N° 304

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 février 2025

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire,

Par Mme Muriel JOURDA et M. Olivier BITZ,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

L'ESSENTIEL

Réalité méconnue : la France est, en matière migratoire, partie à une myriade d'instruments internationaux qui forment un véritable droit parallèle de l'entrée et du séjour des étrangers en France, rarement abordé au cours des débats parlementaires car il échappe largement à la compétence du législateur. Dans ce contexte, la commission des lois a souhaité, par une mission d'information transpartisane dont les rapporteurs étaient Muriel Jourda, Olivier Bitz et Corinne Narassiguin1(*), donner à ce sujet l'attention qu'il mérite.

Au terme de ses travaux, la mission d'information fait le constat d'un « désordre » dans la politique internationale migratoire de la France, matérialisée par des instruments juridiques nombreux (197), d'un objet et d'une portée juridique variables, et dont l'application effective est aléatoire. Elle invite donc à une rationalisation du recours à ces instruments incontournables de toute politique migratoire nationale.

Les rapporteurs ont par ailleurs souhaité accorder une attention spécifique aux accords internationaux conclus avec deux États partenaires : le Royaume-Uni et l'Algérie. La coopération transfrontalière avec le Royaume-Uni repose en effet depuis les années 1990 et la mise en service du tunnel sous la Manche sur des traités ad hoc. L'échec de ce cadre dit « du Touquet » est flagrant et le maintien d'un statu quo faisant de la France le gestionnaire de fait de la frontière britannique n'est plus acceptable, au regard notamment des conséquences qu'entraîne ce déséquilibre dans le Calaisis. La pression migratoire constante dans la région entraîne en effet des conséquences insupportables sur les plans sécuritaire, humanitaire et économique. Si la mission d'information salue les efforts conjugués de l'État et des collectivités pour faire face à cette situation, elle considère que le compte n'y est pas du côté des autorités britanniques. Un dialogue doit donc, à l'évidence, être engagé pour que chacun prenne sa juste part. En tout état de cause, il semble aussi indispensable qu'urgent de conclure un accord migratoire global avec le Royaume-Uni, de préférence au niveau européen, pour s'attaquer sérieusement à la question de la maîtrise des flux migratoires dans la Manche.

La mission a enfin accordé une attention toute particulière à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Outre sa portée juridique supérieure aux autres instruments comparables en la matière, cet accord est l'un des déterminants majeurs des relations bilatérales entre la France et l'Algérie. Au terme d'une évaluation minutieuse de ses stipulations et après de nombreuses auditions conduites sur ce sujet, dont celles des trois derniers ambassadeurs de France en Algérie, la commission a estimé que le débat sur le futur de cet accord devait être ouvert. Le régime très favorable de circulation et de séjour qu'il offre aux Algériens ne connaît en effet plus de justification évidente, tandis qu'il ne s'accompagne aucunement d'un surcroît de coopération en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. Dans ce contexte, la commission a donc plaidé pour une renégociation de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 afin d'aboutir à des mesures équilibrées pour les deux parties. À défaut, elle estime que sa dénonciation devra être mise en oeuvre.

PARTIE 1 - LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX EN MATIÈRE MIGRATOIRE : UN LEVIER À INVESTIR, UNE STRATÉGIE À DÉFINIR

A. UN VOLET INCONTOURNABLE DE LA POLITIQUE MIGRATOIRE

1. Des outils aussi répandus que méconnus

Dans le domaine migratoire, les instruments internationaux, quoique très nombreux, sont paradoxalement sous-étudiés. Ce constat est d'autant plus surprenant que la multiplication des dérogations au droit commun des étrangers consenties au niveau international restreint les marges de décision du législateur dans un domaine pourtant jugé prioritaire par les Français. Dans ce contexte, la mission d'information a tout d'abord procédé à un recensement approfondi de ces instruments internationaux, parfois difficilement accessibles. Elle en a recensé 197, dont les trois quarts sont bilatéraux. Ces engagements couvrent dans des proportions quasiment égales l'ensemble des volets de la politique migratoire, qu'il s'agisse de la circulation, de l'admission au séjour ou du encore du retour.

2. Un pan essentiel de la politique migratoire

Mis en place par vagues successives, ces instruments internationaux constituent un levier incontournable de la politique migratoire. La formalisation de règles partagées et (parfois) contraignantes assoit la coopération avec les États partenaires sur une base solide, notamment ceux pour lesquels les enjeux migratoires sont substantiels. Au-delà de leur contenu, l'existence même d'un instrument international offre un cadre de discussion régulier facilitant les échanges entre les États signataires dans ce domaine parfois délicat. Ces avantages supposés expliquent l'appétence ancienne et non démentie du pouvoir exécutif pour les instruments internationaux, quand bien même leur apport doit en pratique être très largement relativisé.

De fait, ces instruments internationaux constituent un ensemble hétérogène, sur la forme comme sur le fond. Sur la forme, de grands accords « mixtes » » particulièrement touffus côtoient des accords sectoriels ne comprenant parfois qu'une poignée d'articles. Sur le fond, l'étendue des dérogations au droit commun qu'ils instituent est particulièrement variable. Si certains accords sont essentiellement symboliques, d'autres aménagent des dérogations substantielles au droit commun des étrangers. À titre d'exemple, les ressortissants algériens sont soumis, au titre de l'accord du 27 décembre 1968, à un régime d'admission au séjour entièrement dérogatoire aux règles prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).

L'apport de ces instruments internationaux dépend en outre de facteurs essentiellement diplomatiques. En l'absence de leviers pour contraindre l'État partenaire à se conformer à ses engagements, leur bonne exécution relève d'abord et avant tout de la volonté politique et de la qualité de la relation bilatérale. Les instruments internationaux doivent donc, en matière migratoire, être appréciés pour ce qu'ils sont : des outils parmi d'autres pour l'amélioration de la coopération avec des États tiers. Ils ne peuvent, à eux-seuls, garantir une coopération optimale avec les États partenaires.

3. Une rationalisation indispensable

Dans ce contexte, la mission d'information estime qu'une rationalisation de l'usage des instruments internationaux en matière migratoire est indispensable. Dans cette perspective, cinq axes de travail prioritaires se dégagent :

· un prérequis, rehausser le niveau d'information disponible : les 197 instruments internationaux recensés forment un ensemble particulièrement fragmenté et difficilement lisible. La mission d'information appelle en conséquence à consolider et à centraliser l'information sur ces instruments, que ce soit en comblant les angles morts de la liste figurant en annexe I du Ceseda ou, lorsqu'ils ne créent pas de droits au bénéfice des particuliers, en mettant à disposition du public une information claire et exhaustive ;

· une doctrine d'usage à formaliser dès que possible : la conclusion d'instruments internationaux découle davantage de logiques d'opportunités que de l'application de lignes directrices clairement établies. De surcroît, cette politique se trouve à la jonction des compétences du ministère de l'intérieur et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. La coordination entre ces deux entités aux priorités souvent divergentes et parfois rivales est en pratique loin d'être optimale. La mission d'information appelle donc à intensifier les récentes tentatives de coordination conduites autour du comité stratégique sur les migrations et à formaliser dès que possible une doctrine d'utilisation des instruments internationaux en matière migratoire. Sur le fond, elle soutient sans réserve les deux principales orientations établies par ledit comité : accentuer le dialogue avec un nombre restreint d'États tiers prioritaires et développer les instruments souples de coopération ;

· un « toilettage » de rigueur des instruments internationaux : le contenu de certains a en effet pu laisser les rapporteurs songeurs, soit que la normativité de leurs stipulations soit contestable, soit que les dérogations initialement accordées soient devenues moins favorables que le droit commun au gré des évolutions de la législation. De l'aveu général, cet empilement de régimes dérogatoires plus ou moins obsolètes complexifie l'exercice de leurs missions par les services des étrangers en préfecture et nuit à la connaissance de leurs droits par ceux-là même qui sont censés en bénéficier. Dans ce contexte, la mission d'information estime que le contenu de certains instruments internationaux gagnerait à être régulièrement réinterrogé. Sans aller jusqu'à proposer une périlleuse dénonciation des accords obsolètes, elle appelle a minima à engager un travail pour les identifier ainsi qu'une réflexion sur les suites à leur donner ;

· un suivi de l'exécution des instruments internationaux à approfondir : ce suivi est en l'état à géométrie variable, comme en atteste la régularité très inégale des réunions des comités de suivi prévus dans le texte de ces instruments ;

· la nécessité de se doter de dispositifs d'évaluation suffisamment robustes : tout du long de ses travaux, la mission d'information a été confrontée à l'insuffisance des données disponibles pour évaluer l'efficacité des instruments internationaux en matière migratoire, tant au niveau quantitatif que qualitatif. Elle invite donc à se doter des outils statistiques nécessaires pour évaluer leur application et à davantage investir ce sujet dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques.

B. PRÉSENTATION DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX APPLICABLES EN MATIÈRE MIGRATOIRE

Au-delà de ces recommandations transversales, la mission d'information s'est attachée à évaluer au cas par cas chacune des catégories d'instruments internationaux applicables en matière migratoire. Cinq catégories principales ont pu être identifiées :

· les accords relatifs aux visas de court séjour : les accords de cette nature peuvent être subdivisés en deux catégories, selon la nature des passeports concernés. Les exemptions de visas de court séjour applicables aux détenteurs de passeports « civils » sont exclusivement traitées au niveau européen, sans qu'un accord ne vienne toutefois systématiquement formaliser cette exemption. La conclusion d'accords d'exemption applicables aux titulaires de passeports diplomatiques reste en revanche de la compétence des États membres. Dans les deux cas, ces accords possèdent une dimension politique qui ne doit pas être négligée. Suivant l'avis de Muriel Jourda et Olivier Bitz, la commission a estimé qu'il n'était pas illégitime de mettre ces exemptions de visas au service des autres objectifs de la politique migratoire, à l'instar de ce qui est fait au niveau européen avec le « levier visa-réadmission » ;

· les accords relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière : cet ensemble comprend à la fois des accords dits de « réadmission », bilatéraux ou européens, et des instruments techniques plus souples et non contraignants. Ils visent à formaliser un cadre de coopération en matière de retour reposant sur des procédures dont le caractère négocié est supposé fluidifier le retour des étrangers en situation irrégulière sur le territoire d'un État signataire. D'un point de vue quantitatif, 90 % des réadmissions sont réalisées vers des États tiers couverts par un accord de réadmission. Cet indicateur présente toutefois de nombreuses limites, ne serait-ce que parce que les accords ont été conclus avec les États présentant le plus d'enjeux en matière migratoire. D'un point de vue qualitatif, l'intérêt de ces accords procède en réalité moins de leur lettre que dans les espaces de discussion bilatéraux qu'ils créent. Ceux-ci facilitent a minima le dialogue pour résoudre les dossiers les plus sensibles ;

· les accords de gestion concertée et de codéveloppement : conclus entre 2007 et 2009, ces accords traduisaient une nouvelle politique d'ouverture sélective des frontières. Outre la mise en place d'une structure ministérielle et budgétaire dédiée, leur originalité reposait sur le traitement commun de thématiques jusqu'alors traitées isolément : les migrations et le développement. Ces accords ont toutefois été progressivement délaissés et seuls ceux conclus avec la Tunisie et le Sénégal sont encore actifs aujourd'hui ;

· les accords relatifs aux mobilités professionnelles : ils visent à faciliter l'admission au séjour de deux catégories de travailleurs présentant un intérêt du point de vue de la stratégie d'attractivité de la France : les jeunes et les travailleurs les plus qualifiés. Les résultats obtenus sont particulièrement disparates selon les catégories d'accords concernés. Le dispositif « jeunes professionnels » est ainsi particulièrement décevant, tandis que les programmes « vacances-travail » connaissent un succès qui ne se dément pas ;

· les accords relatifs aux conditions de circulation, de séjour ou d'emploi : ces accords constituent une catégorie particulièrement hétérogène. Certains aménagent des régimes dérogatoires substantiels, à l'image des accords conclus avec les États du Maghreb et singulièrement avec l'Algérie. D'autres sont essentiellement symboliques, à l'instar des conventions de circulation et de séjour conclues avec des États d'Afrique de l'Ouest. Sur ce point, la mission d'information a émis de sérieuses réserves quant à l'intérêt juridique d'accords internationaux qui, lorsqu'ils ne se bornent pas à renvoyer au droit commun, établissent des dérogations qui ne sont souvent qu'imparfaitement connues des services de l'État comme de ceux qui sont supposés en bénéficier. Elle invite a minima à renforcer et harmoniser l'information des services de l'État comme des usagers sur les dérogations au droit au séjour résultant de l'application d'accords internationaux.

Tableau de synthèse des accords internationaux conclus par la France et l'Union européenne en matière migratoire2(*)

Accords relatifs aux visas

Accords européens relatifs à la délivrance de visas court séjour

Nombre d'États exemptés (dont accord)

Dont accords de facilitation

31

65 (26)

5

Accords d'exemption de visas court séjour pour les détenteurs de passeport diplomatique, de service ou spécial

Dont accords bilatéraux

Dont accords européens

27

25

2

Sous-total

58

Accords relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière

Accords de réadmission

Dont accords bilatéraux

Dont accords européens

55

37

18

Instruments de coopération technique en matière de réadmission

Dont instruments bilatéraux

Dont instruments européens

13

7

6

Sous-total

68

Accords de gestion concertée et de codéveloppement

Accords de gestion concertée et de codéveloppement

7

Accords relatifs aux mobilités professionnelles

Accords relatifs à la mobilité des jeunes

Dont accords de mobilité

Dont accords « Vacances-Travail »

27

13

14

Accords hybrides relatifs aux mobilités professionnelles

5

Sous-total

32

Accords relatifs aux conditions de circulation de séjour ou d'emploi

Accords de circulation

Dont accords de circulation nationaux

Dont accords de circulation régionaux

7

3

4

Accords mixtes de séjour de circulation ou d'emploi

16

Conventions d'établissement

6

Accords divers

3

Sous-total

32

TOTAL

Dont bilatéraux

197

140

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

PARTIE 2 - LES ACCORDS DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE CONCLUS AVEC LE ROYAUME-UNI

A. UNE GESTION PARTENARIALE DE LA FRONTIÈRE FRANCO-BRITANNIQUE FONDÉE SUR DES ACCORDS INTERNATIONAUX

Le développement d'un cadre de gestion frontalière commun entre la France et le Royaume-Uni est historiquement la conséquence du projet de construction du tunnel sous la Manche. Le traité de Cantorbéry fixe dès sa signature en 1986 deux principes fondamentaux en la matière : la définition d'une frontière « virtuelle » sous la Manche et, surtout, la délocalisation des contrôles frontaliers dans l'État partenaire. Par la suite, le traité du Touquet a été conclu en 2003 pour faire face à la hausse du flux d'immigration irrégulière et de ses conséquences dans la région du Calaisis. Ce dernier a achevé le processus d'externalisation réciproque des contrôles aux frontières terrestres et maritimes entamé en 1986 et constitue encore à ce jour le cadre de référence en la matière.

Ce cadre juridique, efficace pour la gestion des flux d'immigration régulière, a en revanche rapidement montré ses limites face à l'intensification de l'immigration irrégulière. Les autorités françaises et britanniques se sont donc accordées sur un nouvel instrument avec la signature en 2018 du traité dit « de Sandhurst ». Celui-ci instaure une coopération opérationnelle en matière de prévention des départs clandestins, de lutte contre les réseaux de passeurs, de prise en charge des demandeurs d'asile ou encore d'exécution de mesures de retour. Surtout, il institue un cadre financier qui fixe le principe d'une contribution britannique au financement d'un dispositif de prévention des traversées, largement revalorisée pour la période 2023-2026 (540 millions d'euros).

B. LA SURVEILLANCE DE LA FRONTIÈRE COMMUNE : UNE RÉPARTITION À SENS UNIQUE

1. La surveillance du littoral : retarder les départs sans pouvoir les empêcher

En dépit des aménagements opérés par le traité de Sandhurst et de la mobilisation quotidienne de 800 policiers et gendarmes, le Calaisis reste exposé à une très forte pression migratoire dont l'État comme les collectivités locales peinent à maîtriser les conséquences. L'émergence du phénomène des « small boats », complexifie de surcroît le travail des forces de l'ordre, qui opèrent sur un terrain d'intervention extrêmement défavorable. Ces dernières sont en outre la cible de violences de plus en plus fréquentes et leur sécurité est devenue une préoccupation majeure, à laquelle s'associe pleinement la mission d'information, qui s'est rendue sur place au mois de novembre 2024.

Le caractère périlleux de la traversée de la Manche implique également la mobilisation de moyens considérables pour le sauvetage et l'assistance en mer. Toutefois, en dépit de l'action remarquable des sauveteurs en mer, de trop nombreux drames sont encore à déplorer, avec 72 morts sur les onze premiers mois de 2024.

Sur ce point, la mission d'information ne peut que constater que les indicateurs disponibles semblent accréditer l'idée que le Royaume-Uni demeure un pays attractif pour les clandestins. Il serait dès lors naïf de penser que les flux puissent diminuer tant que ces derniers seront convaincus de pouvoir rapidement trouver un travail outre-Manche et que leurs perspectives d'obtenir l'asile seront inversement proportionnelles à celle de subir un éloignement. La mission d'information considère que la France doit assumer d'aborder de manière effective ce sujet dans le cadre des échanges bilatéraux. Elle estime en revanche qu'il serait contre-productif de dénoncer les accords du Touquet ou de Sandhurst : cela n'aurait d'autre conséquence que de dégrader inutilement la relation avec les autorités britanniques pour un effet sur les flux d'immigration irrégulière probablement nul.

Arrivées irrégulières au Royaume-Uni via des « small boats »
et nombre moyen de personnes embarquées
(2028-2024)

Source : Home Office, Accredited offical statistics, 28 novembre 2024

2. Un financement britannique qui n'est pas à la hauteur des enjeux

Si la contribution britannique au financement de la sécurisation de la frontière est indéniablement utile et très certainement indispensable, il n'est en revanche pas acquis qu'elle soit totalement équitable. Le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, a ainsi estimé devant la commission que la contribution prévue par l'accord de Sandhurst ne couvrait que la moitié des coûts réellement supportés par la France pour la gestion de la frontière. La mission d'information considère donc que le Royaume-Uni doit prendre sa juste part dans le financement des dispositifs déployés dans le Calaisis dans leur globalité, en particulier en participant au financement du « socle humanitaire » déployé en partenariat avec des acteurs associatifs agréés.

3. Des tensions de toute nature de plus en plus marquées dans le Calaisis

Le stationnement quotidien de près de 2 000 personnes en transit à Calais est vecteur de tensions de toute nature, et ce malgré la qualité de la coopération entre l'État et les collectivités locales pour garantir la sécurité du territoire.

Les conséquences de cette concentration des flux migratoires dans la région de Calais sont difficilement supportables pour les habitants. Au niveau sécuritaire, la récurrence des rixes entre migrants et la multiplication des dégradations consécutives à des départs avortés ont notamment été signalées à la mission d'information. Sur un plan humanitaire, la situation est particulièrement dégradée, et ce malgré une mobilisation de tous les instants des services de l'État, qui poursuivent un double objectif : éviter la reconstitution de lieux de fixation souvent insalubres et permettre des conditions de vie dignes à la population migrante. Cette situation emporte par ailleurs d'importantes conséquences sur le plan économique : d'une part, les collectivités doivent consentir d'importants investissements pour faire face à la situation ; d'autre part, cette situation engendre des pertes de chances économiques en décourageant de potentiels investisseurs et entrepreneurs de venir s'installer sur l'agglomération calaisienne.

