ANNEXE II : COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE DU MERCREDI 11 JUIN 1997 SUR " LES COLLECTIVITÉS LOCALES ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION "
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M. Pierre Laffitte, président
- Je voudrais
tout d'abord excuser l'absence momentanée du président Monory
qui, par suite d'une réunion imprévue, a dû décaler
sa présence...
En tant que président de la mission d'information du Sénat sur
l'entrée de la France dans la société de l'information, je
vous souhaite la bienvenue.
Il nous est apparu que les collectivités locales -que notre haute
assemblée a pour mission de représenter plus largement-
étaient indiscutablement en pointe en la matière. Les
collectivités locales, comme l'Etat se doivent de ne pas être
à la traîne et, au contraire, de montrer l'exemple.
Un certain nombre de ces collectivités ont accepté de
présenter leur activité dans ce domaine aujourd'hui ; c'est
l'objet de cette audition un peu particulière et solennelle. Je remercie
tous leurs représentants de nous faire part des compétences
qu'ils ont acquises et des problèmes qu'ils ont rencontrés.
Bien entendu, ceci ne couvre pas tout ce qui se fait en France, en particulier
dans ma région et dans mon département, qui a le sentiment qu'il
est lui aussi à la pointe en la matière, car nous avons, tant
dans les initiatives de la région que surtout dans celles du
département -et en particulier à Sophia Antipolis- une position
assez éminente, que la plupart connaissent bien et qu'en tout cas je
m'efforce de rappeler aussi souvent que nécessaire !
Je crois que c'est indispensable ; la France, après avoir
été en tête de la télématique mondiale, est
en effet en train de prendre un retard considérable que nous ne pouvons
admettre.Il n'y a aucune raison que ce retard se maintienne, et les
intervenants qui sont ici présents démontrent que l'on peut faire
en sorte d'être de nouveau au premier plan. C'est ce que
j'espère...
Je passe immédiatement la parole à M. Valade, afin qu'il nous
expose ce qui fait l'originalité de la région Aquitaine en la
matière...
M. Jacques Valade
- Monsieur le Président, la
région Aquitaine a mis en place au cours des années trois outils
opérationnels complémentaires. Ils permettent de mettre en oeuvre
une politique définie il y a longtemps, confirmée en 1992, celle
des nouvelles techniques d'information et de communication.
Tout d'abord, notre agence régionale, qui dépend directement du
conseil régional d'Aquitaine, a été mise en place il y a
douze ans: il s'agit de l'agence Aquitaine Nouvelles Communications,
présidée par le président du conseil régional. Elle
est chargée d'explorer les voies qu'offrent ces nouvelles technologies
à la région.
Pour permettre à cette agence de fonctionner, nous votons chaque
année une ligne budgétaire abondée aux environs de 12
à 15 millions de francs, le budget de la région étant de
3,4 milliards. Pour des actions spécifiques, en particulier dans le
domaine de l'éducation, des budgets correspondants peuvent abonder les
dotations de l'agence.
Les moyens performants qui existent dans ce domaine sont pour la plupart mal
connus ; par ailleurs, il est bon de pouvoir les mettre au service de tous les
Aquitains, de façon directe ou indirecte, qu'il s'agisse des
collectivités locales, des chefs d'entreprises, des acteurs
économiques, éducatifs sociaux et culturels. Pour cela, l'agence
s'efforce de favoriser la compréhension de ces technologies, leur
maîtrise, l'accès et l'usage.
Il ne s'agit donc pas d'une agence pour la région Aquitaine au sens du
conseil régional, mais d'une agence tournée vers les
éventuels utilisateurs publics ou privés...
Par ailleurs, en termes de développement de l'image, nous avons
souhaité que l'Aquitaine existe sur le marché et dans le contexte
des NTIC. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons associé les
industriels régionaux de l'information et de la communication, dont nous
espérons qu'ils seront créateurs d'emplois et de richesses.
Le second outil est constitué par l'association Aquarel, placée
auprès de la direction de l'action économique, de la recherche et
de l'enseignement supérieur. Cette action a eu pour objet initial
d'assurer le développement d'Internet en Aquitaine, tant pour l'ensemble
des centres de recherche et des entreprises de la région que pour
assurer la promotion des entreprises et des institutions auprès du grand
public.
L'Aquitaine offre ainsi à ses centres de recherche, à ses
universités et à ses industriels relevant de la recherche et de
la technologie, une infrastructure de communication informatique haut
débit, dotée de trois noeuds d'échange situés au
coeur des trois grands centres industriels de la région : Bordeaux,
Bayonne et Pau.
Aquarel est tout naturellement en charge de l'évolution du réseau
Internet en Aquitaine, au travers notamment de la création de l'ensemble
de réseaux métropolitains large bande. Notre obsession est de
permettre de raccorder les entreprises à ce réseau, car les
centres de recherche et les universités le font d'une façon
relativement spontanée...
Par ailleurs, Aquarel a été chargée de créer un
site Web sur l'institution et toutes les manifestations qui se déroulent
en Aquitaine. En 1996, le site du conseil régional d'Aquitaine a
reçu le premier prix du concours CAP'COM, qui récompense le
meilleur site Internet des collectivités locales et territoriales.
En outre, Aquarel organise chaque année un colloque sur le thème
d'Internet, avec la participation très nombreuse et assidue de
spécialistes, mais également d'industriels. Cette manifestation,
en trois ans, a obtenu une renommée européenne et internationale.
Chaque année, cela constitue pour nous un événement.
Enfin, depuis 1995, toujours dans le cadre d'Aquarel, en partenariat avec
France Télécom et le rectorat de l'académie de Bordeaux,
nous nous sommes efforcés de raccorder les lycées,
collèges et écoles primaires d'Aquitaine. A ce jour, plus de
quatre-vingts établissements sont connectés, sous le
contrôle technique d'Aquarel.
Je pense que, d'ici octobre prochain, la connexion des 200
établissements du second degré du second cycle, mais aussi des
centres d'apprentissage, sera achevée ou en cour d'assèchement.
Enfin, la DATAR et l'Union économique européenne, avec l'appui de
la Ligue de l'enseignement, sont à la base de la mise en place et de
l'animation de l'université de la communication qui, chaque
année, rassemble beaucoup de personnes intéressées par
l'information et la communication.
Le conseil régional de la Gironde a mis en place en 1995 une association
dénommée Centre européen de la communication, qui a
été déclarée projet d'intérêt public
par le comité interministériel des autoroutes de l'information et
sélectionnée par l'Union européenne comme l'un des deux
centres "Midas" français.
Ce centre développe des actions d'information, de sensibilisation, de
formation et de stimulation par rapport à l'ingénierie
auprès de toutes les catégories socio-professionnelles
spécifiques, ainsi que des institutions et du grand public.
Nous avons ainsi, soit grâce à des séminaires ou à
des expositions thématiques, pu mobiliser la corporation des avocats et
des médecins. Actuellement, une exposition se développe sur le
thème de l'environnement et des multimédias. Chaque fois,
l'information, la capacité de formation et surtout la sensibilisation
des entreprises sont développées...
Pour nous ces trois outils correspondent à l'équipement de base.
Naturellement, nous ne pouvons nous en contenter, et nous avons bâti,
compte tenu de l'expérience acquise de douze années, un programme
portant sur les techniques de l'information et de la communication des
entreprises, l'aménagement du territoire et les collectivités
locales au travers des NTIC, les industries de l'information et de la
communication et l'industrie des programmes audiovisuels et du cinéma.
Il s'agit en fait de contrats entre les firmes de production
cinématographiques ou télévisuelles et notre
région, sous l'angle de l'accueil de ces sociétés, de mise
à disposition des compétences des entreprises qui peuvent exister
et de formation des collaborateurs que l'on peut trouver sur place.
M. le Président
- La parole est maintenant à M.
Jean Faure...
M. Jean Faure
- Monsieur le Président, notre ambition
n'est pas celle d'une région mais celle d'un district qui comprend sept
communes, 8.500 habitants et 50.000 lits touristiques et deux stations
internationales des sports d'hiver. L'activité essentielle du massif du
Vercors, qui se situe entre 1.000 et 2.200 m d'altitude, était agricole
il y a quarante ans encore ; or, le nombre d'exploitations agricoles a
été divisé par dix et le relais a été
assuré par le tourisme.
Malheureusement, l'activité touristique, n'est pas une activité
de riches : c'est une activité qui accueille des gens riches, mais qui
fait travailler des gens souvent au SMIC, pour des travaux saisonniers qui ne
séduisent pas la jeunesse locale puisque, bien souvent, les enfants du
pays partent en ville pour trouver des activités plus conformes à
leurs souhaits.
En revanche, ces activités saisonnières et peu valorisantes sont
souvent occupées par des travailleurs immigrés ou du personnel
qui vont, suivant les saisons, de la Côte aux Alpes ou des Alpes jusque
en Bretagne...
Il est donc très difficile de maintenir une activité
économique et tout ce qui a pu être testé en matière
d'artisanat, d'industrie ou autres n'est que rêve, car la distance et
l'éloignement font qu'il n'y a pas de développement
économique possible en dehors du maintien de l'agriculture et de la
sauvegarde du tourisme.
Nous avons donc recherché, à travers les nouvelles technologies
de communication, la possibilité de transformer les autoroutes qui
manquent à notre pays par des autoroutes de l'information.
