C. L'IMPORTANCE DES ALLIANCES STRATEGIQUES
Dans le futur environnement libéralisé, il sera essentiel pour les opérateurs d'être en mesure d'offrir la gamme la plus large possible de services à l'échelle mondiale. C'est pourquoi on observe depuis quelques années la multiplication des alliances, entre opérateurs, mais également entre opérateurs et sociétés informatiques.
Ainsi ATT s'est associé, au sein d'Uniworld, avec Unisource, société formée par trois opérateurs européens (PTT Nederlands, SwissPTT et Telia (Suède) qui possèdent chacun un tiers du capital) ; Unisource est en outre alliée à Telefonica (Espagne).
Par ailleurs, ATT s'est associé, au sein de World Partners, à KDD (Kokusai Denshin Derrwa - Japon), Korea Telecom, Hong Kong Telecom, Singapore Telecom et Telecom New Zealand. Unisource est également parue à cette alliance. De son côté, BT s'est allié à MCI par l'achat de 20 % du capital de MCI et la création d'une filiale commune, Concert, qui s'est alliée elle-même à TeleNor, Tele Danmark et TeleFinland.
Dans ce contexte, l'alliance entre France Telecom et Deutsche Telekom présente une importance capitale pour l'avenir de ces deux opérateurs. Deutsche Telekom et France Telecom ont créé une filiale commune, Atlas, qui elle-même doit s'unir à l'américain Sprint dans une filiale commune, Phoenix. L'entité opérationnelle de Phoenix couvrant le monde hors États-Unis et Europe sera détenue à 50 % par Sprint et à 50 % par Atlas, tandis que celle couvrant l'Europe hors France et Allemagne sera détenue à 33 % par Sprint et à 67 % par Atlas. Il est en outre prévu l'acquisition par Deutsche Telekom et France Telecom de 20 % du capital de Sprint en deux temps.
L'objet de l'accord est de mettre en place un réseau commun transeuropéen, puis mondial, qui permettra aux industriels de ne s'adresser qu'à un seul fournisseur quelle que soit la destination souhaitée.
La Commission européenne a exprimé des craintes relatives aux conséquences de cette alliance en termes de concurrence. Le 18 octobre 1995, elle a cependant donné son accord de principe à cette alliance moyennant un certain nombre de conditions. Elle a notamment demandé aux autorités françaises et allemandes d'anticiper la libéralisation des infrastructures alternatives, afin que les concurrents puissent avoir accès à des capacités de transmission ne relevant pas d'Atlas. En principe, cette libéralisation devrait intervenir le 1 er juillet 1996. La France a d'ailleurs déjà entamé cette évolution, en ce qui concerne le réseau de la SNCF. Il est maintenant essentiel que cette alliance reçoive rapidement un accord définitif afin d'éviter toute incertitude.
Cette stratégie des alliances internationales pose naturellement la question du statut des opérateurs. Certes, le statut actuel de France Telecom ne s'est pas opposé aux récents accords avec Deutsche Telekom et Sprint mais fait obstacle à la mise en oeuvre de participations croisées qui pourraient, dans le futur, permettre un renforcement des alliances. Beaucoup d'opérateurs européens se sont engagés dans la voie d'une ouverture de capital, au moins partielle : BT est aujourd'hui une société intégralement privée, la part de l'État dans l'opérateur espagnol, Telefonica, est minoritaire, l'État belge devrait ouvrir le capital de Belgacom dans une proportion de 49 %. Les pays du nord de l'Europe se sont également engagés dans ce mouvement. Ainsi, le capital de l'opérateur danois (TeleDanmark) a été ouvert à hauteur de 48 % en 1994, tandis que l'ouverture du capital de l'opérateur suédois (Telia) est prévue pour 1996. Surtout, Deutsche Telekom a annoncé la mise en route de la première étape de sa privatisation pour le milieu de l'année 1996, les deux dernières étapes étant prévues pour 1998 et 1999. La France sera appelée à prendre des décisions dans ce domaine lors de la définition du futur cadre réglementaire des télécommunications en 1996 ( ( * )13) .
* (13) Le présent rapport n'a pas pour objet de définir des orientations concernant le futur cadre réglementaire français. En effet, le Sénat aura l'occasion d'intervenir sur ce sujet au début de l'année 1996. M. Gérard Larcher a été chargé, le 8 novembre 1995, par la commission des affaires économiques et du Plan d'un rapport d'information sur les défis lancés à France Telecom et les réponses à y apporter.