4. À terme, la nécessité d'un accord migratoire global avec le Royaume-Uni²

La mission d'information considère que la seule solution viable pour une réduction durable de la pression migratoire dans le Calaisis réside dans la conclusion d'un accord migratoire global avec le Royaume-Uni, de préférence au niveau européen. Un tel accord aurait notamment vocation à définir des voies de migrations légales ainsi que les modalités de coopération en matière de retours et de lutte contre les réseaux de passeurs. La mission d'information appelle donc à engager sans délai des négociations en ce sens. De fait, une fenêtre d'opportunité pourrait s'être récemment ouverte à la faveur de la dernière alternance politique outre-Manche.

PARTIE 3 - L'AVENIR DE L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN : UNE QUESTION DÉSORMAIS INÉLUCTABLE

Parmi les 197 instruments internationaux étudiés par la mission d'information, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 occupe, pour des raisons historiques, juridiques et politiques, une place à part. Conséquence d'une longue histoire partagée, l'intensité des liens entre les deux pays confère une dimension toute particulière à cet accord dont la portée juridique est, en outre, sans commune mesure avec celle des autres accords étudiés. Celui-ci régit en effet complètement les conditions d'accès au séjour, de circulation et d'exercice d'une activité professionnelle des Algériens en France. Ces derniers sont ainsi soumis à un droit intégralement dérogatoire sans équivalent. Le caractère exceptionnel de l'accord du 27 décembre 1968 tient enfin à son caractère éminemment politique. Le maintien de ce régime spécial est ainsi à l'origine d'importants et vigoureux débats de part et autre de la Méditerranée.

A. UN RÉGIME SPÉCIAL POUR L'ESSENTIEL FAVORABLE AUX ALGÉRIENS

Contrairement à une idée répandue, la philosophie de l'accord du 27 décembre 1968 n'était pas de libéraliser les flux migratoires entre la France et l'Algérie mais, au contraire, de les réguler davantage, le régime de libre-circulation établi par les accords d'Évian s'étant traduit par l'établissement d'un volume important et largement inattendu d'Algériens en France. Dans ce contexte, l'accord du 27 décembre 1968 a mis en place un régime spécial de circulation et d'admission au séjour pour les seuls ressortissants algériens. Si l'accord a par la suite fait l'objet de trois avenants (en 1985, 1994 et 2001) qui ont eu pour effet de rapprocher ce statut spécial du droit commun, il n'en demeure pas moins une anomalie dans le droit des étrangers. À titre d'exemple, les Algériens ne se voient pas délivrer des titres de séjour « classiques » mais des certificats de résidence (valables un ou dix ans).

La question du caractère favorable (ou non) du régime dérogatoire dont bénéficient les Algériens est âprement débattue. À l'issue d'une analyse minutieuse de l'ensemble des stipulations de l'accord, les rapporteurs sont néanmoins parvenus à une conclusion sans ambiguïté : les Algériens bénéficient majoritairement de règles plus favorables que le droit commun dans des segments essentiels du droit au séjour ; à l'inverse les stipulations pouvant être considérées comme défavorables aux Algériens sont peu nombreuses et concernent pour l'essentiel des points mineurs de l'accès au séjour. Elles ne sauraient donc remettre en cause le constat général d'un régime très avantageux pour les Algériens.

Part des certificats de résidence délivrés aux Algériens dans les primo-délivrances de titres de séjour et dans le stock de titres valides (2019-2023)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Primo-délivrances de titres

287 503

229 388

282 772

318 926

326 954

Dont Algériens

27 452

23 939

25 925

29 271

31 943

En %

9,5 %

10,4 %

9,2 %

9,2 %

9,8 %

Stock de titres valides

3 411 241

3 426 309

3 569 298

3 833 443

4 003 718

Dont certificats de résidence

590 320

599 397

584 431

599 255

614 835

En %

17,3 %

17,5 %

16,4 %

15,6 %

15,4 %

Source : Commission des lois, à partir des données publiées par le ministère de l'intérieur

B. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE DÉNONCIATION DE L'ACCORD QUI NE DOIT PLUS ÊTRE EXCLUE SI LES NÉGOCIATIONS N'ABOUTISSENT PAS

La question de la pérennité de l'accord du 27 décembre 1968 semble désormais devoir inéluctablement se poser. De fait, la nécessité d'une évolution du régime actuellement applicable fait l'objet d'un large consensus, quand bien même des divergences peuvent exister sur les moyens de la faire advenir.

Suivant l'avis des rapporteurs, la commission a estimé que les avantages dont bénéficie l'Algérie en matière migratoire n'ont plus de justification évidente en 2025. Le maintien de ce régime de faveur apparaît par ailleurs d'autant moins justifié qu'il ne s'accompagne pas d'une coopération satisfaisante en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, bien au contraire. Considérant l'achoppement de l'ensemble des discussions conduites depuis 2001 pour l'adoption d'un nouvel avenant et l'absence durable de progrès en matière de retours, la nécessité de faire évoluer ce régime justifie dès lors l'établissement d'un rapport de force.

En conséquence, la commission a considéré qu'une solution négociée devait effectivement être envisagée en priorité mais que, dans l'hypothèse d'un échec, la France ne devrait pas s'interdire de mettre fin unilatéralement à l'application de l'accord afin de laisser le droit commun s'appliquer. Juridiquement, la commission souscrit en effet à l'analyse selon laquelle rien ne s'oppose à une dénonciation unilatérale et que celle-ci entraînerait l'application du droit commun aux ressortissants algériens. Une telle mesure aurait un coût diplomatique, politique et économique important et ne saurait donc être envisagée qu'en toute dernière extrémité. Par cohérence, l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service devrait alors également être dénoncé.

LISTE DES PROPOSITIONS

Propositions relatives aux instruments migratoires internationaux

Propositions pour une rationalisation du recours
aux instruments migratoires internationaux

Proposition n° 1 : Consolider et centraliser l'information sur les instruments internationaux aujourd'hui applicables en matière migratoire. Pour ce faire :

- intégrer les accords de gestion concertée et de codéveloppement voire les accords relatifs aux exemptions de visas pertinents à la liste figurant en annexe I du Ceseda ;

- mettre à disposition du public une information claire et exhaustive sur l'ensemble des instruments internationaux aujourd'hui applicables, y compris lorsqu'il s'agit d'instruments européens ou ne créant pas de droits au bénéfice des particuliers.

Proposition n° 2 : Formaliser la composition et les missions du comité stratégique sur les migrations et confier sa présidence au Premier ministre.

Proposition n° 3 : Dans la lignée des dernières orientations du Comité stratégique sur les migrations, accentuer le dialogue avec un nombre restreint d'États tiers prioritaires et développer les instruments souples de coopération.

Proposition n° 4 : Dans le cadre du comité stratégique sur les migrations, formaliser une doctrine d'utilisation des instruments internationaux en matière migratoire et garantir l'information du Parlement sur son contenu.

Proposition n° 5 : Engager un travail d'identification des instruments internationaux aujourd'hui obsolètes et de réflexion sur les suites à leur donner.

Proposition n° 6 : Privilégier, dès que cela apparaît pertinent, une obligation périodique de renégociation des instruments internationaux plutôt qu'un renouvellement par tacite reconduction.

Proposition n° 7 : Veiller à la convocation régulière des instances de suivi des instruments internationaux et se doter des outils statistiques nécessaires pour évaluer leur exécution.

Propositions sectorielles

Proposition n° 8 : Faire aboutir le processus d'édiction d'une nouvelle instruction générale des visas pour l'application de l'article 47 de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

Proposition n° 9 : Mobiliser l'ensemble des instruments internationaux disponibles pour favoriser la coopération des États d'émigration en matière de réadmission. Pour ce faire :

- Soutenir la conclusion d'accords de réadmission européens, sans s'interdire la négociation d'accords bilatéraux lorsque la situation le justifie ;

- Développer autant que possible le recours à des instruments techniques, dont la flexibilité est souvent gage d'une plus grande efficacité.

Proposition n° 10 : Redimensionner les dispositifs d'échanges de jeunes professionnels afin de les concentrer sur des profils clairement identifiés dans le cadre de la stratégie d'attractivité de la France. À défaut, prendre acte de l'échec de ces programmes en réorientant les moyens correspondants.

Proposition n° 11 : Poursuivre la montée en puissance de programmes « Vacances-Travail » qui contribuent indéniablement au rayonnement de la France à l'international.

Proposition n° 12 : Renforcer et harmoniser l'information des services de l'État comme des usagers sur les dérogations au droit au séjour résultant de l'application d'accords internationaux.

Propositions relatives à la coopération transfrontalière
entre la France et le Royaume-Uni

Proposition n° 13 : Engager un dialogue exigeant avec les autorités du Royaume-Uni sur la nécessité de clarifier les objectifs de la politique migratoire britannique, qui ont une incidence majeure sur les flux migratoires irréguliers dans la Manche.

Proposition n° 14 : Conduire une évaluation exhaustive des coûts de la sécurisation des côtes de la Manche et de la Mer du Nord ainsi que de la présence de migrants sur ces côtes.

Proposition n° 15 : Ouvrir un dialogue sur l'élargissement du périmètre de la contribution « Sandhurst » afin d'y intégrer, notamment, le financement du dispositif humanitaire déployé par l'État et les acteurs agréés.

Proposition n° 16 : Mobiliser les mécanismes permettant aux mineurs isolés ayant des membres de leur famille au Royaume-Uni de les rejoindre en toute sécurité.

Proposition n° 17 : Engager avec les autorités britanniques, à l'échelle européenne et à défaut de manière bilatérale, des discussions pour un futur accord migratoire global. Cet accord aurait notamment vocation à définir des voies de migrations légales ainsi que les modalités de coopération en matière de retours et de lutte contre les réseaux de passeurs.

Propositions relatives à la coopération migratoire entre la France et l'Algérie

Proposition n° 18 : Engager un nouveau cycle de négociations avec l'Algérie afin de rééquilibrer le régime dérogatoire d'admission au séjour et de circulation prévu par l'accord du 27 décembre 1968.

Tirer les conséquences d'un éventuel échec en mettant fin à son application. Par cohérence, mettre également fin à l'application de l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service.

AVANT-PROPOS

Si le Parlement légifère souvent sur les questions migratoires, des pans entiers de la politique migratoire de la France n'en restent pas moins déterminés par des instruments de droit international sur lesquels il n'a que peu de prise.

La France est en effet partie à une myriade d'instruments internationaux applicables dans tous les domaines de la politique migratoire et dont le périmètre comme la portée juridique peuvent varier du tout au tout. Certains sont tout à fait identifiés et régulièrement évoqués dans le débat public : c'est le cas, notamment, de l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, conclu entre la France et l'Algérie, dont la pertinence fait l'objet de débats politiques récurrents. Force est toutefois de constater que la grande majorité de ces instruments ne disposent pas de la même notoriété, tant dans l'opinion publique que chez les parlementaires eux-mêmes.

Ce pan de la politique migratoire de la France est pourtant fondamental à plus d'un titre. La structuration de la coopération avec les États de départ est un facteur clé de la maîtrise des flux migratoires comme de la mise en oeuvre de la politique d'attractivité de la France. En outre, la cohérence et la lisibilité de notre droit ne peuvent que pâtir de cet empilement d'accords dérogatoires pas toujours appliqués, jamais évalués et pour certains tombés aux oubliettes.

En dépit de son caractère structurant, le recours à des instruments internationaux pour la conduite de la politique migratoire de la France n'a étonnamment jamais fait l'objet d'une évaluation exhaustive. Dans ce contexte, la commission des lois a entendu donner à ce sujet méconnu l'attention qu'il mérite.

Un premier travail a été réalisé en 2023 par Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère dans le cadre - nécessairement circonscrit - de leur avis sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » prévus dans le projet de loi de finances initiale pour 2024, soulignant que « la crédibilité des analyses et des propositions de réforme de la politique migratoire de la France suppose nécessairement une prise en compte effective [de la prégnance des instruments migratoires internationaux] »3(*). Les délais d'examens contraints des lois de finances n'offrant toutefois pas les conditions d'un travail d'ampleur sur le sujet, la commission des lois a engagé une évaluation de long terme du recours aux instruments migratoires internationaux. Pour ce faire, elle a créé en avril 2024, à l'initiative de François-Noël Buffet, alors président de la commission, une mission d'information transpartisane dont Muriel Jourda, Olivier Bitz4(*) et Corinne Narassiguin ont été désignés co-rapporteurs5(*).

Cette mission a poursuivi trois objectifs principaux : fiabiliser le recensement des instruments migratoires internationaux, établir un bilan de leur application et formuler des recommandations visant à renforcer la cohérence et l'efficacité de ce pan de la politique migratoire.

Dans ce cadre, les rapporteurs ont souhaité accorder une attention particulière aux accords internationaux conclus avec deux États partenaires : l'Algérie et le Royaume-Uni. Les accords en question sont en effet uniques en leur genre. Outre les débats politiques qu'il suscite, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est le seul à établir un régime de circulation et d'admission au séjour intégralement dérogatoire au bénéfice des ressortissants algériens. Avec le Royaume-Uni, la France a par ailleurs progressivement construit un régime de coopération transfrontalière original, dont les caractéristiques sont aujourd'hui fixées par les traités dits « du Touquet » du 4 février 2003 et « de Sandhurst » du 18 janvier 2018. La conduite d'un travail sur le sujet est d'autant plus incontournable que les contestations se multiplient aujourd'hui à l'égard d'un cadre qui n'a, de toute évidence, pas permis de maîtriser les flux migratoires à destination du Royaume-Uni.

Les travaux menés par les rapporteurs ont permis de procéder à 30 auditions, au cours desquelles 70 personnes ont été entendues. Les rapporteurs se sont par ailleurs rendus les 20 et 21 novembre 2024 à Calais, afin de rencontrer les acteurs chargés quotidiennement de la surveillance de la frontière franco-britannique.

Les rapporteurs ont souhaité recueillir les points de vue de l'ensemble des acteurs compétents, que ce soit au sein des ministères de l'intérieur ainsi que de l'Europe et des affaires étrangères, mais également des États partenaires. Ils regrettent néanmoins vivement que seuls les représentants du Royaume-Uni aient accepté d'être entendus par la commission des lois. Les invitations répétées à une audition, transmises aux ambassadeurs en France de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc n'ont quant à elles pas connu d'issue favorable.

Au terme de ses travaux, la mission d'information fait le constat d'un « désordre » dans la politique internationale migratoire de la France, matérialisée par des instruments juridiques nombreux, d'un objet et d'une portée juridique variables, et dont l'application effective est aléatoire. Elle invite donc à une rationalisation du recours à ces instruments incontournables de toute politique migratoire nationale.

S'agissant plus particulièrement des accords du Touquet et de Sandhurst, la mission estime qu'ils doivent aujourd'hui faire l'objet de certains correctifs au vu des conditions de leur application, dans l'attente de la conclusion d'un accord global, si possible au plan européen, afin de résoudre les tensions liées à la pression que cause à l'ensemble des régions côtières de la Manche - et à commencer par le Calaisis - l'immigration irrégulière à destination du Royaume-Uni.

Enfin, concernant l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la commission estime que l'évolution majeure du contexte qui avait présidé à sa conclusion et les difficultés rencontrées dans les relations bilatérales en matière migratoire avec l'Algérie doivent conduire à le renégocier afin d'aboutir à des mesures équilibrées pour les deux parties ou, à défaut, à envisager sa dénonciation, conformément aux règles régissant le droit des traités.

PARTIE 1 - DES INSTRUMENTS MIGRATOIRES INTERNATIONAUX TRIBUTAIRES DE L'EFFICACITÉ DE L'ACTION DIPLOMATIQUE

Les rapporteurs ont tout d'abord souhaité examiner précisément, de manière transversale, le recours aux instruments internationaux en matière migratoire afin, d'une part, d'en établir un recensement exhaustif et, d'autre part, d'évaluer leur efficacité.

Sur un plan terminologique, ils ont fait le choix de privilégier les termes « d'instruments internationaux » pour désigner les outils étudiés. Les accords ou traités intergouvernementaux formalisés n'en représentent en effet qu'un fragment et il convient d'ajouter à cet ensemble une variété d'instruments de droit souple qui, sans revêtir de portée normative stricto sensu, formalisent des engagements réciproques entre les États signataires.

I. LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX, UN VOLET INCONTOURNABLE MAIS SENSIBLEMENT AMÉLIORABLE DE LA POLITIQUE MIGRATOIRE FRANÇAISE

A. DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX TOUJOURS PLUS NOMBREUX, MAIS DE PORTÉE INÉGALE

1. Un ensemble d'instruments internationaux crucial pour la politique migratoire mais largement méconnu
a) Des instruments internationaux qui se comptent par centaine mais paradoxalement sous-étudiés

Les travaux conduits en 2023 par la commission des lois lors de l'examen de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ont fait émerger un paradoxe : en matière migratoire, les instruments internationaux sont aussi nombreux qu'ils sont sous-étudiés. Ce constat est d'autant plus préoccupant que la multiplication de dérogations au droit commun des étrangers consenties au niveau international restreint les marges de décision du législateur dans un domaine pourtant jugé prioritaire par les Français.

À titre d'exemple, la comparaison entre le dispositif de régularisation pour les travailleurs dans des métiers en tension figurant désormais à l'article 27 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration et les voies d'admission au séjour prévues pour les mêmes motifs dans les accords de gestion concertée et de codéveloppement conclus avec des États d'Afrique de l'Ouest a fréquemment été invoquée au cours des travaux préparatoires et des débats. De la même manière, l'inapplicabilité de la plupart des dispositions alors en discussion aux ressortissants algériens a fait l'objet de plusieurs interventions.

Un constat s'est imposé à la mission d'information dès l'engagement de ses travaux : quoique très développé le recours aux instruments internationaux semble encore être un impensé de la politique migratoire. Aussi la mission d'information a-t-elle dû consacrer un temps considérable au seul recensement des accords existants. Du fait des délais d'examen budgétaire, le périmètre du recensement opéré par Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère dans le cadre des travaux sur le projet de loi de finances pour 20236(*) était en effet significativement plus restreint que celui retenu par la mission. Et si un total de 113 accords internationaux avait déjà pu être recensé,7(*) il ne représente néanmoins que la partie émergée de l'iceberg.

Les données publiques sur le sujet sont de fait aussi limitées que parcellaires. L'annexe I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) et les pages du site internet du ministère de l'intérieur consacrées au sujet8(*) offrent certes un premier point de départ. Ils sont toutefois loin d'être exhaustifs. Si la dernière recodification du Ceseda a permis d'étoffer les éléments figurant dans ladite annexe9(*), ni les accords de gestion concertée et de codéveloppement, ni les accords bilatéraux de réadmission, ni les accords conclus au niveau européen en matière de réadmission ou de visas n'y figurent à ce jour. Les informations publiées sur le site internet du ministère de l'intérieur semblent quant à elles ne pas avoir été mises à jour depuis le mois d'août 2021. Enfin, au-delà de ces sources institutionnelles, les travaux universitaires ou associatifs sur le sujet restent rares10(*).

Le professeur Thibault Fleury-Graff n'a pas émis un constat différent au cours de son audition : « cette constellation [d'instruments internationaux] est largement sous-étudiée et son impact difficile à mesurer : il existe peu d'articulations entre les différents textes - ce qui n'est pas nécessairement étonnant dans la mesure où chaque accord est signé avec des pays distincts et que les logiques migratoires sont donc différentes ».

Le recensement des instruments internationaux applicables en matière migratoire a donc supposé un minutieux travail de recoupement des quelques informations publiques avec les données obtenues au cours des travaux. Ce travail a de surcroît été complexifié par trois éléments. Le premier a trait au volume et à la variété des instruments internationaux en vigueur : au cours de la première vague d'auditions réalisées par la mission d'information, une nouvelle catégorie d'instruments a été mentionnée à presque chaque entretien. La deuxième difficulté réside dans l'absence de nomenclature commune pour catégoriser les différents instruments. Selon les sources, certains accords au contenu hybride peuvent être intégrés à des catégories différentes, contribuant à transformer cette constellation d'instruments internationaux en un maquis parfois indéchiffrable. La dénomination parfois nébuleuse de certains d'entre eux n'est par ailleurs pas pour rien dans cette confusion d'ensemble11(*). Troisièmement, le contenu voire l'existence de certains de ces instruments internationaux ne sont pas toujours publics. Il en va notamment ainsi des arrangements administratifs conclus en matière de réadmission. La mission d'information considère néanmoins que ce souci de discrétion est pleinement légitime, en ce que la confidentialité est bien souvent la première de l'efficacité de ces accords.

