RÉPONSE DE M. JEAN-MARIE GIRAULT,
SÉNATEUR DU CALVADOS,
CO-RAPPORTEUR DE LA LOI D'ORIENTATION AU SÉNAT

M. Jean-Marie Girault, sénateur du Calvados .- Je parlerai tout d'abord de la clarification des compétences. L'idéal eût été de la faire au moment des lois de décentralisation. Il y a beaucoup de richesses dans ces lois, mais il y manquait l'essentiel, et pendant longtemps on a bien vu que le jacobinisme continuait à faire vivre la France. On l'a constaté à travers les initiatives que nous prenions et à la façon dont nous n'étions pas entendus.

Il aurait peut-être été plus facile de déterminer les compétences à une époque où les moyens financiers étaient plus importants. Les choses sont devenues ce qu'elles sont, les tiroirs tendent à se vider, mais on constate qu'à l'occasion d'un dossier qui peut profiter à une région, à un département ou à une ville en matière d'équipements majeurs, c'est la collectivité qui a les plus gros moyens qui tire les marrons du feu.

On assiste ainsi à des concurrences entre collectivités territoriales, et celles qui ont le plus de revenus ont la chance de pouvoir obtenir telle ou telle implantation. J'espère que, de ce côté, le schéma national voté par le Parlement et que les services préparent, créera certaines règles et certaines normes, car l'Etat a le devoir de préparer l'organisation interne de la Nation.

Cela provoque en effet des concurrences, au-delà des problèmes de compétences. On a vu comment les choses ont évolué en matière universitaire : il a bien fallu que les départements, les régions, les villes, viennent compléter l'effort de l'Etat.

Je souhaite beaucoup de volonté à M. Perben pour mettre au point ce projet de loi, et je rappelle que vous avez dépassé le délai d'un an conféré par la loi de 1995.

(Protestations du ministre).

M. Jean-Marie Girault .- ... Ce n'est pas grave, car le sujet est difficile... Je ne veux pas insister, mais il va falloir y mettre beaucoup d'ordre. Il faut, de la part du Parlement, beaucoup de volonté politique, car on oublie quelquefois les intérêts généraux et on se trouve ramené à nos intérêts territoriaux et particuliers !

Je me suis beaucoup battu au Sénat à propos de la notion de " pays ". Je comprends bien ce qui peut se passer à la base. Mettons de côté les interventions intempestives de préfets pour essayer de gérer ce genre d'affaires. Je crois que la crainte était la naissance d'une nouvelle institution s'ajoutant à tant d'autres, notamment à l'intercommunalité. Ce n'est pas l'esprit du " pays " : il s'agit de rassembler des élus, des partenaires de toute nature, autour de problèmes qui visent un coin de France, où une certaine communauté d'intérêt peut exister sur différents plans -économique, démographique, historique, géographique, culturel, touristique.

C'est une façon de monter un projet de grande agglomération par exemple, et le rapprochement des bonnes volontés peut précéder l'intercommunalité. Il ne s'agit donc pas de créer une nouvelle institution -et je pense que c'est ainsi que les choses sont vues au ministère- mais si le résultat pouvait amener ces pays à institutionnaliser leur collaboration, nous n'y verrions tous que des avantages ! C'est une façon de prendre le problème et de répondre à une institution nouvelle...

D'autre part, on a beaucoup parlé de l'évolution des agglomérations et de la métropolisation. J'ai insisté pour éventuellement associer la ville-centre et l'espace rural au pays. En effet, pour beaucoup, lorsqu'on parle de pays, on pense d'abord aux zones rurales. J'en parle d'ailleurs d'expérience, bien qu'on n'ait pas engagé une procédure de pays dans la région de Caen. Néanmoins, l'interférence entre la ville-centre et l'espace rural doit faire partir des préoccupations majeures en matière d'aménagement du territoire.

Nous avons évité au Parlement un débat qui aurait pu créer des antagonismes entre l'espace rural et les villes, chacun ayant besoin de l'autre. On a là un très bon terrain de réflexion, et je souhaite que les directives qui pourront être données par le ministère ou la délégation de la DATAR tiennent compte de cette réalité.

