III. LE ROYAUME-UNI ET L'UEO
La vision britannique de la défense européenne a été exposée le 5 décembre 1995 par M PORTILLO, ministre de la défense du Royaume-Uni Le Premier ministre britannique, M John MAJOR devait saisir l'occasion de la session extraordinaire qu'a tenue l'Assemblée de l'UEO à Londres pour s'exprimer devant les parlementaires le 23 février 1996.
a) Le discours de M PORTILLO
Dans son intervention devant l'Assemblée, M. PORTILLO a souhaité indiquer les objectifs qui seraient ceux de la présidence britannique de l'UEO qui couvrirait le premier semestre de 1996.
Après avoir rappelé le succès de l'OTAN "seule organisation capable de mener de véritables opérations militaires à grande échelle", il a déclaré que "l'Europe dans son ensemble et l'UEO doivent se débarrasser de cette fixation sur les institutions. Ce que veut le Royaume-Uni -la vision qu'il défendra- c'est que l'Europe se libère de l'introspection, qu'elle regarde vers le monde extérieur et qu'elle se dote de moyens militaires lui permettant d'appuyer ses dires quand il le faudra." Le but de l'Union européenne "n'est pas l'intégration en soi, avec tout l'attirail des États-nations, mais de donner à l'Europe l'occasion d'offrir au moins un visage cohérent, et à tous les États-nations qui la composent la capacité de soutenir la concurrence avec le reste du monde et de connaître ainsi la prospérité " a affirmé M PORTILLO
Réfutant l'accusation selon laquelle "les États-Unis ne sont pas engagés envers l'Europe et que celle-ci doit admettre qu'un jour ils se retireront inévitablement dans la forteresse Amérique", le ministre britannique a affirmé qu'il convenait de "mûrement réfléchir avant de créer d'autres structures de défense en Europe. "
Évoquant les relations entre l'Europe et l'OTAN, M. PORTILLO a estimé qu'il convenait d'éviter "de marginaliser nos alliés américains" en soutenant l'idée d'une indépendance totale du pilier européen, d'une part, en limitant l'OTAN et la coopération entre les États-Unis et l'Europe à la défense collective" tout en faisant des nouvelles missions ou tâches de Petersberg l'apanage des Européens" d'autre part. Il faut donc "éviter de créer de nouvelles structures, mais nous assurer que les moyens existants de l'Alliance peuvent être utilisés par les Européens, même lorsqu'ils agissent sans les forces nord-américaines."
Rappelant que la Grande-Bretagne a toujours défendu "le strict principe de la prise de décision au niveau intergouvernemental en matière de défense", s'agissant du débat actuel sur la prise décision en matière de défense, le ministre a déclaré :
"Certains préconisent de limiter le droit de veto national, voire d'approuver l'introduction du vote à la majorité qualifiée. Les décisions et actions communes dans ce domaine, qui est le plus névralgique en politique, doivent procéder du consentement et non de la contrainte Je pense que le débat sur les mécanismes de vote est à côté de la question. Les règles de procédure doivent se conformer à la réalité politique. Si la volonté politique d'entreprendre une opération n'existe pas, surtout lorsque des pays européens n'ont pas d'intérêts en commun, tenter d'utiliser les règles de procédure pour forcer une décision va à rencontre du but recherché. Le principe du consensus a bien servi l'Alliance atlantique au cours des cinquante dernières années. C'est pourquoi nous ne considérons pas la défense comme un domaine où les décisions peuvent être prises à la majorité plutôt que par consensus. Nous ne pouvons pas accepter que les décisions relatives au déploiement des forces armées soient prises par une autorité autre que des gouvernements nationaux souverains."
Par ailleurs, il est essentiel de se concerter sur la mise en place "de capacités militaires crédibles". La Grande-Bretagne défendra, lors de la Conférence intergouvernementale de l'Union européenne "un partenariat renforcé entre une UEO autonome et l'Union européenne, le strict maintien de l'inter gouvernementalisme et de la prise de décision par consensus" a affirmé M. PORTILLO, qui a rejeté à la fois l'hypothèse de la fusion entre les deux institutions et celle de la subordination plus ou moins officielle de l'UEO à l'Union européenne.
