RÉPONSE DE M. RAYMOND-MAX AUBERT,
ANCIEN MINISTRE,
DÉLÉGUÉ À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET
À L'ACTION RÉGIONALE
M. Raymond-Max Aubert
.- Je vous présente
toutes mes excuses pour ce retard.
D'abord je relève qu'il y a eu peut-être des interrogations sur la
volonté de mettre en vigueur les dispositions relatives au monde rural.
Au fond, les interrogations qui se sont fait jour sur la priorité
accordée à l'aménagement du territoire résultent
essentiellement du fait que nous avons mis très longtemps à
publier le décret sur les zones de revitalisation rurale, qui
était quand même le dispositif central prévu par la loi
d'orientation pour donner une impulsion au développement
économique et social des zones rurales.
Si vous le permettez, de ce point de vue je rappelle que, et je suis tout
à fait sincère en le disant, ce n'est pas le fait du
gouvernement. Ces dispositions concernant les zones de revitalisation rurale
nécessitaient une concertation des autorités de Bruxelles et de
la commission de Bruxelles, et cette concertation a été beaucoup
plus complexe que nous ne l'imaginions au départ. Il a fallu que dans un
premier temps M. Pons, qui était en charge de l'aménagement du
territoire, puis M. Gaudin, se rendent à Bruxelles pour obtenir un
accord technique et un accord politique au-delà même des
dispositions techniques, pour faire admettre la nécessité de
cette délimitation rapide des zones de revitalisation rurale.
Aujourd'hui le décret est paru et il est très difficile d'en
mesurer les effets.
Je voudrais faire deux observations : d'abord le gouvernement a eu très
peu de latitude d'action pour définir ces zones de revitalisation
rurale. Il s'est contenté d'appliquer les critères très
précisément définis par le législateur, et donc la
carte des zones de revitalisation rurale résulte de manière
presque automatique des dispositions de la loi d'orientation. Naturellement,
dès qu'on met en place un zonage, il peut y avoir des problèmes
de frontière. Je crois que malheureusement il faudra s'y faire et
peut-être trouver des dispositions qui permettront une meilleure
continuité des actions incitatives lorsqu'on passera d'une zone de
revitalisation rurale à des cantons proches qui ne
bénéficieraient pas des mêmes mesures. Il me paraît
hors de question aujourd'hui de retourner devant les autorités de la
commission de Bruxelles pour renégocier une cartographie qui a
été très difficilement acquise.
La deuxième observation est qu'on ne sait pas quels seront les effets de
ces mesures incitatives qui sont très larges. Il s'agit
d'exonérations fiscales, d'allégements des charges sociales, de
différentes mesures facilitant notamment la vie des entreprises dans les
zones de revitalisation rurale, mais quand j'ai entendu ce matin un haut
responsable des finances de la France évoquer, le cas
échéant, un coût de 50 milliards pour ces mesures, je
dirais que ce serait aller au-delà de nos espoirs. Si ces mesures
coûtent véritablement 50 milliards, c'est qu'elles auront
été extraordinairement efficaces. Le système mis en place
a cet avantage de ne rien coûter s'il ne marche pas, mais de coûter
de l'argent s'il est très incitatif et s'il provoque une revitalisation
des zones rurales.
Voilà la première observation que je souhaitais faire.
Parallèlement, je rappelle que, malgré tout, le gouvernement
avait mis en place certaines dispositions de la loi qui ont joué en
faveur du monde rural. On les a évoquées ce matin. Il s'agissait
de la définition des pays et en particulier de l'opération de
préfiguration retenant 42 pays pilote. J'y reviendrai tout à
l'heure.
Il y a aussi cette action très importante pour le maintien des services
publics dans en milieu rural. Un moratoire a été
arrêté début 1993 interdisant toute suppression de service
public en zone rurale. On ne sortira de ce moratoire que quand les
schémas départementaux d'organisation et d'amélioration
des services publics auront été définis. Et c'est
évidemment un élément essentiel pour le maintien de la vie
en zone rurale.
