II. L'ÉQUIPEMENT DES MÉNAGES : UNE SITUATION TRÈS INÉGALITAIRE

La « révolution » de la société de l'information dont certains commentateurs parlent est toute relative si l'on analyse les chiffres de l'équipement des foyers. Certes, celui des entreprises est aujourd'hui une réalité qui rend nécessaire la maîtrise des outils de la communication. Le faible nombre d'ordinateurs dans les foyers au regard du caractère incontournable de son utilisation professionnelle rend plus nécessaire que jamais l'équipement des écoles et l'élaboration d'une pédagogie adaptée. Cela devient une condition indispensable afin d'éviter l'apparition d'une nouvelle exclusion : celle découlant de la possession familiale ou non d'un ordinateur, clivage qui reproduirait de façon plus accentuée qu'aujourd'hui celui entre familles à niveau de vie aisé et familles à revenus modestes.

Les analyses aujourd'hui disponibles donnent des indications plus ou moins variables. Sans prétendre à la parfaite exhaustivité ni même à l'exactitude absolue des données chiffrées publiées jusqu'alors, les tendances qui se dégagent sont similaires ; elles méritent d'être connues des parlementaires.

1. Le rapport de la Task Force « Logiciels éducatifs et multimédia 29 ( * )

En 1995, avec un taux d'équipement moyen des familles en micro-ordinateur de 19%, l'Europe se situait au deuxième rang derrière les États-Unis (35%) et devant le Japon (10%). Sur ce marché, le niveau des équipements multimédias a crû très rapidement à partir de l'année 1994 : en Europe, il est passé de 2,7 à 9 millions de lecteurs de cédéroms entre 1994 et 1995 et l'on s'attend à ce qu'il atteigne 25% des foyers en 1998, soit 35 millions d'unités. Cependant, bien que les prix des équipements multimédias soient orientés à la baisse, ils restent dissuasifs pour un nombre important de foyers, alors que les familles à hauts revenus commencent à s'équiper d'un deuxième PC. De plus, certaines incompatibilités techniques entre les matériels offerts sur le marché rendent l'utilisation de produits multimédias encore difficile pour le consommateur non averti.

Le taux d'équipement des foyers en modem permettant la connexion des micro-ordinateurs sur des réseaux télématiques est encore faible (1% en France et en Italie, 3% en Allemagne, 4% en Grande-Bretagne) mais progresse rapidement, en particulier aux États-Unis où il a doublé entre 1994 et 1995 pour atteindre 15% des foyers. Le niveau encore élevé des tarifs de télécommunications en Europe ne facilite cependant pas l'accès des familles aux services en ligne.

Les usages familiaux : De machine de jeu et d'initiation à la programmation qu'il était dans les années 80, touchant un public d'adolescents, garçons le plus souvent, le micro-ordinateur devient dans les années 90 la machine de toute la famille utilisée pour le travail professionnel et scolaire tout autant que pour la culture et pour le jeu. L'intérêt des familles pour les multimédias éducatifs et culturels reflète de nouvelles préoccupations des parents. D'un côté, ceux-ci sont sensibles à l'alternative que ces produits offrent à la consommation passive de programmes télévisuels. De l'autre, nombre d'entre eux sont inquiets pour l'avenir de leurs enfants, et investissent dans des produits et services parascolaires pour leur assurer les meilleures chances d'intégration professionnelle et sociale.

Les logiciels les plus vendus en Europe sont ainsi des encyclopédies et titres culturels d'origine européenne ou nord-américaine, (Encarta de Microsoft, Le Louvre produit en France par la Réunion des Musées Nationaux) ou des titres de découverte pour les jeunes enfants (The Ways Things Work de l'Anglais Dorling Kindersley, Math Blaster de l'Américain Davidson, ADI du Français Coktel-Vision). Ce sont des logiciels alliant un riche contenu multimédia - textes, images, séquences vidéos - à une forte interactivité.

