CHAPITRE II
LA MISE EN OEUVRE DU VOLET ECONOMIQUE ET FINANCIER DES
ACCORDS DE MATIGNON : L'ESSOUFFLEMENT
Deux semaines entières passées sur le territoire
ont permis à votre rapporteur de constater cette évidence :
l'effort public a été considérable depuis la signature des
accords de Matignon. En témoignent tant la forte progression des masses
financières en jeu que les réalisations physiques, nombreuses et
remarquables, réparties dans l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie.
Pourtant très vite un autre constat s'impose :
le secteur
privé tarde à prendre le relais de l'investissement public.
Certes, le territoire dispose d'atouts économiques importants,
grâce notamment, mais pas seulement, au nickel. Il continue cependant
à faire face à d'importants blocages structurels qui pouvaient,
il est vrai, difficilement être surmontés en moins d'une
décennie.
A l'expérience, en outre, les institutions issues des accords de 1988
ont présenté certaines fragilités et les mécanismes
décrits dans la première partie de cet ouvrage sont apparus
partiellement inadaptés, voire lacunaires, en dépit des espoirs
mis en eux.
Pour tous les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur,
la mise
en oeuvre du volet économique et financier des accords de Matignon
souffre aujourd'hui d'un phénomène certain d'essoufflement.
I. UN DEVELOPPEMENT REMARQUABLE DES INFRAS-TRUCTURES PUBLIQUES
A. LA MESURE DE L'EFFORT À TRAVERS LES MASSES FINANCIÈRES
Depuis 1990, la Nouvelle-Calédonie bénéficie d'une progression soutenue de la dépense publique, tirée par l' intervention accrue de l'Etat.
Analyse des flux financiers publics (1990-1994)
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
Variation 1990/94 |
Total des dépenses publiques (milliards de francs français) |
10,47 |
11,03 |
11,93 |
12,46 |
12,74 |
+ 22 % |
dont Etat
|
2,90 |
3,08 |
3,34 |
3,99 |
4,06 |
+ 40 % |
Part de l'Etat dans les dépenses |
28 % |
28 % |
28 % |
32 % |
32 % |
|
Source : Trésorerie-paierie
générale de Nouvelle-Calédonie
Entre 1990 et 1994, les dépenses de l'Etat sur le territoire ont
augmenté de 40 %, passant de 2,9 à 4,06 milliards de francs
français, tandis que les dépenses des autres collectivités
publiques progressaient de 15 %, soit une moyenne de + 22 % sur la
période. Rapportée au total des dépenses publiques, la
part de l'Etat est passé de 28 % à 32 % entre 1992 et
1994.
Cette progression correspond à la traduction financière des
engagements pris après les accords de Matignon, et notamment la mise en
oeuvre du premier contrat de développement. En 1995, les
dernières données collectées par la Trésorerie
générale font état d'une nouvelle augmentation des
dépenses en provenance de métropole, de l'ordre de 5,7 %.
Les transferts financiers de l'Etat en Nouvelle-Calédonie auraient
atteint 4,3 milliards de francs, à cette date, soit
78 milliards de francs CFP et une progression de près de 50 %
par rapport à 1990.
Transferts financiers de l'Etat en Nouvelle-Calédonie
en millions de francs CFP
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
Ressources du Budget de l'Etat |
52 674 |
55 917 |
60 771 |
72 510 |
73 899 |
78 091 |
Emplois : |
|
|
|
|
|
|
Ménages (1) |
28.392 |
29.771 |
31.219 |
34.099 |
36.988 |
39.722 |
Biens et Services |
6.245 |
7.508 |
7.445 |
15.919 |
13.638 |
10.806 |
Equipements |
4.183 |
2.792 |
3.560 |
5.372 |
4.589 |
5.693 |
Budget du Territoire |
5.106 |
6.540 |
9.945 |
5.680 |
5.973 |
6.319 |
Provinces |
2.360 |
2.666 |
3.899 |
5.107 |
6.429 |
6.046 |
Communes |
5.120 |
5.333 |
3.341 |
5.283 |
5.377 |
5.301 |
Etab. publics Nationaux |
1.165 |
1.187 |
1.314 |
799 |
862 |
1.839 |
Etablissements publics Territoriaux |
103 |
68 |
48 |
251 |
43 |
99 |
Etab. publics locaux et autres organismes publics |
|
52 |
|
|
|
2.266 |
Total des emplois |
52.674 |
55.917 |
60.771 |
72.510 |
73.899 |
78.091 |
(1) Hors soldes et avantages des militaires.