La loi elle-même avait prévu une loi complémentaire pour le
développement rural dans son article 61. Si le législateur de
l'époque et les parlementaires avaient annoncé cette loi, c'est
que probablement ils considéraient que malgré l'aspect
très impressionnant de cette loi sur l'aménagement et le
développement du territoire, les mesures spécifiques en faveur
des zones les plus fragiles n'avaient pas été suffisantes.
Naturellement il n'était pas nécessaire qu'une loi annonce une
autre loi pour que nous nous lancions dans une réflexion sur le
développement rural. Quoi qu'il en soit la loi était
annoncée et le gouvernement, le Premier Ministre et M. Gaudin ont
confirmé la volonté de l'élaborer et de la soumettre au
Parlement dans les meilleurs délais, probablement au tout début
de la rentrée parlementaire de septembre.
Pour ce qui concerne la mise en oeuvre de ces dispositions, elles ne seront pas
toutes de nature législative. C'est un véritable plan pour le
monde rural que nous sommes en train d'étudier, sous la coordination du
Ministre Jean Claude Gaudin, et ce plan part d'un constat de la situation que
je voudrais rappeler rapidement.
Le monde rural a connu de profondes mutations depuis 50 ans,
inséparables des transformations de notre société :
l'exode rural, l'urbanisation, la croissance de la productivité,
l'émergence d'une société de services. Tous ces
éléments ont transformé la composition du monde rural et
son mode de vie. Les agriculteurs ne représentent aujourd'hui que
20 % des actifs dans des communes de moins de 2 000 habitants.
Cette transformation se caractérise par quatre évolutions
majeures que je voudrais rappeler rapidement :
· D'une part la convergence des aspirations entre le monde rural et le
monde urbain. Ces deux mondes se sont rapprochés par l'action
conjuguée de l'urbanisation, l'équipement des ménages,
l'accroissement de leur mobilité et peut-être aussi de la
présence toujours plus insistante de la télévision dans la
vie sociale et culturelle. Les aspirations des populations rurales et urbaines
sont devenues plus homogènes, même si les modes de vie -et je
crois que le président François-Poncet le souligne volontiers-
sont restés distincts, et c'est plutôt un atout du monde rural
pour l'avenir.
· Le deuxième constat qu'on peut faire, c'est que le monde rural
s'est différencié. L'évolution des différents
territoires consacre aujourd'hui un véritable éclatement du monde
rural ; il n'existe pas un espace rural, mais des territoires ruraux, les
uns en crise profonde, d'autres en phase de mutation difficile et d'autres
aussi en forte croissance, cela existe.
Si on devait affiner ces distinctions, on pourrait évoquer les communes
rurales péri-urbaines qui restent sous l'influence des villes dont elles
sont proches. Des besoins spécifiques s'y manifestent, des besoins en
services de qualité, de vie culturelle et de coordination avec la ville.
Les activités économiques traditionnelles y sont souvent
fragiles, insuffisamment diversifiées, et parfois même en crise
profonde. Les villes moyennes ont perdu 50 % de leurs emplois industriels
sur les dix dernières années et malheureusement ces pertes
d'emploi n'ont pas été toujours compensées par des
créations d'emplois, notamment dans le secteur des services.
La solidarité entre ville et campagne n'est pas toujours satisfaisante.
Le déséquilibre des ressources et des charges n'est pas
compensé par une péréquation intercommunale suffisante. Au
total, ces communes péri-urbaines sont étroitement
dépendantes du centre ville. Il existe de vrais problèmes
d'urbanisme et d'organisation de l'espace en liaison avec le
développement urbain.
