abordé le dernier thème de son intervention, consacré aux positions de l'industrie du logiciel au regard des droits français et européen. S'agissant des initiatives relatives à la propriété intellectuelle, il s'est félicité des modifications envisagées au protocole de Berne et qui portent en particulier sur la protection des droits en matière de communication numérique, de copie temporaire et de droit de distribution.

S'agissant de la problématique de la société de l'information, M. Bernard Vergnes a précisé que Microsoft demandait que les services en ligne soient exclus de la directive "télévision sans frontière". Il a aussi demandé que la France assouplisse ses positions particulièrement strictes dans le domaine de la cryptologie. Il s'est ensuite dit favorable à une politique du contrôle des contenus fondée sur l'autocontrôle, à l'image du "platform for internet content selection" (PICS), qui permet d'interdire à certaines catégories d'utilisateurs l'accès aux données considérées comme "offensantes".

Par ailleurs, il a estimé que le champ d'application de la loi informatique et liberté devrait être adapté pour prendre en compte les spécificités des services en ligne.

Enfin, il a considéré que la responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet devrait être alignée sur celle des opérateurs téléphoniques pour lesquels existait un principe de non-responsabilité à l'égard du contenu des communications.

Un débat s'est alors engagé, au cours duquel M. Bernard Vergnes a apporté les réponses suivantes aux questions des intervenants :

A M. René Trégouët , il a indiqué que la mise au point par Microsoft d'un " net PC " connectable aux réseaux de transports de données, plus limité dans certaines performances que le PC traditionnel mais plus facile à gérer et plus économique, correspondait à la stratégie traditionnelle de son entreprise visant la simplicité d'usage et le faible coût de gestion des outils informatiques.

La solution concurrente du " NC ", ordinateur sans disque dur tirant son énergie du réseau auquel il était raccordé, impliquait l'existence de réseaux très performants et des coûts de connection importants. Enfin, ces micro-ordinateurs ne pourraient pas utiliser les logiciels du " PC ".

A M. Franck Sérusclat , il a précisé que des machines très performantes à commande vocale apparaîtront dans les quatre ans à un prix d'environ 30.000 F ;

A M. Jean-Marie Rausch , il a rappelé que si l'accès à Internet par le câble résolvait la question de la tarification à la durée, ce mode de connection n'existait pas encore partout.

Il a enfin confirmé à M. Alex Türk la réticence de nombreuses entreprises françaises à l'égard des nouveaux services d'information qui bouleversent les schémas hiérarchiques traditionnels dans lesquels le pouvoir est lié à la détention de l'information.

Puis la mission a entendu M. Gérard Moine, directeur des relations extérieures de France Télécom, et M. Gérard Eymery, responsable du secteur multimédia de France Télécom.

M. Gérard Moine
a présenté l'entrée dans la " société de l'information " comme une véritable révolution culturelle pour l'entreprise France Télécom qui se considère comme l'un des acteurs essentiels de cette évolution. Il a exposé comment, tout en sachant qu'elle ne disposait plus du monopole, l'entreprise France Télécom explorait la voie des nouvelles technologies, notamment par la création de branches spécialisées par type de clientèles et non plus seulement en fonction des technologies et par celle d'une division multimédia.

M. Gérard Eymery , responsable du secteur multimédia de France Télécom , a ensuite présenté les activités de cette nouvelle division. Il a tout d'abord évoqué l'ampleur du marché potentiel que représentait le multimédia : un marché global de quelque 700 milliards de francs, soit 9 % du produit intérieur brut et 5,5 % des dépenses de consommation des ménages. Puis, il a précisé que, sur cet ensemble, chacun des secteurs qui pouvaient intéresser France Télécom représentait de l'ordre de quelques milliards de francs : 2,5 milliards de chiffre d'affaires pour les 2,5 millions d'utilisateurs de micro-informatique communicante, environ 2 milliards de francs pour le million de ménages qui utilisent les services payants sur le câble, et 2 milliards également pour les 2 millions d'abonnés payants à des " bouquets de programmes " offerts par satellite.

Il a fait observer que tous les grands groupes mondiaux s'intéressaient actuellement au multimédia, que ce soit sous l'angle de la production, de la programmation, de la distribution ou de la réception. Il a situé France Télécom au sein de ces évolutions, sa place devant évoluer de la fonction d'intermédiation (celle d'un opérateur de réseau) vers un rapprochement avec les fournisseurs de contenu, par un partenariat de fournitures de services. Il a souligné que cette évolution prendrait appui sur le développement du kiosque télématique opéré depuis 1985.

Il a donc distingué les missions d'intérêt général, relevant désormais de la maison-mère, France Télécom, (telles que la télématique, les annuaires et les fichiers, l'économie des réseaux câblés et le contrôle d'accès) de ce qui relevait de filiales, à savoir l'hébergement de services destinés soit au grand public soit à des professionnels ainsi que la fourniture d'accès à Internet. Il a cité les expérimentations en cours sur l'accès à Internet par les divers moyens techniques possibles, notamment par le câble et les réseaux satellitaires, combinés à l'utilisation des réseaux téléphoniques mais également des réseaux hertziens de radiodiffusion ou de télévision.

Il a jugé primordial que le client dispose d'une panoplie d'outils techniques lui donnant accès à Internet sans être obligé de choisir une technique en particulier.

Puis, MM. Gérard Moine et Gérard Eymery ont répondu aux questions des commissaires.

En réponse à MM. Pierre Laffitte, président , Jean-Marie Rausch et Franck Sérusclat, M. Gérard Eymery a notamment apporté des précisions sur les lenteurs de transmission parfois observées sur le circuit : il a souligné que le choix de la location d'une liaison à plus ou moins fort débit dépendait des éditeurs ; il a jugé nécessaire que s'organise l'économie générale de ce nouveau dispositif qu'est Internet, particulièrement afin que soient rémunérés les prestations et le contenu en information offerts par les fournisseurs.

Après avoir précisé que le kiosque télématique de France Télécom générait 9,3 milliards de francs de chiffre d'affaires, M. Gérard Eymery a montré comment France Télécom s'employait à développer les services de la télématique afin de les rendre accessibles sur Internet, en travaillant au couplage complet entre ces services en ligne de première (le Minitel) et de deuxième génération (Internet) une première étape ayant été franchie grâce au logiciel " Wanadoo ".

Répondant aux observations de M. Pierre Laffitte, président , sur les conditions économiques et financières de cette évolution, M. Gérard Eymery a souligné que l'utilisation d'Internet pour des transactions, nécessitant des relais bancaires, n'était pas encore tout à fait opérationnel.

Il s'est déclaré confiant dans la valeur de l'expérience issue du kiosque télématique français, qui dispose, en termes génériques, de la même gamme de services (26.000 services en ligne) que ceux accessibles sur Internet.

M. Gérard Eymery a ensuite tracé les orientations actuelles, notamment la recherche de terminaux ergonomiques, simples et peu coûteux permettant une large diffusion de ces services et des accords de partenariats de services à l'étranger, s'appuyant sur le réseau mondial " Global one ".

M. Gérard Eymery a ensuite indiqué à M. Franck Sérusclat que les choix sur l'évolution des micro-ordinateurs relevaient des éditeurs et des constructeurs.

Puis M. Gérard Moine a fait état des expérimentations en cours, destinées notamment à cerner les attentes du public à l'égard des nouvelles technologies.

Il a souligné que la réforme récente du centre national d'études des télécommunications (CNET) visait notamment à rapprocher les branches de France Télécom des utilisateurs potentiels.

Enfin, M. Gérard Moine a indiqué à M. Pierre Laffitte , président, que les opérateurs de réseaux devaient être exonérés de toute responsabilité à l'égard du contenu des services. Il a aussi jugé préférable que le contrôle de déontologie soit exercé par une autorité de régulation existante, à la légitimité établie, plutôt que d'en créer une nouvelle, spécifique.

Audition de

M. Gérard THÉRY, Président de la Cité des Sciences

M. Pierre BOURIEZ, Responsable du développement technologique
de la Lyonnaise communications

M. Christian ROSSI, Directeur de la communication
de la Lyonnaise communications

M. Stéphane TREPPOZ, Directeur du développement du pôle médias
de la Compagnie Générale des Eaux (CGE)

M. Jean-Pascal TRANIE, Directeur général de la Générale d'Images
de la Compagnie Générale des Eaux (CGE)


Mercredi 6 novembre 1996

M. Gérard Théry a tout d'abord évoqué les nouveaux marchés de la communication à haut débit et du multimédia à travers une présentation des différents systèmes techniques.

Il a rappelé que la filière du téléphone (numérique à très bas débit) avait créé une dynamique de marché permettant l'émergence du fax (qui fonctionne sur un système Numéris à haut débit) et a estimé que cette filière était en fin de vie, sauf pour le téléphone mobile.

Puis il a évoqué les mérites et les dangers d'Internet, deuxième filière évoquée : il a notamment rappelé que la structure circulaire de ce réseau mondial en rendait les coûts indépendants de la distance. Il a souligné qu'Internet, dans la mesure où près des trois quarts des sites sont situés sur le territoire des Etats-Unis, apparaissait comme un instrument d'américanisation de l'ensemble du système de communication en voie d'apparition, observant qu'en résulterait la promotion non seulement de la culture et des contenus mais également des activités tertiaires nord-américaines. Les européens et les japonais apparaîtront en situation défensive sur des marchés appelés à devenir marchands.

Il a ajouté que le marché d'Internet était toutefois bridé par la faible densité d'ordinateurs personnels sur le marché résidentiel (de sorte que le nombre d'abonnés au Minitel dépasse largement celui des personnes connectées sur Internet). A ceci, s'ajoute une limitation de standard qui entraîne celle du débit, bien que la dérivation Intranet qui se développe par ailleurs entre les postes de travail d'une même entreprise permette de surmonter localement cette difficulté.

M. Gérard Théry a ensuite mentionné les dangers présentés par Internet : le risque juridique, puisque les droits d'auteur ne sont pas protégés, la question de la sécurisation des données, dans la mesure où le secret des communications ne l'est pas plus, la diffusion d'informations contraires aux lois en vigueur, notamment en matière de réseaux de pornographie, de trafic des drogues de synthèse, de blanchiment.

M. Gérard Théry a ensuite développé le thème de la filière du satellite à diffusion numérique et du câble qui en est le complément.

Il a souligné que les positions françaises étaient satisfaisantes sur ce marché en forte expansion, à condition que les opérateurs français s'accordent sur un standard commun. Il a ajouté que sur cette filière, qui connaît des mouvements de convergence avec l'informatique, la clé du succès résiderait dans l'invention de contenus novateurs. La presse et les acteurs régionaux et locaux ont un rôle à jouer à cet égard.

M. Gérard Théry a enfin insisté sur l'intérêt présenté par la quatrième filière, celle de la fibre optique jointe à l'Asynchronous transfer mode (ATM), technique de communication pour les réseaux multiservices de grand débit. Il a plaidé pour un renforcement des investissements dans le secteur de la fibre optique. Il a donc préconisé un remplacement progressif de la " boucle locale " (réseau de distribution situé entre le commutateur et l'abonné) en cuivre par de la fibre optique qui, jointe à l'ATM, permet de traiter de très hauts débits et donc de commuter des images vidéo.