La mission d'information a ainsi recensé 189 instruments internationaux applicables en matière migratoire aux termes de ses travaux. Les trois quarts d'entre eux sont bilatéraux (146), même si cette proportion devrait mécaniquement se réduire à l'avenir du fait de l'intervention croissante de l'Union européenne dans ce domaine. Cesinstruments couvrent dans des proportions quasiment égales l'ensemble des volets de la politique migratoire, qu'il s'agisse de la circulation, de l'admission au séjour ou du encore du retour des personnes en situation irrégulière. De manière générale, la mission d'information tient à rappeler le caractère subjectif de la nomenclature retenue, certains instruments au contenu hybride s'étant avérés particulièrement difficiles à catégoriser12(*).

Tableau de synthèse des accords internationaux conclus par la France et l'Union européenne en matière migratoire13(*)

Accords relatifs aux visas

Accords européens relatifs à la délivrance de visas court séjour

Nombre d'États exemptés (dont accord)

Dont accords de facilitation

31

65 (26)

5

Accords d'exemption de visas court séjour pour les détenteurs de passeport diplomatique, de service ou spécial

Dont accords bilatéraux

Dont accords européens

27

25

2

Sous-total

58

Accords relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière

Accords de réadmission

Dont accords bilatéraux

Dont accords européens

55

37

18

Instruments de coopération technique en matière de réadmission

Dont instruments bilatéraux

Dont instruments européens

13

7

6

Sous-total

68

Accords de gestion concertée et de codéveloppement

Accords de gestion concertée et de codéveloppement

7

Accords relatifs aux mobilités professionnelles

Accords relatifs à la mobilité des jeunes

Dont accords de mobilité

Dont accords « Vacances-Travail »

27

13

14

Accords hybrides relatifs aux mobilités professionnelles

5

Sous-total

32

Accords relatifs aux conditions de circulation de séjour ou d'emploi

Accords de circulation

Dont accords de circulation nationaux

Dont accords de circulation régionaux

7

3

4

Accords mixtes de séjour de circulation ou d'emploi

16

Conventions d'établissement

6

Accords divers

3

Sous-total

32

TOTAL

Dont bilatéraux

197

140

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Il est délicat d'effectuer des comparaisons internationales sur le sujet du fait de la rareté des données disponibles. Il n'existe ainsi aucune base de données centralisée sur le sujet, même si le ministère de l'intérieur peut ponctuellement obtenir quelques informations directement auprès des États partenaires. Selon la direction générale des étrangers en France (DGEF), les demandes d'information ne font d'ailleurs pas toujours l'objet d'une réponse favorable. Pour des raisons diplomatiques compréhensibles, de nombreux États s'appliquent à conserver une certaine discrétion quant aux instruments internationaux auxquels ils sont parties en matière migratoire.

Les quelques données disponibles permettent néanmoins de conclure que l'intensité du recours à des instruments internationaux en matière migratoire semble loin d'être une spécificité française. À titre d'exemple, une étude universitaire publiée en 2015 recensait un total de 306 accords de réadmission conclus par les États membres de l'UE et de l'espace Schengen avec des pays tiers14(*).

b) Un volet pourtant incontournable de la politique migratoire

Parce qu'il est au coeur des relations entre États, le droit des étrangers est particulièrement propice à la conclusion d'accords internationaux. Ceux-ci font partie intégrante de la politique migratoire française et sont à bien des égards indispensables. Les mots utilisés par le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors de son audition devant la commission le 27 novembre 2024 sont à cet égard éloquents : « les accords internationaux et surtout les accords bilatéraux sont absolument essentiels ; on ne peut pas mener une politique migratoire sans ces accords ».

De fait, les avantages des instruments internationaux sont théoriquement nombreux pour la conduite de la politique migratoire. Ils permettent l'établissement d'un cadre de coopération privilégié avec les États partenaires, notamment ceux pour lesquels les enjeux migratoires sont substantiels (que ce soit en termes de circulation, d'attractivité de la France ou encore de maîtrise des flux migratoires). Sur le plan diplomatique, l'élaboration d'un instrument de coopération permet de souligner la qualité de la relation bilatérale. Au-delà de leur contenu, ces accords facilitent enfin les échanges entre les États parties dans le domaine parfois délicat des migrations. Ces avantages supposés expliquent l'appétence ancienne et non démentie du pouvoir exécutif pour les instruments internationaux, même si leur apport doit en pratique être très largement relativisé.

c) Des instruments internationaux mis en place par vagues successives

Les accords bilatéraux sont historiquement aux fondements de la politique migratoire. Comme l'a rappelé le professeur Vincent Tchen au cours de son audition, « une partie du droit des étrangers s'est fixée à la fin du XIXsiècle suivant l'idée que l'étranger qui migre importe son statut personnel et que les droits qui composent ce statut doivent être garantis par des conventions bilatérales reposant sur un principe de réciprocité ».

L'unification du droit des étrangers opérée à l'issue de la Seconde Guerre mondiale par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France aurait théoriquement pu reléguer au second plan les instruments internationaux en la matière. Les pouvoirs publics ont toutefois continué à les utiliser abondamment, de manière plus ou moins marquée selon les périodes.

De manière générale, la mise en place d'instruments internationaux en matière migratoire s'est faite de manière cyclique. Les différentes « vagues » de conclusion d'instruments bilatéraux recensées peuvent, selon les cas, être rattachées à des facteurs historiques, politiques ou juridiques.

La première de ces « vagues » est observée dans les années 1960. Le processus de décolonisation s'accompagne alors de la conclusion d'accords bilatéraux avec les anciennes colonies françaises afin d'en tirer les conséquences sur le plan migratoire. À quelques exceptions près15(*), ces accords ont été remplacés au cours des années 1990 par une nouvelle génération d'instruments revenant sur les facilités accordées.

La seconde vague débute dans les années 1990. Elle résulte, d'une part, de l'approfondissement de la construction européenne. En parallèle d'un espace de libre circulation, des accords de réadmission ont ainsi été conclus avec la plupart des États membres sur la période. D'autre part, l'apparition de nouveaux États faisant suite à l'éclatement de l'URSS a constitué le terreau de cette nouvelle « vague d'accords ». De nombreux accords ont par ailleurs été conclus avec des États d'Amérique latine au cours de la période, souvent en contrepartie d'une libéralisation du régime des visas.

Un nouveau cycle s'est ouvert à partir de 2007. Celui-ci se distingue des précédents en ce que la conclusion d'accords bilatéraux a été érigée en objectif de politique publique. La politique « d'immigration choisie », alors poursuivie par le gouvernement, était portée par une structure ministérielle dédiée, le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Sept accords bilatéraux dits de « gestion concertée et de codéveloppement » ont été conclus à cette période.

Si l'on observe depuis lors un ralentissement dans le rythme de conclusion des accords, celui-ci est relatif. La DGEF a rappelé au cours de son audition que celui-ci résultait de « la couverture d'un nombre [désormais] significatif de pays tiers par des instruments migratoires [et, en outre,] d'un principe de sélectivité, qui est aussi un principe de nécessité, selon lequel la France n'a pas vocation à couvrir la totalité des pays tiers avec des instruments migratoires particuliers ». La communautarisation croissante de certaines matières à partir des années 1990 a par ailleurs certainement joué un rôle dans ce ralentissement. Il ne peut cependant être exclu que ce ralentissement ne se révèle finalement être que le prélude d'un nouveau cycle.

Le recours aux instruments internationaux connait en effet un important regain depuis un an. Selon les informations recueillies par la mission d'information, des négociations sont en cours avec plusieurs États partenaires pour rénover les instruments existants ou en conclure de nouveaux. Les données figurant dans le tableau de synthèse présenté ci-dessus pourraient en conséquence rapidement évoluer.

Des discussions seraient, d'une part, en cours avec cinq États. Ainsi, pour le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie des échanges auraient lieu en vue de la conclusion d'arrangements administratifs en matière de réadmission16(*). Un accord de réadmission intergouvernemental a en outre récemment été conclu avec le Kazakhstan17(*), tandis que des discussions analogues seraient en cours avec l'Ouzbékistan. Alors que l'on observe actuellement une recrudescence du nombre de ressortissants vietnamiens en situation irrégulière dans le Calaisis, des échanges sont enfin conduits avec les autorités vietnamiennes pour actualiser les instruments existants. Des discussions se tiendraient, d'autre part, avec au moins cinq États pour la mise en place d'instruments bilatéraux en matière de migrations légales18(*).

La conclusion de nouveaux instruments internationaux au niveau européen n'est par ailleurs pas à exclure. La Commission européenne dispose de six mandats de négociation pour la conclusion d'accords de réadmission19(*), même si les discussions ne sont réellement actives qu'avec le Nigéria. D'autres accords de partenariat pourraient par ailleurs venir se greffer prochainement aux trois existants20(*). L'opacité relative du processus de négociation rend néanmoins la conclusion de ces derniers plus délicate à anticiper. À cet égard, la mission d'information ne peut que regretter que les États membres n'aient parfois été associés aux discussions que dans les toutes dernières phases de la négociation.

2. Des instruments inégaux, sur la forme comme sur le fond

Les instruments internationaux étudiés par la mission d'information sont loin de former un ensemble homogène, sur la forme comme sur le fond. Sur la forme, la densité des accords est extrêmement variable : les grands accords mixtes tels que les accords de gestion concertée et de codéveloppement sont particulièrement étoffés, sinon touffus. À titre d'exemple, l'accord-cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire du 28 avril 2008 est assorti de deux protocoles d'application et de quatre annexes. Par opposition, les accords sectoriels relatifs, par exemple, aux exemptions de visas ou à la réadmission ne comprennent qu'une poignée d'articles.

Sur le fond, la portée juridique des instruments internationaux peut varier du tout au tout.

Des divergences importantes existent tout d'abord au sein-même des accords intergouvernementaux. Comme l'a rappelé le professeur Thibaut Fleury-Graff au cours de son audition, l'étendue des dérogations au droit commun qu'ils prévoient est particulièrement variable : « chacun des accords doit faire l'objet d'une appréciation séparée [car] la dérogation à la législation de droit commun est souvent minime [mais] parfois très importante ». À titre d'exemple, les accords relatifs aux conditions de circulation, de séjour et d'emploi conclus dans les années 1990 avec des États d'Afrique de l'Ouest sont essentiellement symboliques. Hormis quelques dérogations limitées au droit commun en matière de regroupement familial ou d'accès à la carte de résident, ils se contentent pour l'essentiel de renvoyer au droit commun21(*). A contrario, les ressortissants algériens sont soumis à un régime d'admission au séjour entièrement dérogatoire au titre de l'accord du 27 décembre 196822(*).

Certains accords intergouvernementaux se distinguent par ailleurs en ce qu'ils ne sont pas créateurs de droits pour les particuliers. C'est le cas des accords de réadmission, qui se contentent d'établir des procédures opérationnelles communes pour faciliter le retour des ressortissants d'un État partie en situation irrégulière sur le territoire de l'autre (ou ayant transité sur le territoire de l'autre État partie). Comme l'a rappelé la DGEF au cours de son audition, ces accords se bornent à régir les relations entre les États et ne modifient par le régime juridique applicable aux ressortissants étrangers en situation irrégulière. Ils ne font pas l'objet de la procédure parlementaire de ratification ou d'approbation prévue à l'article 53 de la Constitution et ne sont pas opposables à l'administration ou aux tiers.

Au-delà des accords intergouvernementaux, la portée des instruments techniques désormais privilégiés par l'exécutif23(*), notamment en matière de réadmission, est encore plus réduite. Selon la formule utilisée par la DGEF, ces derniers « n'ont pas de portée normative à proprement parler [mais] valent engagements réciproques ».

Le terme générique d'instruments internationaux recouvre donc des réalités extrêmement disparates. Si cet éclatement ne contribue pas à la lisibilité de l'ensemble, il semble difficilement évitable. Les enjeux migratoires sont plus ou moins marqués en fonction des États partenaires, lesquels peuvent avoir des demandes différentes. En conséquence, la mission d'information a estimé indispensable d'aller au-delà d'une analyse transversale, certes utile, mais qui présente des limites. Les différentes catégories d'accords font chacune l'objet d'analyses détaillées au II.

B. UNE EXÉCUTION DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX QUI DÉPEND D'ABORD DE FACTEURS DIPLOMATIQUES

En matière migratoire, l'exécution des instruments internationaux est particulièrement mouvante. Cette situation ne résulte cependant au principal ni du caractère parfois juridiquement perfectible des stipulations y figurant, ni de dysfonctionnements administratifs de la part des États signataires : l'exécution des instruments internationaux dépend prioritairement de facteurs diplomatiques.

La totalité des personnes auditionnées ont ainsi confirmé que l'application des instruments internationaux était intrinsèquement dépendante de la qualité de la relation bilatérale entre les États parties. En l'absence de leviers pour contraindre l'État partenaire à se conformer à ses engagements, la bonne exécution de ces instruments relève d'abord et avant tout de la volonté politique.

Les instruments relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière sont à cet égard emblématiques. En matière de retours, aucun instrument ne peut permettre d'obtenir la coopération d'un État tiers qui, pour des raisons politiques, ne le souhaiterait pas. Lors de son audition, le professeur Vincent Tchen a ainsi rappelé que « les autorités françaises sont démunies de réponse efficace lorsque les États signataires ne respectent pas leurs engagements ». Tout juste ces accords peuvent-ils permettre de maintenir un espace de discussion lorsque les relations bilatérales sont le plus dégradées24(*).

À titre d'exemple, la France dispose depuis les années 1990 d'un instrument technique de coopération en matière de retour avec l'Algérie. La présence de cet instrument n'a en rien permis d'infléchir le refus de la partie algérienne de réadmettre ses ressortissants à la suite de la « crise des visas » entre août 2021 et avril 202225(*). Aucun retour forcé n'a ainsi pu être exécuté en direction de l'Algérie sur cette période, en dépit de l'engagement à une coopération efficace retranscrit dans cet instrument technique de coopération.

L'efficacité des instruments internationaux ici étudiés est donc très largement tributaire de la qualité de la relation diplomatique avec l'État partenaire. Les constats exposés dans le présent rapport doivent dès lors être systématiquement replacés dans cette perspective : une norme internationale, aussi pertinente soit-elle, ne peut se substituer à une action diplomatique de qualité. Cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à clarifier les objectifs associés à l'utilisation de ces instruments, à améliorer le suivi de leur exécution ou à moderniser leurs outils d'évaluation. Cela implique en revanche que les instruments internationaux doivent, en matière migratoire, être appréciés pour ce qu'ils sont : des outils parmi d'autres pour l'amélioration de la coopération migratoire avec des États tiers. Il serait en effet particulièrement naïf d'imaginer que ces instruments puissent, à eux seuls, garantir une coopération optimale avec les États partenaires.

C. UNE RATIONALISATION INDISPENSABLE DE L'USAGE DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX EN MATIÈRE MIGRATOIRE

1. Face au « fouillis » des instruments internationaux, un nécessaire travail de clarification
a) Les instruments internationaux : de la constellation au fouillis ?

Du début à la fin de ses travaux, la mission d'information a rencontré d'importantes difficultés méthodologiques pour évaluer l'efficacité du recours aux instruments internationaux en matière migratoire. Si le nombre de ces instruments n'est pas problématique en soi, la sensation d'une absence de cohérence qui se dégage de l'ensemble est en revanche beaucoup plus préoccupante. Loin de former un tout cohérent, cet ensemble s'est plutôt construit par sédimentation et de manière relativement décousue.

Ce constat a été partagé par la très grande majorité des personnes auditionnées par la mission d'information. Du reste, les rapporteurs ont rapidement abandonné le terme flatteur de « constellation » pour qualifier cet assortiment excessivement déstructuré et difficilement lisible d'instruments internationaux ; c'est plutôt celui de « fouillis » qui s'est imposé au fil des échanges. Le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau a d'ailleurs immédiatement repris celui-ci à son compte lors de son audition devant la commission des lois le 27 novembre 2024 : « oui, il y a fouillis ; celui-ci est généré par la cohabitation d'accords de plusieurs générations ; cependant, le cadre des accords d'hier ne correspond plus aux exigences actuelles, ce qui provoque aussi cet effet de désordre ».

Cette sensation de « fouillis » ne résulte pas uniquement de la superposition d'un grand nombre d'instruments internationaux applicables en matière migratoire, loin de là. Un tel volume d'instruments internationaux pourrait tout à fait être admis si lesdits instruments étaient conclus en application d'une stratégie clairement définie, que leur contenu était juridiquement pertinent et que leur mise en oeuvre faisait l'objet d'un suivi bilatéral rigoureux ainsi que d'évaluations approfondies. Force est malheureusement de constater que ces éléments ne sont que très rarement réunis.

Aux termes de ses travaux, la mission d'information est contrainte de formuler la conclusion inverse : ce « fouillis » d'instruments internationaux est à l'image d'une politique conduite à vue et déterminée prioritairement par des logiques d'opportunité. Elle a ainsi été frappée de constater que la plupart des administrations auditionnées étaient interrogées pour la première fois sur ce sujet pourtant central. Les réponses souvent génériques, voire elliptiques, à des interrogations a priori basiques sur la stratégie d'ensemble des ministères concernés n'ont fait que renforcer les rapporteurs dans cette conclusion. Si la mission d'information ne remet pas en cause le travail souvent remarquable des agents publics impliqués, elle considère en revanche que la doctrine d'usage des instruments internationaux en matière migratoire est trop peu définie et que leur suivi est largement perfectible. En somme, les pouvoirs publics gagneraient à investir ce levier essentiel de la politique migratoire de manière plus ordonnée.

b) La clarification du cadre juridique d'ensemble, un point de départ incontournable

Dans ce contexte, la mission d'information estime indispensable de rehausser le volume d'information disponible sur les instruments internationaux en vigueur en matière migratoire. Le vecteur privilégié devrait être l'annexe 1 précitée du Ceseda, à laquelle les accords de gestion concertée de codéveloppement voire les accords relatifs aux exemptions de visas pertinents pourraient utilement être intégrés. Les accords applicables aux détenteurs de passeports diplomatiques ou de service seraient notamment concernés. S'agissant des accords de réadmission, la mission d'information admet l'argument selon lequel la mention au Ceseda d'accords qui ne créent pas de droits au bénéfice des particuliers pourrait susciter davantage de confusion qu'autre chose.

De manière générale, il est impératif de mettre à disposition du public une information claire et exhaustive sur l'ensemble des instruments internationaux aujourd'hui applicables, y compris lorsqu'il s'agit d'instruments européens ou ne créant pas de droits au bénéfice des particuliers. Pour ce faire, l'actualisation des pages internet dédiées du ministère de l'intérieur serait, a minima, un bon point de départ.

Proposition n° 1 : Consolider et centraliser l'information sur les instruments internationaux aujourd'hui applicables en matière migratoire. Pour ce faire :

- intégrer les accords de gestion concertée et de codéveloppement, voire les accords relatifs aux exemptions de visas pertinents à la liste figurant en annexe I du Ceseda ;

- mettre à disposition du public une information claire et exhaustive sur l'ensemble des instruments internationaux aujourd'hui applicables, y compris lorsqu'il s'agit d'instruments européens ou ne créant pas de droits au bénéfice des particuliers.

2. Une doctrine d'usage des instruments internationaux à formaliser dès que possible
a) Historiquement, une stratégie plus que fluctuante

La conclusion d'instruments internationaux ne semble que rarement s'appuyer sur des lignes directrices formalisées. Selon les éléments recueillis par la mission d'information au cours de ses travaux, une véritable stratégie n'a présidé à la mise en place de ces instruments que de manière sporadique.