Autre type de territoires ruraux, les territoires ruraux en mutation ou en
développement. Ils sont nombreux, ils disposent souvent d'une
activité portant l'économie ou la vie locale, qu'il s'agisse de
l'agriculture, du tourisme, de PME ou de services, je pense aux services
à l'intention des personnes âgées par exemple. Nombre
souffrent de la monoproduction et tout accident ou incident (chute des cours
agricoles, absence de neige, fermeture d'entreprise) révèle la
fragilité de leur base économique. Parmi eux d'ailleurs les
territoires touristiques, qui sont urbains trois mois de l'année et
ruraux les neuf mois restants, et qui surdimensionnent souvent leurs
investissements et leurs services, posent des problèmes
spécifiques.
Les territoires en déclin démographique ou à faible
densité qui correspondent aux zones de revitalisation rurale que nous
évoquions à l'instant. Ils cumulent handicap
démographique, retrait des services publics, difficultés pour
entretenir les infrastructures, le patrimoine et l'espace. Ces territoires
connaissent des problèmes liés à l'arrivée de
nouvelles populations : il s'agit aussi bien des résidences secondaires
que des étrangers attirés par le faible prix du foncier.
Cette brève analyse des différents types de territoires montre
que les problèmes à résoudre ne sont pas les mêmes
selon les logiques et les développements constatés dans les
différentes parties de notre territoire national.
· Troisième constat : la diversification des activités
dans le monde rural. Certaines évolutions majeures qui s'expriment
dès à présent permettent de penser que le rôle des
territoires ruraux ira en s'accroissant dans les prochaines décennies.
L'accroissement de la difficulté de la vie dans les villes doit y
contribuer. La diminution du temps de travail et de la durée de la vie
active qui entraîne un certain nomadisme des Français, nomadisme
dans la semaine, nomadisme dans l'année avec le phénomène
de l'élargissement des périodes de vacances, et puis un nomadisme
dans le cadre de la vie avec les retraites de plus en plus longues prises par
nos concitoyens.
D'une manière générale, l'accroissement de la
mobilité et des moyens de communication renforcent ces
différentes tendances. Cette mobilité peut contribuer à
vider les territoires les plus fragiles en favorisant la polarisation des
activités le long des axes de communication, comme elle peut constituer
aussi pour eux une nouvelle chance.
Au regard des évolutions constatées, il est légitime de
penser qu'à échéance brève les territoires ruraux
seront porteurs d'activités diversifiées, qu'il s'agisse
d'activités éducatives, de santé ou de service quittant
les centres villes, ou d'activités nouvelles créées dans
un environnement plus favorable.
Enfin les territoires ruraux seront de plus en plus des lieux de vie où
les citoyens passeront une partie de leur vie, de leur année, ou de leur
semaine, mais ils ne le feront que s'ils trouvent des services
appropriés.
· Dans ce contexte, le dernier constat concerne la multiplication des
initiatives locales. La décentralisation a fait émerger de
nouveaux acteurs institutionnels, les communes, les groupements de commune, les
départements, les régions, l'ensemble des collectivités
territoriales ; l'Europe elle-même s'est dotée d'une
politique régionale. Dans le même temps, les entreprises et le
mouvement associatif se sont révélés des partenaires
actifs du développement rural, tout comme les organisations
socioprofessionnelles. L'Etat n'est plus considéré comme le
détenteur de l'ensemble des solutions.
Au cours des trois dernières années, les structures
intercommunales se sont multipliées, elles regroupent aujourd'hui plus
de vingt millions d'habitants. Cet essor de l'intercommunalité montre
que les maires ruraux ont compris la nécessité de s'unir pour
vivre et survivre. Beaucoup de ces initiatives se groupent autour d'un projet
de développement. A travers ces initiatives, les acteurs locaux ont su
trouver une solution au problème de l'emploi (la solidarité, la
vie commune) et cela conduit au développement actif de nombreux
territoires.
Le plan pour le monde rural que j'évoquais, et qui a été
confirmé par le Premier Ministre, pourrait s'articuler autour de quatre
objectifs :
- Renforcer l'organisation des territoires afin de valoriser les initiatives et
les potentialités locales.
- Répondre aux besoins des différents types de territoire par des
politiques adaptées afin d'assurer aux habitants des espaces ruraux des
chances égales.