Il a aussi jugé qu'afin de réaliser une production en séries, seule à même d'abaisser les coûts, les commandes devaient provenir initialement d'un donneur d'ordre qui, dans le cas français, est essentiellement France Télécom, opérateur dominant.

Répondant à une question de M. Alain Joyandet, rapporteur , et à des observations de M. Pierre Laffitte, président , il a reconnu que les possibilités de connexion au réseau ATM étaient actuellement limitées et qu'un objectif de 200 villes environ, puis de 2.000 à 5.000 villes devait être visé, en utilisant au mieux les infrastructures existantes afin de réduire les coûts de génie civil.

Répondant en outre à des questions de M. Alain Joyandet, rapporteur, de Mme Danièle Pourtaud et de M. Jacques Mahéas , il a souligné que le passage à la fibre optique et à l'ATM pouvait constituer une réponse au monopole des logiciels sur Internet détenu par une demi-douzaine de firmes, à condition, comme l'a souligné M. Pierre Laffitte , président , que soient effectués les investissements dans les logiciels correspondants. Il a également insisté d'une part sur la nécessité d'un programme d'offre qui mobilise des contenus variés et, d'autre part, sur la responsabilité de l'opérateur dominant en matière d'investissements de télécommunications, qui présentent la caractéristique d'être à la fois collectifs (à rentabilité différée) et productifs (très rentables à terme).

Il a conclu son propos en appelant à une harmonisation de la réglementation d'application de la récente loi de réglementation des télécommunications avec l'application des lois adoptées parallèlement en Allemagne et au Royaume-Uni : il a en effet souligné que si les règles applicables au service universel posaient peu de problèmes, en revanche, celles relatives à l'interconnexion des réseaux alternatifs risquaient, à brève échéance, d'entraîner des distorsions de concurrence très dommageables pour les opérateurs français par rapport à leurs principaux concurrents européens.

La mission a ensuite procédé à l' audition de M. Pierre Bouriez , responsable du développement technologique de la Lyonnaise communications et de M. Christian Rossi, directeur de la communication de la Lyonnaise communications.

M. Pierre Bouriez
a présenté l'expérience " multicâble " de services multimédia en ligne et d'accès à Internet à haut débit par micro-ordinateur mise en place par la Lyonnaise communications dans le VIIe arrondissement de Paris en octobre 1995. Cette expérience a permis de vérifier auprès de 200 abonnés au câble que ce type de réseau était la meilleure bretelle d'accès aux autoroutes de l'information et de repérer les utilisateurs potentiels et les usages les plus prisés.

La plupart des consommations enregistrées (80 à 90 %) intéressait l'accès aux services d'Internet. Parmi les milliers de sites visités, on a noté une préférence pour le cinéma (accès aux programmes des salles parisiennes et téléchargement rapide de bandes annonces), l'information (consultation de journaux en ligne, météo), le divertissement (musées virtuels, musique), les événements sportifs.

L'utilisation du courrier électronique a été un des autres grands motifs de connexion à Internet et semble de plus en plus fréquente de la part des particuliers comme de la part des entreprises.

Par ailleurs, 82 % des abonnés ont déclaré se connecter pratiquement tous les jours, la durée moyenne de connexion étant d'une heure quarante par jour. Les utilisateurs appartiennent majoritairement à la tranche d'âge de 35 à 50 ans. Il est enfin intéressant de constater que 96 % des utilisateurs ont estimé que ce mode de connexion à Internet était d'utilisation facile.

Abordant ensuite la configuration technique des réseaux câblés, M. Pierre Bouriez a indiqué à M. Alain Joyandet, rapporteur , que contrairement aux réseaux américains dont l'adaptation aux besoins de la société de l'information nécessitait un investissement représentant 15 à 20 % de l'investissement initial, les réseaux français étaient d'ores et déjà bidirectionnels et parfaitement adaptés à des besoins tels que l'accès à Internet et au fonctionnement de services utilisant des procédés d'interactivité. Il a précisé que le câble français était aussi adapté à la téléphonie entre points fixes. Il a enfin noté que les réseaux câblés permettaient à chacun d'installer à domicile son propre serveur web pour un coût modique grâce à l'utilisation de la connexion permanente du câble à Internet.

M. Pierre Bouriez a indiqué à M. Pierre Laffitte, président , que ces fonctions ne posaient pas de problème de gestion des commutations.

Il a enfin noté que l'adaptation des réseaux câblés à l'accès à Internet nécessitait peu de travaux et allait être généralisée sur les sites concessifs de la Lyonnaise communications.

M. Pierre Bouriez a ensuite abordé les problèmes posés par l'utilisation des réseaux du plan câble pour accéder à Internet. Ces réseaux étant propriété de France Télécom, l'opérateur public demande, pour autoriser leur utilisation, une redevance représentant le triple du chiffre d'affaires qu'un câblo-opérateur peut espérer retirer de la fonction d'accès à Internet. En effet, France Télécom a fixé ses exigences en tenant compte de la perspective d'un développement de la téléphonie entre points fixes sur le câble. Cet amalgame entre la téléphonie et les services d'Internet va retarder de deux années la généralisation de la connexion à Internet par le câble.

A une question de M. Alain Joyandet, rapporteur , M. Pierre Bouriez a répondu d'une part que la poursuite du câblage du territoire n'était pas envisageable avec le seul chiffre d'affaires tiré des abonnements au service des télévisions et d'autre part que le satellite apparaissait dans les zones rurales comme une meilleure solution que le câble pour la diffusion des nouveaux services. Il a précisé que l'accès à Internet par le satellite était possible, le téléphone servant de voie de retour. Le satellite permettant un accès à haut débit, le seul véritable inconvénient de ce procédé est la facturation à la durée en usage sur le réseau téléphonique.

A M. Jacques Mahéas , il a indiqué qu'avec l'apparition d'instruments de navigation francophones sur le web, les flux d'information émis par les utilisateurs vont augmenter dans des proportions sensibles avec la multiplication des " pages maison " diffusées par les particuliers. Il a précisé que les capacités de transport des réseaux câblés étaient suffisantes pour faire face à cette perspective.

M. Pierre Bouriez a aussi indiqué à M. Alain Joyandet, rapporteur , que, pour rémunérer les fournisseurs de contenus, une solution inspirée du mode de facturation mise en place par le système du kiosque Télétel pouvait être imaginée. Cependant, le public ne s'intéresse actuellement qu'à Internet où l'accès aux contenus est gratuit. Des expériences de services multimédia payants accessibles par le câble sont tentées avec la société Infonie. Elles ne semblent cependant pas présenter à court terme de perspectives de rentabilité.

M. Pierre Bouriez a précisé au président Pierre Laffitte qu'il serait possible d'entrer dans une véritable logique économique du multimédia en lignes quand 700.000 à un million de personnes seraient régulièrement connectées aux réseaux.

Il a enfin indiqué à Mme Danièle Pourtaud que la Lyonnaise communications, opérateur de réseau, n'entendait pas se lancer dans la création de contenus et que son objectif était d'attirer un nombre supplémentaire d'abonnés vers le câble et non de tirer un profit direct de la connexion à Internet proposée au public.

La mission a ensuite procédé à l' audition de M. Stéphane Treppoz , directeur du développement du pôle médias de la Compagnie Générale des Eaux (CGE) et de M. Jean-Pascal Tranie , directeur général de la Générale d'Images de la CGE .

M. Jean-Pascal Tranie a tout d'abord indiqué que les activités de sa direction s'articulaient autour de trois pôles : la mise en place de réseaux câblés desservant actuellement 550.000 foyers, le développement de prestations de services, l'activité " média " avec la mise en place de sites expérimentaux. Il a souligné que sa société s'attachait à exploiter les hautes capacités du câble par le développement d'applications numériques et multimédia accessibles aisément par la souris du micro-ordinateur, sans recours au clavier. Il a indiqué, à titre d'exemple, que le journal télévisé de France 3 serait ainsi disponible sur le réseau câblé de Nice. Il a précisé que le câble permettait aux intervenants de bénéficier de tarifs de consultation faibles en comparaison des coûts engendrés par l'utilisation d'une ligne téléphonique.

En réponse à M. Pierre Laffitte, président , il a confirmé que l'accord du CSA n'avait pas été sollicité pour la rediffusion sur le réseau câblé du journal de France 3.

Interrogé par Mme Danièle Pourtaud , il a précisé que cette application avait été développée dans le cadre des expérimentations autorisées par la " loi Fillon ".

Il a en outre estimé qu'un cadre juridique devait être défini pour offrir des garanties suffisantes, en matière d'éthique en particulier, mais que ce cadre devait toutefois rester suffisamment flexible pour ne pas freiner le développement d'Internet.

M. Stéphane Treppoz a ensuite présenté une démonstration d'une application multimédia dénommée Télériviera mise en service à Nice depuis le mois de septembre 1996, accessible en souscrivant à un abonnement de 150 F par mois. Il a indiqué que cette application offrait un accès à Internet, à des services locaux concernant la ville de Nice, à des jeux et à une bibliothèque de CDROM. Il a précisé que 300 sites étaient ainsi hébergés en tête de réseau et accessibles à haut débit.

En réponse à Mme Danièle Pourtaud , il a indiqué que parmi les deux cents abonnés niçois, plus de la moitié n'avaient jamais accédé à Internet auparavant et qu'ils appartenaient à toutes les tranches d'âge et à toutes les catégories professionnelles.

Interrogé par M. Franck Sérusclat , il a estimé souhaitable d'abaisser le coût de l'abonnement, pour un premier niveau de services, à 50 F ou à 80 F par mois. Il a précisé que l'interface permettant d'accéder aux différentes applications devrait pouvoir fonctionner sur des micro-ordinateurs peu puissants et même, à l'avenir, sur un poste de télévision.

M. Jean-Pascal Tranie a enfin indiqué que la CGE détenait des sites câblés concessifs dans le Val-de-Marne, dans le Nord et à Nice et que des négociations étaient en cours avec France-Télécom pour permettre aux abonnés du réseau de France-Télécom de bénéficier des services offerts par la CGE.

Synthèse des travaux de la mission par son Président

Mercredi 13 novembre 1996

Il a, en premier lieu, abordé les problèmes techniques posés par l'évolution des technologies de l'information, partant d'une synthèse des travaux menés sur ce sujet par l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.

Il a tout d'abord rappelé le fonctionnement et les performances respectifs des modes de codage analogique et numérique, ainsi que le passage de l'un à l'autre. Il a mis l'accent sur l'extraordinaire progrès de l'ensemble de l'industrie informatique, qui a submergé l'ensemble des industries de communication par la numérisation. En ceci consiste, a-t-il estimé, la véritable nouveauté, car la numérisation permet de communiquer, à travers le globe, textes, images et sons à la vitesse de la lumière.

Abordant les systèmes de télécommunications, M. Pierre Laffitte, président, a rappelé la différence entre les deux types de commutation : celle par laquelle une série d'informations élémentaires est orientée sur un circuit déterminé, et la commutation par paquets d'informations prenant individuellement des circuits différents.

Ce dernier système présente l'avantage d'optimiser la communication en atténuant les problèmes que pose la saturation des circuits.

M. Pierre Laffitte, président, a ensuite souligné la chute des coûts unitaires des produits informatiques, liée aux progrès considérables de cette industrie et au développement des structures de télécommunications.

Il a aussi présenté les qualités techniques particulières de la fibre optique qui permet d'atteindre de très grands débits, notamment par des modes de transfert tels que l'Asynchronus transfer mode (ATM).

