C. L'ISOLEMENT DE LA NORVÈGE PEUT-IL SURVIVRE À UNE DIMINUTION DE SES RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES ?

1. Des ressources importantes mais non renouvelables

La dépendance de l'État vis-à-vis du pétrole s'est étendue ces dernières années au secteur industriel, les industries « continentales » (par opposition à celles de l'offshore) voyant leur part dans le produit national brut diminuer. Les exportations non pétrolières ont perdu des parts de marché et la part du secteur public dans l'emploi total a rapidement augmenté. Ces déséquilibres structurels traduisent les limites d'un développement qui dépend trop, selon les commentateurs, des ventes issues de ressources naturelles. La relance de l'économie continentale figure donc parmi les premières priorités du gouvernement norvégien pour stabiliser et préserver le niveau de vie élevé de la Norvège.

Malgré la volonté affirmée, de ne pas laisser submerger l'économie norvégienne, les revenus pétroliers nets de l'État ont atteint 16,3 % du produit national brut et 32,6 % de la valeur totale des exportations de biens et de services.

Bien plus, si l'on met à part le secteur pétrolier, on ne peut que constater la modération relative de l'investissement industriel. Celui-ci n'a progressé que de 0,8 % en 1994, alors que l'investissement dans le secteur pétrolier progressait de 9 %.

Les Norvégiens n'inclinent pas, en fait, à amoindrir, au profit d'une intégration européenne, les avantages que leur procure la rente pétrolière et gazière, que les hasards de la géologie leur ont permis de se constituer.

Au rythme actuel d'exploitation, les ressources pétrolières pourraient durer encore une vingtaine d'années. Quant aux ressources gazières, leur maintien en exploitation est évalué à quelque 115 années.

Malgré ces certitudes à terme, la banque centrale norvégienne n'en appelle pas moins à une gestion prudente, soulignant que, d'ici la fin du siècle, les recettes pétrolières diminueront vraisemblablement, en même temps que devrait augmenter le besoin de financement des retraites, des dépenses sociales et de santé. C'est pourquoi il vient de recommander, d'une part, l'affectation à un fonds de tout accroissement des revenus pétroliers et, d'autre part, la poursuite de la politique de réduction du déficit budgétaire hors pétrole.

Enfin, pour remédier à la situation de dépendance croissante dans laquelle se trouvent l'industrie norvégienne ainsi que l'État à l'égard de l'activité pétrolière et gazière (l'exploitation pétrolière représente, en effet. 16 % du produit national brut. 30 % de l'investissement et 40 % des recettes d'exportation), le Gouvernement entend favoriser le développement des investissements productifs, créateurs d'emploi et encourager l'amélioration de la compétitivité du secteur industriel (hors pétrole et gaz), nettement moins compétitifs du fait du niveau des salaires et du faible nombre d'heures travaillées ; on considère, en effet, que la productivité par habitant en Norvège est inférieure de 2 à 5 points à la moyenne européenne. L'industrie devrait bénéficier de mesures d'allégements fiscaux afin de permettre sa restructuration.

Par ailleurs, la décision a été prise d'investir le surplus des revenus pétroliers à l'étranger dans des valeurs sûres à long terme : 10 milliards dès l'année prochaine, et d'ici à la fin du siècle probablement 80 milliards de couronnes norvégiennes. Le Statens Petroleumsfond (Fond pétrolier de l'État) doit gérer ces investissements.

2. Une adhésion qui, en termes de perspective historique, paraît probable : du « cavalier seul » à « l'enfant prodigue » ?

« La route est longue jusqu'à Oslo » dit un adage norvégien. « Plus longue encore jusqu'à Bruxelles » ont ajouté les malicieux.

Le NON au référendum du mois de novembre 1994 a, de façon claire, clos une période. On peut le regretter : c'est ainsi. La Norvège ne devrait pas, selon toute vraisemblance, se poser la question de son adhésion à l'Union européenne avant une décennie.

Pour autant, la perspective est-elle définitivement fermée ? Tel n'est pas le sentiment que votre Mission a retiré de ses entretiens avec les dirigeants économiques et politiques norvégiens. Toute une partie de l'opinion norvégienne -celle qui se consacre à l'exportation ou à l'importation, à l'armement maritime, celle qui se voue à la recherche- est, en fait, favorable à l'adhésion, de même qu'une majorité des décideurs politiques.

Qui sait si, après avoir mesuré les risques de l'isolement en Europe, la Norvège ne se découvrira pas, dans sa majorité, favorable à l'adhésion ? C'est une question de patience.

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