- Préserver et valoriser l'espace et le patrimoine du monde rural.
- Permettre aux territoires ruraux de devenir des lieux de vie attractifs et
offrir ainsi des alternatives crédibles à la concentration
urbaine.
Des dizaines de mesures sont envisagées et je les évoquerai par
objectif.
L'objectif concernant le renforcement de l'organisation et structuration des
territoires pourra prendre appui sur deux démarches conjointes : les
pays, tout d'abord. On a évoqué les pays, on s'est
interrogé sur leur devenir. Le Ministre de l'Aménagement du
Territoire a fixé pour objectif la création de 500 pays. C'est un
objectif qui est tout à fait possible sur la base d'ailleurs
d'initiatives locales et du volontariat. C'est un objectif qui ne doit pas
être imposé. Pour l'atteindre plus facilement, nous
réfléchissons à des formes de partenariat, à une
idée de charte de pays qui pourrait porter ces projets de
développement économique et social initiés dans de
nouveaux espaces cohérents.
L'autre démarche concerne l'appui aux projets locaux, et de ce point de
vue, il faut remarquer que ces projets locaux sont essentiels pour l'animation
du monde rural. Je dirais, pour rejoindre l'interrogation qui s'est
développée ce matin sur l'opportunité de l'affectation des
crédits du Fonds national d'aménagement et de
développement du territoire, qu'il serait peut-être trop facile de
railler les initiatives locales à travers deux ou trois exemples
malheureux. De ce point de vue souvent les élus locaux sont porteurs de
projets de développement, de projets de création
d'activités et d'emplois beaucoup plus pertinents que ne peuvent
peut-être l'imaginer certains administrateurs du quai de Bercy. Je le dis
tout à fait gentiment.
M. François-Michel Gonnot
.- Ou certains ministres.
M. Raymond-Max Aubert
. - Le deuxième objectif, la
diversification des activités, suppose l'émergence d'une
économie équilibrée en milieu rural. Trois mesures
à mon avis principales pourraient consister en le renforcement de la
pluriactivité, sur la base du rapport Gaymard qui était
très bien conçu de ce point de vue. L'encouragement aux services
de proximité, l'appui à l'artisanat et au commerce. Il faudra
d'ailleurs approfondir peut-être la question de l'adaptation des normes
et des règlements souvent conçus pour la vie urbaine et
malheureusement inadaptés parfois aux réalités du monde
rural. Il y a là un important chantier à ouvrir, qui d'ailleurs
prolonge la réflexion sur la pluri-activité.
Troisième objectif : la valorisation de notre espace. La gestion de
l'espace est un problème qui se pose très différemment
selon les territoires. Les priorités ne sont pas partout les
mêmes. La stabilisation des plans d'occupation des sols et la
préservation des espaces non artificialisés deviennent pour les
territoires soumis à une concurrence forte dans l'usage des sols des
priorités fortes.
Enfin, dernier objectif, faire des territoires ruraux des lieux de vie
attractive. Quatre actions sont envisagées. Concernant l'habitat, la
réhabilitation des logements anciens et la mobilisation des logements
vacants pour favoriser le développement d'un habitat locatif, y compris
social et touristique. L'égal accès au service public. C'est une
notion centrale de la loi d'orientation. Les textes sont parus. Je crois que la
réflexion qui doit avoir lieu au sein des commissions
départementales et qui doit aboutir à des schémas
départementaux pourrait s'inspirer d'abord des travaux qui ont
été menés dans le cadre des pays expérimentaux, et
en tout cas pourrait faire avancer des idées qui paraissent porteuses
pour l'avenir, même si elles sont souvent difficiles à mettre en
oeuvre, comme la polyvalence des services publics, la mobilité des
services publics ou encore le partenariat pour assurer ces prestations sur
l'ensemble du territoire.
Enfin les services culturels de proximité qui correspondent à une
demande forte.