La démultiplication des capacités de transport d'informations qui en résulte est renforcée par le développement continu des logiciels, notamment ceux destinés à la compression des données.

A la suite de cet exposé, M. Pierre Laffitte, président, en réponse à des questions de ses collègues, a fourni des précisions sur le type de codage impliqué par la numérisation et sur la commutation par paquets.

Il a estimé que bien que les très hautes fréquences permettent des opérations analogues à celles des réseaux câblés, il convenait de réserver les fréquences hertziennes terrestres encore disponibles au téléphone mobile à l'exception des zones dans lesquelles le coût du câblage est excessif en raison de la faible densité de la population.

Il a en outre évoqué les solutions offertes par l'utilisation des systèmes hertziens satellitaires. Il a fait le point sur le système ATM, qui permet d'optimiser l'utilisation des réseaux mais dont l'implantation demeure encore rare. Il a également reconnu que de nombreux problèmes de compatibilité entre équipements se posaient encore, malgré les progrès de la normalisation, ce qui renforce le rôle de l'industrie des logiciels destinés à l'interconnexion de systèmes différents.

M. Pierre Laffitte, président, a conclu cet exposé en soulignant que les effets conjugués de la chute des coûts des nouveaux matériels de communication, des possibilités d'accès universel aux savoirs qu'elle offre, de la mondialisation de l'économie, de la dérégulation et du renforcement de la concurrence entraînaient une véritable révolution dont il a rappelé les répercussions.

M. Pierre Laffitte, président, a principalement évoqué à cet égard les perspectives offertes par le télétravail, ainsi que les nouveaux services, qui ouvrent la voie à de nouveaux emplois, et l'évolution de la structure interne des entreprises. Il a, sur ce dernier point, cité plusieurs exemples d'entreprises américaines et allemandes où la totalité de l'information disponible est mise en réseau interne (système " Intranet ").

Evoquant la décision prise récemment par deux puissantes firmes de logiciels de partager leur information, il a souligné que l'usage quotidien du même réseau d'information équivalait à une fusion des deux entreprises.

Puis, il a montré comment les nouvelles technologies permettaient à deux entreprises de petite taille de fonctionner en commun comme une entreprise unique, sur un appel d'offres déterminé, et a regretté le retard de la France à l'égard de ces pratiques nouvelles.

M. Pierre Laffitte, président, a estimé que cette évolution transformait non seulement les relations du travail et les systèmes hiérarchiques mais affectait également les relations entre les pouvoirs publics et les administrés. Il a noté, qu'à l'heure actuelle, les collectivités locales étaient plus aptes que les administrations centrales à répondre aux attentes des citoyens en matière de transparence et d'information.

M. Jacques Mahéas , ayant signalé les risques de déshumanisation et de surinformation, M. Pierre Laffitte, président, a évoqué le développement de nouveaux métiers liés à la sélection des informations en fonction des publics visés. Il a jugé nécessaire que s'organise une cohérence sociale qui tienne compte de cette nouvelle donne, sachant que, depuis son origine, Internet fonctionne à la plus grande satisfaction de ses utilisateurs. L'essentiel, a-t-il estimé, est de veiller à ce que les opérations illégales ne soient pas plus aisées sur Internet que sur d'autres moyens de communication.

Un débat s'est alors engagé sur les moyens de prévenir les dérives observées sur Internet.

M. Alex Türk, rapporteur, a estimé que la responsabilité du fournisseur d'accès à Internet était davantage susceptible d'être engagée que celle du fournisseur d'accès au réseau téléphonique.

Il a indiqué la nécessité de parvenir à des accords internationaux définissant un cadre juridique commun pour régir le fonctionnement d'Internet mais a exprimé sa crainte que les Etats-Unis ne freinent toute initiative de nature à gêner le développement de ce réseau.

En réponse à M. Jacques Mahéas l'interrogeant sur le problème des contenus illégaux, M. Pierre Laffitte, président, a indiqué que, techniquement, leur repérage sur le réseau était possible mais que, bien souvent, les messages au contenu illicite étaient codés par leurs auteurs.

Il a estimé que la prise de conscience de la nécessité de se doter de moyens de contrôle efficaces n'était pas suffisante en France et a considéré qu'il faudrait mettre en place un observatoire du réseau, une structure de veille, tout en développant les actions de concertation au niveau international. Il a indiqué que la structure actuelle de gestion d'Internet, l'Internet Society, était favorable à une liberté absolue et qu'il serait nécessaire de promouvoir une conception européenne tendant à imposer des limites à cette liberté.

M. Franck Sérusclat a estimé que l'exercice du droit de réponse suffisait parfois à juguler une dérive et que la censure n'était pas toujours le meilleur moyen d'y parvenir. Il a marqué sa préférence pour la formation de l'individu et du citoyen.

M. Alex Türk, rapporteur, a souligné que les caractéristiques du réseau Internet pouvaient favoriser les dérives et a considéré nécessaire de réfléchir aux moyens de transposer à Internet le cadre juridique applicable à la presse.

M. Pierre Laffitte, président, en conclusion, a indiqué que, de son point de vue, les services qui connaîtraient le plus fort développement sur Internet seraient ceux relatifs à l'éducation, à la santé et aux relations entre l'administration et les administrés. Il a précisé qu'aux Etats-Unis les services de " télévision à la demande " et de téléachat s'étaient révélés peu rentables.

Audition de

M. Pierre FAURE,
Adjoint au Directeur informatique

DASSAULT-AVIATION


Mercredi 20 novembre 1997

M. Pierre Faure a exprimé sa conviction que le vingtième siècle sera l'ère de l'information et que seuls les pays et les entreprises possédant une maîtrise complète des technologies de l'information seront en position d'innover, de conquérir de nouveaux marchés et de créer de nouveaux emplois. Or l'Europe et la France accusent un retard sensible dans ce domaine. Seule une véritable révolution culturelle dans le monde de l'entreprise, spécialement chez les dirigeants, dans le système éducatif et dans les foyers nous permettra de gagner la guère économique qui s'annonce.

C'est afin de contribuer au lancement de cette dynamique que l'AFUU organise en janvier prochain un colloque dont M. Pierre Faure a détaillé les objectifs, les thèmes envisagés, les partenariats obtenus, les publics visés, les intervenants pressentis.

Un échange de vues s'est ensuite engagé avec les membres de la mission.

A une question du président sur le changement des structures de pouvoirs au sein des entreprises consécutif à l'utilisation des systèmes d'information ouverts, M. Pierre Faure a répondu qu'il s'agissait en effet d'un problème essentiel, le pouvoir étant lié à la détention de l'information, désormais beaucoup plus partagée.

A une question du président sur l'expérience de Dassault-Aviation en termes de système d'information interne ainsi que sur les modifications de structure et sur les évolutions de rentabilité constatées, il a répondu que la substitution des technologies d'Internet à l'informatique " client-serveur " permettait une réduction importante des coûts de développement des produits, l'accès gratuit aux technologies des logiciels, et l'installation de " postes clients " légers. Il a aussi insisté sur les conséquences de l'utilisation des messageries électroniques sur le travail des dirigeants d'entreprise et sur la difficulté des chefs d'entreprise français à s'adapter à cette nouvelle logique.

Il a ensuite précisé au président Pierre Laffitte qui demandait où en était la mise en place d'un nouveau système de communication interne chez Dassault-Aviation qu'une migration vers l'ensemble de technologies ouvertes était en cours.

Il a ensuite estimé que les sociétés françaises de services en ingénierie informatique qui n'évolueraient pas vers ces technologies disparaîtraient à terme et a évoqué la conversion du PMU et de la Redoute aux technologies Internet.

A une remarque du président Pierre Laffitte sur l'absence d'évolution du Minitel, M. Pierre Faure a répondu qu'aucun offreur français de services télématiques ne pourrait concurrencer les opérateurs américains et britanniques lors de l'ouverture du marché en 1998 et qu'il n'avait pas, jusqu'à présent, constaté une migration des prestataires français de services vers le Web.

Il a enfin admis, avec M. Alain Joyandet , rapporteur, la nécessité d'une démarche très pédagogique pour faciliter la prise de conscience de ces problèmes par les chefs d'entreprise et par le monde politique.

Audition de

M. Jean-Pierre MACHART,
Directeur

EUROTÉLÉPORT


Mercredi 27 novembre 1996

M. Jean-Pierre Machart a tout d'abord observé que le débat politique, en France, avait concerné les infrastructures de télécommunications avant d'intégrer le concept d'autoroutes de l'information, apparu beaucoup plus tôt aux Etats-Unis. Il a rappelé que lors de l'élaboration du plan câble, les préoccupations s'étaient portées essentiellement sur la question des infrastructures et non sur le problème des contenus.

Présentant la genèse de la création du téléport de Roubaix, M. Jean-Pierre Machart a indiqué qu'il s'agissait d'une initiative du sénateur André Diligent, soucieux de réhabiliter une usine située en centre ville et de promouvoir une activité de substitution à l'industrie textile en déclin. Il a observé que le projet initial était centré sur le développement de la télévision de proximité puis qu'il avait évolué vers les télécommunications, France Telecom ayant proposé la création d'une zone de télécommunications avancées (ZTA). Il a indiqué que, ce projet n'ayant pas atteint les objectifs fixés, un projet concurrent avait été élaboré, avec la création d'une société d'économie mixte rassemblant les collectivités locales concernées et des acteurs privés. Il a souligné que, dans le cadre de ce nouveau projet, la communauté urbaine de Lille avait été équipée en fourreaux de câblage et que les bâtiments municipaux de la ville de Roubaix avaient été câblés ce qui lui avait permis de réaliser une économie de 500.000 F par an sur les coûts de télécommunications.

M. Jean-Pierre Machart a indiqué qu'à la suite de l'appel à proposition lancé par le Gouvernement, la société avait obtenu une licence expérimentale d'opérateur local lui permettant d'intervenir dans le domaine de la téléphonie publique. Il a rappelé que le projet, d'un coût de 150 millions de francs, devait être financé pour moitié par une subvention européenne du FEDER et, pour l'autre moitié, à parts égales, par Eurotéléport, le conseil général, le conseil régional et la communauté urbaine de Lille.

France Telecom ayant fait valoir que la candidature de Lille aux Jeux olympiques nécessitait la mise en place d'un véritable téléport et non d'un simple site expérimental, M. Jean-Pierre Machart a indiqué que les responsables politiques locaux avaient décidé de renoncer au projet pour laisser jouer l'initiative privée, le fond de commerce d'Eurotéléport étant cédé à l'opérateur belge, Belgacom, pour la somme de 20 millions de francs. Il a précisé qu'une société anonyme au capital de 150 millions de francs avait ainsi été constituée proposant un accès à Internet par le câble complété par une offre satellitaire.

M. Jean-Pierre Machart a souligné les avantages de ce choix en matière de coopération transfrontalière et de développement local.

Il a apporté des précisions sur la tarification pratiquée et précisé que l'architecture du réseau mis en place était configurée pour une offre Asynchronus Transmission Mode (ATM) à venir. Ce service serait activé, notamment, en fonction des demandes de la communauté hospitalière. Il a estimé que le développement de l'offre multimédia sur fibre optique dépendait principalement de la politique tarifaire.

