2. La nécessité d'une réforme
• Des dépenses structurelles de l'ordre de
20 milliards d'Écus au profit des PAECO représenteraient une
augmentation de l'ordre de 60 % des dépenses structurelles de
l'Union. Si on leur ajoute le coût de l'extension de la PAC - pour lequel
on peut retenir un ordre de grandeur de 10 milliards d'Écus par an
- on peut évaluer, très approximativement à une trentaine
de milliards d'Écus par an la charge budgétaire qui pourrait
résulter de l'élargissement au titre des deux principales
politiques communes, ce qui représenterait une hausse de l'ordre de
40 % des perspectives retenues pour celles-ci par le « paquet
Delors II ».
Il est clair qu'une telle hausse pèserait lourdement sur le budget des pays contributeurs, dont la France, même s'il est probable que l'échelonnement dans le temps des adhésions éviterait qu'elle ait un caractère trop brutal. Étant donné, d'une part, que l'extension des dépenses structurelles aux PAECO constituerait la principale source d'augmentation des dépenses et que d'autre part, la politique de cohésion telle qu'elle a été menée jusqu'à présent n'a pas toujours donné des résultats pleinement satisfaisants et peut paraître, par certains aspects, peu conforme au principe de subsidiarité, il paraît souhaitable que l'application de la politique de cohésion aux PAECO soit précédée d'une réforme de cette politique, destinée à en améliorer l'efficacité et à en alléger le coût, sans remettre en cause la solidarité communautaire au profit des régions et pays les moins favorisés.
Mme Monika Wulf-Mathies, chargée des politiques régionales au sein de la Commission européenne, s'est prononcée, dans le cadre de la préparation du Conseil européen de Madrid, en faveur d'une « réforme approfondie » des politiques structurelles après 1999, qui serait « fondée sur une concentration géographique et thématique des activités » en vue d'aboutir à un système « plus efficace, mieux géré, et soumis à une meilleure discipline » (« Europe », 30 novembre 1995). Le rapport sur la politique de cohésion que la Commission présentera au cours de l'année devrait contenir es indications plus précises sur la réforme envisagée.
• Votre rapporteur approuve l'orientation ainsi
affirmée en faveur d'une « concentration géographique
et thématique ».
La gestion actuelle, impliquant l'approbation, projet par projet, d'une multitude de programmes répondant à six principaux objectifs et couvrant au total une très large partie du territoire communautaire, ne se montre pas toujours d'une efficacité suffisante dans le cas de l'Union à Quinze. Ainsi, le premier doublement des dépenses structurelles (« paquet Delors I »), correspondant à la période 1988-1993, a eu des effets inégaux sur les pays particulièrement bénéficiaires de l'effort de cohésion. La comparaison des taux moyens de croissance du PIB (à prix constant) durant cette période conduit à constater que si le Portugal (2,4 %) et surtout l'Irlande (5,5 %) connaissent des taux nettement supérieurs à la moyenne communautaire (2 %), en revanche, l'Espagne ne dépasse pas la moyenne communautaire et la Grèce (1,3 %) se situe en-dessous (Source : Eurostat. édition 1995). Dans une Union de vingt-sept membres, et compte tenu des caractéristiques des systèmes administratifs des PAECO, il est à craindre que les modalités actuelles de gestion ne conduisent à une efficacité encore plus modeste et à des résultats très inégaux selon les pays.
La concentration des aides structurelles sur quelques thèmes (qui pourraient être, dans le cas des PAECO, le développement des infrastructures de transport, l'amélioration de la sûreté des installations nucléaires, la mise en oeuvre des normes européennes pour l'environnement, la reconversion de certaines industries...) favoriserait la qualité de la gestion et serait mieux perçue par les opinions publiques. En liaison avec une plus grande concentration géographique, elle contribuerait à la maîtrise de l'augmentation des dépenses communautaires.
La concentration des aides sur les régions relevant de l'objectif 1 permettrait, sans renoncer à la solidarité au profit des États les moins favorisés de l'Union à Quinze, de financer une partie de la hausse des dépenses entraînées par l'extension aux PAECO des aides structurelles par une diminution des aides versées aux pays contributeurs nets.
Les régions relevant de l'objectif 1 sont celles dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Compte tenu de l'abaissement de celle-ci, certaines régions actuellement bénéficiaires cesseraient de l'être, mais les « pays de la cohésion » resteraient éligibles pour la totalité (Grèce, Portugal) ou la majeure partie (Espagne) de leurs régions, l'Irlande cessant toutefois normalement d'être éligible (ce qui appellerait une dérogation à son profit pour une période transitoire, afin d'éviter une interruption brutale des transferts). Dans le cas de la France, seuls les départements d'outre-mer resteraient éligibles. Les PAECO seraient éligibles dans leur totalité.
La concentration géographique ainsi suggérée équivaudrait à une restitution partielle de compétences, en matière d'aménagement du territoire, aux pays contributeurs nets, la Commission européenne gardant en tout état de cause son contrôle sur les aides publiques afin de faire respecter la loyauté de la concurrence dans le marché intérieur unique. Une telle répartition des responsabilités serait sans doute plus conforme au principe de subsidiarité, dans le cas des pays contributeurs nets, que le système actuel qui introduit un échelon supplémentaire (et plus éloigné des réalités) dans le processus de décision, sans que pour ces pays cette intervention soit justifiée par un transfert de ressources.
La recherche de l'efficacité, et donc le respect du principe de subsidiarité, doivent s'appliquer tout particulièrement à la politique de cohésion compte tenu de son importance parmi les politiques communes, et de son rôle dans la perception que les citoyens de l'Union peuvent avoir de la instruction européenne.
Plutôt que de se traduire par un soutien aux programmes les plus variés, la politique de cohésion doit donc se construire autour de projets effectivement structurants, favorisant à la fois le développement de la zone bénéficiaire et la cohésion d'ensemble de la Communauté.
• C'est dans le même esprit que devrait
être envisagée l'évolution du programme PHARE, dont une
trop grande partie des crédits a été dans le passé
consacrée à des travaux d'expertise au coût souvent
élevé et à l'utilité parfois incertaine. Le Conseil
européen d'Essen (décembre 1994) a demandé que ce
programme ait pour orientations privilégiées, en ce qui concerne
l'assistance technique, « le rapprochement des législations et
des normes » et le « soutien au processus de réforme
économique », et que par ailleurs ses moyens puissent
être affectés, à concurrence de 25 %, à la
« mise en place d'infrastructures appropriées ».
Cette approche, qui a constitué un progrès, devrait être
amplifiée pour que l'aide accordée pendant la période de
pré-adhésion parvienne à préfigurer les aides
structurelles.
Les financements affectés aux PAECO dans le cadre du « paquet Delors II », prélevés sur la ligne consacrée à l'action externe de la Communauté, s'établiront au total à environ 7 milliards d'Écus pour la période 1995-1999 ; les crédits affectés à des opérations assimilables à des actions structurelles atteindront au maximum 25 % de ces crédits, soit 1,75 milliards d'Écus, ce qui ne paraît pas en rapport avec le nombre d'États bénéficiaires et de l'ampleur de leurs besoins.
Il serait donc souhaitable d'accentuer la réorientation du programme PHARE vers la modernisation des infrastructures : au demeurant, l'assistance technique nécessaire aux pays candidats pourrait leur être fournie pour une part plus importante qu'aujourd'hui dans le cadre d'une coopération entre administrations, qui serait au surplus dans bien des cas mieux adaptée à leurs besoins que les expertises financées par ce programme.