La lutte contre l'exclusion parce que, contrairement aux idées
reçues, la fracture sociale comprend une dimension rurale souvent
occultée d'ailleurs par les difficultés urbaines. De nombreux
jeunes sont contraints de rester aides familiaux ou chômeurs à la
maison. Certains territoires constatent l'arrivée de chômeurs ou
RMistes et les territoires périurbains connaissent des problèmes
liés à l'endettement des ménages, au chômage et
à l'exclusion.
Les pistes sont nombreuses ; elles relèvent souvent d'une logique
interministérielle et leur discussion nécessitera donc une
concertation interministérielle poussée. Je crois qu'au fond
l'objectif, pour aller à l'essentiel, consiste à gommer
progressivement l'aspect un peu passéiste et nostalgique qui reste
attaché à l'image du monde rural. Aujourd'hui au contraire il
faut faire valoir, et tout nous y encourage, les moyens sont à notre
disposition, il faut encourager l'émergence d'une idée de
modernité du monde rural qui offre une alternative à la
concentration urbaine.
Nous faisons en sorte avec le Ministre Jean-Claude Gaudin que le projet de loi
que nous envisageons ainsi que les mesures d'accompagnement, contribuent
à l'émergence de cette modernité du monde rural. En tout
cas, si d'aventure le projet de loi que nous vous soumettrons aussi bien
à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat, devait se
révéler insuffisant, nous savons que les parlementaires ont
beaucoup d'imagination, et le précédent de la loi d'orientation
prouve que le cas échéant les mesures proposées par le
gouvernement seront très opportunément enrichies par le
débat parlementaire.
M. François-Michel Gonnot
.- Est-ce que ces quatre
objectifs sont de nature à rassurer un sénateur que nous avons
senti résigné ?
M. Jean Huchon
.- Non, mais si je ne peux que partager toutes les
pistes proposées par M. le Ministre, je souhaite surtout qu'on s'y
engage tous ensemble, les élus et le gouvernement, et que les moyens
soient rassemblés pour mener à bien la tâche.
J'ai déjà pris une partie de mon temps, mais je voudrais vous
faire quelques remarques et poser quelques questions. Pour un homme qui a
pratiqué l'aménagement du territoire depuis vingt ans en tant
qu'élu, qui est président de pays depuis vingt ans, qui a
été un peu hérissé ce matin par l'emploi de termes
"métropolisation", "éviter le saupoudrage", "pratiquer
la
politique des pôles" et une "politique ciblée". En termes
technocratiques, cela veut dire faire de l'assèchement du territoire et
renforcer ceux qui sont forts au détriment de ceux qui sont faibles.
Alors, je vous le dis tout de suite, cela ne me convient pas. Je pense que
l'aménagement du territoire, c'est la répartition des flux
financiers et des moyens sur l'ensemble du territoire. Un habitant de petit
bourg de campagne doit disposer de la même somme de crédit public
qu'un habitant du centre de Paris.
La politique de pays ? Je préside un pays de cent mille habitants et de
six cantons et de soixante cinq communes depuis une vingtaine d'années.
Nous en sommes à la cinquième génération de contrat
de pays, c'est positif et très bien, mais j'ai mon ami Maurice Ligot,
maire de Cholet, qui est là, et je frémis quand je fais le total
de tous les budgets de 65 communes, je n'arrive qu'à la moitié de
la somme du budget de Cholet avec ses 57 000 habitants. C'est cela le
problème de la justice et de l'équité.
Je ne suis pas figé sur des positions sectaires. Il y a probablement des
aménagements à faire et des choses à adapter, notamment la
polyvalence des services. Je dois dire que quand on parle polyvalence
vis-à-vis des services, ce sont les services qui sont les plus
réticents. Il n'est pas facile de faire cohabiter les services de l'Etat
et on a des problèmes pour faire collaborer des gens qui devraient
pourtant être faits pour s'entendre.