Nous avons commencé par l'immersion dans le milieu scolaire. Nous sommes
dans une région de 70.000 hectares, dont plus des deux-tiers sont
boisés et donc relativement isolés. Cette immersion en milieu
scolaire nous a permis d'équiper, à l'initiative du district,
cent vingt classes qui travaillent en réseau, branchées sur
Internet. Dès l'école primaire, les enfants sont
sensibilisés aux nouvelles technologies de communication.
Ils se retrouvent ensuite dans des collèges et des lycées qui,
grâce à la région Rhône-Alpes et au
département, vont pouvoir être complètement
rénovés et reconçus comme une cité scolaire du
futur, avec des salles multimédias et des programmations -bien entendu
avec la complicité des rectorats, de l'académie et du
ministère de l'éducation nationale- permettant ainsi d'enseigner
n'importe quelle matière par vidéoconférence, même
s'il n'y a que deux élèves inscrits.
Cela nous permet de maintenir nos élèves, face à
l'évaporation qui se produisait entre le collège et le
lycée, car si nous avions plus de 600 élèves dans un
collège, nous tombions à 140 au lycée, ce qui était
une catastrophe puisque nous perdions là la ressource qui permet de
maintenir les classes.
Un choix de formation, en sachant que nous avons ouvert avec le
"ski-études" une possibilité d'enseigner toutes les
matières à des jeunes entre la troisième et la terminale
et qui font de la compétition.
La plupart de nos grands champions de ski, en France, sont tous issus du
"ski-études". Nous les avons équipés d'une trentaine de
portables pour que, au cours de leurs pérégrinations en Europe et
dans le monde, ils puissent continuer à travailler avec leurs
professeurs. C'est ce que l'on appelle les "cyber-champions".
A l'intérieur même de ce lycée, certains jeunes ont
créé une entreprise SARL ; ces jeunes, qui sont entre la seconde
et la terminale, proposent des services à la population, ce qui est une
expérimentation assez intéressante.
Enfin, toujours dans le cadre de ce lycée du futur, nous avons pour
ambition de créer, avec le rectorat et l'académie, une formation
bac + 3 pour des jeunes du pays désirant se former aux nouvelles
technologies de communication.
Il fallait déboucher sur le monde du travail et le district a pris
l'initiative de créer un bâtiment à la disposition des
entreprises désireuses de venir s'installer ou se créer sur place
; ce bâtiment de 500 m², très moderne y compris dans sa
conception architecturale, dont le coût s'est élevé
à un peu plus de 5 millions, a permis à EDF, Hewlett Packard,
Schneider et d'autres de délocaliser un certain nombre d'emplois pour
tester la possibilité de travailler dans un site autre que les sites
urbains.
En effet, il n'est pas désagréable de travailler dans un parc
naturel régional, à côté d'un golf, au milieu de
deux stations nationales et internationales, avec ski de fond, ski de piste,
etc., et les délocalisations sont beaucoup plus faciles à
réaliser dans un tel cadre...
Le bâtiment propose trente-deux bureaux, occupés à 90 %,
dont à peu près la moitié par les entreprises nationales
dont j'ai parlé ; l'autre moitié est constituée par des
entreprises qui se sont créées sur place. Certaines proposent des
services aux entreprises locales en matière de tourisme. D'autres
proposent à distance des services ou des programmations de logiciel ou
encore de nouveaux services qui n'existent pas encore aujourd'hui. Par exemple,
Schneider essaye d'innover en proposant d'installer chez les retraités
isolés dans les hameaux un système de
télé-surveillance, qui sera géré depuis le centre
de Téléspace Vercors.
On pourra ainsi maintenir ces personnes à domicile avec un
contrôle plus suivi que la simple télé-alarme. Il s'agit en
fait de surveiller si le gaz n'est pas resté allumé, si les
fenêtres ne sont pas restées ouvertes, etc.
Actuellement, six entreprises de services privées, variant entre deux et
cinq employés, se sont créées autour de cette initiative.
Notre ambition est de continuer cette expérience. Certes, nous ne
réglerons pas le problème de l'emploi par la création de
ce centre, mais nous expérimentons une autre façon de travailler.
Penser faire du télé-travail à domicile, en conservant
toutes ses charges familiales et collectives, n'est pas raisonnable. Il faut
recréer un cadre de travail avec secrétariat et accueil communs,
salles de visioconférence, ordinateurs.
L'amortissement se révèle moins coûteux pour les
entreprises. Je pense que l'on devrait pouvoir démultiplier cette
expérience dans les villages autour de Villars-de-Lans, et proposer aux
petites entreprises de tourisme de nouveaux services, pour gérer leur
planning, leur comptabilité, leurs fiches de salaires ou autres,
créant ainsi des métiers dont nous n'avons pas encore idée.
Nous avons enfin tenté de regrouper toutes les initiatives similaires,
sans toutefois verser dans l'exploitation des salariés.
Nous proposons à des jeunes formés pour cela de créer leur
propre entreprise et d'utiliser leur imagination pour occuper nos locaux
puisque, aujourd'hui, le télé-travail ne coûte pas plus
cher, que l'on habite Villars-de-Lans ou le coeur de Paris !
M. le Président
- La parole est M. André Santini,
député-maire d'Issy-les-Moulineaux...
M. André Santini
- Monsieur le Président, ce que
nous avons fait n'a aucune valeur d'exemple. Il s'agit d'un témoignage
à partir d'une ville anciennement industrialisée -sous le second
Empire- et qui a subi la crise terrible des années 1970-1980, avec la
chute pour obsolescence de "monstres" comme SEV-Marshall -4.000
personnes- une
manufacture de tabac de 2.000 personnes ou les cartouches GEVLO -2.200
personnes.
Lorsque j'ai été élu, 10.000 emplois avaient
été détruits en neuf ans, et nous étions
tombés à 17.000 emplois. Nous avons aujourd'hui atteint 36.000
emplois, ce qui nous vaut de gros ennuis avec la DATAR...
La sociologie de ces entreprises était intéressante. Nous avons
remplacé ces entreprises de blanchisserie ou de poudrière par des
sociétés de communication, d'informatique ou de pharmacie
-Johnson and Johnson va installer son siège européen à
Issy-les-Moulineaux dans quelques semaines...
Je me suis dit qu'il fallait tenter quelque chose pour apprivoiser les
nouvelles technologies, alors très en retrait et auxquelles nos gens
n'adhéraient pas, tout en évitant la création d'une
nouvelle fracture entre les "cyber-branchés" et les "SDF" de
l'informatique et du multimédia.
Il me semble aussi que les élus ont un rôle à jouer pour
diffuser l'idée de modernité. Cela a des conséquences
partout. Ma commune a été la première d'Ile-de-France
à adhérer à la collecte sélective, à
diffuser les distributeurs de seringues pour les toxicomanes.
Depuis quelques jours, nous sommes la seule commune d'Ile-de-France à
diffuser l'euro. Deux cents commerçants ont adhéré
à cette opération, et l'on est loin de toutes les petites
querelles politiciennes. Trente mille pièces ont été
battues. Elles ont été vendues en deux jours, et nous allons en
émettre 30.000 encore.
C'est une bonne façon de mettre le débat au quotidien et de
sortir des problèmes qui nous assaillent.
Nous avons demandé un rapport à Andersen, qui a permis de mettre
en synergie toutes les PME qui, dans la ville, avaient un pied dans les
nouvelles technologies, et nous avons adopté un plan local de
l'information en janvier 1996.
Nous avons lancé en mai 1996 un site Internet -1.500 visiteurs par mois-
destiné à l'origine à diffuser et à promouvoir le
tissu économique, qui compte un nombre important d'entreprises de
communication et de nouvelles technologies, soit un quart des
sociétés installées sur la commune.
Les PME-PMI étaient incitées à se connecter sur le
réseau mondial. Le club des As, le club PME PMI diffusent aujourd'hui
une fiche avec leur activité et leurs coordonnées.
En mai 1996, 4 % des membres du club PME-PMI avaient une adresse
électronique. Aujourd'hui, elles sont plus de 30 %. En moins d'un an,
l'effet d'entraînement que nous souhaitions a joué pleinement.
Nous avons également créé un serveur spécifique
pour la pépinière d'entreprises, une bourse de l'emploi sur le
serveur de la ville, car il n'est pas logique que nous soyons seulement
tournés vers la performance économique. Il fallait aussi que le
social, en particulier les demandeurs d'emplois, soient associés
à cette démarcher. Enfin, l'espace "jeunes" que nous avons
créé permet aux jeunes de 16 à 25 ans de rechercher des
stages, des formations ou des offres d'emplois.
Nous avons créé en mars dernier un club des internautes, qui ne
sont pas tous identifiés, recensant 150 personnes et réunissant
soixante-dix à quatre-vingts d'entre eux, la plupart opposants
politiques, mais appréciant la démarche moderniste de la ville.
Il existe des transcourants remarquables !
Nous avons voulu aussi sensibiliser la population à ces nouvelles
technologies. Nous organisons donc des sessions pour tous les décideurs,
tous les vecteurs : corps médical, élus, présidents
d'association, corps de sécurité, corps enseignant,
représentants des cultes -qui sont tous venus.
La médiathèque propose une séance spécifique pour
les retraités, afin de rétablir le lien
inter-générations entre les petits-enfants hyperbranchés
et le troisième âge, qui a déconnecté depuis
longtemps.