M. Jean-Pierre Machart , ayant évoqué les limites du réseau RENATER destiné aux universités, M. René Trégouët a fait observer que ce réseau devrait se transformer en un réseau Intranet, accessible à tous les opérateurs.

En réponse à une question de M. Pierre Laffitte, président, M. Jean-Pierre Machart a précisé que le chiffre d'affaires d'Eurotéléport était d'un million deux cent mille francs par mois, l'objectif visé à un horizon de cinq ans étant d'atteindre 300 millions de francs par an. Il a également donné des précisions sur la répartition du capital, et annoncé que des investisseurs étrangers envisageaient de développer dans une autre région française un projet similaire à celui dont il avait la charge.

Répondant à des questions de MM. Pierre Laffitte, président, et René Trégouët sur les services offerts aux collectivités locales, M. Jean-Pierre Machart a cité notamment la mise en place d'un cyberespace, financé par la ville de Roubaix. Il a suggéré que la communication de fiches d'état civil ou de plans de cadastre empruntent cette voie. Il a insisté sur la nécessité d'ouvrir au public, notamment scolaire, des services ayant une vitesse et un débit suffisants pour mettre en valeur les potentialités techniques.

M. Jean-Pierre Machart ayant précisé que si le fonds de commerce d'Eurotéléport avait été transféré entièrement à Belgacom, la société d'économie mixte qui le détenait au préalable avait été maintenue, M. Pierre Laffitte, président , a souhaité qu'une telle structure permette de développer des expérimentations sur les mises en réseau, d'une part, ainsi qu'une réflexion sur les contenus, d'autre part. Il a rappelé le souhait que les municipalités et les collectivités locales s'engagent, autant que les milieux économiques, dans l'utilisation de ces réseaux dans le cadre d'une démocratie participative.

Faisant un bilan de l'expérience menée par Eurotéléport, M. Jean-Pierre Machart a souligné le décalage existant entre le rythme d'évolution des nouvelles technologies de l'information et celui de la décision politique ou administrative. Il a également évoqué les réticences observées actuellement dans les administrations, habituées à une logique de système centralisé, à l'égard de la mutualisation de l'information que suppose un réseau Intranet.

En réponse aux questions posées par Mme Danièle Pourtaud, M. Alex Türk et M. Pierre Laffitte, président, M. Jean-Pierre Machart a apporté des précisions :

- concernant la licence expérimentale attribuée à Eurotéléport, en application de la loi du 10 avril 1996 sur les expérimentations en matière de technologies et services de l'information ;

- sur les conventions d'usage et les conventions d'échange conclues avec les autorités concédantes, offrant notamment des mises à disposition de capacité contre un accès au domaine public pour réaliser des travaux ;

- sur les méthodes de tarification diversifiées pratiquées par Eurotéléport, permettant, par exemple, de fournir deux lignes téléphoniques pour tout service de téléphone installé et d'offrir la gratuité de la téléphonie locale après 20 heures ;

- sur les accords entre Eurotéléport et les autres grands opérateurs de réseau, notamment en matière d'interconnexion.

Il a conclu en insistant sur le fait que le contrôle de la " boucle locale " étant la clé de l'investissement en matière de nouvelles technologies de l'information, cet objectif commandait certains aspects de la politique commerciale et tarifaire de l'entreprise.

Audition de

Mme Louise CADOUX,
Vice-président délégué

COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE
ET DES LIBERTÉS
(CNIL)


Mercredi 4 décembre 1996

Mme Louise Cadoux a présenté dans un premier temps un panorama de l'évolution de la société de l'information. Des logiciels puissants associés à la saisie des données, opérée elle-même selon des techniques de plus en plus diverses, vont permettre l'enrichissement très considérable des contenus. La notion d'architecture distribuée donnera par ailleurs un rôle accru aux utilisateurs dans la distribution de l'information, pendant que les progrès des logiciels intelligents faciliteront la recherche et l'exploitation de la connaissance dans d'énormes bases de données.

Ces progrès permettront des innovations importantes dans le domaine du marketing, de la banque, de l'assurance, de la santé et dans celui des applications sociales. On peut aussi prévoir le développement de logiciels de travail en groupe et de logiciels de surveillance des individus qui, compte tenu de la diversification des capteurs de données (caméras, global positioning system (GPS), balises de toutes espèces, cartes magnétiques généralisées), vont enrichir l'information numérique. L'interopérabilité croissante des systèmes renforcera ce processus.

Mme Louise Cadoux a ensuite estimé que cette évolution suscitait des risques sur trois plans : la pornographie et la protection des mineurs, les incitations à la haine raciale, la protection de la vie privée.

En dépit de la possibilité technique de retracer les chemins parcourus par l'information, les délinquants profiteront du large anonymat des échanges sur les réseaux. En outre, l'internationalisation des systèmes de communication et la possible apparition de " paradis informatiques " va largement déjouer l'application des législations nationales réprimant la diffusion de contenus illégaux.

Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif international permettant d'encadrer l'utilisation des réseaux. Il semble cependant que l'opposition à une démarche contraignante manifestée par certains états, dont les Etats-Unis, constitue un obstacle majeur à des progrès significatifs.

Par ailleurs, les organisations internationales susceptibles d'évoquer ces problèmes n'émettent pas de règles à valeur juridique contraignante. Seule l'Union européenne a la capacité de réglementer la matière en adoptant des directives. M. François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace, a cependant demandé à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'étudier la possibilité de réguler le fonctionnement d'Internet.

En ce qui concerne les problèmes posés par la protection de la vie privée, Mme Louise Cadoux a mentionné spécialement le probable développement d'un système de santé empruntant les instruments de la société de l'information afin de permettre l'amélioration des soins et la diminution des coûts. Des données confidentielles seront ainsi diffusées sur les réseaux avec des risques de piratage.

Elle a aussi indiqué que le problème de l'interconnexion des fichiers administratifs, qui a été à l'origine de la création de la CNIL, sera posé à nouveau prochainement.

Le problème de la réglementation des contenus amènera par ailleurs à examiner le statut de l'image fictive et des effets spéciaux, dont le développement peut poser problème.

A une question de M. Alex Türk, rapporteur, sur la recherche des responsabilités juridiques, Mme Louise Cadoux a ensuite répondu qu'il serait opportun de rapprocher la responsabilité juridique de la compétence technique.

A une question de M. Franck Sérusclat sur les leçons à tirer de l'expérience de la CNIL en ce qui concerne le fonctionnement d'Internet, et à une remarque du président Pierre Laffitte sur les progrès de l'idée d'un contrôle des contenus chez les utilisateurs américains d'Internet, elle a répondu que le Gouvernement américain restait opposé à l'édiction de règles de conduite en se fondant sur le premier amendement de la constitution américaine.

Enfin, M. Jacques Mahéas a évoqué le rôle de l'école en matière de formation déontologique et l'utilité d'élaborer un code international de l'information.

Audition de

M. Roland FAURE,
Membre du conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)
Président du Club Digital Audio Broadcasting (DAB)

M. Claude WARGNIER,
Directeur technique à Europe 1
Vice-président du club DAB

M. Alain STARON, Directeur des nouveaux services de TPS


Mercredi 18 décembre 1996

Après avoir brossé un bref historique de la radiodiffusion, M. Roland Faure a indiqué qu'une réflexion était actuellement menée pour adapter la radio aux nouvelles technologies et que des expérimentations étaient en cours en matière de Radio Data System (RDS) et d'isofréquence. Il a rappelé que pour promouvoir le développement de la radio numérique, DAB France avait été créé en 1991, réunissant les opérateurs de radiodiffusion, les industriels tels que Thomson et Philips, TDF et des représentants du CSA. Il a souligné que le club DAB fonctionnait sans subvention publique, grâce aux seules cotisations.

M. Roland Faure a indiqué que pour le développement de la radio numérique, une bande de fréquence de 1,5 gigahertz, dite bande L, avait été attribuée à la France. Il a observé que le DAB offrait deux avantages : un son d'une qualité optimale grâce aux techniques de compression et de codage d'une part, la possibilité d'assortir les récepteurs numériques d'écrans affichant des images, d'autre part. Il a illustré ses propos par l'exemple de Matra en matière de service inforoute. Il a estimé nécessaire la mise en oeuvre d'une expérimentation grand public avant la commercialisation des récepteurs numériques dont le prix varie aujourd'hui de 18.000 F à 24.000 F. Il a observé que cinq Länder allemands avaient d'ores et déjà contribué au financement de telles expérimentations et que 6.000 récepteurs numériques y étaient en service, l'objectif s'élevant à 25.000. Il a, en outre, souligné l'importance de l'enjeu commercial avec, en particulier, l'ouverture du marché chinois.

En réponse à M. Alex Türk, rapporteur , M. Roland Faure a indiqué qu'à la différence de la France, les pouvoirs publics allemands avaient fait le choix de contribuer à la promotion de la radio numérique et que Deutschtelecom avait été associé aux expérimentations réalisées. Il a en outre observé que les Japonais projetaient de commercialiser en 1997 un récepteur DAB sans écran au prix unitaire de 3.000 F.

M. Pierre Laffitte, président , a précisé que l'implication des pouvoirs publics en Allemagne pouvait s'expliquer par la répartition des compétences entre les Länder et l'Etat fédéral, la culture constituant une attribution régionale.

En réponse à M. Pierre Laffitte, président, et M. Alex Türk, rapporteur, M. Claude Wargnier a indiqué que l'Internet se caractérisait par l'interactivité et que le DAB permettait d'accéder à des services sans coût de liaison. Il a observé que, comme sur l'Internet, les utilisateurs pourraient accéder à des banques de données de sons et d'images, avec l'avantage de pouvoir instaurer des systèmes d'alerte. Il a précisé que le DAB concernait en priorité les récepteurs mobiles et que les quelque dix millions d'auditeurs potentiels de l'Ile-de-France en bénéficieraient pour un coût global annuel de 250.000 F, à la charge de l'émetteur.

Répondant à M. Pierre Laffitte, président , M. Claude Wargnier a indiqué que, d'une part, le système GSM offrait aux utilisateurs une voie de retour et que, d'autre part, d'ici l'an 2000, les récepteurs numériques auraient la capacité de recevoir aussi bien la diffusion terrestre que la diffusion satellitaire, pour une couverture de l'ensemble du territoire. M. Roland Faure a confirmé qu'actuellement seule l'Ile-de-France bénéficiait de la diffusion terrestre DAB et qu'aucun autre secteur géographique susceptible d'être desservi n'avait été déterminé.

M. Claude Wargnier a observé que cette nouvelle technologie ouvrirait aux PME un marché publicitaire important. Concernant la publicité, M. Roland Faure a précisé que le CSA, lors de la délibération sur la convention entre les opérateurs radio et l'Etat, avait décidé d'appliquer la réglementation en vigueur en matière de programmes radiophoniques.

En réponse à M. Jean-Paul Hugot, M. Roland Faure a indiqué que dans le cadre de l'expérimentation en cours, quinze autorisations avaient été accordées par le CSA et que cinq canaux restaient encore disponibles.

Puis, la mission a entendu M. Alain Staron, directeur des nouveaux services de TPS (Télévision par satellite).