Les zones de revitalisation, d'accord, mais pourquoi ne pas avoir mis à
l'égal des villes des zones franches. Là, il y a une
disparité de traitement qui nous choque. L'intercommunalité, nous
la pratiquons. Cela peut faire des choses, mais cela ne fera pas tout. L'appui
aux projets locaux, nous le connaissons bien. Le FNAT, on en a parlé
longuement ce matin et il y a eu un échange entre mon collègue
Belot et monsieur le Ministre du budget. Nous avons été
obligés l'année dernière de monter rapidement des projets
pour les présenter parce qu'on nous a donné les
possibilités trop tard et les délais étaient trop courts
pour constituer valablement les dossiers. Il faut éviter ces
dysfonctionnements.
L'égalité devant les services publics, polyvalence des services
publics culturels. Il faut qu'on sorte du dilemme actuel au terme duquel les
deux tiers des crédits du ministère de la culture se
dépensent à l'intérieur du périphérique. En
dehors du périphérique, il y a la France, et même au plus
profond. Il faut qu'on sorte de ce phénomène de l'urbanisme et de
l'agglutination. C'est un cercle qu'il faut briser.
(Applaudissements).
M. François-Michel Gonnot
.- Monsieur le
délégué à l'aménagement du territoire, je
crois que vous avez encore un peu à faire pour convaincre notre ami
sénateur.
M. Raymond-Max Aubert
.- D'abord, je voudrais souligner que les
préoccupations exprimées par le sénateur Huchon sont nos
préoccupations. Il a évoqué les difficultés de
l'exercice, et nous en sommes tout à fait conscients. Nous souhaiterions
aller dans le sens de ces suggestions.
Concernant la métropolisation, je comprends ce que ce néologisme
peut provoquer comme réticence de la part d'élus de
départements ruraux. Il faut admettre quand même que notre
exercice d'aménagement du territoire s'inscrit dans une économie
ouverte sur le monde et on ne peut pas non plus négliger l'atout que
représente pour la France l'émergence de métropoles
à l'échelle européenne et même mondiale. Pour
nuancer cette affirmation, nous parlons volontiers à la DATAR de
métropolisation atténuée. Je ne sais pas si cela vous
rassurera totalement, mais nous mesurons les limites et les risques de
l'exercice.
Concernant le saupoudrage, nous sommes d'accord avec vous. Le saupoudrage est
une présentation inutilement caricaturale de ce qui est fait. La vie
dans le monde rural est préservée grâce à
l'initiative des acteurs locaux, et encore une fois je reste persuadé
que les élus qui sont au contact des réalités du
territoire sont porteurs de projets souvent beaucoup plus intéressants
et beaucoup plus ouverts au développement et à la création
d'emplois que ce qui pourrait être imaginé à un niveau
national.
Pour les contrats de pays, et pour les pays, c'est une notion qui n'est pas
nouvelle. Elle a été un peu entérinée par la loi,
légalisée, ce qui est bien naturel, par le texte d'orientation.
C'est une notion ancienne qui montre bien qu'elle reflète une
réalité locale. Ces espaces de réflexion cohérents
sont souvent très pertinents pour porter un projet de
développement. Quand nous disons que nous nous orienterons
peut-être vers des chartes de pays pour marquer un aspect un peu novateur
par rapport à ce qui a pu exister dans le passé, cela supposera
en particulier que des moyens spécifiques leur soient attribués,
et nous sommes en train d'explorer la possibilité d'introduire des
lignes spécifiques en faveur des pays dans les contrats de plan
Etat/région pour les négociations vis-à-vis du
douzième plan.
Il me semble que les mesures incitatives au sein des zones de revitalisation
rurale sont fortes. Il y a là un éventail très complet de
mesures. Quoi qu'il en soit et puisqu'on a évoqué la
parité nécessaire de l'effort entre zones urbaines et zones
rurales, je vous indique simplement que les zones de revitalisation couvrent
une population de l'ordre de 4,5 millions de Français, et c'est une
mesure comparable à celle qui concerne les zones les plus
défavorisées dans les milieux urbains.
Voilà quelques éléments de réponse que je pouvais
donner rapidement.