Certes, les « vagues » d'instruments internationaux présentées précédemment présentaient une certaine homogénéité. Les instruments déployés dans ce cadre l'ont néanmoins essentiellement été de manière réactive ; il s'agissait bien davantage d'accompagner des évolutions politiques ou juridiques exogènes que de décliner une stratégie clairement établie. Il en va ainsi des conventions signées dans le cadre du processus de décolonisation ou des instruments conclus à la suite de la suppression des contrôles aux frontières intérieures dans l'espace Schengen. In fine, seuls les accords de gestion concertée et de codéveloppement semblent avoir été conclus en application d'une stratégie réellement politique, en l'espèce la politique « d'immigration choisie ».

Interrogé sur ce point, l'ancien ambassadeur chargé des migrations, Christophe Léonzi, a indiqué aux rapporteurs que les accords migratoires internationaux s'inscrivaient dans le cadre de coopération migratoire « globale et équilibrée rappelée lors du Sommet de la Valette en 2015 et à l'occasion de l'adoption du Pacte de Marrakech en 2018 ». Les cinq piliers de ce plan d'action conjoint ont été rappelés par Sophie Primas, alors ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger, lors de son audition devant la commission le 3 décembre 2024. Il s'agit de la lutte contre les causes profondes des migrations, de la promotion des migrations légales, de la garantie de dispositifs de protection et d'asile, de la prévention et de la lutte contre l'immigration irrégulière ainsi que de l'organisation de retours dignes assortis de mécanisme de réinsertion. Si la mission d'information ne peut dans l'absolu que souscrire à ces objectifs, force est toutefois de constater que les instruments internationaux n'occupent qu'une place marginale dans cette approche supranationale, alors même que leur usage nécessiterait une stratégie dédiée établie au niveau national.

En conséquence, la mission d'information rejoint la conclusion du professeur Vincent Tchen quant à ce défaut de vision stratégique : « En occultant les pratiques sous la IIIe République et dans les années 1960 pour accompagner la décolonisation, les pouvoirs publics n'ont jamais développé une stratégie globale en matière d'accords bilatéraux ». In fine, la mise en place d'instruments internationaux semble le plus souvent dictée par des contraintes externes ou des logiques d'opportunité.

b) La mise en place des instruments internationaux : une compétence partagée, voire concurrentielle

Une autre difficulté réside dans le fait qu'en matière migratoire, la conclusion d'instruments internationaux se trouve à la jonction des compétences de deux ministères.

La DGEF, direction relevant du ministère de l'intérieur, est formellement responsable de l'élaboration des projets d'accords sur les flux migratoires, en application de l'article 8 du décret n°2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur. Le ministère de l'intérieur est donc clairement désigné comme le premier responsable du pilotage de cette politique publique. Dans ce cadre, la DGEF négocie et applique les différents instruments internationaux, en collaboration avec les différents acteurs étatiques concernés. Il peut concrètement s'agir des services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), de la police aux frontières ou de tout autre service ministériel dont l'implication dans le processus serait dictée par le contenu d'un instrument international.

Parmi ceux-ci, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères occupe évidemment une place à part. Il comprend en son sein d'importantes ressources dédiées à la question migratoire. L'ambassadeur chargé des migrations occupe un rôle pivot au sein de ce dispositif, en particulier depuis l'extension de ses compétences en 2022. Comme il l'a indiqué aux rapporteurs au cours de son audition, il pilote et coordonne l'action du ministère pour la mise en oeuvre des priorités gouvernementales en matière migratoire. Il s'appuie pour cela sur une « task force » ministérielle composée de « correspondants migrations » déployés au sein des directions centrales et de référents migration désignés dans les quinze pays actuellement prioritaires sur le sujet. Ces derniers ont pour rôle de « mobiliser l'ensemble des services concernés localement, de faciliter les coopérations migratoires et de mettre un oeuvre un dialogue et un partenariat migratoires avec le pays de résidence ».

Cette répartition des compétences n'est pas sans défaut. La mission d'information a relevé au cours de ses travaux que la coordination entre les ministères de l'intérieur et de l'Europe et des affaires étrangers n'était en pratique pas optimale.

Les frictions proviennent, d'une part, de priorités divergentes entre les deux structures ministérielles. Schématiquement, le ministère de l'intérieur semble légitimement accorder un primat à la lutte contre l'immigration irrégulière tandis que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères entend de manière tout aussi compréhensible garantir un équilibre avec les enjeux d'attractivité. Par ailleurs, l'action du Quai d'Orsay s'inscrit dans une relation bilatérale qui ne se limite pas aux enjeux migratoires ; elle doit donc prendre en compte d'autres déterminants et composer avec les réalités locales.

Le professeur Vincent Tchen a dressé un constat sans appel sur le sujet au cours de son audition : « une diplomatie migratoire est, dans ce contexte, douteuse. Elle suppose une unité de parole et de compétence qui fait défaut et de repenser le rôle du ministre de l'intérieur car, si cette diplomatie migratoire se résume à des enjeux d'ordre public (réadmission, délivrance de laissez-passer consulaire, contrôles renforcés des points de migration), quel État tiers souhaitera être associé ? »

Les tensions rencontrées s'expliquent, d'autre part, par des rivalités persistantes entre les administrations concernées. Certaines personnes auditionnées par la mission d'information ont ainsi évoqué la propension de certaines d'entre elles à « cacher leur copie » aux autres services impliqués, nuisant indéniablement à la coordination d'ensemble.

c) Le comité stratégique des migrations : une première tentative de structuration à renforcer

Ces difficultés semblent relativement bien identifiées par l'exécutif. L'intensification récente du recours aux instruments internationaux en matière migratoire s'est en effet accompagnée d'une tentative de structuration de cette politique. Celle-ci s'est traduite par la création d'un « comité stratégique des migrations », lors du Conseil de défense et de sécurité nationale du 14 octobre 2022. Co-présidée par les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères, cette instance a vocation, d'une part, à définir les priorités gouvernementales en la matière et, d'autre part, à assurer la bonne coordination entre les actions conduites par les deux ministères. Son secrétariat est assuré par l'ambassadeur chargé des migrations. Celui-ci a indiqué que le comité avait été réuni pour la première fois au niveau ministériel en janvier 2023, puis à plusieurs reprises au niveau administratif26(*).

Compte tenu du caractère nécessairement partagé de l'action extérieure de l'État en matière migratoire, la mission d'information estime que la création d'une instance de coordination va dans le bon sens. Elle regrette toutefois de ne pas avoir été en mesure de lever le voile de mystère qui entoure ce comité. Sur la forme, sa composition comme ses missions demeurent notamment énigmatiques. La mission d'information estime nécessaire de garantir davantage de transparence sur ce point. Elle relève par ailleurs que la mise en place de ce comité il y a désormais deux ans n'a en tout état de cause pas encore permis de surmonter l'ensemble des difficultés de coordination entre les ministères de l'intérieur ainsi que de l'Europe et des affaires étrangères. Sans remettre en cause l'attribution au ministère de l'intérieur du pilotage de cette politique publique au quotidien, elle considère néanmoins qu'un surcroît d'efficacité pourrait être atteint en confiant formellement au Premier ministre le soin de présider les débats stratégiques tenus dans le cadre du comité précité.

Proposition n° 2 : Formaliser la composition et les missions du comité stratégique sur les migrations et confier sa présidence au Premier ministre.

S'agissant des orientations décidées par cette instance, les rapporteurs ont dû, en dépit de demandes répétées, se contenter des maigres informations livrées par la DGEF au cours de son audition. Selon celles-ci, le comité stratégique aurait retenu les cinq axes de travail suivants au cours de sa réunion inaugurale :

- « une sélection assumée de partenaires dont la couverture par des instruments migratoires est à privilégier, à raison de l'importance des enjeux migratoires, ou pour des considérations stratégiques ou politiques ;

- « la nécessité de coupler à des instruments migratoires un dialogue régulier, et des mécanismes opérationnels efficaces ;

- « une préférence pour des instruments souples, par rapport à des accords intergouvernementaux, à partir du bilan de la mise en oeuvre et de l'impact des accords intergouvernementaux conclus ;

- « la nécessité de veiller à une cohérence et à un objectif d'intelligibilité du droit, les dispositions spéciales et dérogatoires en matière de circulation des personnes et de séjour induisant un risque de fragmentation et de complexité indissociable du caractère particulier de ces stipulations ;

- « l'enjeu d'une inter-ministérialisation accrue des approches, en particulier avec les ministères chargés du travail, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la santé, ou de l'agriculture ».

Si ces orientations demeurent générales, la mission d'information a néanmoins choisi de voir le verre à moitié plein. Les axes retranscrits ci-dessus recoupent en effet pour l'essentiel les enjeux qu'elle a identifiés au cours de ses travaux.

Deux points sont par ailleurs particulièrement notables. Le premier a trait aux pays prioritaires identifiés par le comité stratégique sur les migrations. Ils sont désormais au nombre de quinze : l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Mali, le Sénégal, le Bangladesh, les Comores, l'Égypte, l'Inde, l'Indonésie, le Nigéria, le Vietnam et le Sri Lanka.

Le second concerne la nature des instruments aujourd'hui privilégiés dans les négociations avec les États tiers. Cette inflexion a été résumée en ces termes par le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors de son audition devant la commission des lois le 27 novembre 2024 : « Avec les accords de première génération, signés dans les années 2000, nous avons multiplié de grands accords mixtes. Il s'agissait d'accords de gestion, qui étaient élargis à l'ensemble du flux migratoire, légal et irrégulier [...] Nous n'abandonnons pas ces accords, mais avons aujourd'hui un besoin plus opérationnel. Plus l'accord est large, moins la réadmission risque d'être effective parce que le pays concerné peut se glisser dans un angle mort ». Les limites inhérentes aux accords mixtes ont en effet été régulièrement mises en avant lors des auditions conduites par la mission d'information. La rigidité de ce cadre est peu compatible avec le caractère essentiellement technique de la coopération en matière de retours et avec les évolutions rapides du marché du travail s'agissant des migrations légales.

La mission d'information soutient sans réserve ces deux nouvelles orientations. La concentration des négociations avec les pays présentant le plus d'enjeux migratoires semble cohérente, étant entendu qu'une telle priorisation doit avoir pour corollaire un suivi effectif de l'application des instruments. De la même manière, les instruments de coopération techniques paraissent effectivement présenter un potentiel plus intéressant que les accords intergouvernementaux en bonne et due forme.

La mission d'information a par ailleurs pris bonne note de la volonté du ministère de l'intérieur de réunir prochainement le comité stratégique des migrations, en vue d'une potentielle évolution des orientations stratégiques définies en 2023. Dans cette perspective, elle appelle à formaliser une doctrine d'emploi des instruments internationaux en matière migratoire plus détaillée que les orientations actuelles, encore trop rudimentaires. Si la mission d'information admet que la sensibilité du sujet exclut, le cas échéant, une mise à disposition du public du contenu d'une telle doctrine, elle estime néanmoins indispensable de garantir l'information du Parlement sur le sujet.

Proposition n° 3 : Dans la lignée des dernières orientations du Comité stratégique sur les migrations, accentuer le dialogue avec un nombre restreint d'États tiers prioritaires et développer les instruments souples de coopération.

Proposition n° 4 : Dans le cadre du comité stratégique sur les migrations, formaliser une doctrine d'utilisation des instruments internationaux en matière migratoire et garantir l'information du Parlement sur son contenu.

3. Des instruments migratoires internationaux dont le contenu doit être régulièrement réinterrogé
a) Des instruments parfois obsolètes, voire contreproductifs

Le contenu de certains des instruments internationaux étudiés a pu laisser la mission d'information songeuse. Leur plus-value est parfois peu évidente, soit que la normativité des stipulations y figurant soit contestable, soit que les dérogations initialement accordées soient devenues moins favorables que le droit commun au gré des évolutions de la législation.

À titre d'exemple, les cinq conventions d'établissement conclues avec des États africains relèvent davantage de marques d'attention diplomatiques que d'instruments internationaux réellement dérogatoires au droit commun. Parmi les quelques stipulations réellement normatives des conventions relatives aux conditions de circulation, de séjour ou d'emploi, la plupart ont par ailleurs été neutralisées par les évolutions du droit commun. La majorité d'entre elles aménagent par exemple des régime d'accès à des cartes de séjour « compétences et talents » qui ont depuis disparus. Un autre cas emblématique est celui des trois conventions de circulation conclues en 1983 avec les États du Maghreb. Bien que celles-ci figurent à l'annexe 1 du Ceseda, leur suspension partielle en 1986 conjuguée aux modifications intervenues depuis lors font qu'il est particulièrement difficile d'identifier celles de leurs stipulations qui pourraient être encore en vigueur aujourd'hui27(*).

La mission d'information a par ailleurs été frappée de constater que certains accords étaient complètement tombés en désuétude. À sa grande surprise, il lui a même été indiqué des cas où l'administration elle-même avait « oublié » l'existence d'instruments pourtant formellement toujours en vigueur.

Ces éléments pourraient rester du domaine de l'anecdote si ces stipulations aujourd'hui dépassées n'étaient pas théoriquement toujours applicables et que le droit des étrangers ne pâtissait pas fortement de cette accumulation de régimes dérogatoires plus ou moins obsolètes. La conclusion formulée par le professeur Vincent Tchen au cours de son audition est à cet égard sans appel : « Il en résulte aujourd'hui un état du droit désordonné sans aucune cohérence d'objet et, surtout, de valeur juridique. Un nombre conséquent d'accords sont en effet dépourvus de valeur normative, se bornant à afficher une volonté diplomatique et marquer des engagements diplomatiques ».

Cette confusion juridique complexifie de surcroît l'exercice de leurs missions par les administrations chargées des étrangers en France. Si les procédures définies par les accords de réadmission sont globalement intégrées par la police aux frontières, les services des étrangers en préfecture doivent eux composer avec des dérogations internationales au droit au séjour aussi nombreuses que méconnues. La DGEF a ainsi indiqué que « les mesures dérogatoires contenues dans les différents accords ont abouti à complexifier l'instruction des titres de séjour, au détriment de la performance du service et, partant, de la qualité du service public de la délivrance de titres aux étrangers en France ».

b) Un « toilettage » de rigueur des instruments internationaux

Dans ce contexte, la mission d'information estime que le contenu de certains instruments internationaux gagnerait à être régulièrement réinterrogé. La première étape devrait être d'identifier l'ensemble des instruments aujourd'hui obsolètes. Le cas échéant, des discussions pourraient alors être engagées avec les États partenaires quant aux suites à donner auxdits instruments. S'il s'agit là d'un travail de longue haleine, celui-ci aurait le mérite, d'une part, de clarifier le cadre juridique applicable et, d'autre part, d'offrir un cadre d'échanges supplémentaire avec des États tiers pouvant présenter un intérêt en matière migratoire.

Si certaines personnes auditionnées ont même évoqué la possibilité de dénoncer unilatéralement les instruments internationaux objectivement obsolètes, une telle méthode aurait toutefois probablement plus d'inconvénients que d'avantages. La dénonciation unilatérale d'un accord emporte en effet systématiquement des conséquences diplomatiques dont l'ampleur est difficilement anticipable. La simple clarification du cadre juridique ne justifie pas un tel pari. Ce processus devrait donc nécessairement être conduit en liaison étroite avec les États partenaires.

La mission d'information a enfin souhaité reprendre à son compte une proposition formulée par Patrick Stefanini, devenu représentant spécial du ministre de l'intérieur pour les accords internationaux, au cours de son audition. Il s'agit de privilégier, dès que cela apparaît pertinent, une obligation périodique de renégociation des instruments internationaux plutôt qu'un renouvellement par tacite reconduction. De telles clauses de renégociation obligatoire auraient le mérite d'imposer des discussions régulières pour vérifier que les conditions politiques ayant présidé à la conclusion de l'instrument sont toujours réunies, de faire un bilan de son exécution et, le cas échéant, d'en actualiser les stipulations.

Proposition n° 5 : Engager un travail d'identification des instruments internationaux aujourd'hui obsolètes et de réflexion sur les suites à leur donner.

Proposition n° 6 : Privilégier, dès que cela apparaît pertinent, une obligation périodique de renégociation des instruments internationaux plutôt qu'un renouvellement par tacite reconduction.

4. Un suivi inégal de l'application des instruments internationaux

Le suivi de l'application des instruments internationaux pourrait quant à lui être significativement amélioré. La mission d'information a ainsi eu les plus grandes difficultés à obtenir des informations sur la réalité des réunions des comités de suivi traditionnellement prévues par ces accords. Les seules données précises mises à sa disposition concernent le suivi de l'exécution des accords de gestion concertée et de codéveloppement. Elles laissent d'ailleurs entrevoir un bilan peu satisfaisant : seuls les accords conclus avec la Tunisie et le Sénégal sont encore actifs. A contrario, aucune des instances de suivi prévues par les sept autres accords de cette nature n'a été réunie depuis 2020.

Une analyse plus qualitative montre en outre un dynamisme inégal du suivi selon les catégories d'instruments internationaux. Certains font l'objet d'échanges réguliers, à l'instar des programmes « Vacances-Travail » pour lesquels des demandes d'augmentation des plafonds ont par exemple été récemment formulées par certains États partenaires. D'autres ne semblent en revanche faire l'objet que d'un suivi minimaliste par les États signataires. Outre les accords de gestion concertée et de codéveloppement précités, c'est le cas de certains accords de réadmission ou des accords relatifs aux conditions de séjour et d'emploi conclus avec des États d'Afrique de l'Ouest. Cet abandon du suivi bilatéral est compréhensible pour ceux des instruments dont le contenu est obsolète de longue date ; il l'est moins s'agissant d'accords de réadmission dont certains pourraient encore tout à fait trouver à s'appliquer.

Si ce suivi à géométrie variable de l'exécution des instruments ne saurait être satisfaisant, il serait toutefois imprudent d'en tirer des conclusions définitives. La réunion des comités de suivi ne constitue pas à elle seule un indicateur suffisant pour apprécier la qualité de l'exécution d'un accord international. En outre, l'application des accords les plus sectoriels peut ne réclamer qu'un suivi allégé. C'est par exemple le cas s'agissant des accords sommaires d'exemption de visa pour les titulaires de passeport diplomatique, dont l'exécution comme le suivi ne suscitent pas de difficultés particulières.

Surtout, la bonne exécution des accords internationaux n'a rien de mécanique. L'analyse qui voudrait systématiquement assimiler le défaut de suivi de l'exécution d'un instrument international à un dysfonctionnement administratif serait fondamentalement erronée. Comme évoqué précédemment, la bonne exécution d'un accord bilatéral est intimement liée à la qualité de la relation diplomatique entre les États signataires.

Pour l'ensemble de ces raisons, la mission d'information a privilégié une évaluation au cas par cas de l'effectivité du suivi des instruments internationaux ici étudiés.

5. In fine, des résultats extrêmement variables et encore trop difficiles à évaluer

Le dernier élément de ce bilan a trait à l'évaluation des instruments internationaux en matière migratoire. Des marges d'amélioration existent manifestement dans ce domaine, sur le plan tant quantitatif que qualitatif.

La mission d'information ne peut tout d'abord que regretter l'insuffisance criante de données statistiques dans ce domaine. L'application de certains accords sectoriels est certes relativement bien documentée. C'est notamment le cas pour les accords « jeunes professionnels » ou pour les programmes « Vacances-Travail ». Des données ont également été transmises en matière de réadmission, bien que celles-ci soient parcellaires et que les enseignements qui puissent en être tirés soit limités. Il en va ainsi de l'indicateur selon lequel 90 % des réadmissions sont effectuées vers des États tiers couverts par un accord28(*).

