B. LA CRISE CONTINUE D'AFFECTER LE SECTEUR DES FRUITS ET LÉGUMES

Lors des premières auditions, les membres du groupe de travail ont été confrontés à un constat préoccupant : malgré le fait que les pouvoirs publics et les professionnels ont pris un certain nombre de mesures importantes, la situation du secteur des fruits et légumes n'a que peu évolué au cours de ces dernières années .

L'analyse de la crise qu'avait connue le secteur des fruits et des légumes au cours de l'année 1992 avait conduit la mission sénatoriale à s'interroger sur les causes de cette crise généralisée et sur ses conséquences sur l'ensemble de la filière.

Elle avait, préalablement, replacé cette crise dans la perspective de l'évolution de ce secteur au cours des vingt dernières années en matière de consommation, de production, de prix et d'échanges. Le groupe de travail n'a pas jugé utile de procéder à nouveau à ces travaux , moins de quatre années seulement après la publication du rapport de la mission sénatoriale.

Il lui est cependant paru indispensable de rappeler le contexte de crise que certaines productions ont connu ces trois dernières années avant d'auditionner les différents handicaps de la filière française " fruits et légumes ", qu'il s'agisse des faiblesses " structurelles " de ce secteur ou de ses perspectives d'évolution qu'il juge préoccupantes.

1. Une situation qui reste préoccupante

Depuis 1992 , considérée comme " l'année terrible " dans la filière, le secteur des fruits et légumes n'a guère connu de périodes fastes . En effet, si le revenu des exploitations s'est globalement stabilisé, il n'a, à aucun moment, retrouvé le niveau des années 1980.

a) dans le secteur des légumes...

La production pour la campagne 1993-1994 a été en légère progression par rapport à la campagne difficile de 1992 : melons, carottes et choux-fleurs ont retrouvé un niveau élevé de récolte. Malgré les difficultés de commercialisation rencontrées sur certains légumes, l'indice des prix à la production pour l'ensemble des légumes frais s'est redressé de 7 % en 1992 et 1993.

Ce mouvement de légère hausse a été confirmé en 1994 puisque la chaleur de l'été et la douceur de l'automne ont favorisé la production de melons, salades, tomates et choux-fleurs. Cependant, les apports importants de fin d'année et la qualité hétérogène des produits ont de nouveau entraîné les cours à la baisse.

En 1995 , à l'exception des haricots verts et des salades, la plupart des principaux légumes frais ont enregistré une chute plus ou moins prononcée du volume de leurs livraisons. Les quantités d'asperges ont été très faibles et celles de tomates moyennes. En outre, le volume des livraisons des pommes de terre a diminué de 3 %. On estime ainsi que, pour 1995, l'évolution est négative pour les exploitations spécialisées dans la culture légumière (de - 4 à - 9%). Au sein même des exploitations produisant des légumes, la situation selon les produits a dû également être nuancée, les producteurs de tomates ayant connu une baisse de prix importante.

En 1996 , d'après les informations obtenues par le groupe de travail, quelques perturbations ont affecté, en début d'année, le melon et plus fortement la pomme de terre primeur. Par ailleurs, si le marché de la tomate s'est redressé, la situation du chou-fleur a été difficile en octobre à cause d'un déséquilibre de l'offre et de la demande. Le marché de l'endive s'est relativement bien comporté.

L'année 1997 a débuté dans des conditions difficiles. L'arrivage massif de produits importés à des prix dérisoires a déséquilibré notamment le marché de la tomate. Entre le 9 et le 14 mai, de l'ordre de 10.000 tonnes de tomates en provenance d'Espagne ont été importées en France selon les professionnels, alors qu'au cours de tout le mois de mai 1996, 16.500 tonnes avaient été importées et 14.500 tonnes en 1995. Ainsi on a pu relever sur le marché de Saint-Charles un prix du kilogramme de tomates entre 1,30 francs et 1,40 francs.

Globalement, le revenu brut d'exploitation moyen des horticulteurs est inférieur de près de 40 % à son niveau de 1980, attestant d'une réelle dégradation.

b) ... comme celui des fruits

La production française de fruits a retrouvé en 1993 , après le gel de 1991 et le record de 1992, un niveau globalement moyen, excepté en ce qui concerne la pêche et l'abricot.

Cette légère hausse de la production a été confirmée en 1994 et 1995 , permettant à l'indice des prix des fruits, en baisse depuis 1991, de progresser respectivement de 4 et 6 %. De nombreux fruits comme l'abricot, la cerise, la clémentine, la pêche et le kiwi ont bénéficié de ce mouvement. Les cours de la pomme sont cependant restés à un niveau inférieur à ceux de 1994 (-5 %).

Si on constatait en 1995 une amélioration globale du revenu en exploitation fruitière (+ 7,2 % en termes réels), à moyen terme, l'évolution du revenu des producteurs de fruits est demeurée très négative. L'évolution tendancielle depuis 1990 atteint -15,8 % en moyenne annuelle et le niveau de revenu de 1995 demeure inférieur de 38% à celui de 1991 .

Si le bilan de la campagne 1996 a été , dans l'ensemble, satisfaisant , la pomme, la pêche, l'abricot et la prune ont connu une situation difficile . Alors que la campagne s'annonçait relativement bonne, on a assisté à une concentration imprévue des arrivées à maturité. Par ailleurs, les surplus non exportés, les produits italiens étant plus compétitifs, se sont retrouvés sur le marché intérieur. Les stocks sont devenus importants et les cours ont chuté durant l'été. Les prix en sont arrivés à ne plus couvrir les coûts de production, chaque kilogramme commercialisé (pêche, abricot...) se traduisant par une perte nette importante.

L'année 1997 a mal débuté dans le secteur des fruits. Après un gel qui a endommagé des milliers d'hectares dans l'arboriculture, le marché de la fraise connaît une situation très difficile, à tel point que les responsables de ce secteur dans le Lot-et-Garonne ne se sentent pas " moralement le droit de conseiller à leurs collègues de replanter l'année prochaine, ne voulant pas les envoyer à la catastrophe ". En effet, alors que la fraise est actuellement en pleine production, ce secteur est confronté à la vive concurrence des fraises d'Espagne et du Maroc sur le marché français et des fraises italiennes et espagnoles sur le marché allemand, principal débouché à l'exportation... Selon les données du service des nouvelles des marchés, les cours à Rungis pour les fraises françaises rondes variaient entre 12 et 15 francs -jusqu'à 18 francs pour la garriguette-, les fraises espagnoles ne dépassant pas 9 francs.

Cette situation de crise " quasi permanente " est révélatrice non seulement d'un environnement international et communautaire en pleine mutation, mais aussi d'un certain nombre de handicaps que connaît la filière.

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