M. 14 JUIN 1989
CONSEIL D'ETAT
19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES
(14 juin - 7 / 8 SSR - 74065 - Société LACOUR-WACHTER- SOLAWAC)
Vu la requête enregistrée le 12 décembre
1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat,
présentée pour la société
LACOUR-WACHTER-SOLAWAC , société à responsabilité
limitée dont le siège est à Gustavia 97133 Ile de
Saint-Barthélémy, dont le liquidateur est M. Roger Lacour,
représentée par Me Jean-Marie Defrenois, avocat au Conseil d'Etat
et à la Cour de Cassation, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 septembre 1985 par lequel le tribunal
administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande en annulation de la
décision implicite par laquelle le directeur des services fiscaux a
rejeté sa réclamation relative à la décharge de
l'impôt sur les sociétés auquel elle a été
assujettie au titre des années 1977 et 1978 dans les rôles de la
commune de Saint-Barthélémy ;
2°) lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'acte du 26 mars 1804 du gouvernement royal suédois ;
Vu la loi du 3 mars 1878 approuvant le traité conclu le 10 août
1877, pour la rétrocession à la France de l'Ile de
Saint-Barthélémy, ensemble le décret du 12 mars 1878
portant promulgation dudit traité, avec le protocole qui était
annexé ;
Vu l'article 55-B de la loi du 29 juin 1918 ;
Vu la délibération du Conseil général de la
Guadeloupe du 2 juin 1922 ;
Vu la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 ;
Vu le décret n° 48-563 du 30 mars 1948 ;
Vu le décret n° 48-1986 du 9 décembre 1948 ;
Vu la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 ;
Vu l'article 73 de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu l'article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n°
53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre
1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Zémor, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de la
société à responsabilité limitée
LACOUR-WACHTER- SOLAWAC ,
- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;
Sur le principe des impositions contestées :
Considérant, en premier lieu, que l'impôt sur les
bénéfices ou revenus des sociétés et autres
personnes morales n'a été institué que par l'article 1er
du décret 48-1986 du 9 décembre 1948 portant réforme
fiscale pris sur le fondement de l'article 5 de la loi du 17 août 1948 ;
que, dès lors, le moyen tiré par la société
LACOUR-WACHTER- SOLAWAC de ce que les dispositions antérieures de
l'article 20 du décret du 30 mars 1948, pris pour l'application de
l'article 2 de la loi du 19 mars 1946 qui a érigé en
départements français les colonies de la Guadeloupe, de la
Martinique, de la Réunion et de la Guyane française, aux termes
desquelles le régime particulier appliqué aux dépendances
de Saint-Martin et Saint-Barthélémy est maintenu provisoirement
en vigueur eraient obstacle à ce que des sociétés et
autres personnes morales ayant leur siège dans la commune de
Saint-Barthélémy entrent légalement dans le champ
d'application de l'impôt sur les sociétés est
inopérant ;
Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient
la société requérante, l'acte du 26 mars 1804 du
gouvernement royal suédois, qui se borne à ajourner
l'instauration d'une capitation et d'un impôt foncier dans l'île de
Saint-Barthélémy n'a pas reconnu aux habitants de cette île
un droit à exemption définitive et irrévocable
d'impôt direct ; que, dès lors, les stipulations de l'article 3 du
protocole annexé au traité du 10 août 1877 par lequel la
Suède a rétrocédé l'île de
Saint-Barthélémy à la France, aux termes desquelles la
France succède aux droits et obligations résultant de tous actes
régulièrement faits par la couronne de Suède ou en son nom
pour des objets d'intérêt public ou domanial concernant
spécialement la colonie de Saint-Barthélémy et ses
dépendances n'ont eu ni pour objet ni pour effet de garantir aux
habitants de Saint-Barthélémy un droit à être
définitivement exemptés de tout impôt direct qui ne leur
avait pas été reconnu avant le transfert de l'île sous la
souveraineté française avec le consentement de sa population ;
que, par suite, la société requérante ne peut, en tout
état de cause, utilement soutenir que les stipulations
précitées font obstacle à ce que les
sociétés et autres personnes morales ayant leur siège dans
la commune de Saint-Barthélémy soient légalement
assujetties à l'impôt sur les sociétés ;
Considérant, en troisième lieu, que sur le fondement de l'article
73 de la constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel le régime
législatif des départements d'outre-mer est le même que
celui des départements métropolitains, sauf les exceptions
déterminées par la loi , les auteurs du décret portant
réforme fiscale du 9 décembre 1948 pris comme il a
été dit sur habilitation du législateur, ont pu
légalement inclure les sociétés et autres personnes
morales ayant leur siège dans la commune de
Saint-Barthélémy dans le champ d'application de l'impôt sur
les sociétés qu'ils ont institué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la
société SOLAWAC, société à
responsabilité limitée ayant pour objet la représentation
et la distribution de divers produits, n'est pas fondée à
soutenir qu'elle n'était pas passible de l'impôt sur les
sociétés au titre des exercices 1977 et 1978 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs
pas contesté que, malgré deux mises en demeure, la
société requérante n'a pas souscrit les
déclarations de résultats auxquelles elle était tenue par
application de l'article 223-1 du code général des impôts ;
que, dès lors, et par application de l'article 221-1 dudit code elle
était en situation de taxation d'office ; que, par suite, si
l'administration a néanmoins procédé à une
vérification de sa comptabilité, comme elle en avait le droit,
les irrégularités qui, selon la société
requérante, entacheraient cette vérification sont sans influence
sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le moyen tiré de ce qu'une lettre circulaire de l'administration
fiscale de Saint-Barthélémy en date du 9 juin 1986 a ouvert aux
contribuables de cette île la possibilité d'un recours gracieux :
Considérant que si la société requérante entend,
dans le dernier état de ses conclusions, se prévaloir, sur le
fondement de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, de
ladite circulaire relative au recouvrement de l'impôt sur le revenu qui
n'aurait pu être acquitté, elle ne peut tirer aucun moyen
opérant de ce que l'administration ait ouvert une voie de recours
gracieux qui, en tout état de cause, ne concerne pas l'impôt sur
les sociétés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la
société
LACOUR-WACHTER-SOLAWAC n'est pas fondée à soutenir que c'est
à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de
Basse-Terre a rejeté sa demande en décharge ; Article 1er : La
requête de la société LACOUR-WACHTER-SOLAWAC est
rejetée. Article 2 : La présente décision sera
notifiée à la société
LACOUR-WACHTER-SOLAWAC et au ministre délégué
auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances
et du budget, chargé du budget.