B. L'ETAT ET LE TERRITOIRE : DES COMPÉTENCES D'ATTRIBUTION
Même dotés de compétences d'attributions,
l'Etat et le Territoire ont conservé des prérogatives
étendues.
Traduction du principe de "
l'Etat impartial et au service de
tous
" voulu
par les accords de Matignon, la fonction de Haut-commissaire de la
République en Nouvelle-Calédonie regroupe les missions de
représentant de l'Etat et d'exécutif du Territoire.
1. L'Etat (article 8 du statut)
L'Etat conserve une compétence exclusive dans les
domaines relevant de
missions de souveraineté
:
- relations internationales (politiques, commerciales, financières...) ;
- contrôle de l'immigration et des étrangers ;
- monnaie, crédit et changes ;
- défense ;
- maintien de l'ordre public et sécurité civile.
Il définit les principes "
directeurs
" régissant les
matières pour lesquelles des adaptations sont rendues nécessaires
par les spécificités ou les intérêts locaux :
- fonctionnement et organisation de la justice, droit civil, droit du travail,
fonction publique d'Etat...,
- droit du sol et du sous-sol,
- enseignement,
- communication audiovisuelle.
Parallèlement, le titre IV du statut de 1988 confère au
Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie la
double compétence de représentant de l'Etat
(article 64 du
statut)
et d'exécutif du Territoire
(article 65).
A ce dernier titre, le Haut-Commissaire "
prépare et exécute
les délibérations du Congrès et de sa commission
permanente et notamment le budget
". Il "
nomme à tous les
emplois
des services territoriaux
".
Enfin, l'article 68 de la loi référendaire a institué
auprès du Haut-commissaire
un comité consultatif
,
réuni au moins une fois par mois, composé du président et
d'un vice-président de chacune des trois assemblées de province
ainsi que du président et de l'un des vice-présidents du
Congrès du Territoire.
2. Le Territoire (article 9 du statut)
Le Territoire a reçu, en premier lieu, une mission de
mise en cohérence des pratiques
dans un certain nombre de
secteurs dont la gestion relève des provinces
. A ce titre, il est
chargé notamment de réglementer des matières telles que la
santé et la protection sociale, la circulation et les transports
routiers, les assurances et les marchés publics. Il fixe les principes
directeurs du droit de l'urbanisme.
Le Territoire conserve également dans ses prérogatives
plusieurs domaines relevant du service public ou d'intérêt
public territorial
: construction, équipement et gestion des
établissements de soins d'intérêt territorial ;
réseau routier d'intérêt territorial et communication par
voie maritime ou aérienne d'intérêt territorial ; ouvrages
de production ou de transport d'énergie électrique, abattoirs,
équipements portuaires et aéroportuaires, d'intérêt
territorial ; organisation de manifestations sportives et culturelles,
équipements sportifs et culturels, d'intérêt territorial.
Le Territoire est compétent en matière de droit du travail.
Toutefois,
la fonction principale exercée par le Territoire consiste
dans la définition du régime fiscal et la redistribution des
ressources aux autres collectivités.
Malgré la création de l'impôt sur les
sociétés (1975) et de l'impôt sur le revenu (1982), le
régime fiscal de la Nouvelle-Calédonie, plus encore que le
régime métropolitain, est caractérisé par
l'importance de la fiscalité indirecte, qui représente environ
65 %
des recettes. Le budget du Territoire est alimenté
principalement par des taxe sur les marchandises et les produits
importés, mais
la taxe sur la valeur ajoutée n'existe pas
.
Une taxe générale sur les prestations de services (TGPS),
d'inspiration proche de la TVA, a simplement été mise en oeuvre,
à titre temporaire, du 1er février 1994 au
1er février 1996.
Sur la base du budget primitif pour 1996, les recettes fiscales attendues
comprenant les droits de douane et les redevances diverses
s'élèvent à un peu plus de 50 milliards de francs CFP
(2,75 milliards de francs français et
80 %
des
ressources du budget du Territoire) répartis ainsi :
- impôts directs : 17,4 milliards de francs CFP (environ
960 millions de francs français) dont :
impôt sur le revenu des personnes physiques : 6 milliards de
francs CFP (330 millions de francs français),
impôt sur les sociétés : 4,65 milliards de
francs CFP (256 millions de francs français),
patente : 2,54 milliards de francs CFP (140 millions de francs
français) ;
- impôts indirects : 32,8 milliards de francs CFP (1,8 milliard
de francs français) dont :
taxe générale à l'importation : 13,7 milliards
de francs CFP (750 millions de francs français),
taxe de consommation sur les produits importés : 4 milliards
de francs CFP (220 millions de francs français).
Le taux de prélèvement fiscal approchait ainsi 20 % du
produit intérieur brut (en 1995) contre 29 % en France
métropolitaine. La différence est beaucoup plus nette encore si
les prélèvements sociaux sont pris en compte (respectivement
26 % et 44 % du PIB).
Sans être un "paradis fiscal", la Nouvelle-Calédonie dispose
incontestablement d'un régime plus favorable que celui mis en oeuvre en
métropole :
- taux marginal de 40 % pour l'imposition sur le revenu des personnes
physiques ;
- taux de l'impôt sur les sociétés fixé à
30 %, sauf pour les mines et la métallurgie où le taux est
de 35 % ; toutefois, ces secteurs sont les seuls à
bénéficier de dispositifs de "carry back" qui en réduisent
fortement le poids ;
- imposition réduite des revenus de l'épargne avec un taux de
10 % pour l'impôt sur le revenu des créances,
dépôts et cautionnements (IRCDC) et de 8 % pour l'impôt
sur le revenu des valeurs mobilières (IRVM).
En contrepartie, les droits et les taxes applicables à l'importation
sont particulièrement élevés et contribuent à la
cherté du coût de la vie sur une île qui doit importer une
forte proportion des biens qu'elle consomme. Ils comprennent :
- des droits de douane dont le taux varie de 0 % à 20 %,
auxquels sont assujettis tous les produits importés originaires des pays
autres que les Etats membres de l'Union européenne (CEE), les
départements d'outre-mer (DOM), les pays et territoires d'outre-mer
associés à l'Union européenne (PTOM) et les Etats
africains et malgaches associés (EAMA) signataires de la Convention de
Yaoundé du 29 juillet 1969 ;
- des taxes qui concernent toutes les importations quelle que soit leur
provenance :
la taxe générale à l'importation (TGI) qui comprend
6 taux variant de 0 % à 41 %,
la taxe spéciale de 2,25 %;
la taxe de péage (droit de quai) de 1 % applicable à
toutes les marchandises importées par voie maritime.
Pour protéger l'agriculture et l'industrie de transformation locales,
des taxes conjoncturelles sont perçues sur les marchandises
importées concurrentes de marchandises fabriquées localement.
Enfin, la France et le Territoire de la Nouvelle-Calédonie ont
signé en 1983
une convention fiscale
en vue d'éviter les
doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, en
matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les
sociétés et de droits d'enregistrement. Elle constitue à
ce jour la seule convention fiscale signée au sein de la
République française, les autres territoires et
collectivités d'outre-mer n'en étant pas dotés.