Une intervenante
.- Monsieur le Ministre, si vous le permettez je
voulais intervenir et donner mon sentiment. D'abord pour vous remercier pour
les propositions que vous venez de faire en ce qui concerne l'espace rural,
mais je voudrais exprimer un sentiment d'inquiétude. Depuis ce matin
nous entendons des propos et jamais n'a été évoquée
la reconquête du territoire. Les zones rurales, il ne suffit pas de les
maintenir, mais il s'agit de les développer. Et pour les
développer, il faudra des moyens et des moyens financiers. Alors si j'ai
bien entendu ce matin ce qu'on nous a dit, ne serait-ce que sur le fonds
national d'aménagement du territoire, je crois qu'il faudra que nous
trouvions chez nous, dans nos espaces, les moyens de nous développer.
C'est tout à fait contraire à l'aménagement du territoire.
C'était une loi ambitieuse. C'était une loi qui a fait lever
beaucoup d'espoir dans ces zones rurales, et quelquefois nous avons
l'impression que nous sommes nous, espaces ruraux, un peu à
côté de cette loi. On a parlé ce matin du TGV et c'est tout
à fait normal, mais l'espace rural est un milieu vivant ; il ne
faut pas le voir non plus comme un milieu négatif. Il y a beaucoup de
ressources dans le milieu rural à condition qu'on nous en donne les
moyens.
Ce qui m'a un peu choquée ce matin de la part de M. Lamassoure, c'est
quand il dit que quand il faut 100 000 francs, il faut les trouver dans le
département ou la région, mais ce n'est pas chez le contribuable
au plan national. Ce n'est pas tout à fait cela. Les départements
et les régions font déjà beaucoup d'efforts. C'est
peut-être aussi une autre façon d'avoir un autre regard qu'il faut
porter sur ces régions qui sont dites défavorisées, qui
ont quand même des richesses : la sécurité, le
paysage, etc. Nous ne voulons pas, je le dis en ce qui concerne la
Lozère, être seulement un espace de respiration, nous voulons
être tout à fait autre chose.
M. Raymond-Max Aubert
.- Madame le sénateur, je suis tout
à fait d'accord avec vous. Votre question me fait penser à ce qui
a été dit ce matin sur la décentralisation. Plus personne
ne conteste la décentralisation, elle est entrée dans nos moeurs,
mais on peut reconnaître que la décentralisation a eu des effets
peut-être moins positifs dans certains secteurs que dans d'autres. En
particulier la décentralisation peut entraîner l'amplification des
procédures d'appauvrissement de certaines régions, alors qu'au
contraire elle va dans le sens de l'enrichissement des régions riches
d'une manière générale.
Ce contexte de la décentralisation rend à mes yeux encore plus
nécessaire une politique d'aménagement du territoire. Et de ce
point de vue, je vois l'aménagement du territoire comme une politique
d'accompagnement qui exprime une solidarité nationale en faveur des
espaces les plus fragiles. On ne peut pas imaginer que les seuls moyens locaux
suffiront pour cette reconquête de l'espace qui sera
bénéfique pour tous. Pour réussir une politique
d'aménagement du territoire, il faut mobiliser un minimum de moyens, y
compris au plan national.
M. François-Michel Gonnot
.- Nous allons maintenant quitter
un peu l'espace rural pour retrouver les villes et nous pencher sur la
politique de la ville.
Monsieur Raoult, ministre délégué à la ville et
à l'intégration, avant de nous présenter les efforts que
le gouvernement va engager pour la ville, peut-être pouvez-vous nous
donner votre sentiment sur ce que vous venez d'entendre. N'avez-vous pas le
sentiment qu'il y a quand même un message très fort qu'il faut que
le gouvernement lance vis-à-vis des problèmes spécifiques
que rencontrent nos villes et certains de leurs quartiers, mais il y a aussi
quand même tout un discours qu'il faut continuer du monde rural
où, semble-t-il, on vit en termes de concurrence la politique de la
ville par rapport à la politique en faveur du milieu rural.