M. Alain Staron
a évoqué les trois aspects complémentaires de l'économie du secteur audiovisuel.

Il y a d'abord les moyens de diffusion de l'information : le satellite, le câble, le réseau hertzien terrestre. Le coût du transport de l'information les différencie fortement dans la mesure où l'utilisation du câble a un prix dix fois plus élevé que celle du hertzien terrestre qui revient elle-même dix fois plus cher que le satellite. Le câble ne peut en fait être économiquement attractif que dans les zones urbaines. Quant à la diffusion hertzienne terrestre, ses capacités de transport d'informations sont limitées. On ne peut guère envisager la diffusion, par ce vecteur, de plus d'une demi douzaine de programmes de télévision sauf à faire le choix de la diffusion par micro-ondes, qui pose d'autres problèmes.

C'est ainsi que la diffusion satellitaire, qui permet de toucher d'emblée l'ensemble du territoire, apparaît comme une solution économiquement intéressante. Elle équivaut d'ailleurs dans une certaine mesure à un transfert du coût de diffusion sur le consommateur qui doit s'équiper d'une parabole d'environ 10.000 francs alors que le coût de l'antenne râteau utilisée en diffusion hertzienne terrestre est d'environ 100 francs.

Le second aspect de l'économie de l'audiovisuel est la normalisation. M. Alain Staron a souligné qu'elle permet la production en très grande série et la baisse des coûts des équipements, indispensable au lancement de nouveaux marchés.

Le troisième aspect abordé par M. Alain Staron est le problème des contenus. Il a souligné que les procédés numériques de diffusion de l'information ouvraient de nouveaux champs à l'économie de l'audiovisuel en permettant, dans un premier temps, la démultiplication des programmes diffusés et, dans un second temps, le passage d'une logique traditionnelle de diffusion télévisuelle " point à multipoints " à une logique de communication " point à point " utilisant des procédés d'interactivité.

Il a estimé que l'augmentation quantitative des programmes traditionnels (chaînes généralistes ou chaînes thématiques) présentait des perspectives limitées sur le plan économique, notant que l'équilibre financier des chaînes thématiques existantes était d'ores et déjà précaire compte tenu de l'étroitesse du marché francophone.

Le développement de services " point à point " utilisant les procédés du paiement à la demande présente des perspectives plus intéressantes. A l'origine, les câblo-opérateurs américains, menacés par l'irruption du bouquet satellitaire de Direct TV sur le marché américain, ont envisagé la commercialisation de services à la demande pour rendre au câble un avantage concurrentiel sur le satellite, dont le coût de diffusion est beaucoup moins élevé. Les expérimentations mises en place ont cependant démontré que l'adaptation des réseaux câblés à cette nouvelle offre serait trop coûteuse par rapport aux recettes probables de la télévision à la demande. Le satellite conserve son avantage concurrentiel sur le câble dans la mesure où les nouveaux services seront " presqu'à la demande ", secteur sur lequel la diffusion satellitaire est aussi efficace que le câble.

L'avenir semble donc appartenir aux services et programmes " presque à la demande " qui mettent à la disposition du public une offre limitée, périodiquement renouvelée, chaque consommation effective donnant lieu à paiement grâce à l'apparition de " porte-monnaies électroniques " dont on prévoit à terme l'implantation dans la totalité des foyers grâce à la diminution des coûts de production.

M. Alain Staron a ensuite estimé qu'il y avait largement place pour deux bouquets satellitaires sur le marché français compte tenu de l'arrêt du câblage et de l'intérêt constaté dans les zones câblées pour une offre de programmes accessible par abonnement.

Il a noté qu'avec un parc de 700.000 abonnés au moins à son bouquet, TPS pouvait espérer développer à terme des services de paiement à la demande rentables. L'expérience du Minitel montre en effet que sur mille personnes informées de l'existence d'un serveur, une se connectait effectivement. Ce ratio paraît applicable aux services de paiement à la demande dont les programmes accessibles par abonnement feraient la promotion.

M. Alain Staron a estimé à nouveau que ces services seraient le véritable vecteur du développement du secteur de l'information, contrairement à Internet, dont l'avenir économique et commercial est limité par le coût de l'ordinateur domestique ; le taux d'équipement des ménages paraît en effet atteindre un plafond aux Etats-Unis.

En réponse à une question de M. Alex Türk, rapporteur , il a indiqué que non seulement TPS allait offrir à ses abonnés un accès rapide à Internet par le satellite, mais aussi que la société allait peu à peu intégrer à son offre les services les plus attractifs d'Internet.

A une question de M. Jean-Paul Hugot , il a ensuite répondu que l'on cherchait actuellement à adapter Internet au grand public en simplifiant le fonctionnement et en diminuant le prix des terminaux et que la diversification de TPS vers les services de paiement à la demande interviendrait à une échéance encore imprécise compte tenu de la nécessité d'évaluer au préalable l'intérêt du consommateur pour ce type de service. Actuellement, l'offre de TPS se limite à un certain nombre de chaînes thématiques auxquelles sont associés quatre services interactifs : un guide des programmes, une information sur la météo, une page automobile et une aide à la prise à domicile de paris hippiques.

A terme, l'accès aux services à la demande sera possible sans passer par l'abonnement au bouquet satellitaire, grâce à la location d'un terminal pour un coût évalué à 33 francs par mois.

Audition de

Mme Clara DANON, sous-directeur des technologies nouvelles
M. Alain ELIE, chef du bureau pour l'enseignement scolaire
Mme Françoise THIBAULT, chargée de mission à l'enseignement supérieur,
à la direction de l'information scientifique, des technologies et des bibliothèques du ministère de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche


Mercredi 29 janvier 1997

M. Pierre Laffitte, président , a souhaité connaître la conception du ministère de l'Education nationale sur l'entrée dans la société de l'information. Il a estimé en effet indispensable l'implication de ce ministère dans ce dossier et manifesté son inquiétude sur le retard pris par la France en ce domaine, selon le critère du nombre comparé de connexions sur des sites Web en France et en Allemagne, et en fonction de la proportion de sites en français par rapport à ceux en anglais ou en allemand.

Mme Clara Danon a déclaré que le ministère était conscient des enjeux rappelés par M. Pierre Laffitte, président, à savoir : l'identité culturelle de la France et de la francophonie, la dynamique économique et sociale du secteur des nouvelles technologies, ainsi que les créations d'emplois liées. Elle a souligné la récente accélération des préoccupations, tout en rappelant que la gestion de ce dossier dépendait non seulement du ministère mais également de ses partenaires, parmi lesquels les collectivités locales.

Tout en estimant que le critère du nombre de connexions devait être complété par ceux, plus qualitatifs, de la pratique pédagogique et des matériels utilisés, Mme Clara Danon a exposé les différentes orientations de l'action du ministère qui font l'objet, pour ce qui est de l'enseignement scolaire, d'une note d'orientation adressée aux recteurs concernant :

- les utilisations pédagogiques des outils fournis par les nouvelles technologies,

- la formation des enseignants,

- les produits multimédia en tant que ressources pédagogiques,

- la progression de l'installation d'équipements et de la mise en réseau.

Mme Clara Danon a estimé qu'une proportion non négligeable des enseignants manifestaient leur intérêt pour les nouvelles technologies, comme en témoignent les nombreuses demandes de stages de formation, et que les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) accordaient une place notable à ces outils.

Elle a souligné le rôle déterminant du niveau administratif de l'académie dans le développement de la pratique pédagogique utilisant les nouvelles technologies, et évoqué par ailleurs le rôle du ministère non seulement en matière de validation de produits pédagogiques mais également de soutien à leur production et à leur diffusion.

Concernant l'enseignement supérieur, Mme Françoise Thibault a souligné que les nouvelles technologies, couramment utilisées dans la recherche depuis des années, le sont en revanche trop peu dans l'enseignement. Toutefois les avantages présentés par la souplesse de ces outils, en particulier pour la formation autonome des étudiants, a-t-elle poursuivi, conduisent le ministère à inciter les universités à mettre en place des espaces de " libre service " informatique destinés aux étudiants et à développer l'enseignement à distance.

Elle a souligné que la création récente au sein du ministère d'une direction de l'information scientifique, des technologies nouvelles et des bibliothèques, témoignait de la volonté d'organiser cette évolution.

A une question de M. Pierre Laffitte, président, sur le nombre de sites connectés, M. Alain Elie a précisé que plus de mille établissements étaient connectés, dans les 13 académies participant à l'opération de mise en réseau lancée par le ministère en 1994, mais que l'objectif était de faire entrer les 30 académies dans le dispositif. Il a valorisé l'effet d'entraînement d'une mise en place d'un service intranet au niveau académique. De ce point de vue, il a reconnu que des négociations étaient encore en cours en matière de coûts de communication, dans le but d'obtenir un débit acceptable, au coût d'une communication locale, en attendant une forfaitisation.

A ce propos, M. Pierre Laffitte, président et M. René Trégouët ont rappelé les facilités récemment accordées aux établissements d'enseignement en matière d'accès préférentiel, grâce à l'amendement voté dans le cadre de la récente réforme des télécommunications.

Puis, M. René Trégouët a évoqué l'avenir de la chaîne de télévision éducative la Cinquième créée en 1993 : il a manifesté son entier soutien à la création d'une banque nationale de programmes multimédia destinée notamment à régler le problème du paiement des droits sur les programmes éducatifs. M. Pierre Laffitte, président , partageant ce point de vue, a insisté sur la prise en compte de la formation continue dans cette opération. Il a préconisé en outre des décharges d'heures de cours pour les enseignants qui travaillent à la fabrication de ces programmes et évoqué le modèle du réseau Net Uno en Italie, auquel participent les meilleures universités. Il a valorisé l'enrichissement du métier d'enseignement qu'entraîne ce type d'activité.

Mme Françoise Thibault a répondu en faisant état des contacts pris avec La Cinquième afin de financer une partie de cette opération.

Elle a précisé à Mme Danièle Pourtaud que 800 heures de programmes avaient été réalisées par les centres universitaires.

En réponse à des observations de M. Pierre Laffitte, président , et de M. René Trégouët , Mme Clara Danon a confirmé la volonté du ministère d'orienter et de coordonner les différentes actions menées au moyen de textes de cadrage généraux.

M. Alain Elie a par ailleurs évoqué le projet " Educasource " de recensement des ressources d'information numérisées ou pouvant l'être en vue de la constitution de répertoires de données destinés aux enseignants. Il a en outre mentionné les modifications en profondeur des comportements pédagogiques entraînés par le travail en commun au moyen des nouvelles technologies.

En réponse aux demandes de précisions formulées par Mme Danièle Pourtaud , il a été indiqué que le nombre global de postes informatiques dans les établissements d'enseignement primaire et secondaire s'élevait à environ 500.000, parmi lesquels 180.000 postes multimédia.

La disparité des niveaux d'équipement selon les départements, la dispersion des établissements ainsi que l'intérêt manifesté par les équipes pédagogiques, a toutefois été reconnue, la proportion moyenne s'établissant à un micro-ordinateur pour 28 élèves. De ce point de vue, la place de l'informatique parmi les matières obligatoires dans l'enseignement technologique joue un rôle moteur, a-t-il été souligné. M. Pierre Laffitte, président , a suggéré, dans le but de développer l'usage des nouvelles technologies au sein d'un public scolaire élargi, l'institution d'une forme de " service volontaire de formation à la télématique ". Des formules alternatives à l'installation de micro-ordinateurs ont également été évoquées, parmi lesquelles l'expérience, menée auprès de classes de collège, de l'utilisation d'ordinateurs portables.