Dans les années 1960, nous avons assisté au grand exode rural. Les villes-centres ont construit leurs nouveaux quartiers pour y faire face, et n'ont rien demandé à personne. Aujourd'hui, elles souffrent d'être trop denses. Dans certains milieux, on ne fait bien souvent que constater ces problèmes. Or, nous avons aussi nos coeurs de ville dans les grandes cités ou les cités moyennes, et ceux-ci sont en péril. Soixante complexes cinématographiques se préparent dans différentes agglomérations de France. Va-t-on assister, après l'exode rural, à un exode vers des périphéries américanisées ? Il y a un danger considérable, et je souhaite que le Gouvernement en prenne conscience à travers telle ou telle disposition, car on peut casser un " pays " en laissant prendre certaines initiatives. Détruire les coeurs de ville serait dramatique, et je souhaite que les réflexions des ministère tiennent compte de cette réalité !

Enfin, quelques mots encore à propos de l'intercommunalité. J'en suis un militant, et je souhaite beaucoup que la simplification aille à son maximum. Vous connaissez le code Dalloz qui rend compte de l'intercommunalité institutionnelle en France : c'est une petite catastrophe ! Deux cents pages de textes !

On ajoute une intercommunalité à une autre. Il faut aujourd'hui tenir compte d'une réalité. L'intercommunalité doit comporter une stratégie qui ne consiste pas uniquement à mettre des réseaux en commun. Si nous voulons avoir une bonne politique d'intercommunalité, je crois qu'il faut que nous vivions de pragmatisme et que nous laissions les élus prendre progressivement conscience des compétences qu'ils peuvent mettre en commun. Ce qui a souvent gêné l'intercommunalité, c'est l'obligation d'assumer un certain nombre de compétences d'entrée de jeu, alors que, selon les régions de France et les agglomérations, les préoccupations ne sont pas forcément celles du législateur. Et, si on n'accepte pas toutes les compétences imposées par la loi, on ne peut se réunir en communauté de villes ou de communes, même si je dois reconnaître de ce côté beaucoup de vertus au district, qui n'a comme compétence obligatoire que le service incendie. A Caen, nous avons pris les dossiers que nous voulions traiter ensemble, en modifiant à chaque fois nos statuts. Cela s'accompagne d'une pédagogie interne à l'institution, mais les maires des plus petites communes, à côté des maires des grandes communes, finissent par trouver des terrains d'entente, au-delà des clivages politiques. Aussi souhaiterais-je que le rapport que vous êtes en train de rédiger, qui sera suivi d'un projet de loi, tienne compte de cette réalité.

Enfin, je souhaite que le Gouvernement nous propose une taxe professionnelle d'agglomération unique, là où l'intercommunalité existe. C'est essentiel, car il est insupportable que les communes les plus riches soient celles qui partagent le moins. Cela n'a rien avoir avec la politique, mais avec les hommes comme ils sont !

Si l'on veut atténuer les coûts de centralité de la ville, l'une des solutions passe par la mise au point maximum des ressources d'une agglomération, non seulement pour la solidarité, mais aussi pour les implantations d'activités, qui se feront alors de façon plus rationnelle. A l'heure actuelle, on va là où la taxe professionnelle est la moins chère, mais non là où il faut aller, dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire !

Je vous souhaite bonne chance, Monsieur le Ministre !

(Applaudissements).

M. Jean François-Poncet, président .- L'intervention d'Alain Lamassoure est l'une des plus attendues, ce qui ne veut pas dire que ce soit une des plus faciles ! Le sujet de la péréquation, qui est au coeur de l'aménagement du territoire est, chacun le sait, le sujet le plus délicat. C'est un vrai barbelé, qu'on s'efforce de manipuler sans le faire vraiment progresser depuis de nombreuses années !

Chacun comprend la nécessité pour le pays de remettre ses finances d'aplomb. Dans ces conditions, chacun doit accepter des sacrifices. Va pour 1996, mais qu'est-ce qui nous guette en 1997 ? Les rumeurs qui circulent sur un gel de crédits de l'ordre de 25 % pour le FNADT et pour la prime d'aménagement du territoire auraient-elles un quelconque fondement ?

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