CHAPITRE PREMIER
LE CADRE FIXE PAR LE STATUT DE 1988 : LE PARI
VOLONTARISTE DU REEQUILIBRAGE
Le texte des accords de Matignon revendique d'emblée
"
l'ouverture d'une perspective nouvelle pour la Nouvelle-Calédonie,
garantissant une paix durable fondée sur la coexistence et le dialogue,
fondée également sur la reconnaissance commune de
l'identité et de la dignité de chacune des communautés
présentes sur le territoire, reposant sur un développement
économique, social et culturel
équilibré
de
l'ensemble du territoire, sur la formation et la prise de
responsabilités de l'ensemble des communautés humaines que le
peuplent (...)
".
Le statut de 1988, appliquant ces principes, a créé
trois
séries d'instruments
au service d'un "
développement
économique, social et culturel équilibré de l'ensemble du
territoire
" :
- la création des provinces,
- la mise en place d'une forte péréquation de la ressource
fiscale et budgétaire,
- la mise en oeuvre des contrats de développement ainsi que de
structures spécifiques de soutien à l'action économique.
I. L'ARMATURE INSTITUTIONNELLE : LA "PROVIN-CIALISATION"
La volonté de créer de nouvelles
collectivités décentralisées apparaît dès le
statut de 1984 avec le transfert du Territoire vers les
régions
de compétences dans les domaines économique, social et culturel.
Le statut de novembre 1988 constitue une seconde révolution juridique
après celle de 1984 puisque les provinces se voient dotées d'une
compétence de droit commun et que le Territoire, tout comme l'Etat, ne
dispose désormais que d'une compétence d'attribution
définie par la loi statutaire.
L'économique et le social continuent cependant de former la base des
attributions des provinces.
La Nouvelle-Calédonie a ainsi été dotée de trois
provinces : Nord, Sud et Iles Loyauté.
Si les provinces du Nord et du Sud présentent des superficies
comparables, la première ne compte que 40 000 habitants
à forte majorité mélanésienne cependant que la
seconde regroupe 135 000 habitants, dont la plus grande partie de la
population européenne.
Quant à la province des Iles Loyauté, presque exclusivement
mélanésienne (ou polynésienne à Ouvéa), elle
ne compte que 20 000 habitants au recensement de 1996.
A. LES PROVINCES : UNE VOCATION GÉNÉRALISTE ET UN RÔLE DÉTERMINANT EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
L'article 7 de la loi référendaire du
9 novembre 1988 dispose que "
chaque province est compétente dans
toutes les matières qui ne sont pas réservées, soit par la
présente loi, à l'Etat et au Territoire, soit par la
législation en vigueur, aux communes
."
En pratique, les provinces agissent principalement dans les domaines suivants :
- Gestion du secteur de
la santé
par les directions provinciales
de l'action sanitaire et sociale (DPASS), la réglementation restant du
ressort du Territoire. Ce groupe de compétences recouvre donc la
formation et le recrutement du personnel de soins, le financement de l'aide
médicale gratuite (AMG), la construction et la gestion des
circonscriptions médicales, la prévention sanitaire.
- Définition des programmes d'
habitat,
d
'urbanisme
et de
construction,
les principes directeurs du droit de l'urbanisme
continuant de relever de la compétence du Territoire.
- Droit
coutumier
et droit
foncier
.
- Mise en place des
infrastructures de transport
: routes,
aéroports et ports.
-
Enseignement
: dépenses de fonctionnement de l'enseignement
primaire ; au même titre que les départements en métropole,
construction et entretien des collèges du premier degré ainsi que
formation continue des enseignants du premier degré, dont la formation
initiale reste assurée par l'Etat et le Territoire.
-
Sport
,
tourisme
et
action culturelle
, le Territoire
devant cependant continuer de fournir les équipements sportifs et
culturels d'intérêt territorial.
-
Développement économique
.
Les provinces ont deux types d'action en matière de développement
économique : directes et indirectes.
En application de l'article 139 de la loi du 22 janvier 1988, portant statut du
Territoire de la Nouvelle-Calédonie,
trois sociétés
d'économie mixte de développement
(SEM) ont ainsi
été constituées :
- Promo-sud, société de développement de la province Sud ;
- Sofinor, société de financement et d'investissement de la
province Nord ;
- Sodil, société de développement et d'investissement de
la province des Iles Loyauté.
Les provinces détenaient, en 1996, individuellement respectivement
68 % de Promo-sud, 75 % de Sofinor et 79,5 % de la Sodil, le
reste des actions se partageant entre les banques de la place, l'Institut
Calédonien de Participation (ICAP) et quelques actionnaires minoritaires.
Chaque SEM a clairement orienté ses interventions autour d'un pôle
précis :
- Pour Promo-sud : le tourisme avec la société des hôtels
de Nouméa (SHN-Hôtel Le Méridien).
- Pour la Sofinor : les mines avec la Société des mines du Sud
Pacifique (SMSP).