Les particuliers s'intéressent également aux services en ligne, c'est à dire accessibles par les réseaux télématiques, le plus souvent pour un coût de l'ordre de 15 Écus par mois (environ 100 F par mois). Le nombre de ces abonnements aux États-Unis a connu un taux de croissance de 87% en 1995 et plusieurs services similaires ont été lancés en Europe en 1995 : America On Line Europe (Bertelsmann-AOL), Grolier Interactive (Matra-Hachette), Europe On Line (Burda-AT&T), Infonie (Infogrames), T-On Line (Deutsche Telekom), Italia ou UK On Line (Olivetti). Enfin, de multiples services éducatifs sont proposés gratuitement sur le World Wide Web.

Toutefois, la disponibilité vers la fin du siècle de réseaux à hauts débits à des prix abordables, et les progrès de la recherche-développement sur des applications télématiques conviviales et bon marché, devraient favoriser le développement de services réellement multimédias.

2. Les réseaux de la société de l'information30 ( * ) (Commissariat général du Plan) :

« Sur l'ensemble des accès Internet (particuliers et professionnels) la France comptait environ 120 000 abonnés en septembre 1995, accusant ainsi un retard certain par rapport à ses principaux partenaires. L'Allemagne comptait, à la même époque, 402 000 abonnés à Internet, la Grande-Bretagne 380 000, les Pays-Bas 153 000, la Suède 124 000 et la Finlande 133 000.

« Depuis un an, l'utilisation d'Internet croit de manière considérable dans notre pays. Selon une enquête de la société Médiangles, la France comptait en Avril 1996, 480 000 utilisateurs d'Internet, dont 185 000 particuliers (95 000 disposant d'un accès à domicile et 90 000 utilisateurs d'un cybercafé). Les « internautes » français représenteraient donc encore moins de 1,5 % de la population des quinze ans et plus, taux qui est cependant beaucoup plus élevé au sein de certaines catégories, comme les étudiants ou les chercheurs.

« Entre janvier et juillet 1996, le nombre d'ordinateurs connectés à Internet a cru de 38 % en France, contre 36 % dans l'ensemble du monde. En juillet 1996, la France comptait 189 786 ordinateurs connectés, contre 548 168 pour l'Allemagne et 8 224 278 pour les États Unis. » (p 79-80) (...)

« Concernant les catalogues de titres cédéroms, 50 % des 8 000 titres grand public existants ont été produits aux États-Unis, et 5 % seulement en France. 71 % sont disponibles en anglais, contre respectivement 5,8 % et 5 % en français et en allemand. Les jeux représentent 34 % du total (en forte progression), la catégorie dictionnaires et encyclopédies 43 %, en stagnation relative, et le secteur éducatif 17 % en forte progression. » (pp. 96-97).

Population d'internautes 31 ( * ) . (États-Unis multimédia n°5 Nov-Déc 96)

En 1996 (sources Network wizard) :

États unis :

41 millions

Canada :

2,1

Royaume-Uni :

2,9 millions

Australie :

2

Allemagne :

2,75

Finlande :

1,4

Japon :

2,5

France :

0,95

En 2000

Estimations : 308 millions d'internautes ; 150 millions de télécopieurs ; 300 millions d'ordinateurs ; 800 millions de lignes téléphoniques.

Aussi incertaines soient-elles, les estimations laissent présager un développement exponentiel des réseaux. S'y préparer devient une exigence comme il en fût au siècle dernier quand il s'est agi d'électrifier la France.

Au moment :

- où le clivage dans l'équipement des foyers en outils multimédia apparaît avec netteté,

- où toutes les professions exigent une capacité d'usage allant du seul emploi du clavier à toutes les subtilités d'un ordinateur et de ses accessoires,

- où beaucoup se plaignent du poids des cartables des écoliers,

le rôle de l'école en matière d'apprentissage des NTIC apparaît fondamental. L'enjeu de ce rapport est d'en préciser les termes et les conditions.

* 29 Commission européenne. Juillet 1996.

* 30 Rapport du groupe présidé par M. Thierry Miléo. Editions ESKA, collections Rapports officiels.

* 31 Personne utilisant Internet.

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