Quant aux pays membres, ils ont "une précieuse contribution à apporter à la sécurité globale de l'Europe", ce que contredirait la fusion de l'UEO et de l'Union européenne. Enfin, "il est clair", a rappelé M. PORTILLO, "qu'il ne saurait y avoir de sécurité globale de l'Europe sans participation de la Russie."
La présidence britannique de l'UEO aura pour priorité le développement opérationnel en ayant à l'esprit "la vision de structures européennes pragmatiques, crédibles, souples et globales, reposant sur l'OTAN et l'UEO, qui fonctionnent en permettant à tous les pays européens sans exception déjouer leur rôle" a conclu M. PORTILLO.
b) le discours de M. MAJOR
Prenant la parole le 23 février 1996 devant l'Assemblée de l'UEO, à l'occasion de sa session extraordinaire, M. John MAJOR a d'abord rappelé les efforts accomplis par la Grande-Bretagne pour restructurer ses armées après la fin de la guerre froide
Face aux nouveaux défis, il a souligné qu'il importait de maintenir des forces militaires efficaces et la cohésion de la communauté atlantique, l'OTAN restant "la meilleure manière de réaliser ces objectifs", d'étendre à l'est la stabilité et la prospérité, de promouvoir la sécurité partout ailleurs dans le monde Pour réaliser ces objectifs "l'OTAN et la présence d'Américaine en Europe restent le fondement de notre sécurité commune" a affirmé M. MAJOR.
Les Européens doivent donc "renforcer la contribution de l'Europe à l'Alliance atlantique" car "une participation européenne plus efficace ne peut qu'affermir l'ensemble de l'OTAN L'IFOR doit nous apparaître comme un modèle pour l'avenir, près des deux tiers de ses effectifs sont européens" a souligné le Premier ministre. Toutefois "l'Europe pourra parfois assumer la charge de façon plus directe, en montant elle-même des opérations à plus petite échelle l'UEO est exceptionnellement bien placée pour remplir ce rôle."
S'agissant des problèmes de défense et de sécurité qui seront débattus lors de la Conférence intergouvernementale de l'Union européenne de 1996, M MAJOR a ainsi défini la position qui serait celle de la Grande-Bretagne :
"La démarche britannique sera pragmatique. Nous partirons de la réalité, des véritables enjeux, pour tirer nos conclusions en matière institutionnelle. Nous accorderons la priorité à l'édification de la sécurité, non à celle des institutions pour elles-mêmes La stabilité et la sécurité de l'Europe ne dépendent pas de la seule Union européenne. De quoi avons-nous besoin ? Il nous faut des dispositions qui permettent tout d'abord à chacun de jouer son rôle -non seulement aux quinze membres de l'Union européenne, mais aussi aux nombreux pays européens qui n'appartiennent pas actuellement à l'Union Et bien entendu, aux États-Unis et au Canada. En second lieu, ces dispositions doivent traduire la diversité des États membres de l'Union européenne et de leurs politiques de défense et troisièmement, elles doivent respecter les obligations des membres de l'OTAN, y compris vis-à-vis d'alliés qui ne sont pas membres de l'Union européenne. Quatrièmement, elles doivent respecter la position des membres de l'Union européenne ayant choisi de rester à l'écart des dispositions de défense collective
Certains ont soutenu que la CIG devait faire les premiers pas vers une fusion à terme de l'Union européenne et de l'UEO, en subordonnant l'UEO à la direction politique de l'Union européenne. J'estime que cela reviendrait à placer l'ordre institutionnel et l'illusion du progrès avant les véritables besoins de l'Europe en matière de sécurité Cela conduirait, selon moi, non pas à agir davantage, mais à agir moins. L'Union européenne a un rôle essentiel à jouer en matière de sécurité régionale et mondiale dans le domaine non militaire. La Grande-Bretagne s'efforcera, lors de la CIG, d'améliorer la possibilité pour l'Union européenne de tenir ce rôle "