Audition de MM. André Grammont,
directeur de l'espace rural et de
la forêt au ministère de l'agriculture,
de la pêche et
de l'alimentation,
et Christian Barthod, sous-directeur de la
forêt
(Mardi 25 février 1997).
M. Jean-François Le Grand, président,
a
interrogé M. André Grammont sur la genèse des directives
européennes " Oiseaux " et
" Habitats ", les
problèmes posés par leur mise en oeuvre et leur
compatibilité avec le dispositif législatif national.
S'agissant de la genèse des directives,
M. André Grammont
a considéré que leurs procédures portaient en germe
les différents conflits que l'on a vu se développer par la suite.
En premier lieu, elles constituaient une méconnaissance du droit de
propriété, qui traduisait, en outre, une incompréhension
des réalités françaises.
Il a ensuite indiqué que, malgré le consensus existant sur la
nécessité de protéger les espaces naturels de façon
cohérente, les scientifiques chargés de l'inventaire avaient
montré un souci excessif d'exhaustivité, qui était en
partie cause du tollé qui s'était ensuivi.
Il a enfin souligné le malentendu qui avait assimilé l'ensemble
des zones délimitées par l'inventaire aux zones spéciales
de conservation devant constituer le futur réseau " Natura
2000 ", alors qu'une sélection devra être
opérée tant au niveau national qu'européen.
Pour toutes ces raisons, sans nier le travail considérable qui avait
été accompli avec peu de moyens par le Muséum national
d'histoire naturelle,
M. André Grammont
a jugé
salutaire la remise en question de la procédure de mise en oeuvre de la
directive 92/43 " Habitats ".
Pour expliquer la méfiance dont faisaient preuve les maires
vis-à-vis des zones délimitées par l'inventaire,
M.
Jean-François Le Grand, président,
a alors rappelé la
façon dont ceux-ci avaient été
" échaudés " lors de la mise en place des Z.N.I.E.F.
M. André Grammont
a regretté l'absence d'un principe de
protection du droit de propriété. Il a reconnu qu'en
matière de protection des espaces naturels, les propriétaires
avaient souvent été pris de court ; mais, il a souligné
qu'inversement, ceux-ci avaient tendance à réclamer des
compensations financières dès qu'une contrainte relevant du plus
élémentaire bon sens leur était imposée. De tels
comportements expliquaient, d'après lui, le " capital de
méfiance " qui s'était installé entre les
propriétaires et les environnementalistes.
Considérant enfin qu'au sein du CNPN la représentation des
acteurs économiques et sociaux était
déséquilibrée au bénéfice de celle des
écologistes, il a jugé " explosive " la composition de
cet organisme, et a appelé de ses voeux sa modification.
Mme Janine Bardou
a considéré, pour sa part, que
l'application de la directive 92/43 " Habitats " était mal
engagée sur le fond et sur la forme. Elle a en particulier
regretté vivement que sa mise en oeuvre ait été prise en
main par les seuls scientifiques, sans consultation préalable des
élus. Elle a indiqué que dans certaines régions, 30 %
du territoire avait été retenu dans le cadre de l'inventaire, et
a manifesté la crainte que les tribunaux administratifs n'aient une
interprétation extensive des zones classées.
Elle s'est félicitée du délai obtenu par le Gouvernement
pour l'application de cette directive. Elle a cependant craint que ce
délai ne s'avère insuffisant.
M. Jean-François Le Grand, président,
a jugé qu'il
existait un consensus sur les causes de " l'échec " de ces
directives. Il a, en outre, émis des doutes sur la capacité de
certaines associations à émettre un avis objectivement
scientifique.
M. André Grammont
a précisé que lorsque le travail
avait été réalisé par les scientifiques de terrain,
tout s'était déroulé sans problème dans le secteur
forestier.
Compte tenu des délais impartis,
M. Jean-François Le Grand,
président,
a émis la crainte de ne voir retenues que les
zones déjà classées, par recherche d'un consensus. Il a
également émis des réserves sur
l'homogénéité des critères de sélection des
sites d'un département à l'autre.
En réponse à cette inquiétude,
M. André Grammont
a indiqué que les écosystèmes étaient
déjà bien connus en de nombreux endroits. Il a cependant reconnu
la nécessité d'une " navette ", entre les niveaux
national et communautaire, pour harmoniser les critères de
sélection.
M. Christian Barthod
a également insisté sur la
nécessité d'un tel travail d'harmonisation.
M. Jean-François Le Grand, président,
a ensuite
regretté que le maire seul, et non pas le conseil municipal soit
consulté sur les listes de sites envisagés en application de
l'article 6 du décret n° 95-631 du 5 mai 1995
relatif à la procédure de mise en oeuvre de la directive.
S'agissant de cette consultation,
M. André Grammont
a jugé
que, si seules les surfaces déjà classées étaient
retenues, elle ne poserait pas de difficulté majeure.
Il a insisté sur la nécessité d'arrêter un zonage en
juin, afin d'éviter une condamnation de la France par la Cour de
justice. Pour y parvenir, il a recommandé de ne retenir dans un premier
temps que les surfaces dont le classement était consensuel.
Il serait, en effet, dommage, a-t-il conclu, qu'un projet comme
" Natura 2000 " ne puisse aboutir en raison de
l'addition des
difficultés rencontrées dans chaque pays membre de l'Union
européenne.
M. Christian Barthod
a ensuite souligné
l'hétérogénéité du territoire
français ainsi que sa très grande richesse au regard de la
biodiversité.
Il a souhaité, d'autre part, que ce ne soit pas la Cour de justice
européenne qui impose une " lecture dure de la directive ",
et
il a jugé qu'en retenant 2,5 % du territoire, la plupart des
problèmes que l'on redoutait étaient résolus.