- Pour la Sodil : le transport et l'hôtellerie.
Dans ce cadre, la Sodil avait initialement concentré ses engagements
très majoritairement dans la Société maritime des Iles
Loyauté (SMIL), exploitant du transbordeur Président
Yeiwené. La mise en liquidation de la SMIL a cependant été
prononcée par le tribunal de commerce de Nouméa le 5 mai
1996.
Au titre des
actions indirectes
, chaque province a adopté un
"
code
" spécifique qui recense les dispositions
générales et les modalités d'application du régime
d'aides.
Le code des investissements de la province Sud
s'adresse de façon
générale aux principaux secteurs d'activités mais a
concerné prioritairement depuis 1990 le tourisme et l'aquaculture.
Pour le secteur des services marchands, seules les entreprises
implantées en-dehors du Grand Nouméa sont susceptibles d'obtenir
un agrément.
Evolution du montant des aides attribuées par la
province Sud
au titre du code des investissements de 1991 à 1995
En milliers de francs CFP
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
Total |
Artisanat |
50.122 |
0 |
69.264 |
26.609 |
9.276 |
155.271 |
Industrie |
29.195 |
91.777 |
29.492 |
7.860 |
41.199 |
199.523 |
Tourisme |
6.024 |
95.705 |
163.868 |
68.283 |
22.089 |
355.969 |
Services marchands |
10.510 |
15.995 |
8.823 |
14.727 |
4.127 |
54.182 |
Pêche-Aquaculture |
24.532 |
20.084 |
187.618 |
45.931 |
1.500 |
279.665 |
Sous-total (1) |
120.383 |
223.561 |
459.065 |
163.410 |
78.191 |
1.044.610 |
Agriculture |
18.729 |
15.594 |
61.912 |
24.348 |
7.761 |
128.344 |
Elevage |
42.963 |
39.698 |
44.513 |
58.384 |
59.859 |
245.417 |
Sous-total (2) |
61.692 |
55.292 |
106.425 |
82.732 |
67.620 |
373.761 |
Total général (1) + (2) |
182.075 |
278.853 |
565.490 |
246.142 |
145.811 (1) |
1.418.371 |
Source : Province Sud
(1) Environ 8 millions de francs
.
Le code de développement de la province Nord
a institué
des aides pour les infrastructures primaires, l'investissement,
l'équipement, les contrats de licence de fabrication, l'accompagnement,
la gestion, l'installation professionnelle, l'autofinancement de
démarrage, l'acquisition de véhicules professionnels, la
formation professionnelle, la création d'emploi et la recherche de
débouchés personnels.
Sur la période 1992-1994, les aides financières au titre du code
de développement de la province Nord ont représenté plus
de 1,3 milliard de francs CFP (plus de 70 millions de francs
français), essentiellement dans le secteur rural, l'artisanat et le
tourisme.
La répartition sectorielle des aides a été
conjoncturellement bouleversée en 1995 par le soutien apporté
à deux projets d'aquaculture représentant à eux seuls
55 % du montant des investissements primés.
Montant des aides attribuées par la province
Nord
au titre du code de développement en 1995
En francs CFP
Secteur |
Nombre de dossiers |
Investissement |
Subvention d'équipement |
Subvention de fonctionnement |
Emplois primés |
Artisanat/entreprise |
12 |
201.308.000 |
65.184.000 |
13.911.000 |
6 |
Artisanat/rural |
2 |
7.699.000 |
1.425.000 |
|
0 |
Commerce |
7 |
7.372.000 |
2.320.000 |
5.073.000 |
2 |
Aquaculture |
2 |
444.137.000 |
176.574.000 |
21.000.000 |
0 |
Rural |
34 |
36.412.000 |
14.938.500 |
1.265.000 |
0 |
Tourisme |
6 |
13.349.000 |
5.612.000 |
4.740.000 |
9 |
Transport/roulage |
12 |
98.772.000 |
19.756.000 |
1.000.000 |
0 |
Divers (1) |
8 |
|
|
17.805.496 |
0 |
Total |
83 |
809.049.000 |
285.809.500 |
64.794.496 |
17 |
Source : Province Nord
(1) comprend les projets non classés par ailleurs ainsi que les aides
à divers organismes (AICA, Chambre d'agriculture, Comités de
Foires...).
Enfin,
le code provincial d'aide au développement économique
des îles Loyauté
touche les quelques secteurs
économiques représentés dans ces îles, à
l'exception du secteur des services non-marchands : agriculture, services,
tourisme et artisanat.
Le montant cumulé de l'aide accordé depuis 1990, soit un peu
moins de 800 millions de francs CFP (44 millions de francs
français), est de moitié inférieur à celui consenti
respectivement par les provinces Nord et Sud.
En outre, le niveau du soutien accordé est très
irrégulier. L'année 1994 a ainsi été marquée
par une hausse significative, non consolidée en 1995, correspondant au
financement de trois importants projets hôteliers répartis dans
chaque île principale.