La conclusion est cependant toute autre s'agissant des accords relatifs au séjour. Les données présentées à la mission d'information pour évaluer leur application étaient tout aussi modestes en volume qu'impressionnistes dans leur contenu. L'administration a ainsi systématiquement argué de « l'inexistence de statistiques spécifiques permettant de différencier les conditions d'obtention d'un titre de séjour ». Si la mission d'information ne remet pas en cause les difficultés techniques qui peuvent exister sur ce point, il semble à tout le moins préoccupant qu'aucun outil spécifique n'ait été développé pour suivre l'application de dérogations au droit au séjour existant parfois depuis plus de trente-cinq ans.

Sur un plan qualitatif, les évaluations d'instruments internationaux usités en matière migratoire se comptent sur les doigts d'une main. On ne peut que s'étonner qu'un volet aussi central de la politique migratoire reste ainsi sous les radars. Au-delà de la poignée de travaux universitaires et associatifs existant sur le sujet, la mission d'information n'a eu connaissance que de deux rapports institutionnels d'évaluation. Le premier a été produit par la Cour des comptes européenne et est relatif aux accords européens de réadmission. Le second est un rapport conjoint des inspections générales de l'administration et des affaires étrangères sur le bilan des accords de gestion concertée et de codéveloppement. Celui-ci n'a pas été communiqué à la mission d'information, en dépit de ses demandes répétées. De manière générale, la mission d'information a trop souvent dû travailler à partir d'analyses aussi lapidaires que généralistes et vraisemblablement élaborées pour l'occasion.

Pour assurer un suivi plus efficace des instruments internationaux conclus en matière migratoire, la mission d'information recommande donc non seulement de veiller à la convocation régulière des instances de suivi qu'ils prévoient et de se doter des outils statistiques nécessaires pour évaluer leur exécution.

Proposition n° 7 : Veiller à la convocation régulière des instances de suivi des instruments internationaux et se doter des outils statistiques nécessaires pour évaluer leur exécution.

Au-delà de ces éléments généraux, l'évaluation au cas par cas des différentes catégories d'accords laisse entrevoir des résultats extrêmement variables.

II. PRÉSENTATION DES PRINCIPALES CATÉGORIES D'INSTRUMENTS MIGRATOIRES INTERNATIONAUX

Les rapporteurs ont souhaité compléter l'analyse transversale établie précédemment par une présentation exhaustive des différents instruments internationaux conclus par la France ou l'Union européenne en matière migratoire. En préambule, il doit être souligné que la classification utilisée pour ce recensement est par nature subjective. De nombreux accords ont un contenu hybride qui pourrait justifier de les intégrer dans plusieurs catégories différentes. Dans cette tâche de classification, les rapporteurs ont entendu privilégier autant que possible la lisibilité du cadre d'ensemble dans leur présentation.

A. LES ACCORDS RELATIFS AUX VISAS COURT SÉJOUR, UNE MATIÈRE LARGEMENT COMMUNAUTARISÉE

La première catégorie d'instruments internationaux étudiée par la mission d'information rassemble les accords définissant des régimes d'exemption de visas de court-séjour pour les ressortissants des États signataires. Le régime des visas long séjour ne fait en effet l'objet d'aucun accord international, comme cela a été confirmé par les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères au cours des travaux.

Les accords de cette nature peuvent être subdivisés en deux catégories, selon la nature des passeports concernés. Les exemptions de visas court séjour applicables aux détenteurs de passeports « civils » sont traitées au niveau européen, sans qu'un accord ne vienne toutefois systématiquement formaliser cette exemption. L'Union européenne a également ponctuellement conclu des accords plus restreints, visant uniquement à faciliter la délivrance de visas. En tout état de cause, la France ne joue pas les premiers rôles dans la négociation de ces accords intervenant dans une matière largement communautarisée, même si elle y contribue indirectement. La mission d'information a néanmoins choisi de discriminer les instruments présentés selon leurs conséquences juridiques plutôt qu'en fonction de leurs auteurs. Il aurait donc été incohérent de ne pas mentionner des accords revêtant un caractère aussi structurant dans le régime de circulation que la France est chargée d'appliquer.

La conclusion d'accords d'exemption applicables aux titulaires de passeports diplomatiques reste en revanche de la compétence des États membres.

La politique des visas est un secteur particulièrement prolifique en termes de conclusion d'accords internationaux. Au niveau européen, 65 États tiers bénéficient d'un régime d'exemption de visas court-séjour, dont 26 par l'intermédiaire d'un accord international. Les accords « de facilitation » sont quant à eux au nombre de cinq. Au niveau bilatéral, la mission a recensé 25 accords d'exemption conclus au bénéfice des détenteurs de passeports diplomatiques, de service ou spéciaux.

Accords européens ou bilatéraux d'exemption de visas pour les court-séjours

Source : Commission des lois - Réalisé à partir de mapchart.net

1. Les accords d'exemption de visas court-séjour de droit commun : une matière intégralement communautarisée
a) Des exemptions de visas court-séjour qui ne reposent que depuis peu sur des accords formels
(1) Des exemptions de visas court-séjour largement répandues

La définition du régime des visas court-séjour est une compétence européenne depuis l'intégration de « l'acquis Schengen » au cadre de l'Union européenne par le protocole annexe n° 2 du traité dit « d'Amsterdam » du 2 octobre 1997. À l'heure actuelle, ce régime est fixé par le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (ou « code des visas Schengen »). Dans ce cadre, il appartient à l'Union européenne de déterminer ceux des États dont les ressortissants bénéficient d'une exemption de visas pour des séjours de courte durée dans l'espace Schengen et, le cas échéant, de conclure les accords internationaux correspondants.

La liste des États bénéficiant d'un tel régime d'exemption figure en annexe II du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018. Si 65 États sont mentionnés sur cette liste, l'exemption de visas court-séjour n'est en réalité formalisée par un accord international que pour environ un tiers d'entre eux. La direction générale pour les affaires intérieures de la commission européenne (DG HOME) a confirmé au cours de son audition qu'il s'agissait d'une démarche récente mais désormais systématique. Les États tiers qui bénéficiaient historiquement d'une exemption mentionnée dans l'ancien règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 ne sont donc pas concernés, tandis que les règlements modificatifs de l'annexe II précitée les plus récents renvoient expressément à la conclusion d'un accord international pour leur exécution. À cet égard, la DG HOME a signalé aux rapporteurs le cas particulier de l'État de Nauru, pour lequel l'exemption de l'obligation de visa n'est pas effective car aucun accord relatif à l'exemption de visa n'a encore été signé.

Pour ces raisons, la colonne de droite du tableau récapitulatif ci-après n'est pas systématiquement complétée.

Synthèse des accords européens d'exemption de visas court séjour29(*)

Accords d'exemption de visas court séjour (65/26)

États mentionnés à l'annexe II du règlement (UE) 2018/1806

Accord correspondant

ARYM

-

Andorre

-

Antigua-et-Barbuda

30 juin 2009

Albanie

-

Argentine

-

Australie

-

Bosnie-Herzégovine

-

Barbade

30 juin 2009

Brunéi

-

Brésil

21 septembre 2012

Bahamas

30 juin 2009

Canada

-

Chili

-

Colombie

19 décembre 2015

Corée du Sud

-

Costa Rica

-

Dominique

3 juillet 2015

Émirats arabes unis

21 mai 2015

États-Unis

-

Grenade

3 juillet 2015

Géorgie

-

Guatemala

-

Honduras

-

Hong-Kong

-

Israël

-

Japon

-

Kiribati

23 juillet 2016

Kosovo

-

Macao

-

Malaisie

-

Îles Marshall

11 août 2016

Maurice

30 juin 2009

Mexique

-

Micronésie

25 octobre 2016

Moldavie

-

Monaco

-

Monténégro

-

Nauru

Application différée30(*)

Nicaragua

-

Nouvelle-Zélande

-

Palaos

18 décembre 2015

Panama

-

Paraguay

-

Pérou

24 mars 2016

Royaume-Uni

-

Îles Salomon

27 octobre 2016

Saint-Christophe-et-Niévès

30 juin 2009

Saint-Marin

-

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

3 juillet 2015

Sainte-Lucie

3 juillet 2015

Salvador

-

Samoa

3 juillet 2015

Serbie

-

Seychelles

30 juin 2009

Singapour

-

Taïwan

-

Timor-Oriental

3 juillet 2015

Tonga

3 décembre 2015

Trinité-et-Tobago

3 juillet 2015

Tuvalu

6 août 2016

Ukraine

-

Uruguay

-

Vanuatu (suspendu)

3 juillet 2015

Vatican

-

Venezuela

-

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Le contenu de ces accords, pour la plupart établis autour d'un modèle standardisé, est relativement bref. Ils actent tout d'abord formellement le principe d'une exemption de visa pour les citoyens titulaires d'un passeport civil ou diplomatique lorsqu'ils se rendent sur le territoire de l'autre partie pour une durée maximale de 90 jours sur une période de 180 jours. Les modalités de calcul de ces deux périodes sont précisées dans le corps de ces textes. Il existe une exception systématique s'agissant des personnes voyageant pour exercer une activité rémunérée. Il est par ailleurs systématiquement rappelé que ces exemptions s'appliquent « sans préjudice des législations des parties contractantes en matière de conditions d'entrée et de court séjour ». Une dispense de visa n'est donc en rien synonyme de droit à l'entrée sur le territoire. De la même manière, l'expiration du visa n'entraîne pas automatiquement la sortie du territoire puisque les partenaires conservent leur faculté « de prolonger la durée de séjour au-delà de 90 jours, conformément à leur droit national respectif et au droit de l'Union ».

Un exemple d'accord d'exemption de visa : l'accord du 21 septembre 2012 entre l'UE et le Brésil visant à exempter les titulaires d'un passeport ordinaire de l'obligation de visa pour les séjours de courte durée

L'accord du 21 septembre 2012 vise à garantir un régime réciproque d'exemption de visa pour les séjours de courte durée entre l'UE et le Brésil. Ce faisant, il autorise les citoyens de chaque partie à séjourner dans le territoire de l'autre partie sans visa, pour une durée maximale de trois mois par semestre et à des fins « touristiques et professionnelles » (article 1er). Il s'agit là d'une exception, dans la mesure où les motifs du séjour ne sont pas pris en considération dans les accords analogues.

Ces activités « touristiques et professionnelles » peuvent être (article 3) : les activités touristiques, les visites familiales, la recherche de débouchés commerciaux, la participation à des réunions ou à des compétitions sportives, etc. En revanche, les citoyens des deux parties souhaitant « exercer des activités rémunérées ou salariées, s'engager dans la recherche, effectuer des stages, suivre des études, travailler dans le domaine social », etc. ne sont pas couverts par l'accord.

L'accord prévoit par ailleurs la mise en place d'un comité d'experts, composé de représentants des deux parties (l'UE étant représentée par la Commission) (article 6). Ce dernier peut être convoqué pour suivre la mise en oeuvre de l'accord et régler les différends.

Les critères utilisés pour apprécier l'opportunité d'une exemption de visa sont fixés à l'article 1er du règlement (UE) 2018/1806 précité. Selon ses termes, la décision doit être prise « sur la base d'une évaluation au cas par cas de divers critères relatifs, entre autres, à l'immigration clandestine, à l'ordre public et à la sécurité, aux avantages économiques, en particulier en termes de tourisme et de commerce extérieur, ainsi qu'aux relations extérieures de l'Union avec les pays tiers concernés y compris, en particulier, des considérations liées au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les implications de la cohérence régionale et de la réciprocité ».

(2) Une politique des visas parfois mise au service des autres objectifs de la politique migratoire

Au-delà des conditions de réciprocité inhérente aux accords internationaux, il est intéressant de relever que les exemptions de visas ne sont pas délivrées sans contrepartie par l'Union européenne. La direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE) a ainsi rappelé au cours de son audition que « la conclusion d'accords de réadmission avec les États membres de l'espace Schengen était [historiquement] un prérequis pour que les ressortissants des pays partenaires puissent bénéficier de l'exemption de visa court séjour ». Selon les éléments mentionnés par la DFAE, cette approche quasi-transactionnelle entre exemption de visa et conclusion d'un accord de réadmission s'est concrétisée à huit reprises entre 2007 et 202431(*) (on parle alors d'accord « VFA-EURA »32(*), bien qu'il s'agisse juridiquement de deux instruments distincts). Ce couplage n'est toutefois pas systématique, comme en attestent les contre-exemples de la Colombie ainsi que des États du Pacifique ou des Caraïbes, avec lesquels ont été conclus des accords d'exemptions de visas « secs ». Il est vrai que les enjeux soulevés en termes de lutte contre l'immigration apparaissent relativement restreints vis-à-vis de ces États tiers.

La commission ne peut qu'approuver le principe qui sous-tend cette démarche. Ils estiment ainsi qu'il n'est pas illégitime de mettre ponctuellement la politique des visas au service des autres objectifs de la politique migratoire, en particulier en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. À cet égard, les accords internationaux font partie des instruments qui, lorsque cela est pertinent, peuvent être mobilisés pour obtenir un surcroît de coopération de la part des États d'émigration.

Ce raisonnement peut par ailleurs être transposé au cas des États tiers qui ne bénéficient pas d'une exemption de visa court séjour. La délivrance des visas peut certes déjà être utilisée comme instrument de pression à leur égard, mais cet instrument européen est notoirement sous-utilisé. Comme l'a rappelé le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors de son audition devant la commission, le « levier visa-réadmission » consacré à l'article 25 du code des visas Schengen n'a été utilisé qu'à deux reprises, à l'encontre de la Gambie et de l'Éthiopie33(*). La procédure d'activation particulièrement complexe de cet outil limite de fait drastiquement son usage. Sur ce point, la commission, soutient sans réserve la volonté du ministre de l'intérieur d'agir au niveau européen pour favoriser le recours à cet instrument.

Elle relève également que l'article 47 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration a créé un outil similaire en droit interne. Celui-ci autorise expressément les pouvoirs publics à refuser la délivrance de visas long séjour aux « ressortissants d'un État coopérant insuffisamment en matière de réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires ». La même possibilité existe par ailleurs pour des visas court séjour, à l'encontre des détenteurs de passeports diplomatiques ou de service. Il ne s'agit pas de répliquer à l'identique les restrictions unilatérales décidées en 2021 à l'encontre des États du Maghreb, qui ont montré certaines limites, mais bien d'établir des restrictions ciblées sur certaines catégories de visas et de passeports déterminées. Les refus de visas sont, de fait, un instrument parmi d'autres à mobiliser à bon escient à l'encontre de partenaires dont la mauvaise volonté est avérée.

Le ministre de l'intérieur a présenté un bilan mitigé de cette disposition au cours de son audition, qui aurait néanmoins démontré son utilité dans le cas du Mali et des Comores. En l'absence d'une instruction générale des visas spécialement dédiée à son application, cet outil ne peut néanmoins être pleinement mobilisé.

Dans ce contexte, il importe que le ministère de l'intérieur et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères fassent aboutir le processus d'édiction de cette instruction générale. Si la mission d'information est consciente que l'articulation des priorités défendues par les deux ministères est de nature à complexifier ce processus, elle estime impératif de surmonter ces divergences ministérielles pour garantir la pleine application d'un dispositif adopté par la représentation nationale.

Proposition n° 8 : Faire aboutir le processus d'édiction d'une nouvelle instruction générale des visas pour l'application de l'article 47 de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

b) Des accords de facilitation de la délivrance de visas court-séjour plus ponctuels

En complément des accords d'exemption, l'Union européenne a ensuite conclu cinq accords dits de « facilitation », visant à fluidifier la procédure de délivrance des visas court séjour. Il doit néanmoins être précisé que deux de ces accords ont fait l'objet de décisions de suspension toujours
en vigueur à la suite de l'invasion russe en Ukraine ; cette suspension est partielle pour le cas de l'accord conclu avec la Biélorussie34(*) et totale s'agissant de l'accord conclu avec Russie35(*).

Synthèse des accords européens relatifs à la délivrance de visas court séjour

Accords de facilitation de la délivrance de visas court séjour (5)

État partenaire

Date de signature

Arménie

31 octobre 2013

Azerbaïdjan

30 avril 2014

Biélorussie (partiellement suspendu)

9 juin 2020

Cap-Vert

24 octobre 201336(*)

Russie (suspendu)

25 mai 2006

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

À l'instar des accords d'exemptions étudiés précédemment, les accords de facilitation sont établis à partir d'un modèle-type comprenant moins de quinze articles. Les principales mesures de facilitation qu'ils contiennent consistent, selon les cas, en :

- une réduction voire une dispense des droits de visa : le droit prélevé pour le traitement des demandes de visa est en règle générale de 35 euros37(*), contre 90 euros en droit commun (45 euros pour les enfants). Des dispenses totales de frais sont par ailleurs prévues pour des catégories de population ou des motifs de voyage déterminés. À titre d'exemple, l'article 6 de l'accord conclu avec l'Azerbaïdjan prévoit une telle dispense au bénéfice de onze catégories de personnes. Sont mentionnées, de manière non exhaustive, notamment les parents proches de citoyens de l'Union européenne, les membres de délégations officielles, les retraités, les enfants de moins de douze ans ou encore les personnes en situation de handicap et leurs accompagnateurs ;

- une accélération des délais de traitement des demandes : l'article 7 des accords conclus avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie et la Russie prévoit ainsi que les autorités compétentes « prennent la décision de délivrer ou non un visa dans un délai de dix jours suivant la réception de la demande » ;

- la délivrance de visas à entrées multiples pour certaines personnes déterminées : les visas de circulation de cinq ans sont en général destinés aux conjoints et aux enfants des citoyens de l'un des États parties résidant légalement sur le territoire de l'autre, ainsi qu'aux visiteurs officiels. Des visas d'une durée d'un an sont également délivrés à des catégories de population déterminées. À titre d'illustration, l'article 5 de l'accord conclu avec l'Azerbaïdjan en mentionne dix, parmi lesquelles les étudiants entreprenant régulièrement des voyages d'études, les personnes en visite régulière pour des raisons médicales ou encore les journalistes ;

- un régime d'exemption de visa court-séjour pour les détenteurs de passeports diplomatiques en cours de validité : cette mesure est étendue aux passeports de service s'agissant de l'accord avec le Cap-Vert ;

- une possibilité de prorogation gratuite du visa pour des « raisons de force majeure » empêchant le retour de l'intéressé dans son État d'origine.

Les accords intègrent par ailleurs une liste de documents pouvant faire office de preuves documentaires de l'objet du voyage, pour chaque motif. Ces accords sont enfin d'application réciproque sauf pour le cas de l'Arménie - les citoyens européens bénéficiant d'une dispense de visas pour s'y rendre -et de la Biélorussie.

L'accord du 31 octobre 2013 entre l'Union européenne et l'Arménie
visant à faciliter la délivrance de visas

L'accord du 31 octobre 2013 conclu entre l'UE et l'Arménie vise à faciliter la délivrance de visas aux citoyens arméniens pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours (par période de 180 jours). Il rappelle dans ses considérants qu'à compter du 10 janvier 2013, tous les citoyens de l'UE sont dispensés de l'obligation de visa pour leurs voyages en Arménie d'une durée n'excédant pas 90 jours. Il reconnaît en outre que « la facilitation de la délivrance de visas ne devrait pas favoriser l'immigration illégale » et mentionne « une attention particulière [prêtée] aux questions de sécurité et de réadmission ».

En pratique, les résidents arméniens souhaitant se rendre dans l'un des États membres de l'UE doivent fournir une preuve documentaire de l'objet de leur voyage (article 4). Il peut s'agir de l'invitation écrite d'un parent proche, d'une entreprise ou d'un autre type d'organisation, d'un certificat d'inscription dans une école, d'un document justifiant l'existence d'une tombe (pour les personnes souhaitant se rendre dans un cimetière), etc. La demande de traitement de visa est soumise à des droits s'élevant à 35€ (article 6).