Nous allons, pour "Sciences en fête", en octobre prochain, organiser
des
animations et des conférences dans tous les lieux publics de la ville.
Un sondage nous a montré que nous atteignons maintenant le seuil de 40 %
d'ordinateurs dans les foyers de la commune. A force de marteler les choses,
nous dépassons le score américain !
Le journal local dispose d'une rubrique intitulée "Le coin des
internautes". A l'automne prochain, nous lançons un musée
français de la carte à jouer, le plus grand d'Europe. Il aura
bien sûr un site Internet spécial pour promouvoir les collections,
il sera multilingue. On pourra ainsi procéder à une visite
virtuelle et l'on disposera même d'une boutique électronique,
autant de choses qui sont aujourd'hui à peine
expérimentées...
Par ailleurs, l'équipement des écoles primaires en ordinateurs
était l'une de nos priorités. Dès cette rentrée,
nous avions équipé quatre écoles pilotes, dont deux dans
les quartiers défavorisés -façon de rattraper le handicap-
de 36 ordinateurs multimédias, en collaboration avec les équipes
pédagogiques et les services de l'éducation nationale. Nous
aurons équipé toutes les écoles de la ville pour la
rentrée scolaire 1999.
Au total, nous avons dépensé un million de francs, ce qui
constitue une somme ridicule pour un budget de 650 millions.
Nous avons également lancé le concept du conseil municipal
interactif en janvier dernier. Deux séances ont eu lieu. La
troisième a été suspendue pour cause de campagne
électorale. L'idée était de diffuser le conseil municipal
sur le câble, en temps réel, in extenso, et de permettre aux
téléspectateurs de poser des questions pendant la séance
par "e-mail", minitel ou téléphone vert.
Nous avons connu tous les ennuis possibles : le préfet s'est posé
la question de la légalité, le CSA n'avait jamais vu cet objet
juridique non-identifié, la commission de contrôle des comptes
l'assimilait à un bulletin municipal ! Nous avons vaincu toutes ces
réticences en arguant du fait qu'il serait encore plus ridicule
d'interdire cette expérience que de l'autoriser.
Nous nous mettons d'accord avec l'opposition sur le temps de parole. Dans les
règlements du Sénat ou de l'Assemblée nationale, le temps
de parole est proportionnel à l'effectif présent. La loi
municipale valorisant la prime, on ne peut tout à fait raisonner de la
sorte, sans quoi l'opposition n'aurait eu que 20 %. Au CSA, la règle
veut que le temps de parole soit accordé pour un tiers à la
majorité, un tiers à l'opposition, un tiers au Gouvernement. En
matière municipale, ce ne peut être le cas...
Nous avons donc décidé d'accorder à l'opposition sa
représentativité électorale. Ma liste ayant fait 59-60 %
au premier tour des dernières élections, nous avons donné
40 % du temps à l'opposition. Il est possible qu'après la
défaite des oppositions aux législatives, il faille adapter la
règle selon les scores.
Les gens ont joué le jeu : 45 % d'Audimat aux deux séances
déjà enregistrées, l'une en janvier, l'autre en mars. Cela
représente 5.000 foyers câblés et 12.500 personnes qui ont
regardé le conseil municipal de bout en bout ! Nous avons 300 appels
téléphoniques et 43 sur Internet. Beaucoup de citoyens
assistaient pour la première fois à une séance du conseil
municipal.
On ne peut donc que se féliciter de la réconciliation des
politiques avec les citoyens, ces derniers se voyant ainsi offrir la
possibilité de donner leur avis à tout moment.
Lors de la première séance, les gens ont découvert qu'il
existait une opposition, qui s'en est trouvée valorisée, je tiens
à le dire en présence de collègues qui n'y sont pas
indifférents, quelles que soient leurs couleurs politiques...
La deuxième séance a par contre constitué une catastrophe
pour cette même opposition : le pouvoir use, surtout quand on ne l'a pas
! Un de mes adversaires socialistes m'avait fait remarquer : "Monsieur le
Maire, nous sommes d'accord avec votre budget à 80 % !". Aussitôt,
nous avons eu une avalanche d'appels téléphoniques. Les gens
demandaient : "Dans ces conditions, pourquoi ne le vote-t-il pas ?" !
(Rires).
Il est très difficile d'être opposant intelligemment ! Les plus
acharnés offrent un style négatif. La télévision
est un instrument impitoyable : les gens sont chez eux, en famille, commentent
et observent. Ce n'est pas de la démocratie directe. Nous sommes en
démocratie représentative, mais nous sommes à nouveau
soumis au contrôle permanent des électeurs ! C'est une
démocratie de participation, et nous devons répondre à
cette attente.
Nous avons mis en place un comité de veille technologique. J'ai
gratuitement invité toutes les entreprises intéressées par
l'opération -qui m'ont délégué leur chef de
recherches- ainsi que quelques vedettes comme Joël de Rosnay, Elie Cohen,
Thierry Mileo, la Cinquième, et nous avons recensé les pistes
à poursuivre.
A partir de septembre, nous mettrons en place des boucles optiques locales,
profitant de la loi qui le permet. Ainsi, MFS Worldcom et Cegetel vont
réaliser deux réseaux indépendants pour offrir aux
entreprises de nouvelles propositions commerciales en matière de
télécommunications. La plupart des propositions vont faire chuter
le prix de celles-ci -second postes de toutes les entreprises- de 20 à
60 % !
La ville se paye directement : nous câblons tous les bâtiments et
nous ne paierons donc plus rien en téléphone. Toutes les sommes
économisées seront affectées au site Internet, afin de
permettre aux jeunes d'avoir non seulement l'accès à Internet,
mais aussi la communication gratuite.
Enfin, grâce à ces économies, nous allons mettre en place
à la mairie un téléphone vert consacré à
l'école, aux affaires sociales, à la voirie, aux ordures
ménagères, bref à tous les services municipaux. Cela va
permettre de revaloriser le service public et montrer ainsi aux gens que les
nouvelles technologies sont à leur service, pour plus de service public
et plus de démocratie !
M. le Président
- C'est une leçon de
démocratie moderne que vous venez de nous donner et en même temps
une indication sur le fait que ces nouvelles technologies conduiront les
administrations en général à une plus grande
rapidité d'action. C'est en effet l'un des points majeurs qui gêne
les citoyens, mais aussi le secteur économique.
L'un de mes amis a reçu l'autorisation d'un type de cryptage six mois
après sa demande. Or, la durée de vie du système
était de l'ordre de six mois. Il s'en était donc servi
illégalement, et l'autorisation arrivait trop tard ! Il y a donc
là un problème de fond.
La parole est maintenant à M. Jean François-Poncet...
M. Jean François-Poncet
- Monsieur le Président,
après avoir écouté mon ami Santini, j'ai conscience que je
vais vous faire changer de siècle !
Je suis sénateur du Lot-et-Garonne, département rural perdu dans
le sud-ouest, entre Toulouse et Bordeaux et dont la principale
préoccupation est l'aménagement du territoire. Le problème
que nous nous sommes posé a été de savoir si
l'aménagement du territoire a quelque chose à attendre de ces
nouvelles techniques de communication, pensant qu'il s'agissait là d'une
possibilité extraordinaire pour une zone rurale.
A priori, je considère que si ces nouvelles technologies n'apportent pas
aux zones isolées une possibilité nouvelle de
développement, c'est que quelque chose nous a échappé.
Nous avons commencé par réaliser une étude
générale, puis nous avons pris un certain nombre d'initiatives :
nous avons mis toutes les manifestations culturelles sur ordinateurs et
entrepris de sensibiliser tous les élus locaux, à la disposition
desquels on a mis des matériels. Cela s'est finalement traduit par des
fax. Les municipalités, en dehors des ordinateurs servant à
réaliser les budgets, ne sont pas allées très
au-delà...
Nous avons naturellement cherché dans quelle mesure les nouvelles
techniques de communication pouvaient être, pour un département
rural, créatrices d'emplois. Nous avons voulu savoir si, grâce
à ces instruments nouveaux, l'on pouvait faire venir des emplois qui,
normalement, s'installeraient dans l'agglomération parisienne, en les
déconcentrant dans une zone rurale, où la main-d'oeuvre notamment
féminine cherche des emplois.
On peut en effet imaginer un télé-travail à domicile ou
des ateliers, et nous sommes partis sur l'idée d'ateliers d'une dizaine
à une vingtaine de jeunes femmes.
Le problème n'est naturellement pas, dans une entreprise de ce genre, la
technologie : la technologie est au point, cela ne fait aucun doute ! Le
problème se situe au niveau du donneur d'ordres et réside dans le
fait de savoir où se situe le marché.
C'est sur ce point que portera mon intervention...
Nous avons exploré deux séries de marchés, en prenant des
initiatives spontanées et en concourant à tous les appels d'offre
de la DATAR. Nous avons été à chaque fois
sélectionnés.
Nous avons donc démarché un certain nombre de grands groupes dont
les sièges sont parisiens, partant de l'idée que, dans un certain
nombre d'activités, comme les assurances et la banque, il existe dans le
"back-office" un grand nombre de personnes qui pourraient se trouver à
des centaines de kilomètres de la capitale, avec un immobilier moins
cher, des salaires moins élevés, une disponibilité plus
grande, les transports n'éprouvant pas les nerfs en province comme en
banlieue.
Je suis allé trouver la Caisse des dépôts et consignations
et j'ai essayé de mobiliser ceux que j'avais une chance de pouvoir
mobiliser.