En réponse à des questions de M. Pierre Laffitte, président , sur le budget consacré à ces actions, Mme Clara Danon a précisé que l'essentiel du budget (en matière d'enseignement primaire et secondaire) concernait l'aide à la production et à la diffusion des produits, selon le système de l'aide à la licence mixte, pour un montant d'environ 20 millions de francs en 1996.

Le nombre de produits informatiques achetés (logiciel ou bases de données) en 1996 a été estimé à environ 100.000, pour un coût individuel d'environ mille francs. Par ailleurs, le chapitre d'investissement, au titre V du budget du ministère, spécifiquement consacré à la micro-informatique et à l'équipement en matière de technologies nouvelles s'élevait, en 1996, à environ 350 millions de francs, et a donné lieu à un nombre élevé de contrats Etat-région (d'où un équipement plus poussé des lycées en comparaison des collèges).

Concernant l'enseignement supérieur, il a été indiqué que les contrats des universités pour la production d'outils pédagogiques sur les nouvelles technologies s'élevait, en 1995, à 71 millions de francs, auxquels s'ajoute notamment le budget réservé à l'enseignement à distance des universités.

Audition de

M. Jean-Marie RAUSCH,
Sénateur


Mardi 18 février 1997

M. Jean-Marie Rausch a tout d'abord souligné l'importance du thème des communications dans la ville. En tant que maire de grande ville, il a fait part de l'importance du lien existant entre l'évolution de la société et l'évolution de la ville. Il a constaté qu'après le passage de la société agricole à la société industrielle, la France connaissait le passage de la société industrielle à la société de la communication. A cet égard, il a considéré que les grandes villes ne pouvaient se désintéresser du développement des formes immatérielles de la richesse et que de la même façon dont elles s'étaient préoccupées du développement des infrastructures routières et aéroportuaires, elles devaient favoriser l'essor du "transport de l'information".

Considérant que parmi les principales préoccupations des maires de grandes villes figurait le développement économique, M. Jean-Marie Rausch a souligné la forte responsabilité des élus locaux dans la promotion des nouvelles technologies de l'information. Il a indiqué que de nombreuses activités avaient un grand besoin de moyens de liaisons rapides autorisant la transmission d'informations de plus en plus denses, les villes devant, par conséquent, se "placer" sur ces nouveaux axes de communication pour attirer les entreprises.

M. Jean-Marie Rausch a par ailleurs souligné, qu'au-delà des infrastructures, il convenait aussi de s'intéresser aux "contenus" diffusés sur les réseaux de communication. A cet égard, il a rappelé sa vision libérale du rôle des villes dans ce domaine, estimant que celles-ci n'avaient pas à se substituer aux agents privés dans la mesure où une telle intervention fausserait le jeu de la concurrence. En revanche, il a admis qu'en cas de carence de l'initiative privée, une ville puisse intervenir dans le domaine des services à valeur ajoutée. Poursuivant sa réflexion, M. Jean-Marie Rausch s'est interrogé sur l'intérêt des grandes villes à développer leur action au-delà des serveurs minitel ou des serveurs d'information purement municipale. Dans cet esprit, il a signalé les diverses possibilités offertes en matière de télévision locale interactive, de télévision à la carte, de "télémarketing", de télésurveillance ou encore de gestion informatisée des parcs de stationnement.

S'agissant de la diffusion d'informations municipales sur le "web", M. Jean-Marie Rausch s'est inquiété de la concurrence que risquait de constituer la diffusion d'informations relatives à l'état-civil par rapport à la rubrique "carnet du jour" de la presse locale. Par ailleurs, il a fait remarquer l'intérêt de serveurs contenant la liste des entreprises et permettant de favoriser la recherche d'emplois au moyen de formulaires électroniques destinés à permettre l'établissement de curriculum vitae "actifs", comportant du texte ainsi que des photos, voire des séquences vidéo.

M. Jean-Marie Rausch a ensuite procédé à l'analyse des économies de fonctionnement pouvant résulter pour les villes de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information. A cet égard, il a souligné l'intérêt de l'utilisation du câble pour l'ensemble des télécommunications internes des services de la mairie. Par ailleurs, il a insisté sur les économies résultant de l'accès de l'ensemble des écoles à Internet au moyen du réseau câblé de la ville en raison de l'absence de tarification à la durée. Il a précisé que ces accès à coût forfaitaire pourraient être progressivement étendus aux entreprises et à l'ensemble des citoyens.

M. Pierre Laffitte, président, s'est interrogé sur le développement de points de diffusion de ces nouvelles technologies auprès du public. M. Jean-Marie Rausch a répondu que, pour l'instant, un serveur minitel permettait un accès du public à la location de produits audiovisuels auprès de la bibliothèque municipale. Il a indiqué que la ville comptait sur le développement des accès à son site Internet.

S'agissant de l'utilisation des nouvelles technologies par les services de la ville, M. Pierre Laffitte, président, a souhaité connaître les problèmes posés en matière de formation des agents municipaux. Sur ce point, M. Jean-Marie Rausch a indiqué qu'après une phase d'initiation difficile, le personnel de la ville s'était pleinement adapté à la micro-informatique et que la formation était très largement conduite "en interne". M. Jean-Marie Rausch a cependant souligné le dérapage financier que pouvait entraîner la mise à niveau permanente du matériel et des logiciels.

M. Pierre Laffitte, président, tout en approuvant la volonté de lutter contre une fuite en avant en matière de bureautique, a insisté sur l'intérêt d'utiliser les nouvelles technologies de l'information dans des domaines tels que la télémédecine. Sur ce point, M. Jean-Marie Rausch a répondu qu'une liaison spécifique avait été établie entre le centre hospitalier régional (CHR) de Metz et le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy, et qu'une liaison avec des hôpitaux d'Atlanta était en cours d'étude.

En conclusion, M. Jean-Marie Rausch a insisté sur le fait que la réflexion au sujet des nouvelles technologies de l'information devrait à l'avenir porter beaucoup plus sur les "contenus" que sur les "contenants".

Auditon de

M. Philippe LEVRIER,
Directeur général

FRANCE 3


Mercredi 26 février 1997

M. Pierre Laffitte, président , a tout d'abord précisé que la mission avait choisi d'auditionner le directeur général de France 3, en sa qualité d'auteur du rapport sur la télévision numérique terrestre adressé en mai 1996 à M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture et à M. François Fillon, ministre délégué à la Poste, aux télécommunications et à l'espace.

M. Philippe Levrier, directeur général de France 3 , a indiqué qu'il avait conduit son étude autour de trois axes respectivement consacrés à l'étude de la disponibilité technologique, à l'analyse de la demande potentielle et à la détermination des autorités chargées de réguler ce domaine. Tout en précisant qu'il ne s'agissait pas pour lui de faire un résumé de son rapport, il a indiqué que l'ensemble de ce travail l'avait conduit à des conclusions nuancées sur le thème de la numérisation de l'hertzien terrestre.

M. Philippe Levrier, directeur général de France 3, a insisté sur le fait que la technologie numérique développée en Europe depuis 1992 connaissait ses premières applications commerciales sur le satellite et sur le câble depuis 1996, puis, a précisé que l'extension de cette technologie au support terrestre était en cours de développement. Il a estimé que l'introduction de la télévision numérique terrestre sur le marché grand public était susceptible d'intervenir autour des années 1998-1999. Sur ce point, il a cependant relevé la nécessité d'arriver à une fabrication en série des postes de télévision numérique, dits "intégrés", qui devraient comporter la possibilité de bénéficier d'un ensemble de services nouveaux.

En ce qui concerne le marché de la télévision numérique , M. Philippe Levrier, directeur général de France 3 , a distingué le marché des diffuseurs de celui des industriels. S'agissant des diffuseurs hertziens français, il a constaté que leurs bons résultats commerciaux et financiers ainsi que l'absence de menaces sérieuses en provenance du satellite ou du câble les conduisaient à adopter une position attentiste. Il a relevé que cette situation ne favorisait pas l'émergence d'une demande française pour la télévision numérique terrestre. S'agissant des industriels, il a relevé que ces derniers étaient encore marqués par les "avatars" de la télévision à haute définition dont le souvenir ne les incitaient pas à prendre des risques dans ce domaine.

M. Philippe Levrier, directeur général de France 3, a cependant estimé que la télévision numérique terrestre comportait des enjeux majeurs dans le long terme. A cet égard, il a souligné que le développement de cette technologie permettrait une très importante récupération d'espace au sein des fréquences hertziennes. Il a considéré que la valorisation de ces espaces pourrait représenter de 15 à 30 milliards de francs, soit un coût équivalent à celui de la conduite du processus de numérisation. Il a néanmoins indiqué que cette évaluation avait été contestée et qu'il fallait tenir compte de la durée du processus de substitution de la diffusion numérique à la diffusion analogique qui ne pourrait s'opérer que sur une période longue de quinze ans.

Il a par ailleurs fait remarquer que l'exploitation des capacités nouvelles offertes par la compression numérique pourrait conduire à un important accroissement du nombre de programmes transmis par voie hertzienne. Il a enfin évoqué les perspectives que permettait d'envisager l'accès du grand public à la télévision numérique en tant que terminal permettant le traitement et le stockage d'informations numériques.

Sur cet ensemble , M. Philippe Levrier, directeur général de France 3 , a indiqué qu'il avait conclu son étude par la nécessité de conduire un programme d'études de faisabilité sur l'introduction de la télévision numérique terrestre destiné à permettre aux pouvoirs publics d'effectuer des choix dans ce domaine à partir de 1998.

En conclusion, il a souligné que le développement de la télévision numérique terrestre était fondamentalement lié à l'émergence d'une gamme de téléviseurs numériques dont les prix seraient comparables à ceux des téléviseurs analogiques.

Interrogé sur la technologie "microwave multichannel distribution system" (MMDS, distribution multicanaux par micro-ondes), M. Philippe Levrier, directeur général de France 3, a relevé que celle-ci était de nature à constituer un concurrent sérieux par rapport au câble qui constituait pour l'instant un des rares secteurs préservés au sein du grand mouvement de libéralisation touchant le domaine des télécommunications.

Audition de

M. Richard BION,
Chargé de mission pour les nouvelles technologies et les systèmes d'information
Commissariat à la Réforme de l'Etat

M. Xavier AUTEXIER, Délégué général
M. Gilles RAGUENEAU, Vice-président
Syndicat de l'Industrie des Technologies de l'Information


Mercredi 12 mars 1997

Dans un exposé introductif, M. Richard Bion a rappelé les étapes de l'informatisation des administrations centrales et des services déconcentrés de l'Etat :

- dans le cadre du plan calcul, le Gouvernement a imposé, entre 1966 et 1984, la création de commissions de l'informatique dans chaque ministère ;

- de 1984 à 1986 ont été mises en place des commissions de l'informatique et de la bureautique dans chaque ministère, ainsi que des schémas directeurs et des conventions de développement permettant le suivi des choix effectués ;

- de 1986 à 1995, le comité interministériel de l'informatique et de la bureautique dans l'administration (CIBA) a confirmé la nécessité pour chaque ministère de réaliser un schéma directeur. Chaque ministère était, et reste, responsable de son informatisation.

- en 1992, le rapport Fontaine a évalué l'informatique de l'Etat ;

- en 1994, le CIBA a élaboré une circulaire sur les schémas directeurs ;

- en septembre 1995, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat a été créé ainsi que le commissariat à la réforme de l'Etat. Le CIBA a parallèlement été supprimé.

