III. COMMENT CONSERVER LES AVANTAGES D'UNE SITUATION GÉOGRAPHIQUE ET GÉOPOLITIQUE EXCEPTIONNELLE ?

A. LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DU 7-OCTOBRE, IMPORTANTES MAIS MAÎTRISÉES

Au-delà des aspects sécuritaires, le 7-octobre a eu un impact non négligeable sur l'économie égyptienne.

1. Une chute importante des revenus liés au canal de Suez, source importante de devises

Les Houthis du Yémen ont lancé, à partir du 19 novembre 2023, des attaques régulières sur les navires commerciaux dans le détroit de Bab el-Mandeb, porte d'entrée de la mer Rouge. Par conséquent, les principaux armateurs ont opté pour un contournement de l'Afrique, qui rallonge les délais de livraison vers l'Europe d'une quinzaine de jours. Les revenus liés au passage du canal auraient ainsi été réduits d'environ 60%, soit un manque à gagner d'environ 800 millions d'euros par mois. C'est considérable dans la mesure où le canal de Suez est pour l'État égyptien une source directe de devises, dont il a un besoin vital pour payer ses importations, en particulier de blé dont l'Égypte serait le premier importateur mondial.

Les conséquences sont tout aussi préoccupantes à plus long terme, le canal de Suez ayant fait l'objet d'investissements considérables dans le cadre de la politique de grands projets du président al-Sissi. Les travaux d'élargissement conduits en 2014-2015, qui ont réduit le temps de passage de 18 à 11 heures, ont été réalisés sur la base de 13,2 milliards de revenus escomptés en 2023. Or, avant même la crise, ces revenus ne s'élevaient qu'à 6,6 milliards d'euros9(*).

Pour autant, les interlocuteurs de la délégation, en particulier le ministre des affaires étrangères, écartent toute action militaire contre les Houthis, pour plusieurs raisons :

· le trafic commercial en mer Rouge est un problème international et non égyptien, l'Europe étant la principale victime de son ralentissement ;

· le premier moyen de faire cesser ces attaques est la conclusion d'un cessez-le-feu à Gaza, puisque la guerre à Gaza en est le prétexte ;

· l'opinion publique ne comprendrait pas une intervention militaire contre un mouvement qui prétend défendre la cause palestinienne ;

· l'Égypte nourrit une aversion pour le conflit armé, déjà évoquée pour le cas d'Israël, et qui en l'espèce est également nourrie par le souvenir de l'implication égyptienne dans la guerre civile au Yémen dans les années 1960, qui avait fini dans l'enlisement.

L'Égypte se contente d'un soutien logistique à l'opération Aspides, lancée le 19 février 2024 par l'Union européenne pour la protection de la mer Rouge, dont le mandat est strictement défensif ; elle contribue également à la Combined Task Force 153 sous-direction américaine, en apportant du renseignement et un soutien logistique.

La trêve en vigueur à Gaza, encore très incertaine, met à l'épreuve le discours des Houthis, qui liaient leurs attaques à la poursuite de la campagne israélienne. Le rythme des attaques a d'ores et déjà ralenti, la dernière en date dans la mer Rouge remontant au 19 décembre.

2. Un impact limité sur le tourisme

Le tourisme a naturellement été affecté par la situation à Gaza et surtout en mer Rouge, d'autant que la côte est une destination importante pour le tourisme balnéaire et la plongée. Pourtant, selon la DG Trésor, 14,9 millions de touristes ont visité l'Égypte en 2023, ce qui constitue un record, le précédent datant de 2010. Cette bonne tenue du tourisme est particulièrement précieuse, dans la mesure où le tourisme constitue, avec le canal de Suez et les envois de la diaspora, l'une des trois sources de devises de l'économie égyptienne. Le secteur représente 9% du PIB et 10% de l'emploi total. Il est cependant difficile d'évaluer l'impact de la guerre sur le tourisme dans la mesure où la fréquentation était en phase de reprise, après la période du covid : il est possible que cette reprise ait été moins marquée qu'elle n'aurait pu l'être.


* 9 Source : données fournies par la DG Trésor.

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