Nous avons par ailleurs pris contact, grâce à la DATAR, avec une
entreprise installée en région parisienne, qui apparaît
comme l'une des mieux placées pour prospecter les PME et les professions
de services -avocats, cabinets fiscaux, etc.- en région parisienne, dont
les besoins nous ont semblé délocalisables.
De plus, cette société a l'habitude de ce type de technologie.
Elle pratique l'enseignement des langues par téléphone et
possède une branche "traduction", à laquelle elle fait traduire
pendant la nuit, utilisant les fuseaux horaires, les textes en espagnol au
Mexique, ou anglais en Angleterre. Cette entreprise cherchait un partenaire et
avait le marché en marché.
Nous avons également exploré plus récemment la voie du
télé-marketing, à la suite d'une consultation à
laquelle nous avons procédé pour une zone particulièrement
fragile de notre département, un cabinet de consultants toulousain nous
ayant aidé à trouver un opérateur.
Dans les trois cas, ce sont les emplois qui nous intéressent, si
possible en zone rurale, afin de pallier la baisse du nombre d'actifs dans le
secteur agricole, qui continuera à employer de moins en moins de
personnes.
Nous avons reçu une aide appréciable de la direction du travail
et des services de l'emploi, qui ont trouvé des candidats et les ont
formés à leurs frais. Nous avons également
bénéficié de crédits européens,
régionaux et nationaux pour monter ces ateliers. Tout paraissait donc
merveilleux.
Nous avons monté ainsi deux ateliers de télé-travail, en
relation avec les deux premières filières ; un troisième
était sur le point d'être équipé. Par ailleurs, une
autre activité de télé-marketing a été mise
en place...
Le résultat est extrêmement décevant, non que cela ne
marche pas ou qu'on ne trouve pas de personnel compétent que l'on puisse
former, mais parce que nous ne trouvons pas de donneurs d'ordres ! Cela tient
à une série de phénomènes. Le premier est le
conservatisme des entreprises, qui n'ont pas encore intégré le
fait qui, aux Etats-Unis, fait de très grand progrès, à
savoir que le "back-office" peut être très loin de l'endroit
où se déroulent les opérations intellectuellement plus
sophistiquées.
Je me suis battu comme un malheureux pour que la Caisse des Dépôts
crée deux emplois, pour que le GAN nous en donne trois. On a à
peu près sauvé un atelier, mais on a dû fermer le second ;
quant au troisième, on ne l'a jamais ouvert !
Parmi les autres raisons, il y a probablement le fait que les
sociétés n'ont pas envie, en région parisienne, de
délocaliser des emplois à un moment où elles sont
contraintes à des opérations de dégraissage.
En outre, le prix de l'immobilier a beaucoup baissé et l'avantage que
pouvait conférer une implantation dans une région où
l'immobilier doit être l'un des moins chers de France a eu tendance
à disparaître.
Reste le télé-marketing, où les choses fonctionnent
très bien, probablement aussi parce que nous avons trouvé un
opérateur d'un dynamisme redoutable, qui s'est adressé à
un certain nombre de grands opérateurs nationaux pour occuper des
créneaux importants.
Alors qu'on avait installé les autres ateliers dans des locaux modernes,
on a installé cet opérateur dans une vieille école
désaffectée que j'aurais honte de vous montrer, mais cela marche
très bien !
A mes yeux, le problème n'est pas un problème
d'équipement, de technologie ou de formation des hommes, mais le
dramatique conservatisme français ! Ce que vous pourrez faire pour le
changer sera miraculeux -si vous y parvenez !
M. le Président
- C'est une croisade que nous sommes en
train de lancer !
Je crois que le télé-marketing fonctionne dans beaucoup
d'endroits. Il est certain qu'il faut énormément d'imagination de
la part des donneurs d'ordres et des métiers nouveaux, qui sont des
intercesseurs qui doivent savoir utiliser les nouvelles technologies et prendre
les initiatives.
En effet, le télé-marketing -surtout téléphonique-
ne va durer qu'un temps, jusqu'à ce qu'il soit remplacé par
Internet large bande, dès que les Français seront habitués
à regarder chaque matin leur boîte à lettre
électronique, et il faut donc s'y préparer !
En tout état de cause, le vrai problème demeure de pouvoir vendre
des services.
La parole est maintenant au recteur Philippe Joutard, de l'académie de
Toulouse...
M. Philippe Joutard
- Monsieur le Président, en 1993-1994,
nous avons été retenus, ainsi que la région, dans le cadre
d'un appel d'offres portant sur les autoroutes de l'information.
Je dois insister sur l'importance de la synergie avec la région
Midi-Pyrénées, d'une part du fait des problèmes que
connaissait cette gigantesque académie dotée de tout petits
établissements -certains lycées comptant 200 élèves
et connaissant des problèmes d'options, de liaison et d'isolement- mais
aussi parce qu'il nous paraît que les nouvelles technologies sont
l'occasion de préparer nos élèves aux compétences
nécessaires dans la société de demain.
Il s'agit à la fois de compétences traditionnelles -aller
à l'essentiel, avoir l'esprit critique- et de compétences plus
nécessaires encore, comme le sens de l'autonomie ou du changement, qui
mettent en jeu le rapport étroit entre formation initiale et continue,
d'où la nécessité de préparer très tôt
nos élèves à la notion d'auto-formation et
d'auto-documentation.
Pour nous, les nouvelles technologies ne sont pas de la technique mais, pour
l'essentiel, de la pédagogie. Je rejoindrai la conclusion du
président François-Poncet en disant que le problème majeur
n'est pas technique mais davantage un problème de révolution des
esprits. C'est à ce niveau qu'il faut agir.
C'est pourquoi je me soucie fortement du fait que la mise en place de ces
nouvelles technologies ne soit pas contradictoire avec la logique qu'elle
présuppose.
Ceci implique de ne pas omettre de se soucier du contenu et des acteurs qui
vont l'utiliser. Je refuse donc -et la région est dans le même
état d'esprit- d'équiper un établissement qui ne dispose
pas de projet ni d'acteurs, car je sais que les instruments resteront au
placard.
Je me méfie des bilans quantitatifs, certes très lisibles, mais
qui ne permettent pas de savoir ce qui fonctionne réellement !
Il convient donc de mettre l'accent sur l'importance décisive de la
sensibilisation et de la formation. Il s'agit de convaincre les sceptiques, de
faire tomber les réticences et de susciter des vocations.
Dès lors, il faut rassurer les professeurs de base sur les
difficultés, bien distinguer les personnes "ressources-techniques" des
professeurs de base et insister sur le fait que cela ne diminue pas le
rôle de ces derniers mais le transforme !
Il faut donc éviter d'en rester à une petite minorité
-danger des établissements expérimentaux- et prendre son temps,
en allant à un rythme déterminé, sans bousculer les
choses, ni décourager les volontés.
Il est donc nécessaire de recourir à un réseau
d'établissements d'appui, qui ont pour but de sensibiliser leurs voisins
et faire que des enseignants puissent expliquer ce que font d'autres
enseignants. C'est à niveau que se réalisera la conversion.
Le deuxième danger réside dans le fait d'être contraire
à la logique de réseau, en défendant étroitement
son territoire.
Or, l'on sait que les mairies ont en charge les écoles, que les conseils
généraux traitent les collèges, et que les lycées
dépendent des régions. Il est donc absolument nécessaire
qu'en matière de formation, il existe une synergie entre ces trois
échelons, sans règles contradictoires. C'est un des
problèmes difficiles à régler...
De même, il existe un problème dans la notion de partage, à
l'intérieur même de nos établissements, entre formation
initiale et formation continue.
Il convient de faire tomber les barrières entre les deux, et d'accepter
l'idée que des équipements pour la formation initiale puissent
servir à la formation continue, et réciproquement. Voyez tout ce
que cela implique pour d'autres secteurs !
De la même façon, dans les zones rurales, notre conviction -et
c'est aussi celle de la région et de beaucoup de collectivités
territoriales de Midi-Pyrénées- est que les investissements en
matière de médiathèques, de CDI dans les collèges
ne peuvent uniquement servir aux seuls élèves. Il faut
réfléchir au rôle qu'elles peuvent jouer sur d'un point de
vue général, pour l'ensemble du pays ou du canton.
En conclusion, nous avons réussi à mobiliser les militants et les
sympathisants ; il faut maintenant passer à la
généralisation. A ce niveau, les problèmes sont
redoutables. Ceux-ci ne concernent pas prioritairement l'investissement -encore
qu'il ne suffit pas de relier les lycées ou les collèges : il
faut établir les réseaux internes, plus chers qu'on ne le pense.
Les problèmes de fonctionnement sont beaucoup plus sérieux :
l'accès à la communication locale est en voie de
résolution. Le président Valade a signalé ce qu'il avait
fait dans sa région, et la région Midi-Pyrénées
fait de même. Le problème du forfait est plus préoccupant.
Celui de la maintenance n'est pas encore résolu.
La principale question est en fait de permettre une véritable
évolution qui permette à chaque enseignant d'éprouver du
plaisir à continuer d'enseigner.
M. le Président
- La parole est au président du
conseil général de la Somme...
M. Fernand Demilly
- Monsieur le Président, le conseil
général de la Somme a pris conscience des utilisations nombreuses
des NTIC et constaté que ces nouvelles technologies étaient
génératrices d'emplois. Il nous fallait donc déterminer
où et comment ces emplois pourraient être créés.