Le comité interministériel est chargé d'animer et de coordonner les actions des administrations en matière de systèmes d'information, dans le cadre des schémas directeurs existants.

Le commissariat est quant à lui chargé de veiller à la prise en compte par les administrations des conséquences des nouvelles technologies de l'information sur leur fonctionnement et leur organisation ;

- enfin, en 1996, une circulaire a prévu la remise à jour des schémas directeurs d'ici la mi-1997 en fonction des décisions prises par ailleurs en ce qui concerne la réorganisation des administrations centrales. Un comité technique a été mis en place afin de valider les schémas directeurs modifiés. Trois schémas ont à ce jour été examinés. Dans le cadre ainsi défini, les liaisons entre les administrations centrales et les services déconcentrés ainsi que les organismes sous tutelle ont fait l'objet d'un examen particulier afin de renforcer la circulation de l'information et les conditions d'exercice de la tutelle.

M. Richard Bion a poursuivi son exposé en présentant des informations sur l'informatisation des administrations.

Il existe actuellement, en dehors du ministère de la défense, 28 structures informatiques dans les administrations centrales (8 au ministère des finances), qui représentent un coût annuel de 5 milliards de francs, et nécessitent la conclusion de 1.000 marchés informatiques par an. La valeur du parc installé est de 15 milliards de francs. 13.700 informaticiens, dont la moitié en poste au ministère de l'économie et des finances, participent au fonctionnement de ces systèmes. Enfin, les budgets, en diminution depuis cinq ans, se décomposent ainsi :

- 41 % pour l'achat des matériels ;

- 18 % pour l'entretien ;

- 12 % pour les télécommunications ;

- 12 % pour l'achat de logiciels et de progiciels ;

- 12 % pour les prestations de services ;

- 2 % pour la formation ;

- 3 % de frais divers.

Les administrations n'ont pas encore pris totalement la mesure de l'évolution des métiers impliqués.

En ce qui concerne les matériels, il existe actuellement quelque 110 grands systèmes, dont le nombre diminuera au profit de la mini-informatique. De nombreux micro-ordinateurs (un tiers sur un total de 250.000) ne sont pas encore en réseau. Il existe, en moyenne, à l'heure actuelle un micro-ordinateur pour deux agents.

Les gains de productivité et d'efficacité résultant de l'effort d'informatisation n'ont pas été chiffrés.

M. Richard Bion a indiqué par ailleurs que l'informatisation n'avait pas conduit à l'adaptation des procédures et de l'organisation administrative et que les gisements d'information gérés par l'administration n'avaient pas été valorisés. Le commissariat à la réforme de l'Etat appuie le renouvellement des schémas directeurs, qui va prendre du retard en raison de la nécessité de tenir compte des mesures en voie d'élaboration pour la réforme des structures des administrations centrales. Il a aussi été décidé de mettre en place des plans de développement des systèmes d'information au niveau territorial. Enfin, des applications informatiques nouvelles devront être mises en oeuvre spécialement en ce qui concerne la gestion financière et budgétaire et la gestion des personnels. De façon générale, le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication devra être accru à tous les niveaux des administrations centrales et déconcentrées.

Revenant sur le renouvellement des schémas directeurs , M. Richard Bion a précisé que ceux-ci devraient préciser la politique d'utilisation des nouvelles technologies de l'information, que leur champ d'application devait être bien identifié, qu'ils devaient mettre en place de véritables systèmes d'information et prévoir une meilleure gestion du gisement d'information afin de faciliter l'évaluation des politiques publiques et la tutelle des organismes rattachés.

En ce qui concerne les systèmes d'information territoriaux, M. Richard Bion a précisé que les services déconcentrés de l'Etat devaient communiquer entre eux.

A une question du président Pierre Laffitte sur la nécessité de passer d'une structuration hiérarchique des administrations à une structuration par objectifs, à la suite de l'utilisation des nouvelles technologies dans les relations avec les usagers, M. Richard Bion a répondu qu'une prise de conscience était en cours, spécialement dans les services déconcentrés.

De nombreuses initiatives ont été prises en matière d'accueil, de même que des serveurs d'information ont été mis en place, sur lesquels des obstacles juridiques restreignent la diffusion des textes législatifs et réglementaires. Il existe aussi des " maisons des services publics " pour lesquelles le commissariat souhaite financer des expérimentations avec les crédits inscrits au fonds de réforme de l'Etat. Un guide devra ultérieurement être élaboré sur les technologies disponibles dans ce domaine.

A une question du président Pierre Laffitte , M. Richard Bion a répondu que les préfets pouvaient proposer le financement de projets élaborés en partenariat avec les collectivités locales.

A une question de M. Alain Joyandet , il a répondu par ailleurs que les " maisons des services publics " devaient s'appuyer, chaque fois que possible, sur les implantations de l'Etat existantes et pouvaient couvrir une très large gamme de services aux administrés.

Il a enfin indiqué à M. Franck Sérusclat que ces expériences pouvaient favoriser la revitalisation de certaines petites communes dépourvues de ressources.

La mission a ensuite auditionné une délégation du syndicat de l'industrie des technologies de l'information (SFIB), conduite par M. Gilles Ragueneau, vice-président.

M. Gilles Ragueneau
a tout d'abord précisé que les technologies de l'information représentaient en France 37.000 emplois et 77 milliards de francs de chiffre d'affaires. Le SFIB mène, a-t-il indiqué, des études sur le retard français en matière d'équipement micro-informatique -dont il a souligné qu'il concernait non seulement les particuliers mais aussi les entreprises et l'administration- ainsi que sur l'utilisation des normes internationales, l'interopérabilité des systèmes et des matériels, la libéralisation des marchés, tant informatiques que de télécommunications.

M. Michel Fromon, membre du comité stratégique du SFIB , a chiffré le retard français en matière d'équipement en terminaux informatiques. Il a précisé que l'Europe était en retard dans ce domaine sur les Etats-Unis et l'Asie, et qu'au sein des pays européens, la France était le pays disposant du plus faible taux de pénétration puisqu'on y trouvait seulement 13,6 ordinateurs pour 100 personnes, contre un ratio de 19,2 en Allemagne, 23 en Suède et 17 en moyenne pour l'ensemble des pays européens.

Il a affirmé que ce retard touchait toutes les catégories d'utilisateurs. S'agissant des entreprises, la France compte 6 ordinateurs pour 100 personnes, alors que ce chiffre est de 9 aux Pays-Bas, de 10 en Suède et de 7 en Angleterre. En ce qui concerne les foyers, le taux de pénétration français n'est que de 16 %, contre 24 % en Allemagne et jusqu'à 40 % aux Etats-Unis. Le retard touche aussi les écoles, avec un taux de 0,6 ordinateurs pour 100 élèves en France, 1,6 en Grande-Bretagne et 3 en Suède.

M. Michel Fromon a déploré ce retard dont il a souligné la nouveauté puisque, grâce à l'utilisation du Minitel, la France avait été dans la décennie précédente plutôt en avance sur le reste du monde. Il a, d'autre part, dénoncé l'attitude critique des Français vis-à-vis d'Internet. Il s'est dit préoccupé de ce que les entreprises françaises ne saisissaient pas les opportunités de créations d'activités et d'emplois ainsi que de nouveaux moyens de commercialisation qu'offraient les technologies de l'information.

M. Pierre Laffitte, président, a rappelé que son récent rapport fait au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, relatif à la France et la société de l'information, avait déjà permis de dresser le constat du retard français.

M. Gilles Ragueneau a ensuite abordé le sujet de la cryptographie, nécessaire à la sécurité des transactions commerciales sur les réseaux informatiques. Il a exprimé les souhaits du syndicat de l'industrie des technologies de l'information de voir une libéralisation totale de la cryptologie en ce qui concerne les algorithmes de 40 bits. Il a indiqué que la libéralisation opérée par la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 n'était pas suffisante, d'autant plus que le décret d'application concernant la cryptologie n'était pas encore paru. Il a jugé la réglementation actuelle inadaptée au développement du commerce électronique. Prenant en compte les impératifs de défense nationale, M. Gilles Ragueneau a opéré une distinction entre la cryptologie dite " faible ", nécessaire aux transactions commerciales -et que l'administration de la défense pouvait techniquement facilement décrypter- qu'il convenait de libéraliser, et la cryptologie dite " dure " devant, selon lui, relever d'un régime moins souple.

M. Jean Laurens, président de la commission de normalisation, a ensuite abordé la normalisation. Il a souligné la particularité de la normalisation dans le domaine des technologies de l'information, liée au fait que, dans ce domaine, le cycle de vie de produits était plus court. Il a précisé que les normes internationales étaient élaborées par des groupes de travail d'industriels et s'attachaient surtout à l'interopérabilité -capacité de fonctionner ensemble- et à la portabilité -la faculté de fonctionner sous différentes configurations- des équipements et des logiciels. Il a décrit la normalisation comme un moyen de diffusion et de valorisation de la culture française.

Mlle Françoise Bousquet, membre de la délégation du SFIB, a regretté la pauvreté de la représentation française dans les instances de normalisation des organisations internationales. Elle a affirmé que la normalisation était un moyen de valorisation non seulement de la culture française, mais aussi de l'industrie française.

En réponse à M. Pierre Laffitte, président, qui citait l'exemple de la norme issue du club Digital Audio Broadcasting (DAB), M. Jean Laurens a indiqué sa préférence pour des structures légères de normalisation, composées d'experts élaborant des standards diffusés ensuite aux industriels. Critiquant le manque d'implication des directions générales des grandes entreprises françaises dans la normalisation, il a prôné leur participation plus active à ce processus.

M. Claude Boulle, membre de la délégation du SFIB, a ensuite affirmé qu'une stratégie politique était aussi nécessaire pour la standardisation qu'il a définie, à la demande de M. Pierre Hérisson, comme une réalité technique imposée de fait au marché par l'entreprise la plus puissante, à la différence de la normalisation, qui relevait d'une démarche normative et concertée.

Reprenant son propos sur la normalisation, Mlle Françoise Bousquet s'est déclarée favorable à une meilleure collaboration entre les industriels et l'AFNOR, responsable de l'édiction des normes officielles en France.

M. Pierre Laffitte, président, a interrogé les représentants du SFBI sur les solutions qui permettraient de combler le retard d'équipement français. Il a notamment évoqué le passage de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux de 5,5 % pour les équipements informatiques.

M. Pascal Cagni, membre de la délégation du SFIB, a déclaré soutenir cette proposition. Il a rappelé les principales propositions du syndicat pour parer le faible taux d'équipement français, en évoquant le problème du tarif trop élevé des connexions au réseau Internet, celui des trop longs délais d'homologation de certains matériels comme les " Modem ", celui de la durée d'amortissement et de la fiscalité des équipements informatiques. Il a affirmé la nécessité d'intégrer au cursus scolaire un enseignement du clavier et du fonctionnement des micro-ordinateurs.

Le président Pierre Laffitte a rappelé que le Sénat avait déjà adopté un amendement baissant le taux de la TVA qui frappe les achats d'équipements informatiques, même si cette mesure n'avait pas été définitivement adoptée.

