C. LA PERSPECTIVE DE LA DÉCONFESSIONNALISATION DE LA VIE PUBLIQUE

La première Constitution libanaise de 1926 avait retenu le principe de l'abolition du confessionnalisme politique dans la mesure où la répartition communautaire des fonctions et emplois publics présentait un caractère transitoire (article 95 de la Constitution).

L'Accord de Taëf reprend à son compte ce principe : " l'abolition du confessionnalisme politique est un objectif national primordial qui sera réalisé, par étapes, selon un plan ".

L'article 95 de la Constitution a confié l'établissement de ce plan à la Chambre des Députés élus sur une base égalitaire entre les musulmans et les chrétiens (64-64) qui pourrait délibérer à partir des travaux d'un comité national présidé par le Président de la République et comprenant en sus du Président de la Chambre des Députés et du Président du Conseil des Ministres, des personnalités politiques, intellectuelles et sociales.

Dans l'attente de la réalisation de ce plan, la Constitution a institué un dispositif transitoire prévoyant :

- la représentation équitable des communautés dans la formation du Gouvernement. Ainsi le Gouvernement formé par M. Rafic Hariri le 25 mai 1995 comprenait 15 musulmans (7 sunnites, 5 chiites, 3 druzes) et 15 chrétiens (6 maronites, 4 grecs orthodoxes, 3 grecs catholiques, 1 arménien, 1 arménien orthodoxe) ;

- la suppression de la représentation confessionnelle, à l'exception des fonctions de la première catégorie, dans la fonction publique, la magistrature ou les institutions militaires et son remplacement " par la spécialisation et la compétence ".

A terme, la Chambre des Députés serait élue sur une base nationale non communautaire.

Afin de maintenir une certaine représentation des familles spirituelles, il serait institué un Sénat dont les prérogatives seraient " restreintes aux questions engageant l'avenir du pays ".

Depuis 1990, et exception faite de la suppression de la mention de l'appartenance communautaire sur les documents d'identité, le dossier de l'abolition du confessionnalisme politique n'a pas progressé.

Ainsi, comme l'a confirmé un entretien particulièrement intéressant avec M. Elie Ferzli, Vice-Président de la Chambre des Députés, le fonctionnement et l'organisation internes de celle-ci 14( * ) demeurent marquées par la logique communautaire.

Tel est le cas en premier lieu pour la répartition des fonctions : la présidence revient à un chiite, la vice-présidence à un grec orthodoxe. La présidence de la commission des Lois 15( * ) , la " mère de toutes les commissions " selon M. Ferzli, doit être attribuée à un maronite.

Le clivage droite-gauche semble moins important que le réflexe de l'allégeance communautaire. Ce constat doit être tempéré par le fait que le confessionnalisme perd de son influence lors des débats techniques. L'expérience montre au surplus que s'ils sont élus sur une base confessionnelle, les députés se comportent au cours de leur mandat comme des représentants de la Nation, d'autant que la Constitution prohibe tout mandat impératif.

Pour M. Issam Sleimann 16( * ) , les groupes parlementaires ne sont que " l'expression de la structure confessionnelle et clanique du pays ".

Ainsi, dans l'Assemblée élue en 1992, on pouvait recenser parmi les groupes les plus importants le bloc chiite présidé par M. Nabib Berry, le bloc du Hezbollah, le Parti socialiste Progressiste qui rassemble les druzes du Chouf, 6 députés du Parti Socialiste National Syrien, 5 députés du parti arménien Tachnag, mais aussi deux blocs multiconfessionnels, le " bloc du Nord " présidé par M. Karamé et celui dirigé par M. Selim Hoss.

A la suite des élections d'août-septembre 1996, le Président du Conseil, M. Rafic Hariri, disposera d'un bloc d'au moins 18 députés.

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