Ce sont bien sûr, dans le contexte actuel, des motivations très
fortes pour les responsables de collectivités locales que nous sommes.
Convaincu de cet intérêt majeur, j'ai proposé à mes
collègues du conseil général de la Somme de s'investir
dans le développement des ces nouvelles technologies.
A cet effet, j'ai suggéré que le département de la Somme
s'associe avec le district d'Amiens, notre capitale régionale et
départementale, pour créer l'agence de développement des
NTIC, inaugurée au mois de mars dernier, sous la forme d'une association
dans un premier temps.
Cette agence a été rejointe par la région Picardie, les
chambres de commerce et d'industrie de l'Oise et par la ville de Saint-Quentin.
Son but est de rationaliser, de coordonner les interventions et de favoriser
les synergies. Elle peut, à cet égard, diligenter les
études nécessaires et se porter maître d'ouvrage pour les
opérations que nous avions à mener ensemble.
C'est ainsi que, le 2 juin dernier, la commission permanente du conseil
général a confié à cette agence la
réalisation du schéma directeur de
télécommunications du département.
Ce schéma directeur a pour objectif le recensement et la qualification
des besoins dans des domaines où le département est
impliqué ou entend s'impliquer. La définition des services, de
l'infrastructure et de l'organisation permettant de répondre au mieux
à ces besoins, un plan d'action précisant
l'échéancier et les moyens nécessaires à la mise en
oeuvre des orientations retenues.
Ce schéma directeur devra en outre proposer une oeuvre alternative de
télécommunications pour les entreprises utilisatrices de
réseaux : centre d'appel, télé-travail, centre de
télé-service, etc., dont une dizaine viennent de s'implanter dans
une pépinière d'entreprises.
Il devrait être réalisé pour le mois de septembre, afin que
le conseil général puisse en débattre lors de son
débat d'orientation budgétaire.
L'agence s'est également vue confier l'étude et la mise en oeuvre
d'un projet d'accompagnement scolaire, en partenariat avec la CNAF et trois
associations locales, qui oeuvrent déjà dans ce domaine avec des
moyens limités.
A partir d'outils multimédias, ce projet doit permettre aux enfants en
difficulté de se percevoir comme sujets autonomes, de mobiliser et de
développer leur potentiel intellectuel, de se valoriser aux yeux des
autres et donc d'expérimenter la réussite.
En partenariat direct avec la CCI d'Amiens, nous avons initié, au mois
de mars dernier, un programme de sensibilisation des PME-PMI aux outils NTIC,
dans un contexte de promotion du concept d'intelligence économique.
Au rythme de vingt entreprises par mois, ce projet permettra, pour cette
première année, à 180 chefs d'entreprise de mieux
maîtriser l'information économique, en assurant des veilles
-documentaires, technologiques, concurrentielles et stratégiques- de
rechercher des partenariats, de trouver de nouveaux débouchés,
notamment à l'exportation.
Enfin, dans le domaine de l'éducation, une expérience est
menée depuis deux ans dans un collège rural de la Somme, en
partenariat avec le service "nouvelles technologies" du rectorat.
L'évaluation très positive que nous pouvons faire de cette
expérience nous conduit à envisager l'équipement de sept
collèges pour la prochaine rentrée.
M. Michel Rillié, directeur général, va vous dire quelques
mots de projet...
M. Michel Rillié
- Monsieur le Président, depuis
deux ans, nous disposons, dans le collège rural de Rosières,
d'une salle multimédia qui fonctionne en interactivité avec le
poste du professeur. Les élèves travaillent à leur rythme,
peuvent appeler le professeur pour lui poser des questions. Il s'agit donc d'un
changement de comportement entre élèves et professeur.
Pour la première fois, je suis entré dans un collège, et
j'ai gêné la classe ! Ils n'ont plus peur de lever le doigt et de
déclencher des ricanements. Ils disent bonjour et merci en se
déconnectant, demandent à revenir travailler durant la
récréation pour refaire les exercices du matin et
améliorer le score, l'ordinateur leur fournissant un bilan à la
fin de chaque exercice...
Ce collège a également servi à former d'autres professeurs
du département, et nous avons actuellement sept équipes de sept
collèges différents, très motivées, formées
par le service "nouvelles technologies" du rectorat. Celles-ci nous
ont
déposé des projets pédagogiques, et c'est parce qu'ils
avaient des projets pédagogiques que le rectorat est prêt à
équiper ces nouvelles salles.
Ces nouveaux équipements comprendront un serveur numérique qui
permettra au professeur de composer et de personnaliser son cours grâce
à des CD-ROM, des photographies ou des films numérisés par
le serveur vidéo-numérique.
Bien entendu, chaque salle multimédia est reliée au réseau
Internet via Numéris, dont les possibilités sont actuellement
extrêmement limitées. C'est pourquoi un schéma directeur
départemental envisage quelques tuyaux à gros débit.
Dès lors, les collèges seront reliés en réseau de
manière efficace. Nous pourrons surtout envisager le
télé-enseignement entre collèges, le professeur n'ayant
plus besoin d'être physiquement dans la même salle que les
élèves.
Ceci permettrait d'introduire des options nouvelles ou originales, qui font
cruellement défaut dans les collèges ruraux, et qui sont,
d'après les parents, sources de désertification.
M. le Président
- Je regrette que le recteur Dumont, de
l'académie de Nice ne soit pas présent, car il aurait
donné un certain nombre d'exemples de motivations fortes des
collégiens ou de lycéens de son académie, qui couvre les
Alpes-Maritimes, le Var, où il existe déjà des
opérations de télé-enseignement entre différent
lycées techniques.
M. Dumont aurait pu également parler d'un réseau
réticulaire dans le nord de Grasse, analogue à l'opération
qu'évoquait Jean Faure, qu'un inspecteur d'académie a mis en
place, avec l'appui du conseil général des Alpes-Maritimes et
d'un SIVOM intercommunale spécifique.
La parole est à René Trégouët...
M. René Trégouët
- Monsieur le
Président, le département du Rhône a décidé
en 1990 de lancer une vaste campagne de câblage. Dès le
départ, nous avons décidé de réaliser une
opération fondamentale d'aménagement du territoire par le biais
du câble, le département comportant une partie rurale importante.
En effet, nous pensons que les métiers de demain, de manière
générique, reposeront sur la capacité de nos enfants
d'ajouter du savoir à un signal.
Ce dossier est le plus gros dossier d'autoroute de l'information de France.
Deux cent cinquante millions de francs par an pendant plus de quatre seront
investis, en collaboration avec le leader mondial Time Warner.
Ceci en fait une opération structurante puisque, alors qu'une ligne
téléphonique amène 28.600 signes par seconde, la plus
petite commune du département disposera de 155 millions de signes par
seconde, permettant ainsi d'exercer tous les métiers de demain, quel que
soit l'endroit.
Par ailleurs, il est fondamental de ne pas séparer le problème de
la formation de celui de l'entreprise et du particulier. Il faut que l'on sache
préparer nos enfants à ces métiers du futur...
J'aurais voulu indiquer à Jean François-Poncet qu'il existe
toujours une phase où on arrive à attirer des entreprises dans un
certain secteur. Toutefois, il convient aussi de donner la possibilité
aux enfants des ingénieurs qui s'installent dans le monde rural la
possibilité de devenir eux-mêmes un jour ingénieur. C'est
une des évidences fondamentales de l'aménagement du territoire :
la capacité de formation doit être répartie sur l'ensemble
du territoire...
Le département du Rhône a été retenu en tant que
plate-forme nationale expérimentale des autoroutes de l'information et
nous allons lancer des expérimentations d'usage. Ce qui nous
intéresse dorénavant, ce ne sont plus les tuyaux, mais les
contenus et les usages que nous en ferons.
La première application concernera l'école, le collège, le
lycée. Nous apportons ainsi 350 millions de subventions, dont les
retombées devraient nous être favorables. Nous désirons
mettre à la disposition de l'ensemble des grands organismes
-éducation nationale, santé, etc.- les capacités les
meilleures possibles, car le département n'est pas là pour se
substituer à eux.
Mais surtout, 5 % de la capacité du réseau est mis gratuitement
à la disposition de la collectivité publique. L'équivalent
de 3,2 fibres est donc mis gratuitement à disposition de celle-ci. Ceci
va permettre de relier gratuitement tous les services publics et surtout de
relier toutes les écoles avec des centres serveurs
départementaux, pour faire en sorte que ces établissements
n'aient plus à payer les connexions. C'est aussi le serveur
départemental qui gérera les droit d'auteur et la maintenance.
On essaye donc d'être le plus pragmatique possible et au plus près
des enseignants qui veulent se lancer dans ces opérations, sans
toutefois nous substituer à eux à aucun moment. Ils doivent
s'engager volontairement et nous allons offrir, en complément avec
l'éducation nationale, des capacités de formation aux
enseignements qui le désireront. Cette mise à disposition de
capacités sur des réseaux sera fort importante pour demain.
Dans le domaine de la santé, nous allons relier gratuitement tous les
hôpitaux locaux aux hospices civils de Lyon. Cela permettra aux
médecins des hôpitaux locaux de disposer d'expertises du grand
centre que constituent les hospices civils ; au même titre, les centres
de secours seront réorganisés pour pouvoir, dans les cas
d'urgence, connecter directement des véhicules équipés
permettant de préparer le malade et de mieux l'accueillir dans les
centres d'urgence.