L'article 10 stipule que les citoyens arméniens titulaires d'un passeport diplomatique peuvent entrer, traverser et sortir du territoire des États membres sans visa. En outre, l'accord indique que les missions diplomatiques peuvent délivrer des visas « à entrées multiples », d'une durée de 5 ans, à certaines catégories de personnes déterminées (conjoints et enfants, membres du Gouvernement, des cours suprêmes et constitutionnelles ou de délégation officielle, etc.) (article 5).

À l'instar des accords d'exemption, ces cinq accords de facilitation sont assortis d'accords de réadmission « miroirs » conclus à la même période. Ils peuvent par ailleurs constituer une première étape en vue d'une libéralisation postérieure du régime des visas. Des discussions en ce sens ont récemment été engagées avec l'Arménie.

Selon la DFAE, l'intérêt de ces accords pour les États tiers a néanmoins diminué depuis la dernière révision du « code des visas Schengen ». Le Règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 a en effet introduit à son article 24 un nouveau système dit de la « cascade » qui fait reposer la délivrance de visas de circulation sur des critères quantitatifs38(*). Il a par ailleurs légèrement étendu le champ des personnes bénéficiant d'une réduction ou d'une dispense de droits à visa au titre de l'article 16 du code des visas Schengen. La DFAE estime néanmoins que les accords de facilitation conservent une utilité en ce qu'ils constituent « un levier important en faveur de la coopération en matière de retour et de réadmission ». La possibilité de bénéficier de droits réduits comme la délivrance par principe de visas de circulation à certaines personnes déterminées demeurent par ailleurs spécifiques à ces accords. La mission d'information partage donc la conclusion de la DFAE sur la pertinence d'accords dont la plus-value va au-delà de la seule facilitation de la circulation qu'ils permettent avec les États signataires. L'intérêt de ces dispositifs du point de vue tant de la coopération en matière de réadmission que de l'attractivité de l'Union européenne doit ainsi être souligné.

c) Des régimes d'exemption régulièrement évalués et dont l'exécution est soumise à un contrôle approfondi

Les accords d'exemption ou de facilitation de visas court-séjour font l'objet d'un suivi rigoureux au niveau européen, que la mission d'information ne peut que saluer. Elle ne peut que regretter que l'attention portée à ce travail d'évaluation ne soit pas aussi systématique s'agissant des accords bilatéraux.

Un bilan exhaustif a notamment récemment été réalisé, par l'intermédiaire de la communication (2023) n° 297 du 30 mai 2023 de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil relative au suivi des régimes d'exemption de visa de l'UE. La Commission européenne y relève, d'une part, que ce régime de déplacement « continue d'assurer des avantages économiques, sociaux et culturels significatifs aux États membres de l'Union et aux pays tiers, et constitue un outil important de promotion du tourisme et des affaires » et, d'autre part, que « la politique commune de l'Union en matière de visas fait partie intégrante de l'acquis de Schengen et l'un de ses principaux objectifs est de remédier aux risques liés à la sécurité et à la migration irrégulière dans l'espace Schengen ». Elle identifie également quatre axes d'amélioration : l'amélioration du mécanisme de suspension de l'exemption de visa prévu à l'article 8 du règlement (UE) 2018/1806 précité ; l'alignement avec les pays voisins en matière de politique des visas39(*) ; la coopération avec les États partenaires pour éviter que la libéralisation du régime des visas n'engendre une hausse soudaine de la demande d'asile ; la lutte contre les programmes de citoyenneté par investissements (ou « passeports dorés »).

La Commission européenne est par ailleurs investie, dans le cadre du mécanisme de suspension de visa, d'une mission de surveillance permanente du respect par les pays tiers partenaires des conditions ayant présidé à la libéralisation du régime des visas. Un contrôle automatique est notamment prévu vis-à-vis des États bénéficiant d'une exemption depuis moins de sept ans. Il se matérialise par la transmission annuelle d'un rapport au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport étudie également la situation des États « dont la Commission estime, en se basant sur des informations concrètes et fiables, qu'ils ne remplissent plus certains critères » justifiant l'exemption de visa. Le septième rapport de cette nature a été publié au début du mois de décembre40(*). La Commission européenne y assure notamment « le suivi des régimes d'exemption de visa conclus par l'UE avec ses partenaires des Balkans occidentaux et du partenariat oriental, avec les pays des Caraïbes orientales qui appliquent des programmes de citoyenneté par investissement, et avec les pays d'Amérique latine ».

Ce contrôle peut donner lieu à des sanctions. Le Vanuatu a ainsi été le premier (et à ce jour le seul) État tiers à faire l'objet d'une mesure de suspension, partielle41(*) puis totale à compter du 4 février 202342(*), de l'exemption de visa dont il bénéficiait. L'Union européenne a en effet estimé que « les programmes de citoyenneté par investissement du Vanuatu présentaient de graves lacunes et des failles en matière de sécurité »43(*).

Le suivi des régimes d'exemption de visas de même que la possibilité de sanctionner le non-respect des engagements pris par les États partenaires dans ce cadre peuvent à bien des égards faire office de modèles à suivre. La mission d'information ne peut qu'appeler à s'inspirer de cet exemple pour le suivi des accords bilatéraux qui seront étudiés ci-après.

Enfin, la DFAE a mentionné au cours de son audition l'engagement récent de travaux avec les autres États membres pour réformer l'architecture et les méthodes de conclusion d'accords d'exemption ou de facilitation de visas. La France proposerait notamment « d'adopter une approche plus stratégique [de ces accords définie] en fonction des intérêts de l'Union européenne et de ses États membres ». La mission d'information approuve sans réserve cette démarche visant à « politiser » davantage ces accords de nouvelle génération. Comme indiqué précédemment, elle considère que les exemptions de visas n'ont aucunement vocation à être inconditionnelles et qu'il n'est pas illégitime de les mettre aux services des intérêts de l'Union et de ses États membres.

2. Une compétence nationale s'agissant des exemptions de visas pour les titulaires de passeports diplomatiques ou de service
a) Une pluralité d'accords d'exemption

Les détenteurs de passeports diplomatiques, de service, officiels ou spéciaux peuvent également bénéficier d'un régime dérogatoire fixé par l'intermédiaire d'un accord bilatéral. Le règlement (UE) 2018/180644(*) précité prévoit en effet expressément la possibilité pour les États membres de conclure de tels accords. Vingt-cinq accords bilatéraux ont été recensés par la mission d'information. Les États tiers bénéficiaires d'une exemption de cette nature sont par ailleurs listés à l'annexe B de l'arrêté du 10 mai 2010 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire européen de la France.

Accords bilatéraux d'exemption de visas court séjour pour les détenteurs de passeport diplomatique, de service, officiel ou spécial45(*)

Accords bilatéraux (25)

État partenaire

Date de signature

Passeport diplomatique

Passeport de service, officiel ou spécial

Afrique du Sud

26 juin 2003

X

X

Algérie

16 décembre 2013

X

X

Angola

7 décembre 2013

X

X

Arabie saoudite

12 avril 2015

X

X

Bahreïn

11 février 2009

X

X

Bélize

19 septembre 2016

X

 

Bénin

28 novembre 2007

X

 

Bolivie

13 septembre 1999

X

X

République
Dominicaine

2 janvier 1947

X

X

Équateur (suspendu)

16 octobre 1998

X

X

Inde

17 juin 2013

X

 

Indonésie

25 janvier 2014

X

X

Jordanie

12 septembre 2012

X

 

Kazakhstan

6 octobre 2009

X

 

Kirghizstan

15 avril 2016

X

 

Koweït

11 février 2009

X

X

Maroc

14-15 août 1957

13 décembre 2012

X

X

Mongolie

26 octobre 2013

X

 

Namibie

Juin 2010
(décision unilatérale)

X

 

Oman

11 février 2009

X

X

Qatar

13 mai 2009

X

X

Thaïlande

21 juin 2010

15 septembre 2023

X

X

Tunisie

Échange de notes

29 janvier 1964

X

X

Turquie

29 juin 1954

X

X

Vietnam

6 octobre 2004

X

 

Accords d'une autre catégorie comprenant une clause d'exemption de visas court séjour applicable aux détenteurs de passeport diplomatique, de service, officiel ou spécial (3)

État partenaire

Accord

Passeport diplomatique

Passeport de service, officiel ou spécial

Gabon

AGC du 5 juillet 2007

(article 1 - 1.2)

X

X

Sénégal

Convention de circulation et de séjour du 1er août 1995

(article 3)

X

 

République du Congo

AGC du 25 octobre 2007

(article 1er)

X

 

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Ces accords exonèrent les titulaires de ces passeports de l'obligation de visa court-séjour. Si leurs stipulations recoupent pour l'essentiel celles figurant dans les accords d'exemption pour les passeports « civils », il est néanmoins fréquemment précisé que les parties doivent s'informer mutuellement des conditions d'attribution et d'emploi de ces passeports. L'encadré ci-dessous décrit de manière exhaustive le contenu de l'un de ces accords, en l'espèce l'accord franco-algérien du 16 décembre 2013.

L'accord franco-algérien du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service

L'accord du 16 décembre 2013 a remplacé un accord en date du 10 juillet 2007 dont le périmètre était limité aux seuls passeports diplomatiques. Il se limite à huit articles. Le principe est celui d'une exemption de visa court-séjour pour les Algériens ou les Français titulaires d'un passeport diplomatique ou de service se déplaçant (en mission ou à titre privé) sur le territoire de l'autre partie (article 1er et 2). Conformément aux règles du code Schengen, le ou les séjours ne doivent pas excéder 90 jours par semestre. Au-delà, les intéressés sont soumis à une obligation de visa (article 3). L'accord comprend par ailleurs des dispositions diverses précisant que :

· les intéressés doivent respecter la législation en vigueur dans l'État partie lors de leur séjour (article 4) ;

· les parties s'informent mutuellement des conditions d'attribution et d'emploi de ces passeports (article 5) ;

· les difficultés d'application sont réglées par voie diplomatique (article 6).

Cet accord a été conclu pour une durée indéterminée, avec une possibilité de modification par l'adjonction de protocoles distincts (article 7). Il peut enfin être dénoncé unilatéralement par écrit avec un préavis de 90 jours, ou suspendu totalement ou partiellement par l'une ou l'autre des parties avec une notification par la voie diplomatique (article 8).

Par exception, l'exemption de visa court séjour pour les titulaires de passeports diplomatiques est parfois décidée au niveau européen. C'est le cas pour sept États tiers. Deux le sont en application d'un accord spécifique conclu avec l'Union européenne (le Brésil et la Chine) ; leur contenu ne diffère que marginalement de celui figurant dans les accords bilatéraux et n'appelle pas de remarque particulière.

Les cinq autres États tiers concernés le sont au titre des accords de facilitation de la délivrance de visas dont ils sont bénéficiaires et qui ont été présentés précédemment.

Accords européens d'exemption de visas court séjour pour les détenteurs de passeports diplomatiques

Accords européens (2)

État partenaire

Date de signature

Passeport diplomatique

Passeport de service, officiel ou spécial

Brésil46(*)

12 mars 2011

X

X

Chine

23 mars 2016

X

 

Accords européens d'une autre catégorie comprenant une clause d'exemption de visas court séjour applicable aux détenteurs de passeport diplomatique,
de service ou spécial (5)

État partenaire

Accord

Passeport diplomatique

Passeport de service, officiel ou spécial

Arménie47(*)

Accord de facilitation du 31 octobre 2013

(article 10)

X

 

Azerbaïdjan48(*)

Accord de facilitation du 30 avril 2014

(article 10)

X

 

Biélorussie (partiellement suspendu)

Accord de facilitation du 9 juin 2020

(article 10)

X

 

Cap-Vert

Accord de facilitation du 24 octobre 2013

(article 8)

X

 

Russie (suspendu)

Accord de facilitation du 25 mai 2006

(article 11)

X

 

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

b) Une dimension politique qui ne doit pas être négligée

Selon les informations recueillies par les rapporteurs, un dialogue interministériel est actuellement en cours quant aux éventuelles évolutions à apporter au contenu de futurs accords d'exemption de visa sur passeport diplomatique. Deux visions semblent schématiquement s'opposer. La première tend à considérer que ces accords sont avant tout des instruments au service de la politique étrangère de la France et doivent de ce fait être sacralisés. La seconde estime que la politique étrangère ne saurait ignorer les enjeux migratoires et considère légitime d'utiliser ponctuellement ces accords comme des « leviers réadmission ».

La mission d'information rejoint cette seconde vision. Les réflexions formulées précédemment s'agissant de l'intérêt de mettre la politique des visas au service des autres objectifs de la politique migratoire sont en effet pleinement transposables au cas des accords d'exemption de visas pour les titulaires de passeports diplomatiques.

À cet égard, la mission d'information a relevé avec intérêt les propos tenus sur le sujet par Sophie Primas, alors ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger, devant la commission : « nos deux ministères soutiennent sans réserve l'introduction d'une clause suspensive pour défaut de coopération en matière migratoire dans tout nouvel accord bilatéral d'exemption de visa sur passeport officiel ». Elle soutient pleinement cette initiative particulièrement bienvenue et souligne que la commission des lois examinera attentivement le contenu des futurs accords de cette nature.

3. Les partenariats locaux : une pratique légitime mais qui pourrait être davantage coordonnée

Le sujet des partenariats conclus au niveau local pour l'obtention de « rendez-vous visas » a enfin été signalé aux rapporteurs. Ces partenariats ne constituent certes pas des instruments internationaux à proprement parler. Selon les informations recueillies par la mission d'information, leur importance est cependant loin d'être négligeable dans la gestion quotidienne des relations bilatérales.

Ces accords représentent par ailleurs une bonne illustration de l'articulation encore perfectible de l'action des différents ministères compétents en matière de visas. Pour rappel, la répartition des compétences est fixée par le décret n° 2008-1176 du 13 novembre 2008. Son article 3 précise que « les chefs de mission diplomatique et les chefs de poste consulaire se conforment pour le traitement des demandes de visa aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration ; ces instructions sont soumises à l'avis préalable du ministre des affaires étrangères ». Le Quai d'Orsay demeure en revanche compétent s'agissant des visas sollicités par des détenteurs de passeports diplomatiques, des visas relatifs à des cas individuels relevant de la politique étrangère ainsi que des visas relatifs aux procédures d'adoption internationale.

Interrogée sur le sujet, la DFAE a défini ces accords comme des « partenariats administratifs entre les postes diplomatiques et consulaires et des entités locales, qui portent sur les procédures de prises de rendez-vous avec des structures locales dont les employés ont vocation à faire des déplacements en France pour des raisons professionnelles ». Les postes consulaires semblent disposer d'une grande liberté pour la mise en place de ces partenariats. Si les conditions générales d'attribution des visas sont en effet de la compétence du ministère de l'intérieur, la définition des modalités pratiques de leur procédure d'attribution appartient largement au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

En pratique la DFAE a indiqué que ces partenariats étaient signés entre l'ambassade de France et un organisme tiers de confiance à qui il revient principalement d'identifier des publics « cibles » pour l'obtention de rendez-vous. Il peut s'agir de partenaires institutionnels, économiques ou culturels. Les chambres de commerce, les instituts français ou encore certaines grandes entreprises sont par exemple régulièrement cités. Le contenu de ces partenariats aménage principalement la procédure de dépôt de dossier ainsi que les conditions d'obtention de rendez-vous pour ces personnes prioritaires, voire en réserve certains aux publics sélectionnés. Ces partenariats sont plus ou moins répandus selon les postes consulaires. Si la mission d'information n'a pas eu accès à des données agrégées ou au texte de ces partenariats, elle a néanmoins obtenu un aperçu de l'ampleur que pouvaient prendre ces accords au niveau local. Les ambassadeurs de France dans les trois pays du Maghreb ont ainsi présenté les données suivantes :

- pour l'Algérie : on dénombrerait 93 accords de partenariat de cette nature à Alger et 48 à Oran ;

- pour le Maroc : a notamment été cité le lancement depuis la mi-juin 2024 d'une procédure spécifique à destination des alumni d'établissements d'enseignement supérieur français, avec des créneaux de rendez-vous spécifiques ;

- pour la Tunisie : des conventions auraient été signées avec dix partenaires, parmi lesquels la chambre de commerce franco-tunisienne, des associations patronales, quelques entreprises de confiance ou encore l'institut français. Environ un cinquième des rendez-vous seraient quotidiennement réservés aux personnes sélectionnées par ces partenaires.

Si la mission d'information ne remet pas en cause l'existence de ces partenariats, qui participent de la politique d'attractivité de la France, elle estime néanmoins que leur conclusion pourrait être mieux encadrée et leur mise en oeuvre davantage évaluée. L'existence de ces partenariats administratifs est certes mentionnée dans l'instruction générale sur les visas en date du 12 janvier 2018. Le sujet est par ailleurs effleuré dans le dernier rapport dit « Hermelin » d'avril 2023 sur la politique des visas qui appelle à « définir les publics prioritaires en liaison avec des acteurs de référence et [à] organiser leur insertion dans les créneaux dégagés ». La recommandation n° 18 de ce rapport est de « désigner des référents métiers comme porte d'entrée aux rendez-vous pour les publics prioritaires ». À la connaissance des rapporteurs, ces partenariats ne font en outre pas l'objet d'un processus d'évaluation structuré. La DFAE a uniquement mentionné à ce sujet qu'il était demandé aux ambassades « de réellement mesurer l'opportunité de mettre en place un tel dispositif ». Il semble à cet égard indispensable de déployer de véritables mécanismes d'évaluation, au moins au niveau interne. La mission d'information admet en effet que la conduite de la politique étrangère de la France au niveau local suppose une certaine discrétion.

La mission d'information a par ailleurs relevé que le partage d'informations entre les différents ministères concernés demeurait perfectible. Elle y voit une nouvelle illustration des difficultés à articuler les priorités des différents ministères impliqués, en l'absence de stratégie globale. Elle souligne donc la nécessité d'assurer une coordination suffisante entre les ministères de l'intérieur et de l'Europe et des affaires étrangères sur les partenariats conclus au niveau local en matière de visas.

B. LES ACCORDS RELATIFS À LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE, UNE STANDARDISATION DES PROCÉDURES BIENVENUES MAIS À LA PORTÉE LIMITÉE

Le deuxième ensemble d'instruments internationaux étudiés par la mission d'information est celui des accords relatifs à l'immigration irrégulière. Deux catégories d'instruments peuvent schématiquement être distinguées.

Des accords formalisés de réadmission bilatéraux et européens ont tout d'abord été conclus avec respectivement trente-huit et dix-huit États partenaires. Par ailleurs, de nombreux accords d'autres catégories contiennent des clauses de réadmission.

Les instruments les plus récents prennent quant à eux des formes plus souples que ces accords intergouvernementaux. Il peut par exemple s'agir d'arrangements administratifs, de déclarations communes ou de procès-verbaux, désignés ci-après sous le terme « d'instruments techniques de coopération en matière de réadmission ». Les rapporteurs en ont recensé sept au niveau bilatéral et six au niveau européen.

Instruments internationaux de coopération en matière de réadmission

Source : Commission des lois - Réalisé à partir de mapchart.net

1. Les accords de réadmission, un champ investi de manière croissante par l'Union européenne
a) Des accords de réadmission bilatéraux en perte de vitesse

L'obligation de réadmettre ses nationaux est un principe coutumier du droit international public49(*). Elle peut également se déduire des stipulations de l'annexe 9 de la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944, dite « de Chicago ». Celle-ci prévoit, notamment « qu'un État contractant ne refusera pas de délivrer un document de voyage à un de ses nationaux ni ne contrecarrera autrement son retour en le rendant apatride ». L'application de cette obligation ne va toutefois pas de soi dans la pratique. La confirmation de la nationalité des personnes concernées n'est pas toujours aisée, tandis que les États d'émigration sont plus ou moins coopératifs dans la mise en oeuvre du processus.