Source : Trésorerie-paierie générale de
Nouvelle-Calédonie
Une autre source d'information, nettement moins fiable que les flux
constatés a posteriori par la Trésorerie-paierie
générale, est constituée par l'annexe annuelle au projet
de loi de finances initiale (le "jaune budgétaire") consacrée aux
flux de l'Etat vers les territoires d'Outre-mer. Les chiffres qu'elle contient
ne correspondent en effet qu'aux dotations inscrites et ne reflètent pas
l'état réel des consommations.
Néanmoins, les dernières données fournies attestent d'une
stabilisation de l'effort de l'Etat à un niveau élevé avec
4.574,2 millions de francs français votés en 1996 par le
Parlement et 4.471,8 millions de francs demandés pour 1997.
La lecture du tableau ci-dessus laisse en particulier apparaître la
multiplication par un coefficient de 2,5 des versements de l'Etat aux provinces
ainsi que la progression de près de 25 % des dotations au budget du
Territoire.
Le premier contrat de développement (1990-1992)
peut
désormais être considéré comme exécuté
en presque totalité.
Le second contrat de développement (1993-1997)
ainsi que le
contrat de ville de Nouméa ne présentaient, quant à eux,
qu'un taux d'engagement inférieur à
40
%
à la date du déplacement de votre rapporteur sur le
territoire.
Bilan financier des contrats de développement
1993-1997
(art. 84 de la loi référendaire du 9 novembre
1988)
et du contrat de ville 1993-1997
en francs français
Montant |
|
Participation de l'Etat |
|||
contractualisé (A) |
Collectivités |
Engagements (B) |
%
|
Paiements
|
%
|
670 939 450 |
Province Nord |
184.727.275 |
27,53 % |
96.495.108 |
52,24 % |
420 546 000 |
Province Sud |
156.057.026 |
37,11 % |
105.331.047 |
67,50 % |
313 908 100 |
Province Iles Loyauté |
159.805.117 |
50,91 % |
115.287.951 |
72,14 % |
223 979 950 |
Territoire |
117.088.313 |
52,28 % |
81.832.589 |
69,89 % |
15 539 855 |
Opérations
|
|
|
|
|
1 644.913.355 |
Total Contrats Développement |
|
|
|
|
376 409 587 |
Contrat de ville Nouméa |
146.158.466 |
38,83 % |
95.466.134 |
65,32 % |
A la différence des procédures contractuelles
passées entre l'Etat et les autres collectivités d'outre-mer, les
contrats de développement, la convention Etat/Territoire de
Nouvelle-Calédonie et le contrat de ville de Nouméa ne subissent
pas,
en 1997
, le principe d'un étalement sur un exercice
complémentaire des engagements de la métropole. Du reste,
l'alignement de la Nouvelle-Calédonie aurait constitué une faute
dans le contexte créé par la préparation des
modalités de sortie des accords de Matignon.
Le budget de l'Outre-mer pour cette année comporte ainsi
237,63 millions de francs français au titre du financement des
contrats de développement et 41,17 millions de francs au titre du
contrat de ville de Nouméa.
Le ralentissement observable en fin de période ne peut donc être
imputé à la volonté, sans faille, de l'Etat. La relative
faiblesse du montant de ses engagements dans le cadre de la seconde
génération des procédures contractuelles reflète en
réalité l'apparition de difficultés financières de
la part de collectivités locales qui "n'arrivent plus à suivre"
(lire le III du présent chapitre). Il ne remet pas en cause
l'importance de l'oeuvre réalisée sur place.