On prépare également une expérimentation pour relier
toutes les entreprises dans un très grand Intranet départemental.
De même, avec un grand groupe de presse français, nous allons
lancer une expérience du journal de demain : chaque abonné
recevra chaque matin un journal qui correspondra à son profil et qu'il
pourra éditer sur imprimante. On enlève ainsi à la presse
ses deux handicaps actuels, l'impression papier et le transport de ce papier.
En fait, nous allons surtout devenir un centre d'expérimentation
d'usage...
M. le président
- Je souhaite la bienvenue au
président Monory...
René Trégouët a mis l'accent sur la nécessité
d'associer étroitement les acteurs industriels et les utilisateurs aux
initiatives des collectivités locales. Bien entendu, celles-ci,
lorsqu'elles le peuvent, doivent prendre des initiatives, mais les
investissements les plus importants doivent surtout être de leur fait, et
les utilisateurs -particulièrement dans le domaine de l'éducation
et de la santé- doivent pouvoir aussi être fortement
motivés.
André Santini a également indiqué qu'une nouvelle forme de
démocratie, beaucoup plus exigeante, se faisait jour dès que les
populations étaient susceptibles d'être directement
concernées.
Je ne puis résumer en quelques mots tous les excellents exposés
de nos collègues Demilly, François-Poncet, Valade, Faure et le
recteur Joutard. Mais, cela constitue un message d'espoir, qui nous conduit
à poursuivre notre action volontaire, d'autant plus importante au
Sénat qu'elle est partagée par beaucoup de sénateurs et,
en particulier, par le président, dans un domaine où nous pouvons
certainement avoir un rôle à jouer !
M. René Monory, Président du Sénat
-
J'attache en effet une très grande importance à toutes ces
technologies nouvelles, car nous n'y échapperons pas !
Ce matin, deux journalistes m'ont dit que le Sénat figurait, dans
l'esprit des gens, au premier plan en matière de modernisme et des
technologies nouvelles. Je leur ai répondu que c'était sans doute
grâce à des gens comme Pierre Laffitte et René
Trégouët, et je leur ai dit que, selon moi, le prochain
Président de la République serait élu par Internet !
Cela peut paraître une gageure, mais le prochain Président de la
République recevra dix ou vingt mille questions par jour sur Internet.
Je crois donc qu'il s'agit d'un changement de société...
Le voyage que j'ai effectué il y a deux mois sur la côte ouest des
Etats-Unis, à Seattle et San Francisco, m'a profondément
frappé. J'y ai vu les plus grands patrons du monde. J'ai retenu trois
idées de ces différents entretiens...
Tout d'abord, le monde changera plus rapidement dans les dix prochaines que
dans les cent cinquante dernières années ; par ailleurs, le monde
de demain sera fait par les 10-25 ans -cela n'exclut pas les autres... Enfin,
il existe trois priorités : l'information, l'information, l'information !
Voilà ce que j'ai entendu, en schématisant mon propos et je
considère qu'il est important de le savoir.
Je pense que les choses se feront grâce aux jeunes. Dans mon
département, il y a longtemps que nous avons mis en place des
réseaux. La grande difficulté est d'arriver à faire
pénétrer l'informatique à l'école. Il y a treize
ans, j'avais fait installer des ordinateurs dans les écoles primaires,
mais à quoi bon, si le système ne fonctionne pas autour ? Il faut
donc passer par les instituteurs.
Ces ordinateurs ont été remplacés deux ou trois fois, ces
matériels vieillissant vite ; à la fin de l'année, je
pense que toutes les écoles maternelles, primaires, collèges et
sans doute lycées seront sur Internet, avec des sites pour chaque ville
et des centres de ressources ou de réserves, dans lesquelles on formera
aussi bien les instituteurs que les autres. En effet, les enfants, en sortant
de l'école, vont réclamer un ordinateur à leurs parents,
qui devront également se former !
Je voudrais également mettre en place des bouquets de logiciels
d'éducation. Certaines entreprises font déjà de gros
efforts d'investissements. Quarante des instituteurs, à qui l'inspecteur
d'académie a posé la question, sont prêts à se
former immédiatement. Certains vont donc former les autres, car ils
seront mieux perçus que des formateurs extérieurs.
Cela va coûter un millier d'ordinateurs supplémentaires, mais ce
n'est pas grave. Je ne voudrais choquer personne, mais si je devais choisir
entre 5 millions d'enrobé et 5 millions d'ordinateurs, je
préférerais opter pour les ordinateurs ! Il n'est bien entendu
pas question que je cesse de m'occuper de l'entretien des routes, mais je crois
qu'on ne peut plus perdre de temps !
Les Etats-Unis ont ainsi créé 9 millions d'emplois dans les
technologies nouvelles. Il y a un seuil à atteindre, mais la demande
sera telle qu'il convient d'être prêt !
Je remercie Pierre Laffitte d'avoir pris l'initiative de ce colloque. Il faut
que le Sénat reste à la pointe de tout cela, car le message passe
bien. Ce que je reprocherai aux hommes politiques -y compris à
moi-même sans doute- c'est de pas essayer de faire davantage le faire
passer, alors que les gens sont prêts à l'entendre.
Peut-être est-on trop frileux... On ne doit pas se protéger, mais
s'adapter à une évolution irréversible !
M. le président
- Merci, Président, de tes
encouragements. La parole est maintenant à M. Santoni, directeur du
Métafort d'Aubervilliers, qui intervient en lieu et place de M. Jack
Ralite...
M. Pascal Santoni
- Monsieur le Président, Jacques Ralite
s'excuse de ne pouvoir participer à votre rencontre.
Le projet Métafort complète assez bien l'ensemble des
expériences qui ont été exposées, même si
elles n'appartiennent pas au même registre de décisions ou
d'initiatives.
Le projet Métafort est un projet d'équipement dont l'idée
est venue d'un constat banal, qui remonte à six ans, selon laquelle la
numérisation de l'ensemble des signes de communication et les
réseaux de télécommunications allaient bouleverser et
transgresser tous les cloisonnements de l'activité humaine dans le
domaine de la communication, que cela allait toucher l'ensemble de ces secteurs
d'activité.
Il paraissait difficile, voire impossible, de greffer ces nouvelles
technologies dans des lieux existants. Il fallait donc créer des lieux
d'accueil pour ce qui allait devenir le moteur de l'innovation en ce domaine,
c'est-à-dire des projets intégrant des technologies et des
finalités différentes, sociales, industrielles ou artistiques.
C'est ce que nous avons essayé de faire depuis 5 ans avec le
Métafort. Lors de l'avant-dernière biennale de Lyon, nous avons
réalisé, avec le soutien des Américains, un projet que
nous avons porté de bout en bout. A l'origine, un artiste a eu
l'idée d'utiliser les logiciels de reconnaissance et de synthèse
vocale, mais aussi de traduction automatique, pour la communication sociale en
temps réel.
Ceci a permis aux visiteurs de la biennale de Lyon de s'exprimer en
français, leur message étant transcrit numériquement,
accompagné de l'image, via Internet, et reproduit dans le hall d'une
université américaine. Cette transcription était ensuite
traduite automatiquement, puis synthétisée, l'ordinateur pouvant
alors exprimer en anglo-américain ce qui avait été dit en
français, et vice versa.
Parfois, l'idée sociale et artistique permet donc de
générer des projets qui peuvent avoir des débouchés
industriels importants : en effet, depuis deux ans, nous avons vu se
développer tout un travail de recherches, au CNET et ailleurs, sur la
synthèse vocale et la traduction automatique. C'est une façon
pour les internautes francophones de pouvoir s'exprimer dans leur langue, sur
un réseau à 95 % anglo-américain !
Je crois qu'il faut créer des lieux d'accueil de projets
réellement disponibles à toute innovation et les
expérimenter. Au moment du plan "câble", je pensais qu'il fallait
élaborer les contenus avant de penser aux tuyaux. Je ne le pense plus ;
je crois au contraire qu'il faut mettre ces outils à disposition, de
façon à obliger les institutions et les décideurs à
élaborer des contenus correspondant aux besoins et aux attentes.
C'est pourquoi je crois qu'il ne faut pas trop attendre car, contrairement
à ce que l'on entend, les nouvelles technologies créent des
emplois dans d'autres secteurs.
Il ne faut pas qu'un seul Métafort, mais plusieurs, de
différentes formes, qui s'inscrivent dans une démarche
non-institutionnelle, des lieux qui puissent accueillir des démarches de
tout type : spectacles vivants, missions de formation, pièces
technologiques, etc.
Un accompagnement de ces projets est nécessaire. Contrairement aux
idées reçues, les banlieues constituent des viviers qui
méritent d'être exploités. Cela permettrait d'offrir aux
jeunes d'autres occupations que celles que la presse leur attribue, et qui sont
généralement délinquantes.
Les technologies, en soi, ne sont rien. Il ne s'agit que d'un outil, qui
dépend de l'usage qu'on en fait : il faut maintenant réellement
expérimenter ces usages.
M. le Président
- Nous en sommes pour la plupart
convaincus. Cela confirme d'ailleurs ce que vient de dire le président
Monory : il faut que la France favorise les millions d'emplois liés
à l'industrie des contenus ! C'est la plus grande priorité, mais
encore faut-il disposer de contenants.