Dans ce contexte, trente-huit accords bilatéraux de réadmission ont majoritairement été conclus dans les années 1990 et au début des années 2000 afin de fixer les modalités d'une coopération renforcée en matière de retour avec des États partenaires. Les États partenaires sont des États tiers et des États membres de l'espace Schengen (le terme utilisé est alors celui de « remise Schengen »). Le tableau ci-dessous dresse une liste exhaustive des États auxquels la France est liée par un accord de réadmission. Seul l'accord conclu en novembre 2024 avec le Kazakhstan et qui, selon les informations recueillies par les rapporteurs, n'est pas encore rentré en vigueur, n'y est pas mentionné.

Récapitulatif des accords bilatéraux de réadmission

Accords bilatéraux portant exclusivement sur la réadmission (3750(*)51(*))

État partenaire

Date de signature

Allemagne

10 février 2003

Argentine

1 février 1995

Autriche

20 avril 200752(*)

Benelux

16 avril 1962

Bulgarie

29 mai 1996

Brésil

28 mai 1996

Chili

26 juin 1995

Costa Rica

16 juin 1998

Croatie

27 janvier 1995

Dominique

9 mars 2006

Équateur

16 octobre 1998

Espagne

26 novembre 2002

Estonie

15 décembre 1998

Grèce

15 décembre 1999

Guatemala

11 novembre 1998

Honduras

20 novembre 1998

Hongrie

16 décembre 1996

Italie

3 octobre 1997

Kosovo

2 décembre 2009

Lettonie

5 décembre 1997

Lituanie

4 décembre 1998

Ile Maurice

2 avril 2007

Mexique

6 octobre 1997

Nicaragua

20 avril 1999

Panama

30 avril 1999

Paraguay

10 avril 1997

Pologne

29 mars 1991

Portugal

8 mars 1993

Roumanie

12 avril 1994

Sainte-Lucie

23 avril 2005

Salvador

26 juin 1998

Slovaquie

20 mars 1997

Slovénie

1 février 1993

Suède

14 février 1991

Suisse et Liechtenstein

28 octobre 1998

Uruguay

5 novembre 1996

Venezuela

25 janvier 1999

Accords bilatéraux d'une autre catégorie comportant des clauses de réadmission (8)

État partenaire

Catégorie d'accord

Bénin

AGC du 28 novembre 2007

(articles 16 à 18)

Burkina Faso

AGC du 10 janvier 2009

(articles 10 à 13)

Cap-Vert53(*)

AGC du 24 novembre 2008

(article 4)

Gabon

AGC du 5 juillet 2007

(article 4)

République du Congo

AGC du 25 octobre 2007

(Article 3)

Inde54(*)

Accord de partenariat pour les migrations et la mobilité du 10 mars 2018

(article 5)

Sénégal

AGC du 23 septembre 200655(*)

(article 4 - 42)

Tunisie

AGC du 28 avril 2008

(article 356(*))

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Selon les termes employés tant par la DGEF que par l'ambassadeur chargé des migrations, ces accords « visent à définir les procédures opérationnelles par lesquelles les parties identifient et documentent leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de la partie requérant, en vue de leur réadmission ; ils peuvent également concerner les réadmissions des étrangers ayant transité par l'État partie à l'accord ». Il s'agit donc d'accords procéduraux qui ne créent pas de droits dont des particuliers pourraient se prévaloir. Ils ne sont pour cette raison pas mentionnés à l'annexe 1 du Ceseda.

Afin d'en renforcer l'efficacité, ces accords ont pour la plupart été construits à partir d'un modèle-type établi par le Conseil de l'Union européenne le 30 novembre 1994. Leur contenu formalise un cadre de coopération en matière de retour reposant sur des procédures dont le caractère négocié est supposé fluidifier les réadmissions. En pratique, ces accords traduisent un engagement à réadmettre des personnes ne remplissant pas ou plus les conditions de séjour sur le territoire d'une partie. Ces accords comprennent en général trois volets, le premier d'entre eux étant consacré à l'identification des personnes. Ce point est crucial car, comme l'a rappelé le professeur Fleury-Graff au cours de son audition, « la difficulté n'est pas tant le respect de l'accord que la preuve de ce que telle personne rentre bien dans son champ d'application ». La procédure varie selon la nationalité présumée de la personne en situation irrégulière :

- pour les ressortissants de l'autre État partie57(*) : les accords listent les éléments permettant d'établir ou de présumer la nationalité des intéressés. Une audition par les services consulaires intervient en cas de doute dans un délai déterminé ;

- pour les ressortissants d'un État tiers : il doit être établi, selon les cas, que l'intéressé est entré dans l'État partie après avoir séjourné ou transité sur le territoire de l'autre ou qu'il dispose d'un document de séjour délivré par l'autre État partie. De la même manière, les accords listent les éléments permettant de caractériser ces situations. Par ailleurs, les accords intègrent systématiquement une série d'exceptions concernant notamment les réfugiés, les détenteurs d'un document de séjour délivré par un autre État Schengen et, parfois, les personnes résidant depuis plus de six mois dans le territoire de la partie requérante ou les ressortissants d'un État ayant une frontière commune avec l'État requérant58(*). Les ressortissants d'États tiers ne sont toutefois pas systématiquement inclus dans le périmètre des accords.

Les accords bilatéraux de réadmission fixent deuxièmement les modalités pratiques d'exécution des remises. Au-delà du principe de la délivrance d'un laissez-passer consulaire une fois la nationalité de l'intéressé confirmée, ils prévoient ainsi :

- les délais maximums de réponse de la partie requise, qui vont de 48h à 7 jours pour les accords étudiés ;

- les documents utilisés : des formulaires ad hoc sont parfois joints en annexe des accords, ou font l'objet de protocoles postérieurs ;

- les règles relatives au transport des personnes réadmises, y compris s'agissant de la mise en place d'escortes et des conditions d'intervention de membres des forces de l'ordre sur le territoire de l'autre État.

Les accords bilatéraux de réadmission comprennent une dernière partie relative au transit pour éloignement ou consécutif à une décision de refus d'entrée sur le territoire. Cette autorisation du transit est, selon les cas, applicable aux seuls transits routiers et/ou aériens.

Ces accords ne sont enfin pas assortis de comités de suivi dédiés. Ils se bornent généralement à préciser que les États parties coopèrent ou se consultent « en tant que de besoin » pour examiner leur mise en oeuvre.

L'accord de réadmission franco-italien du 3 octobre 1997

Cet accord dit « de Chambéry » prévoit une réadmission de droit, sans formalités, des personnes ne remplissant pas ou plus les conditions d'entrée ou de séjour sur le territoire d'une des parties, qu'il s'agisse :

· de ressortissants de l'une des parties (article 1er) : pour autant que ladite nationalité soit présumée ou établie, à l'aide des éléments listés par l'accord (article 2). En cas de doute, une audition est organisée sous trois jours par la partie requise (article 3). Les renseignements devant figurer dans la demande sont mentionnés dans l'accord, qui précise également que les frais de transferts jusqu'à la frontière sont aux frais de la partie requérante (article 4). La partie requérante doit répondre à la demande dans un délai de 48h ;

· de ressortissants d'États tiers (article 5) : cette obligation s'applique en cas d'entrée sur le territoire d'un État partie après avoir transité ou séjourné par le territoire de l'autre ou de détention d'un document de séjour délivré par l'autre État partie. La demande doit être transmise dans un délai de trois mois à compter de la constatation de l'irrégularité du séjour et le même délai de réponse de 48 heures s'applique. Cette obligation ne s'applique toutefois pas aux ressortissants d'États tiers ayant une frontière commune avec l'État requérant, à ceux qui ont obtenu a posteriori un document de séjour de l'État requis, séjournent depuis plus de 6 mois dans l'État requérant, ainsi qu'aux réfugiés, aux Dublinés, aux personnes précédemment éloignées par l'État et aux détenteurs d'un document de séjour délivré par un autre État membre de l'espace Schengen (article 6).

L'accord comprend également une section dédiée à l'autorisation du transit pour la mise en oeuvre d'un éloignement ou consécutif à un refus d'entrée sur le territoire (articles 10 et suivants). Celui-ci peut s'effectuer par voie terrestre (sous escorte exclusivement) ou aérienne sous la responsabilité de la partie requérante. L'accord fixe directement les conditions d'intervention des agents d'escorte en dehors de leur territoire, de gestion des éventuels dommages, de répartition des gardes ou des conséquences des refus d'embarquement. Il précise par ailleurs que l'obligation de transit ne s'applique pas en cas de risque de traitement inhumain, de condamnation à la peine de mort ou de menace sur la vie ou la liberté. Sont également visés les risques d'accusation ou de condamnation pénales pour des faits antérieurs au transit (article 19).

Enfin, l'accord prévoit que les parties coopèrent et se consultent « autant que de besoin » pour le suivi de l'exécution de l'accord, les éventuels différends étant réglés par voie diplomatique (article 22). L'exécution de l'accord peut être suspendue unilatéralement avec un préavis d'un mois pour des raisons d'ordre public, de sécurité ou de santé publiques (article 25). Théoriquement de durée illimitée, l'accord peut également être dénoncé avec un préavis de trois mois (article 26).

b) Une communautarisation des accords de réadmission dont les bénéfices doivent être analysés avec précaution

En application de l'article 79 du TFUE, l'Union européenne est compétente pour « conclure avec des pays tiers des accords visant la réadmission, dans les pays d'origine ou de provenance, de ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou qui ne remplissent plus les conditions d'entrée, de présence ou de séjour sur le territoire de l'un des États membres ». L'Union européenne détient en effet une compétence partagée en matière d'immigration irrégulière. Les accords de réadmission européens sont contraignants pour les États membres, qui disposent néanmoins d'une certaine marge de manoeuvre pour préciser leurs modalités d'exécution à travers l'édiction de « protocoles d'application ». Ces protocoles peuvent par exemple procéder à la désignation des autorités compétentes, des points de passage frontaliers concernés ainsi que des points de contact entre les partenaires.

La conclusion d'un accord européen rend caduc les accords bilatéraux préexistants, même si ceux-ci sont rarement dénoncés59(*). L'ouverture de négociations au niveau de l'Union empêche quant à elle les États membres de mener des discussions analogues à leur niveau. Les États membres sont en revanche libres de conclure des accords de réadmission bilatéraux en l'absence d'intervention de l'Union européenne.

Les dix-huit accords de réadmission européens recensés ont été conclus entre 2002 et 2020 avec, d'une part, des États d'Europe centrale et de l'Est non-membres de l'UE et, d'autre part, des États et territoires d'Asie60(*). La Commission européenne dispose également de six mandats de négociation avec des États tiers : le Maroc (depuis 2000), la Chine (depuis 2002), l'Algérie (depuis 2002), la Tunisie (depuis 2014), la Jordanie (depuis 2015) et le Nigéria (depuis 2016)61(*). Selon les informations communiquées par le SGAE, seules les négociations avec le Nigéria sont toutefois encore actives.

Récapitulatif des accords européens de réadmission

Accords européens de réadmission (18)

État partenaire

Date de signature

Albanie

14 avril 2005

Arménie

19 avril 2013

ARYM

19 décembre 2007

Azerbaïdjan

28 février 2014

Bosnie Herzégovine

18 septembre 2007

Biélorussie (application suspendue par la partie biélorusse)62(*)

8 janvier 2020

Cap-Vert

18 avril 2013

Géorgie

22 novembre 2010

Hong Kong

27 novembre 2002

Macao63(*)

13 octobre 2003

Moldavie

10 octobre 2007

Monténégro

18 septembre 2007

Pakistan

26 octobre 2009

Russie

25 mai 2006

Serbie

18 septembre 2007

Sri Lanka

4 juin 2004

Turquie

16 décembre 2013

Ukraine64(*)

18 juin 2007

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Sur le fond, les accords européens sont construits sur les mêmes modèles-types que les accords de réadmission conclus au niveau bilatéral. Ils comportent donc également une vingtaine d'articles visant à réglementer les procédures d'identification, de rapatriement et de transit des personnes ne remplissant pas les conditions d'entrée, de présence ou de séjour sur le territoire de l'un des États membres de l'UE ou de l'autre État partie à l'accord.

À l'instar des accords bilatéraux, ces accords sont structurés en trois parties dont la première consacre l'obligation de réadmission à laquelle est soumise chacune des parties prenantes. Une deuxième partie décrit les formalités de réadmission des personnes en situation irrégulière, en particulier s'agissant des procédures de demande, de fourniture des moyens de preuve - notamment de la nationalité de la personne réadmise, de la prise en charge des frais engagés ou des délais. Si un délai important est en général accordé aux autorités d'un État partie à l'accord pour formuler la demande de réadmission (de quelques mois à un an), la réponse à cette demande doit toutefois être apportée sous quelques jours. La troisième partie concerne les opérations de transit.

Une clause de non-incidence est systématiquement prévue : les accords européens de réadmission ne peuvent remettre en cause les droits reconnus aux personnes réadmises, notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, l'accord précise systématiquement les conditions de réunion d'un comité de suivi, généralement mixte, chargé de contrôler son application.

L'accord du 17 mai 2005 entre la Communauté européenne et la République d'Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier

L'accord du 17 mai 2005 comporte 23 articles visant à réglementer les procédures d'identification, de rapatriement et de transit des personnes qui ne remplissent pas, ou ne remplissent plus, les conditions d'entrée, de présence et de séjour sur le territoire de l'Albanie ou de l'un des États membres de l'Union européenne (UE).

La première section traite des obligations de réadmission par l'Albanie, et la deuxième section de celles de l'UE. L'accord stipule ainsi que l'une ou l'autre des parties réadmet les personnes précitées sur son territoire, à la demande de l'autre partie et sans autres formalités que celles précisées par l'accord. Ces deux sections traitent en outre de la situation des ressortissants de pays tiers ou d'apatrides.

La troisième section décrit, point par point, les formalités pratiques de réadmission des personnes en situation irrégulière telles que : la demande (article 7 ; elle doit préciser, dans la mesure du possible, les renseignements individuels de la personne ou ses éventuels besoins d'assistance ou de soin), les moyens de preuve de la nationalité (articles 8 et 9), les délais (article 10 ; la demande de réadmission doit être présentée dans un délai maximal d'un an après que la partie demandeuse a eu connaissance de la situation de la personne, tandis que la réponse doit être motivée et apportée sous 14 jours), les modalités de transfert et modes de transport (article 11et le traitement des cas de réadmission par erreur (article 12).

La section IV aborde les opérations de transit, et la section V les coûts de transport et de transit : tous les frais engagés jusqu'à la frontière de l'État de destination finale dans le cadre des opérations de réadmission et de transit sont à la charge de l'État requérant. La section VI aborde la question de la protection des données à caractère personnel (article 16) et rappelle la clause de non-incidence (article 17).

La section VII aborde enfin les modalités de mise en oeuvre et d'application de l'accord. L'article 18 prévoit notamment l'institution d'un comité de réadmission mixte chargé de contrôler l'application de l'accord et de décider de ses modalités de mise en oeuvre, tandis que l'article 20 précise que les dispositions de l'accord priment sur celles de tout accord ou arrangement bilatéral conclu entre les États membres et l'Albanie.

c) Un apport des accords de réadmission à la politique de retour qui doit être évalué avec précaution
(1) La nécessité de privilégier une évaluation qualitative

Il est particulièrement délicat, et peut-être illusoire, d'établir une position définitive quant à l'apport réel des accords de réadmission à la politique de retour des étrangers en situation irrégulière.

En premier lieu, les données quantitatives disponibles ne sont que faiblement éclairantes. La mission d'information ne peut par ailleurs que déplorer qu'aucun travail d'évaluation de ces accords n'ait été engagé jusqu'à présent. En second lieu, une approche pragmatique oblige à dire que l'enjeu est moins celui de l'efficacité des accords de réadmission dans l'absolu que de déterminer ce que l'on doit raisonnablement en attendre. La question est donc la suivante : l'intérêt de ces accords doit-il être évalué au prisme de l'application (ou non) de leurs stipulations stricto sensu ou résulte-t-il plutôt du vecteur de dialogue qu'ils constituent avec les pays tiers en matière de réadmission ?

D'un point de vue quantitatif, il a régulièrement été rappelé aux rapporteurs que plus de 90 % des réadmissions étaient réalisées vers des États tiers couverts par un accord de réadmission, qu'il soit bilatéral ou européen. Pour impressionnant qu'il soit, ce taux doit être manié avec précaution. Il s'explique probablement par le fait que les accords ont été conclus avec les États qui représentent le plus d'enjeux en termes d'immigration irrégulière. Tout en soulignant les limites de cet indicateur au cours de son audition, la DGEF a néanmoins estimé que ces accords avaient « un effet utile en termes de réadmission ». Cela s'expliquerait notamment par le fait qu'ils permettent d'établir des règles procédurales claires, auxquelles les deux parties sont théoriquement tenues de se référer.

Nos partenaires européens semblent également se heurter à cette difficulté. L'absence de statistiques pertinentes empêchant d'objectiver l'efficacité des accords de réadmission, les analyses produites sont essentiellement génériques. Cela est notamment retranscrit dans une note de synthèse produite en septembre 2022 par le réseau européen des migrations sur les accords de réadmission : « les États membres ont indiqué que leurs accords bilatéraux de réadmission contribuent à augmenter le nombre de retours et à faciliter les opérations de retour, ainsi qu'à consolider la bonne coopération avec les pays tiers. Cependant, ils n'ont fourni aucune preuve de l'efficacité des accords bilatéraux de réadmission dans l'amélioration des mesures de réinsertion »65(*).

Volume de réadmissions réalisées vers les États tiers, en fonction de la présence d'un accord de réadmission (2014-2013)

 

États tiers sous accord de réadmission

États tiers sans accord de réadmission

Part des réadmissions sous accords

2014

5 085

589

90 %

2015

5 745

566

91 %

2016

5 537

629

90 %

2017

5 921

681

90 %

2018

6 513

592

92 %

2019

8 260

598

93 %

2020

3 149

180

95 %

2021

3 335

176

95 %

2022

4 829

226

96 %

2023

5 324

400

92 %

Total

53 698

4 637

92 %

Source : DGEF

L'analyse est tout autre d'un point de vue qualitatif. Il a régulièrement été souligné auprès de la mission d'information que la conclusion d'un accord ne permettait pas à elle seule de tirer de conclusion quant à la qualité de la coopération en matière de réadmission. Il existe des États tiers non couverts par des accords pour lesquels la coopération est pleinement satisfaisante, et réciproquement. La qualité de cette coopération dépend ensuite d'une pluralité de facteurs, qu'il s'agisse de l'état de la relation bilatérale dans les autres domaines, du degré de structuration du dialogue administratif ou encore de l'existence d'outils incitatifs en matière migratoire (par exemple des programmes de retours aidés). Enfin, certains accords de réadmission sont de facto éteints.

Cette observation accrédite l'idée selon laquelle l'apport des accords de réadmission ne résulte pas nécessairement de leur contenu, dont l'exécution repose avant tout sur la bonne volonté de l'État partenaire. Il serait effectivement bien naïf de penser que la coopération d'un pays tiers en matière de lutte contre l'immigration irrégulière puisse découler de la seule existence d'un accord international. De fait, la multiplication des accords de réadmission sur les dernières décennies n'a en rien enrayé la dégradation continue des taux de retours. Pour rappel, à peine plus d'un laissez-passer consulaire sur deux a été délivré dans les délais utiles à l'éloignement en 2024 (57,5 % ; 2 329 pour 4 025 demandes). Une personne auditionnée a notamment conclu de ces données que « certains accords de réadmission n'étaient notoirement pas respectés ».

Les auditions menées se sont donc conclues de manière récurrente sur ce constat : en matière migratoire, l'apport des instruments internationaux procède moins de leur lettre que de l'état de la relation bilatérale avec l'État partenaire et de la qualité de l'action diplomatique qui les accompagne.