En réponse à M. Pierre Hérisson , M. Michel Fromon a précisé qu'une formation des professeurs de l'éducation nationale était indispensable puisque, bien souvent, les équipements informatiques n'étaient pas utilisés. Revenant à la TVA, il a indiqué que les études montraient une très grande sensibilité du grand public aux prix en matière d'achat d'ordinateurs. Il a fixé à 5.000 francs le palier psychologique en deçà duquel on pouvait espérer une forte augmentation du taux de pénétration. Il a évalué à 6.900 à 7.900 francs le prix actuel des ordinateurs performants, et a relevé l'importance stratégique d'une éventuelle réduction du taux de la TVA qui permettrait de se rapprocher du seuil de 5.000 francs.

M. Gilles Ragueneau a ensuite abordé le problème de l'amortissement accéléré par les entreprises des équipements informatiques. Il a rappelé qu'en dépit d'une disposition législative votée il y a plus d'un an, le Gouvernement ne semblait pas vouloir prendre les décrets d'application qui permettraient de rendre cette mesure effective. Il a dénoncé la mauvaise volonté de ce dernier, liée à des préoccupations budgétaires.

M. Pierre Hérisson a alors évoqué les problèmes que pourrait poser un abaissement du taux de la TVA face à la nécessité d'harmonisation des taux de cette taxe entre les différents pays de l'Union européenne. Il a évoqué l'éventualité de la création d'un taux intermédiaire de TVA, plus proche du taux moyen européen, qui serait susceptible de s'appliquer à de nombreux secteurs d'activité. Il a écarté l'idée que la TVA puisse être un frein au développement de l'équipement informatique des écoles puisque les collectivités locales étaient susceptibles de se la voir rembourser par le biais du fonds de compensation de la TVA (FCTVA).

M. Pascal Cagni a ensuite évoqué la hausse actuelle du cours du dollar comme un frein possible à l'équipement informatique.

M. Gilles Ragueneau a enfin fait part des exemples, allemand et américain, qu'il a jugé positifs, de déduction des achats d'ordinateurs de l'impôt sur le revenu.

Audition de

M. Bruno CHETAILLE,
Président

TDF


Mercredi 26 mars 1997

M. Bruno Chetaille a tout d'abord rappelé que les premiers travaux français concernant l'application de la technique numérique au domaine de l'audiovisuel remontaient à 1977.

Il a noté que l'emploi de ces techniques numériques permettaient de multiplier par quatre au minimum le nombre de programmes diffusés sur un même canal hertzien, tout en améliorant la qualité visuelle et sonore de ces programmes et en autorisant la diffusion d'informations associées ou non à ceux-ci.

S'agissant de la mise en oeuvre de ces techniques, M. Bruno Chetaille a précisé qu'il analyserait tout d'abord les caractéristiques de ce qui pourrait être un "scénario national" axé autour d'un engagement volontariste de l'Etat pour le déploiement d'un réseau numérique sur l'ensemble du territoire, puis présenterait les pistes d'un "scénario local" essentiellement fondé sur la technologie dite MMDS (Microwave multichannel distribution system).

En ce qui concerne le scénario national, M. Bruno Chetaille a tout d'abord souligné les avantages que présenterait le déploiement d'un réseau numérique pour les différentes parties concernées.

Il a noté que pour le consommateur, cette solution déboucherait sur une multiplication du nombre de programmes télévisés offerts et sur une amélioration de leur qualité visuelle et sonore, tout en favorisant la "portabilité" de la télévision.

Pour l'Etat, M. Bruno Chetaille a relevé que ce scénario favoriserait une bonne gestion patrimoniale de l'espace hertzien, en libérant à terme des fréquences pour d'autres usages, éventuellement les télécommunications, et constituerait un atout pour la politique culturelle.

Il a précisé que la moindre "consommation" de la technologie numérique en matière de fréquences hertziennes permettrait de valoriser, à moyen terme, l'espace qui serait libéré par la diffusion hertzienne en mode analogique.

Il a ensuite noté, qu'en termes de politique culturelle, la diffusion hertzienne numérique terrestre était le seul moyen pour la puissance publique de conserver un contrôle en la matière.

Pour les industriels, M. Bruno Chetaille a souligné que cette option présenterait l'avantage d'ouvrir un marché de masse n'exigeant aucune technologie nouvelle à l'exception de l'installation de boîtiers décodeurs chez les "consommateurs".

Du point de vue des chaînes de télévision et des opérateurs, il a relevé que ce scénario permettait la mise en oeuvre de "décrochages" locaux et qu'il autorisait une plus grande souplesse de programmation au moyen de la démultiplication des programmes (multiplex), tout en permettant la baisse des coûts de diffusion.

M. Bruno Chetaille a ensuite analysé des exemples étrangers de choix du "scénario national".

Il a indiqué que, dans le domaine de la diffusion hertzienne numérique terrestre, la Grande Bretagne avait engagé une action volontariste en adoptant une législation spécifique au mois de juin 1996, conduisant à réserver trois "multiplex", de quatre chaînes chacun, aux opérateurs existants (BBC, ITV, Channel 5) et à soumettre à la concurrence l'attribution des trois derniers "multiplex".

Il a souligné que cette politique devrait permettre de récupérer à l'horizon 2010, de 100 à 150 megahertz de bande passante restitués à l'occasion de la cessation de la diffusion analogique.

M. Bruno Chetaille a précisé que l'ouverture des réseaux numériques britanniques serait effective vers le milieu de l'année 1998.

Abordant l'exemple des Etats-Unis d'Amérique, il rappelle que ce pays avait choisi de s'orienter vers la télévision haute définition, avant de se tourner progressivement vers la télévision hertzienne numérique terrestre. Prévu pour l'année 1998, le lancement de ce mode de diffusion s'insérera dans un cadre juridique contraignant où les opérateurs analogiques existants se verront réserver la totalité des capacités nouvelles pendant une durée de dix ans avant l'ouverture à la concurrence.

Interrogé sur la part de la capacité de diffusion de ces réseaux qui serait réservée aux données, M. Bruno Chetaille a indiqué qu'en Grande-Bretagne 10 % des ressources de diffusion leur seraient dédiées. Sur ce point, il a souligné que la logique audiovisuelle restait très largement dominante.

Analysant ensuite les perspectives françaises dans ce domaine, M. Bruno Chetaille a tout d'abord relevé la faible motivation des industriels et des chaînes de télévision pour la télévision hertzienne numérique terrestre.

Il a expliqué que ce manque d'intérêt résultait très largement de l'actuelle focalisation de ces acteurs sur les développements de la diffusion télévisée par satellite.

M. Bruno Chetaille a cependant considéré que si la télévision hertzienne numérique terrestre connaissait le succès en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, il serait difficile de ne pas en tenir compte et qu'il était nécessaire de permettre aux pouvoirs publics de se déterminer en la matière dans le courant de l'année 1988. A cet égard, il a indiqué que le développement maximal du satellite ne permettrait - dans le meilleur des cas - à couvrir que 25 à 30 % de la population d'ici à 2005 et qu'il subsisterait en conséquence d'importantes perspectives pour les autres modes de diffusion.

Sur ce point, M. Bruno Chetaille a contesté le bien fondé d'une analyse malthusienne des différentes technologies de diffusion.

A cet égard, il a souligné le développement simultané des bouquets numériques par satellite et du nombre de réseaux hertziens terrestres aux Etats-Unis.

Mme Danièle Pourtaud a cependant relevé que les difficultés du câble en France suscitaient des interrogations sur la possibilité pour chaque support de trouver son équilibre financier dans un contexte de développement simultané.

M. Bruno Chetaille a indiqué que le faible développement du câble était en grande partie la conséquence de la création d'une télévision hertzienne payante. Il a ajouté qu'en outre le prix de l'abonnement au câble en France était trop élevé, rappelant qu'en Allemagne où le prix était fixé à moins de 100 francs par mois, plus de 50 % des foyers étaient reliés à un réseau câblé.

Il a conclu ce point en notant que le faible développement du câble en France résultait des limites de la capacité financière des ménages.

Enfin, dans la perspective, d'une prise de décision en 1998 au sujet de la télévision hertzienne numérique terrestre, il a insisté sur sa volonté d'éviter un "plan câble bis" ainsi que l'adoption d'une technique nationale spécifique à la France.

M. Bruno Chetaille a ensuite évoqué l'hypothèse du déploiement local des réseaux de diffusion hertzienne terrestre numérisée. Il s'agit de la technique " de diffusion multiplexée sur canal micro-ondes " désignée généralement par les initiales MMDS, dont M. Bruno Chetaille a détaillé les avantages par rapport au câble : absence des coûts de génie civil, rapidité de déploiement du réseau, utilisation possible de petites antennes. Le recours à cette technique est particulièrement approprié dans les zones d'habitat peu denses ou pour étendre les réseaux câblés existants.

Deux problèmes sont à régler. Il est d'une part nécessaire de vérifier le potentiel commercial du MMDS et l'existence d'un marché solvable. Il est d'autre part nécessaire d'identifier les fréquences qui permettront le déploiement de réseaux. Dans la plupart des pays, la banque de fréquence de 2,5 Ghz est affectée au MMDS. Elle est cependant détenue en France par l'armée qui ne souhaite pas s'en dessaisir. La bande de 3,6 à 3,8 Ghz peut être utilisée dans des conditions économiques encore satisfaisantes : les coûts d'adaptation des équipements utilisés sur les marchés étrangers pour la bande de 2,5 Ghz ne sont pas très élevés. Cependant, l'affectation au CSA de cette bande de fréquence n'est pas encore définitive.

M. Bruno Chetaille a noté que les réglementations susceptibles de ralentir le développement du MMDS étaient en cours de modification. Le projet de loi sur la communication audiovisuelle actuellement discutée par le Parlement devrait aligner la réglementation applicable à ce mode de diffusion sur celle du câble. En revanche, continuerait de se poser le problème de l'interdiction de la diffusion par micro-ondes dans les zones câblées.

Afin de favoriser le développement du MMDS, TDF a lancé un certain nombre d'expériences dans les communes de Feltin et de Prades. Des contacts sont en cours pour le lancement de nouvelles initiatives à Annonay et à Lourdes . M. Bruno Chetaille a ensuite estimé que la diffusion par micro-ondes était adaptée à des communications à grand débit et permettait l'interactivité. Les travaux en cours permettraient de tester la possibilité d'utiliser l'antenne de réception pour permettre aux abonnés de réémettre des informations.

Il a ensuite indiqué, en réponse à une question de M. Alain Joyandet, rapporteur , que sur le plan européen il était envisagé d'affecter à la diffusion en MMDS la bande de 40 Ghz mais que celle ci ne permettait de diffuser que dans un rayon de 2 à 3 km et ne présentait donc pas un intérêt économique très sensible.

Interrogé ensuite par M. Pierre Laffitte, président, sur le développement de la norme de diffusion radiophonique numérique DAB, M. Bruno Chetaille a indiqué que l'avenir de celle-ci dépendait de la capacité des industriels à produire des équipements commercialisés à un coût inférieur à 5 000 F.

A M. Alain Joyandet , rapporteur , qui lui demandait dans quel délai était envisageable, dans l'hypothèse d'un passage à la diffusion numérique hertzienne terrestre, la restitution des fréquences actuellement affectées à la diffusion analogique, il a enfin répondu que le renouvellement du matériel et le changement des habitudes des téléspectateurs demanderait au moins une quinzaine d'années et que les britanniques avaient prévu de leur coté, l'arrêt de la diffusion hertzienne terrestre analogique vers 2010.

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