Je rappelle que, dans la loi sur l'aménagement du territoire, le
Sénat a fait préciser que les évolutions technologiques
devraient être disponibles sur l'ensemble du territoire français.
Toutefois, le coût est également important. Ainsi, dans les
Alpes-Maritimes, France Télécom a mis à notre disposition
des liaisons de 155 mégabits pour un coût mensuel de 10.000
francs, ce qui représente probablement le plus bas coût de
raccordement au mégabit du monde, moins cher qu'aux Etats-Unis.
Ceci doit évidemment être appuyé par des incitations au
télé-travail, à la télé-médecine.
C'est ce que nous faisons, avec l'appui du conseil général, de
l'université de Nice, du CHU et d'un certain nombre de partenaires
institutionnels ou industriels ! Il faut développer cette dynamique, et
je suis heureux de constater que notre table-ronde a attiré aujourd'hui
des personnalités importantes.
La parole est à M. Gendron, responsable de la mission "câble"
à la mairie de Montreuil...
M. Francis Gendron
- Monsieur le Président, nous sommes
une municipalité ouvrière en mutation industrielle, politique,
sociale et culturelle. Non seulement, pour nous, les tuyaux, ce n'est pas fini,
mais nous en faisons une priorité absolue.
La ville de Montreuil a signé, il y a quelques années, avec
Cité-Réseau Time Warner une concession de service public qui
prévoyait deux grands éléments, la
télé-distribution et la télécommunication.
Nous avons exigé que ce réseau soit construit sur
l'arrivée de fibres optiques dans 36 quartiers et chaque gaine comporte
6 fibres optiques, deux dédiées là la
télé-distribution, quatre aux télécommunications.
Malgré tout, les tuyaux demeurent des éléments très
importants dans notre démarche, ne serait-ce que parce que le
député-maire de la ville de Montreuil a reçu de la part de
mandataires un refus de rentrer dans l'expérimentation de la mise
d'Internet sur le réseau câblé. En effet, nous avons non
seulement besoin de tuyaux au niveau local, mais aussi de connexions nationales
et internationales. Pour nous, la question des tuyaux reste donc
déterminante.
Comment offrir des services si nous n'avons pas à les rentabiliser et
à les commercialiser ? Il nous faut donc absolument créer un
environnement favorable, afin de faire en sorte que l'on puisse
téléphoner à Montreuil pour 15 francs par mois. Les fibres
optiques nous le permettent, quelle que soit la durée de la liaison.
Or, la technologie des télécommunications et de l'informatique
est en crise. Nous sommes dans une notion d'informatique et de réseaux
complètement ouverte.
Certains ont évoqué la production de services, mais comment
parvenir à des coûts acceptables pour une population pauvre ? ...
Il faut donc absolument régler la notion de réseau et de tuyaux !
Nous avons rencontré France Télécom à trois
reprises en un an, mais nous n'arrivons toujours pas à trouver de
solutions, alors que nous en avons dégagées aux niveaux local et
international !
M. le Président
- Nous pourrons leur confirmer votre
demande ! Et nous diffuserons le compte rendu de ces auditions.
La parole est maintenant aux représentants alsaciens...
M. Gaston Steiner
- Monsieur le Président, le programme
d'expérimentation de télé-services alsacien Cristal a
été labellisé au titre des autoroutes de l'information.
Ce programme vise à expérimenter des usages nouveaux dans trois
secteurs différents, qui sont l'éducation, le secteur des
collectivités locales et des accès aux services publics et le
secteur de la santé et des services télé-médecine.
Notre plan d'expérimentation a été grandement
facilité par l'existence, dans notre région, d'équipements
et d'infrastructures de bonne qualité, comme le réseau
câblé de vidéocommunication, qui en train de se
déployer dans le cadre de plans départementaux de câblage.
Il existe aujourd'hui, 300.000 prises raccordables, d'une technologie
relativement moderne, sur un ensemble potentiel de 500.000 à 550.000,
soit 60 % du potentiel de cette région, qui peut disposer de cette
technologie dès aujourd'hui.
Il faut mentionner aussi l'implication forte des collectivités
territoriales. Le plan départemental de câblage du Bas-Rhin, qui a
débuté il y a plus de deux ans, permet de câbler l'ensemble
des communes moyennant une aide de leur part de l'ordre de 1.000 francs par
prise et une subvention du conseil général.
L'objectif est double : il consiste à amener un plan de services de
chaînes de télévisions, mais surtout d'apporter de nouveaux
services. C'est ce que nous sommes en train d'expérimenter en
superposant sur ce plan d'infrastructure un plan d'expérimentation de
services.
Pour le secteur de l'enseignement tout d'abord, il s'agit de mettre place un
réseau éducatif régional, qui va relier dans un premier
temps 270 lycées et collèges, grâce aux réseaux
câblés de vidéocommunication pour tous les points qui en
disposent et grâce aussi aux réseaux de France
Télécom.
Ce réseau va constituer un point d'appui pour l'ensemble des projets
pédagogiques qui existent déjà dans cette académie,
dont la cellule "nouvelles technologies" du rectorat a commencé à
expérimenter des services comme la télé-maintenance des
équipements ou la formation optionnelle grâce à des
équipements de vidéo-conférence, etc.
Ce plan de déploiement permet d'aller plus loin que la simple
expérimentation des usages pédagogiques et qui peut donner
à chaque établissement implanté dans les zones rurales les
plus éloignées les mêmes chances qu'aux
établissements urbains.
L'apport des infrastructures est de deux ordres. En termes de capacités
et de bandes passantes, on imagine bien qu'au-delà des simples
accès à Internet que l'on peut déployer aujourd'hui, il
existe un potentiel important en termes d'accès à la
vidéo, pour des applications de vidéo à la demande, pour
lesquelles nous allons expérimenter d'ici la fin de l'année,
l'accès depuis des salles de classe à des programmes à la
demande, sur des serveurs numériques, qui vont être
disposés dans notre région.
L'autre avantage est d'ordre tarifaire. Le fait de pouvoir disposer de fibres
optiques sur une portion importante du territoire autorise une forfaitisation
des accès sans freiner les usages, mais en les encourageant au
contraire. Il existera ainsi pour un grand nombre d'établissements
scolaires des forfaits au mois, qui leur éviteront d'être
taxés en fonction de la durée des connexions.
Le second champ d'expérimentation est celui des collectivités
locales et, plus généralement, de l'accès aux services
publics. Un premier projet est en cours et consister à doter l'ensemble
des mairies de moyens d'accès à un service Intranet
destiné aux collectivités locales, et à moderniser les
échanges entre les communes, les grandes collectivités
territoriales et le monde extérieur.
Le problème n'est ni d'ordre technologique ou technologique, mais
d'ordre culturel et réside dans la formation des agents administratifs.
Les difficultés que nous allons donc rencontrer sont de l'ordre de la
formation et de la sensibilisation de l'ensemble de cette population.
En outre, nous sommes également en train d'expérimenter -avec
l'appui des collectivités locales et certains organismes qui nous
fournissent des informations- des bornes d'accès aux offres de l'ANPE ou
aux services de la CPAM. Ces bornes pourront être disposées dans
des lieux publics, en présence d'un agent qui pourra assister les
usagers dans leurs démarches.
Ces initiatives des collectivités de la région Alsace et des
conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, sont conduites par
TELAL, société d'économie mixte agissant en tant que
maître d'oeuvre, dont les actionnaires sont ces grandes
collectivités territoriales, ainsi que les grandes villes.
Enfin, s'agissant du secteur de la santé et de la
télé-médecine, le programme d'expérimentation
comprend la mise en relation des hôpitaux de proximité avec des
centres hospitaliers important, comme les Hôpitaux universitaires de
Strasbourg, et permettra à des spécialistes d'accéder
à des centres de compétences ou à une expertise pour un
travail d'assistance au diagnostic, dans des cas difficiles.
Deux projets sont expérimentés : ils concernent le secteur
périnatal chirurgie obstétrique, chirurgie infantile- et le
suivi des greffés. Ils ont pour but de rapprocher ce type de services
des patients qui en ont besoin, sans obliger cette population à se
tourner nécessairement vers les gros centres hospitaliers.
M. le Président
- Pour conclure, nous allons parler de
Marly-le-Roi...
M. Hervé Lebec
- Monsieur le Président, je
représente ici François-Henri de Virieu, qui ne peut être
parmi nous aujourd'hui.
La société Immedia est l'assistant "maîtrise d'ouvrage" du
projet de la municipalité de Marly-le-Roi en matière de nouvelles
technologies, dont François-Henri de Virieu est à l'origine.
Je signale en outre que François-Henri de Virieu publie aujourd'hui un
article dans "Le Monde", qui porte sur le sujet que nous traitons.
Marly-le-Roi est une commune de région parisienne de 17.000 habitants,
avec une densité urbaine très importante. Aujourd'hui, il
n'existe plus de terrains à viabiliser selon les concepts traditionnels
de mise en valeur d'une zone industrielle de ce type.
Marly-le-Roi est le siège européen du numéro un de la
pharmacie mondiale, d'Axa-UAP. Le tissu de PME-PMI est relativement important,
mais il n'existe plus de possibilités de créer des
sociétés nouvelles sur le territoire de la commune...
M. le président
- Vous pouvez les envoyer à Sophia
Antipolis !
M. Hervé Lebec
- Nous n'avons pas dit notre dernier mot !
Comment donc développer Marly-le-Roi dans un contexte de cette nature ?
