I. LUTTER CONTRE LES CONTENUS ILLICITES : LES NORMES APPLICABLES, LES MOYENS EXISTANTS ET LEURS LIMITES
A. UN ARSENAL JURIDIQUE SUSCEPTIBLE DE FONDER LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES ACTEURS DE L'INTERNET
La sécurité sur le réseau des
réseaux constitue une des conditions de son succès et de son
développement. Au-delà des craintes inspirées
habituellement par le progrès technique, le retard enregistré par
la France en la matière peut s'expliquer, en partie au moins, par le
discrédit résultant des affaires ayant mis en lumière les
facilités offertes par ce nouveau support de communication pour le
développement d'activités délictueuses, voire criminelles.
La législation française permet cependant de réprimer ces
pratiques : de nombreuses dispositions permettent de lutter contre la
fraude informatique, de protéger les individus et de lutter contre les
atteintes à l'ordre public.
1. Prévention et répression des délits informatiques
Aux termes de l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986,
"
on entend par communication audiovisuelle toute mise à
disposition du public ou de catégories de public, par un
procédé de télécommunication, de signes, de
signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui
n'ont pas le caractère d'une correspondance privée "
.
La circulaire du 17 février 1988 a précisé cette notion de
communication audiovisuelle en se référant à trois
critères : le message délivré est destiné au
public, le contenu du message n'est pas lié à des
considérations relatives à son destinataire et le message est mis
à la disposition de tous les usagers du service.
Comme les services disponibles sur le Web semblent répondre à
cette définition, ils sont soumis à l'obligation de
déclaration préalable prévue par l'article 43 de la loi du
30 septembre 1986. Cette déclaration doit être
déposée auprès du Procureur de la République.
Doivent en outre être portés à la connaissance des
utilisateurs sur la page d'accueil les éléments d'identification
de l'exploitant du service tels que ses nom et prénoms ou son
siège social, le nom du directeur de publication et la liste des
publications.
Par ailleurs, en vertu de la loi Godfrain du 5 janvier 1988 reprise dans le
nouveau code pénal sous les articles 323-1 et suivants, sont
érigées en délit l'intrusion frauduleuse dans un
système de traitement automatisé de données et les
conséquences dommageables (modification du contenu, altération du
fonctionnement) qui en résultent.
2. Protection de l'individu et de l'ordre public
Nombreuses sont les dispositions pénales qui
protègent l'individu et sa vie privée ou qui sanctionnent les
atteintes à l'ordre public et qui sont transposables aux services
disponibles sur l'Internet.
Ainsi, la loi du 10 juillet 1991, s'inspirant de la Convention
européenne des droits de l'homme, garantit le secret des correspondances
émises par voie de télécommunications. Le courrier
électronique sur l'Internet répond à cette notion de
correspondance privée et l'article 226-15 du code pénal, dans son
second alinéa, punit d'un an d'emprisonnement et de 300.000 F
d'amende "
le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de
détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises,
transmises ou reçues par la voie de télécommunications ou
de procéder à l'installation d'appareils conçus pour
réaliser de telles interceptions
".
Les dispositions protectrices de la vie privée figurant au chapitre VI
du code pénal sont également susceptibles d'application. Est
ainsi puni d'un an d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende le fait, au moyen
d'un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte
à l'intimité de la vie privée d'autrui en captant,
enregistrant ou transmettant, sans le consentement de la personne, son image ou
ses paroles (article 226-1). L'article 226-2 punit des mêmes peines la
conservation, la diffusion ou l'utilisation de ces enregistrements et de ces
documents. De même, l'article 226-8 réprime la publication, quelle
que soit le support utilisé, du montage réalisé avec les
paroles ou l'image d'une personne sans son consentement : les peines encourues
sont un an d'emprisonnement et 100.000 F d'amende.
La loi protège également l'individu en sa qualité de
consommateur : les dispositions issues du code de la consommation telles
que celles relatives à la vente par correspondance (article L. 121-16 et
suivants) ou à la publicité mensongère (article L. 121-1)
s'appliquent aux transactions sur l'Internet.
Par ailleurs, plusieurs incriminations résultant de la loi du 29 juillet
1881 sur la liberté de la presse et du code pénal permettent de
lutter contre les atteintes à l'ordre public, en particulier les
contenus illicites. L'article 24 de la loi de 1881 punit de cinq ans
d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende ceux qui, par tout moyen de
communication audiovisuelle, auront provoqué à commettre certains
crimes ou délits. Est passible des peines précitées toute
personne ayant fait l'apologie des crimes contre l'humanité, ayant
provoqué à des actes de terrorisme, à des actes de
violence contre des personnes ou encore à la discrimination raciale,
ethnique ou religieuse. Peuvent être ainsi poursuivis les auteurs de
messages à caractère violent, raciste ou négationniste
diffusés sur l'Internet.
De même, certaines dispositions du code pénal tendent à
protéger les mineurs. L'article 227-24 punit de trois ans
d'emprisonnement et de 500.000 F d'amende la fabrication, le transport ou
la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, d'un
message violent ou pornographique, ou le commerce d'un tel message lorsqu'il
est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur.
Aux termes de l'article 227-23, est passible d'un an d'emprisonnement et de
300.000 F d'amende le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou
de transmettre l'image d'un mineur présentant un caractère
pornographique. Sa diffusion, par quelque moyen que ce soit, est punie des
mêmes peines, lesquelles sont portées à trois ans
d'emprisonnement et 500.000 F d'amende s'il s'agit d'un mineur de quinze ans.
Ces dispositions permettent de sanctionner les auteurs de fichiers contenant
des documents à caractère pédophile.
Au terme de cet inventaire, l'examen du droit positif révèle que
de nombreuses dispositions sont susceptibles de fonder la responsabilité
pénale des acteurs de l'Internet, la pertinence des incriminations
étant indépendante du type de support.
Cependant, pour leur mise en uvre, il faut pouvoir déterminer qu'elles
correspondent bien à la loi applicable. Il faut à la fois
localiser les faits constituant l'infraction et identifier leurs auteurs.
L'application du droit existant se heurte alors parfois aux
spécificités de l'Internet.