b) La portée juridique des textes est source de contentieux
Un contentieux important a opposé le Territoire
et certaines communes de Nouvelle-Calédonie au sujet de la portée
qu'il convenait de donner aux dispositions relatives aux modalités de
calcul du fonds intercommunal de péréquation pour le
fonctionnement (FIP-fonctionnement). Ce contentieux laisse penser que les bases
juridiques du FIP pourraient, le cas échéant, être
affermies grâce à une rédaction ne prêtant à
aucune contestation.
Une première requête
présentée par
l'Association des maires a tourné à l'avantage des communes sur
un point qui n'aurait d'ailleurs pas dû donner lieu à débat.
Par jugement en date du 9 août 1995, le tribunal administratif de
Nouméa a en effet donné raison aux requérants qui
contestaient le mode de calcul du FIP pour les années 1988, 1989 et
1990 (sommes non prescrites) en ce qu'il reposait sur la notion de
"recettes
prévisionnelles du territoire"
. La juridiction administrative,
rappelant les termes de la loi, a relevé que cette base de calcul devait
être corrigée lorsque les recettes réellement
perçues se révélaient supérieures aux recettes
prévisionnelles.
L'Etat a été condamné en responsabilité par le
tribunal administratif à payer aux communes requérantes la
différence entre les sommes qui auraient dû être
versées par le Territoire et celles effectivement acquittées
(près de 1,5 milliard de francs CFP, soit 81 millions de francs
français), majorée des intérêts légaux.
Il est déjà regrettable que l'Etat ait commis une erreur de
droit sur un texte dont l'interprétation ne pouvait, sur le point du
litige soulevé par les maires, prêter à confusion
.
L'appel déposé à titre conservatoire contre le jugement du
tribunal de Nouméa a, en outre, suscité une vive réaction
des communes de l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie :
fermeture des services municipaux le 15 décembre 1995, et refus de
recevoir tout représentant de l'Etat jusqu'au règlement du
contentieux. Après le retrait de l'appel, l'association a maintenu la
pression jusqu'à ce que l'Etat s'engage sur une date de remboursement.
Un étalement de la dette sur trois ans, avec versement du premier tiers
en février 1996, a été proposé et accepté.
Il a en outre été décidé, en début
d'année 1996, de verser aux douze communes qui n'avaient pas
formé de recours, une "libéralité" de 5,8 millions de
francs français (105,5 millions de francs CFP) correspondant au
manque à gagner sur le FIP 1990 (il y avait prescription pour les FIP
antérieurs).
Dès la fin de 1990, le Territoire avait, dans le cadre de la
délibération n° 144/CT du 27 décembre,
rectifié sa première délibération afin de
prévoir, conformément au texte de la loi communale de 1969, un
mécanisme de régularisation a posteriori des versements du
FIP-fonctionnement lorsque les recettes fiscales servant de base de calcul se
révèlent plus élevées que celles inscrites à
titre prévisionnel dans le budget primitif du Territoire.
La délibération n° 144 fixe la liste des
prélèvements fiscaux entrant dans l'assiette du FIP et de la
dotation de fonctionnement des provinces et pose les principes présidant
à leur calcul initial ainsi qu'à leur régularisation.
Votre commission des finances note toutefois que
les modalités
d'application
de l'article 9-1 de la loi n° 69-5 du
3 janvier 1969, modifié par l'article 28 de la loi n°
93-1 du 4 janvier 1993, instituant le FIP-fonctionnement doivent être
déterminées par
décret en Conseil d'Etat
.
A ce jour, seul est intervenu un décret n° 93-1152 du
7 octobre 1993
"relatif au comité chargé de gérer
le fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement des
communes"
.
Des décrets annuels fixant la quote-part versée aux communes
sont également pris mais ne peuvent être assimilés au texte
requis in fine par l'article 9-1 de la loi du 3 janvier 1969
modifiée précitée.
On peut donc se demander si l'autorité réglementaire, en
l'occurrence le Premier ministre, n'a pas méconnu sa compétence
en laissant le Territoire intervenir directement dans la définition de
l'assiette du FIP. Sauf à considérer que le Territoire tient de
l'article 9 du statut de 1988 un pouvoir fiscal général et
que la délibération n° 144 se contente de dire ce qu'il
faut entendre par recette fiscale. Il s'agirait en fait d'un texte
interprétatif.
La délibération n° 144/CT ne se limite toutefois pas
à une définition d'assiette mais fixe également les
modalités de calcul et de régularisation du FIP-fonctionnement.
En outre, elle prévoit la possibilité de régularisations
négatives lorsqu'il apparaît que les recettes fiscales sur
lesquelles sont assis le FIP-fonctionnement et la dotation de fonctionnement
des provinces ont été inférieures au niveau
escompté dans le budget primitif du Territoire.
Or, comme on l'a vu plus haut, si la loi de 1969 précitée
prévoit expressément les possibilités de
régularisation positive au profit des communes, elle n'envisage pas de
régularisations négatives au détriment de celles-ci.
Ainsi, si le dispositif d'application du FIP-fonctionnement ne paraît
pas devoir être modifié au fond (aux yeux de votre rapporteur, le
principe d'une assiette calée sur les recettes effectivement
perçues est le seul défendable), il conviendrait peut-être
que l'administration, qui a elle-même signalé ces
difficultés à votre rapporteur, s'assure de pouvoir les surmonter.
Une seconde requête
devait être introduite au début
de 1997 par l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie auprès
du tribunal de Nouméa sur plusieurs points dont l'un pourrait
peut-être poser problème. En effet, l'article 9-1 de la loi
n° 69-5 du 3 janvier 1969 modifiée assoit le fond
intercommunal de péréquation pour le fonctionnement des communes
sur les
"impôts, droits et taxes perçus au profit du budget
territorial"
.
Or, le budget du Territoire prévoit en recettes fiscales des taxes et
droits qui sont ensuite reversés à des structures tierces, telles
les collectivités, provinces et communes, le fonds
d'électrification rurale (FER), mais aussi la caisse de compensation des
prestations familiales, accidents du travail et de prévoyance (CAFAT),
la chambre de commerce et d'industrie ou le port autonome de
Nouvelle-Calédonie.
La délibération n° 144/CT précitée
exclut nommément les sommes faisant l'objet d'un reversement dans
l'assiette de calcul du FIP-fonctionnement. Si cette interprétation peut
être considérée comme respectant l'esprit de la loi, elle
semble cependant contredite par une rédaction qui vise toutes les
recettes revenant au budget territorial, quelle que soit leur affectation
ultérieure.
Il appartiendra vraisemblablement au juge administratif de se prononcer
très prochainement.
La démarche de l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie
milite en tout cas pour une meilleure rédaction des textes et un plus
grand respect de la hiérarchie des normes, y compris de la part de
l'administration d'Etat en fonction sur le territoire.