La commune a un lourd passé d'expérimentations très
connues : la "Cité des grandes terres" a en effet été le
prototype des villes nouvelles en région parisienne, et l'on garde
à Marly-le-Roi l'idée d'expérimentation.
Par ailleurs, le conseil local de la vie associative et le conseil pour le
développement économique se sont montrés favorables aux
technologies nouvelles. Un tel projet n'est possible que si la notion de
réseaux existe sous une forme traditionnelle -fort tissu associatif,
habitudes de collaboration, volonté d'expérimentation.
Le projet "Marly-Cyber-le-Roi" a pour ambition de créer une ville
cybernétique, un double de la ville territoriale. Pour ce faire, il
fallait d'abord favoriser l'appropriation des technologies par la population
-étudiants, collégiens, commerçants, etc.
Le premier lieu d'appropriation s'est ouvert à la mairie ; d'autres vont
suivre : maison des associations, office de tourisme, services publics, et tous
lieux inter-générations par excellence. C'est là la
clé de notre projet.
Il y a trois semaines, nous avons ouvert un site Internet, résultat d'un
travail coopératif avec le secteur associatif, le journal d'information
local, indépendant de la mairie et les services de la mairie. Beaucoup
de communes l'ont déjà fait, et il fallait donc trouver une
valeur d'usage supplémentaire à un site Internet.
Nous allons donc doubler cette opération par une série de sites
Intranet, qui permettront d'accéder au POS, ou aux plans de
réaménagement urbanistique de Marly, avec possibilité de
consulter la population.
Cela permettra également un accès aux différents services
de la mairie, grâce à la formation des personnels administratifs
et des élus qui, une fois rompus à cette technologie, pourront
répondre aux besoins que l'on est en train de susciter parmi la
population.
Nous favoriserons enfin une troisième génération de sites
Internet, en collaboration avec le tissu associatif ou économique de la
ville.
Le troisième volet du projet est de faciliter une utilisation directe
par la population. Nous allons donc doter chaque Marlychois d'une adresse
"e-mail" par défaut. Les habitants qui ne seront pas
équipés d'ordinateurs pourront se rendre dans un des lieux
d'appropriation et utiliser des matériels banalisés, par
l'intermédiaire d'une carte qui sera mise en oeuvre dans les mois qui
viennent. Celle-ci leur permettra de déclencher l'utilisation d'outils
publics à des fins privatives, créant ainsi une justification
d'usage.
Nous allons réaliser ce dernier projet avec un grand opérateur du
service public chargé de distribuer le courrier, dont je ne puis dire le
nom. Il est prévu de pouvoir utiliser l'adresse "e-mail" par
différents moyens, y compris le minitel.
En effet, le minitel, qui équipe 7 millions de foyers français,
est utilisable dans le cadre d'une messagerie électronique, certes avec
des contraintes et des limites, mais sans investissement structurel ou
technique.
Nous allons par ailleurs viabiliser le réseau câblé,
propriété de France Télécom, exploité par la
Lyonnaise des Eaux -ce qui est parfois difficile à gérer... Nous
avions ainsi proposé, au début du projet, une expérience
de téléphonie gratuite sur le câble à France
Télécom, qui l'a refusée.
Nous allons enfin développer le concept de bureaux de voisinage, qui se
développe en Ile-de-France. L'usager pourra aussi bien être une
petite entreprise, un salarié qui trouvera là une
possibilité de télé-travail ou une personne isolée,
qui recherche des moyens techniques mais aussi à s'associer à
d'autres individus qui se trouvent devant la même problématique,
créant avec eux de la richesse.
M. le Président
- Je remercie chacun de sa contribution,
dont vous avez tous apprécié la haute qualité.
En conclusion, à travers les différentes interventions, il
m'apparaît que la priorité est l'éducation. Les
réseaux larges bandes sont préférables et, lorsque ceux-ci
existent, il vaut mieux les utiliser.
Enfin, il semble que la France n'a pas encore intégré la culture
en réseau, car toutes nos habitudes de pensées -y compris
politiques et administratives- reposent sur la hiérarchie ; or, la
culture Internet est, par définition, anarchique.
J'ai toutefois l'impression que les choses se modifient, et l'expérience
de M. Santini le démontre. En effet, nous pouvons tous constater, depuis
quelques années, que davantage d'électeurs viennent assister aux
séances du conseil municipal, manifestant ainsi un désir de plus
grande transparence. Nous sommes au début d'une véritable
révolution culturelle, que l'administration n'a pas encore senti car,
grâce à la messagerie électronique, on a la
possibilité de diviser par dix ou cent la durée de certains actes
administratifs. Lorsque ceux-ci sont de nature interministérielle, il
suffirait d'un Intranet interministériel pour pouvoir aller infiniment
plus vite !
Il ne faut pas aller trop vite, mais on peut indiscutablement mettre en
harmonie la vitesse de réaction des structures administratives avec
celle des structures industrielles et commerciales...
C'est un des éléments pour lequel les collectivités
locales peuvent montrer l'exemple, bien qu'il existe des réflexions sur
la réforme de l'Etat et que le ministère des finances ait
reçu mission de préparer des opérations sur les Intranet
ministériels et interministériels.
Pour ma part, je pense que notre commission sénatoriale peut avoir une
certaine action en matière d'information, de sensibilisation,
d'éducation et de culture. Je demande donc à tous de
suggérer des actions spécifiques.
Concernant les infrastructures, je suis convaincu que les décisions
prises concernant la mise en concurrence des opérateurs historiques
nationaux intensifiera les infrastructures. L'organisation prévue au
niveau départemental devrait permettre d'éviter les
problèmes majeurs, et je crois qu'on va aller dans le bon sens en terme
de diminution des coûts d'usage, lorsque les réseaux le permettent.
Personne n'a évoqué les satellites. Certains réseaux vont
se mettre en place très bientôt. Ceci est très
intéressant sur le plan des relations internationales. Le
département des Alpes-maritimes a toute une série de projets et
de démonstrations en matière de
télé-médecine ou de télé-services avec
l'ensemble des pays méditerranéens.
Pour le moment, cela n'apparaît pas essentiel sur le plan des
collectivités locales françaises, encore que ce soit une question
de coût : dès lors qu'existeront quantité de canaux
disponibles à bon marché, cela sera une façon de relier
à relativement grand débit des régions moins denses que
les grandes zones.
Je crois en tout cas que la réunion que nous avons est très
enrichissante, et je voudrais donner la parole à ceux qui voudraient
poser des questions...
M. Philippe Joutard
- Je tiens à dire que la
brièveté de mon exposé m'a conduit à être
quelque peu brutal, et ne m'a pas permis d'évoquer toutes les
réussites. Il existe cependant une masse d'expériences
réussies !
Je voulais toutefois souligner que l'on est arrivé au stade beaucoup
plus difficile de la généralisation. Or, un certain nombre
d'enseignants se posent la question et se demande si leur statut ne va pas s'en
trouver bouleversé. Le président Laffitte a raison : il y a dans
les nouvelles technologies un aspect anarchique et, souvent, les
élèves sont techniquement plus forts que les enseignants.
Il faut donc les rassurer au fur à mesure que les choses progressent,
car on ne fera rien, dans le cadre de la formation, sans les enseignants !
M. le Président
- Il est vrai que le métier
d'enseignant a changé. La transmission du savoir n'est qu'un des
éléments du métier d'enseignant, qui va devoir jouer son
rôle la plus noble, qui est l'organisation des compétences et du
savoir à l'intérieur des esprits, en fonction des
caractéristiques propres de chacun.
Même si le métier d'enseignant va s'enrichir fortement, quoi qu'il
en soit, cela constitue une modification et l'on conçoit que cela ne se
passe pas sans quelques difficultés...
M. Hervé Lebec
- Il existe aussi une possibilité de
subversion du monde enseignant. La mise en réseau, correspond à
une projection dans un univers mental qui n'est pas forcément compris
par certaines générations d'enseignants.
Je l'ai constaté à l'intérieur même de ma
société, où les jeunes de vingt ans -et je n'ai que
trente-sept ans- ne travaillent déjà plus comme moi. Ils sont
naturellement tournés vers le réseau : c'est leur langue
maternelle !
Il faut prendre cette dimension en compte.
La subversion qui peut exister dans les lycées ou les collèges
risque de bouleverser profondément le rapport à l'institution
scolaire. Il faut en quelque sorte faire du co-marketing : la réflexion
doit être commune et non descendante...
M. Francis Gendron
- On dit que la France est un pays en retard
sur ce plan. Or, aujourd'hui, la France peut être la première
nation à offrir un accès Internet à haut débit. Qui
freine l'opération ?
M. le Président
- Je ne suis pas un inquisiteur en la
matière, mais j'ai fait un rapport dans lequel j'ai dit clairement ce
que je pensais.
Je mettais un peu tout le monde dans le même sac, patronat ou syndicat,
politiques ou ministres, France Télécom ou les autres.
Le passé est le passé. Il faut maintenant foncer et partir en
croisade, et c'est ce que je fais, afin d'essayer de faire en sorte que
l'opération qui a si bien réussi aux Etats-Unis réussisse
en France !
Je crois que nous allons étonner le monde, car nous sommes d'une
certaine façon en retard mais, sociologiquement, grâce au minitel,
nous sommes en avance, et il suffira de peu de chose pour aller de l'avant !
Sur ces grands espoirs, merci à tous.