Si l'on adopte cette perspective, l'intérêt premier des accords de réadmission est alors diplomatique. Les accords de réadmission permettent ainsi d'ouvrir des espaces de discussion, à intervalles réguliers, qui ont au moins le mérite d'aplanir certaines difficultés ou de résoudre les dossiers les plus sensibles. En d'autres termes, ces accords offrent un prétexte aux autorités des États parties pour se parler, y compris lorsque les relations bilatérales sont le plus dégradées.

(2) Une complémentarité entre accords bilatéraux et européens qui ne semble pas faire débat

Les mêmes conclusions semblent valables si l'on étudie spécifiquement les accords de réadmission européens. À la différence des accords bilatéraux, des évaluations ont été conduites en la matière par la Commission européenne66(*) et, plus récemment, la Cour des comptes européenne67(*) : celles-ci tirent un bilan mitigé, quoique partiel, des accords européens, faute de données disponibles qui permettraient de faire un suivi effectif des réadmissions. D'un point de vue qualitatif, la DG HOME a également estimé au cours de son audition que ces accords « définissent les procédures qui facilitent la mise en oeuvre pratique de la réadmission et [surtout] un dialogue structuré avec le pays tiers ». Elle a également rappelé que l'existence d'un accord européen de réadmission ne garantit pas en soi une coopération satisfaisante en la matière.

La contribution des accords de réadmission à la diminution récente (et relative) de la pression migratoire aux frontières extérieures a néanmoins été mise en avant, sans que celle-ci ne puisse être réellement quantifiée. Pour rappel, les franchissements irréguliers ont chuté de 40 % sur les onze premiers mois de l'année 2024 selon l'agence Frontex (220 700).68(*)

La question parfois évoquée d'une éventuelle concurrence entre accords européens et bilatéraux semble quant à elle en partie théorique, les deux niveaux d'accords apparaissant largement complémentaires. Une approche à 27 présente l'avantage de donner plus de poids aux États membres dans les négociations et la mise en oeuvre des accords. En pratique, l'harmonisation des procédures entre les différents États membres est également gage de simplicité. La communautarisation des accords de réadmission a enfin le mérite de décharger pour partie les États membres du suivi administratif de ces accords et de les faire bénéficier d'accords avec des États tiers parfois moins prioritaires au niveau bilatéral.

La conclusion d'un accord européen n'est toutefois pas toujours possible, ni souhaitable. Certains États partenaires préfèrent encore adopter une approche bilatérale, dont ils considèrent sans doute qu'elle leur offre un plus grand poids dans la négociation. Le procédé d'adoption de ces accords est ensuite particulièrement long et complexe, pour une issue parfois incertaine. Enfin, les enjeux migratoires avec certains États tiers sont parfois exclusifs à un État membre, ce qui justifie de maintenir le dialogue au niveau bilatéral.

Au vu de ces éléments, la mission d'information considère qu'il n'existe pas d'incompatibilité entre le développement d'accords de réadmission européens - même si cette dynamique s'est étiolée sur la période récente - et le maintien du recours à des instruments bilatéraux.

2. Une nouvelle génération d'instruments internationaux en matière de réadmission plus techniques et plus souples

Au-delà des accords de réadmission stricto sensu, la coopération en matière de retour se matérialise également par des instruments internationaux relevant du droit souple. Ces instruments sont le support d'une coopération technique juridiquement peu contraignante et sont au nombre de sept au niveau bilatéral, avec des dénominations variées. Il peut ainsi s'agir de protocoles de coopération, de documents-cadres ou encore d'arrangements administratifs). L'Union européenne mobilise également à son niveau de tels instruments, qui sont au nombre de six.

Les rapporteurs ont fait le choix de présenter ici ces outils dans la mesure où ils sont majoritairement mobilisés dans le domaine de la réadmission. Il doit toutefois être précisé que certains d'entre eux vont au-delà, en intégrant par exemple des stipulations relatives au codéveloppement.

Récapitulatif des instruments internationaux de coopération technique
en matière de réadmission

Instruments bilatéraux de coopération techniques (7)

État partenaire

Date de signature

-

-

Instruments de coopération technique européens (6)

État partenaire

Date de signature

Afghanistan (caduc)

2 octobre 201669(*)

Bangladesh

20 septembre 2017

Côte d'Ivoire

30 mai 2018

Éthiopie

5 février 2018

Gambie

4 mai 2018

Guinée70(*)

27 juillet 2017

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Le recours à des instruments internationaux plus souples que les accords intergouvernementaux fait partie intégrante de la nouvelle approche des pouvoirs publics en matière migratoire. Selon les quelques informations glanées par la mission d'information sur le mystérieux comité stratégique sur les migrations de janvier 2023, celui-ci aurait au moins acté cette orientation. Celle-ci a surtout été confirmée en ces termes par le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors de son audition devant la commission : « Je vais tenter de développer une nouvelle génération d'accords, moins ambitieux en ce qu'ils sont moins généraux, mais plus efficaces en ce qu'ils sont plus ciblés. Ces formes plus souples, quasiment administratives, permettent de formaliser des procédures très précieuses pour nos services ». La mission d'information soutient sans réserve cette orientation, qui paraît effectivement de nature à maximiser la plus-value des instruments internationaux en matière de réadmission.

Le caractère non-contraignant de ces accords est un vecteur clé de leur efficacité, tout comme leur discrétion. Comme l'a rappelé la DGEF au cours de son audition, « ces accords valent en effet engagement réciproque mais n'ont pas de portée normative à proprement parler ».

La mission d'information a fait le choix d'une présentation minimale du contenu de ces instruments techniques, dont l'efficacité dépend pour partie de leur confidentialité. Dans l'ensemble, certains de ces instruments techniques peuvent être très semblables à des accords intergouvernementaux. Au niveau bilatéral, certains semblent par exemple répliquer les termes d'un accord de réadmission, tandis que d'autres évoquent plutôt un accord de gestion concertée et de codéveloppement. D'autres instruments techniques s'apparentent davantage à des documents administratifs. L'un d'entre eux est par exemple signé par des hauts fonctionnaires (en l'espèce le directeur de l'immigration, côté français) et détaille les procédures administratives applicables en matière de réadmission selon un vocabulaire qui se rapproche parfois plus de celui d'une circulaire que d'un accord intergouvernemental.

Parfois qualifiés de « Standard operating procedures » (SOP), les arrangements administratifs conclus par l'Union européenne ne disposent pas non plus d'un caractère contraignant et peuvent également ressembler à des accords intergouvernementaux « amaigris ». L'un d'entre eux s'apparente par exemple à un accord de gestion concertée au formalisme allégé. Il comprend un volet relatif à la réadmission identifiant des bonnes pratiques pour un déroulement efficace de la procédure de retour. Des priorités d'intervention sont identifiées pour la gestion des migrations, la lutte contre les réseaux ou la fiabilisation de l'état civil. Elles sont parfois assorties d'engagements concrets. Des projets relevant de l'aide au développement sont enfin mentionnés.

Au vu de l'ensemble des éléments présentés, la mission d'information souligne l'importance des instruments internationaux pour la mise en place d'une coopération efficace avec les pays tiers en matière de réadmission. S'il est vrai que ceux-ci ne garantissent en rien une amélioration mécanique de la coopération, il serait tout à fait irréaliste d'en attendre de tels effets. En revanche, ils ont le mérite de fluidifier les procédures de réadmission ou, a minima, de structurer des canaux de discussion permettant, parfois, d'aplanir les difficultés les plus saillantes. Dans ce contexte, la mission d'information ne peut qu'encourager le recours à ces outils, quelle que soit leur nature. Reprenant à son compte les orientations présentées par le ministre de l'intérieur devant la commission, elle appelle notamment à développer autant que possible le recours à des instruments techniques, dont la flexibilité est souvent gage d'une plus grande efficacité.

Proposition n° 9 : Mobiliser l'ensemble des instruments internationaux disponibles pour favoriser la coopération des États d'émigration en matière de réadmission. Pour ce faire :

- Soutenir la conclusion d'accords de réadmission européens, sans s'interdire la négociation d'accords bilatéraux lorsque la situation le justifie ;

- Développer autant que possible le recours à des instruments techniques, dont la flexibilité est souvent gage d'une plus grande efficacité.

C. LES ACCORDS DE GESTION CONCERTÉE ET DE CODÉVELOPPEMENT, UNE INITIATIVE SANS LENDEMAIN ET AU BILAN INCERTAIN

1. À partir de 2007, une nouvelle stratégie migratoire reposant sur des accords globaux
a) Un nouveau traitement commun des questions migratoires et de développement

Une nouvelle génération d'accords migratoires internationaux dits « de gestion concertée et de codéveloppement » a vu le jour à partir de 2007. Ces accords conclus principalement71(*) sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy se distinguent à deux égards des autres instruments évoqués.

Les accords de gestion concertée et de codéveloppement s'inscrivaient premièrement dans une nouvelle stratégie politiquement assumée en matière migratoire. Celle-ci visait, d'une part, à mettre en oeuvre une politique d'ouverture sélective des frontières. Comme l'a rappelé au cours de son audition Patrick Stefanini, qui fut l'architecte de ces accords en sa qualité de secrétaire général du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, ceux-ci s'inscrivaient en effet directement dans la nouvelle orientation politique « d'immigration choisie » promue par les pouvoirs publics à partir de 2003. La volonté politique de l'époque était de « donner un nouvel essor à l'immigration étudiante et à l'immigration professionnelle »72(*). Celle-ci a trouvé sa traduction législative dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration qui a libéralisé l'admission au séjour pour les motifs étudiants et professionnels. Les accords de gestion concertée et de codéveloppement s'intégraient pleinement dans cette nouvelle approche, en ce que leur objectif explicite était, selon Patrick Stefanini, d'encourager l'immigration professionnelle et étudiante tout en diminuant l'immigration pour motif familial.

Il s'agissait, d'autre part, de traiter en commun des thématiques jusqu'alors abordées isolément. Le postulat de départ était en effet celui de l'existence d'un lien entre migrations et développement économique. Comme l'ont rappelé les représentants du ministère de l'intérieur et de l'Europe et des affaires étrangères au cours de leurs auditions, cette thèse irriguait alors les politiques migratoires bien au-delà des frontières hexagonales. Peut notamment être citée « l'approche globale des migrations et de la mobilité » (AGMM) promue par l'Union européenne à partir du sommet d'Hampton Court en 2005. Celle-ci reposait sur une architecture à quatre piliers recoupant très largement celle des accords de gestion concertée et de codéveloppement : la facilitation de l'immigration légale et de la mobilité ; la lutte contre l'immigration irrégulière et la traite des êtres humains ; la valorisation de l'impact des migrations sur le développement ; la promotion de la protection internationale et du droit d'asile. Un rapport produit par le secrétaire général de l'organisation des Nations Unies en 2006 développait par ailleurs le même raisonnement73(*).

Dans cette perspective, les accords de gestion concertée et de codéveloppement entendaient poser les fondations de nouveaux partenariats globaux et mutuellement bénéfiques avec les États d'émigration. Le calcul sous-jacent était, d'une part, qu'une contribution française au développement des États partenaires engendrerait une diminution des flux d'immigration irrégulière et, d'autre part, qu'une redynamisation des voies de migrations légales ouvertes aux ressortissants des États partenaires entraînerait en contrepartie une amélioration de la coopération en matière de retours. Du point de vue de la méthode, il s'agissait de basculer d'une logique de distribution de fonds d'aide au développement à celle d'une allocation sélective en fonction de la satisfaction d'objectifs partagés en matière de retour.

L'originalité des accords de gestion concertée et de codéveloppement provient deuxièmement de leur pilotage par une structure ministérielle dédiée - le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire - ainsi que de l'adjonction d'une enveloppe budgétaire dédiée. Un nouveau programme budgétaire 301 « Développement solidaire et migrations » a ainsi été créé pour porter les crédits d'aide au développement distribués en exécution de ces accords. Ce programme, initialement abondé par des crédits prélevés sur les deux autres programmes de la mission « aide publique au développement » à hauteur de 29 millions d'euros en crédits de paiement74(*), avait pour objectif central de « favoriser l'aboutissement d'un ensemble d'actions multilatérales, bilatérales mais aussi individuelles, portées par les diasporas ou plus généralement par les migrants résidant en France, au profit du développement dans leur pays d'origine »75(*). Le taux de conclusion des accords de gestion concertée et des flux migratoires était le premier indicateur retenu. Le second objectif était celui d'un accompagnement financier de 100 projets collectifs et de 1 000 projets individuels de développement dans les États partenaires à horizon 201076(*).

Ces éléments justifient un traitement à part des accords de gestion concertée et de codéveloppement dans l'analyse des divers instruments migratoires internationaux. Leur transversalité comme leur exhaustivité traduisent une ambition significativement rehaussée par rapport aux accords sectoriels antérieurs. Avec un portage politique au plus haut niveau et l'allocation de moyens budgétaires dédiés, les pouvoirs publics ont par ailleurs entendu se donner les moyens de leurs ambitions dans la conduite du dialogue avec les États d'émigration.

Ce changement d'approche se retrouve dans la déclaration de politique générale prononcée devant l'Assemblée nationale le 3 juillet 2007 par l'ancien Premier ministre François Fillon : « [La France est grande lorsqu'elle] multiplie les projets de co-développement avec le continent africain en mobilisant les crédits de coopération sur les actions ayant un impact direct sur les flux migratoires et en négociant des partenariats avec les pays d'origine ».

b) Des accords qui ne transcrivent que partiellement l'ambition initiale

En pratique, sept accords de gestion concertée et de codéveloppement ont été conclus entre 2006 et 2009, principalement avec des États d'Afrique de l'ouest francophone. Cela est inférieur l'objectif de conclusion de 20 accords77(*) de cette nature initialement fixé par le projet annuel de performances du programme 301 pour la période 2008-2010, et ce alors même que 28 États prioritaires78(*) avaient été identifiés pour la mise en oeuvre de la politique de codéveloppement.

Plusieurs autres accords internationaux conclus postérieurement par la France auraient également pu rentrer dans cette catégorie79(*). C'est le cas des accords avec la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, la République de Maurice, la Géorgie, la Macédoine du Nord, la Russie, voire, plus récemment, l'Inde. S'ils comportent des clauses relatives à la mobilité des jeunes et des professionnels identiques à celles figurant dans les accords de gestion concertée et de codéveloppement, les deux autres volets ne sont toutefois pas systématiquement repris. Leur contenu n'est en outre pas suffisamment homogène pour les intégrer dans une catégorie dédiée, bien que certains soient parfois rassemblés sous la dénomination générique des « accords de séjour et de migration circulaire ». Compte tenu de ces réserves, et par souci de lisibilité, les rapporteurs ont donc fait le choix d'intégrer ces accords à la catégorie des accords relatifs aux mobilités professionnelles présentée ci-après.

Récapitulatif des accords de gestion concertée et de codéveloppement

État partenaire (780(*))

Date de signature

Bénin

28 novembre 2007

Burkina-Faso

10 janvier 2009

Cap-Vert

24 novembre 2008

Gabon

5 juillet 2007

République du Congo

25 octobre 2007

Sénégal

23 septembre 200681(*)

Tunisie

28 avril 2008

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Dans le détail, les accords de gestion concertée et de codéveloppement se décomposent en trois parties : l'organisation des voies de migrations légales avec, parfois, l'aménagement de conditions d'admission au séjour plus favorables que le droit commun ; la lutte contre l'immigration irrégulière avec l'introduction de dispositifs de réadmission ; la mise en place d'actions de développement solidaire au profit des États d'émigration.

Les sept accords de gestion concertée et de codéveloppement

Source : Commission des lois - Réalisé à partir de mapchart.net

Si l'on examine concrètement le contenu des accords, celui-ci oscille entre des engagements précis dans des domaines déterminés et des déclarations de bonnes intentions à la portée juridique limitée.

Sur le premier volet relatif à la circulation et au séjour, les accords comprennent en règle générale des facilités d'obtention de visas ciblées sur des profils très qualifiés. Les stipulations correspondantes relèvent néanmoins davantage d'un engagement conjoint des parties à traiter de manière diligente et bienveillante les demandes que d'un régime réellement dérogatoire. Les deux accords de gestion concertée et de codéveloppement
conclus avec le Gabon et la République du Congo font toutefois figure d'exception, en ce qu'ils lèvent l'obligation de visa court séjour pour les titulaires de passeports diplomatiques.

S'agissant plus spécifiquement de l'admission au séjour, la portée des accords varie selon le motif d'admission concerné. Peuvent être relevés :

- sur l'admission au séjour pour motif étudiant : des accès facilités au service public de l'emploi en France et, surtout, des dérogations au droit commun applicables aux « jeunes diplômés » permettant l'admission au séjour d'étudiants diplômés en France à un niveau licence professionnelle. Si une possibilité de prolongation du séjour de ces jeunes est déjà prévue par l'article L. 422-10 du Ceseda, celle-ci est en effet réservée aux titulaires d'un master en droit commun. Au cours de son audition, Patrick Stefanini a insisté sur le caractère particulièrement attractif de cette dérogation vis-à-vis des États partenaires ;

- sur l'admission au séjour pour motif professionnel : la conclusion d'un accord « Jeune professionnel » (voir supra) est parfois programmée, de même que des objectifs de délivrance de titres « compétences et talents », étant entendu que lesdits quotas ne sont pas contraignants. Par ailleurs, les accords de gestion concertée et de codéveloppement autorisent presque systématiquement la délivrance de titres de séjour salariés sans opposabilité de l'emploi aux personnes justifiant d'un contrat de travail dans un secteur d'activité figurant dans une liste ad hoc de métiers en tension82(*) annexée à l'accord. Si ce dispositif est semblable à celui aujourd'hui prévu par l'article L. 414-13 du ceseda, le contenu des différentes listes diverge significativement. À titre d'exemple, la liste des métiers en tension figurant en annexe de l'accord franco-béninois comprend 16 métiers, contre 77 pour l'accord franco-tunisien ;

- sur l'admission au séjour pour motif familial : les accords se contentent pour l'essentiel d'opérer un renvoi aux dispositions de droit commun en la matière.

S'agissant du deuxième volet relatif à la lutte contre l'immigration irrégulière, les stipulations figurant dans les accords de gestion concertée et de codéveloppement sont de même nature que celles figurant dans les accords de réadmission « classiques » évoqués précédemment.

Le volet codéveloppement est enfin moins standardisé que les deux précédents et tient compte, au moins en apparence, de la situation particulière de chacun des États partenaires. Outre des objectifs généraux tels que le soutien aux initiatives économiques des résidents en France, le cofinancement de projets de développement local ou encore la facilitation des transferts de fond, les accords identifient en général des axes de travail prioritaires, voire listent des actions faisant l'objet d'un financement français. À titre d'exemple, le second protocole l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008 prévoit le financement de centres de formation professionnel par l'intermédiaire d'un programme pluriannuel doté d'une enveloppe de 30 millions d'euros sur la période 2008-2011. Une liste de projets de formation professionnelle éligibles à ce programme est annexée à l'accord et mentionne, par exemple, le financement d'un projet de création d'un centre de formation aux métiers du bâtiment à Oueslatia-Kairouan à hauteur de 7,2 millions d'euros.

Il est fondamental de préciser que ces trois volets sont traités isolément, sans qu'aucune conditionnalité ne soit explicitement établie entre eux dans les accords.

Le déploiement d'une nouvelle génération d'accords migratoire :
l'exemple de l'accord franco-gabonais du 5 juillet 2007

Les stipulations de l'accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 précisent les fondamentaux d'une nouvelle approche des pouvoirs publics, reposant sur les idées que, d'une part, la gestion concertée « constitue un facteur de développement économique, social et culturel » et, d'autre part, « les mouvements migratoires doivent se concevoir dans une perspective au développement et que la migration doit favoriser l'enrichissement du pays d'origine [...] »83(*). Concrètement, l'architecture de l'accord franco-gabonais repose sur trois volets.

· Un volet relatif à la circulation et au séjour : les deux premiers chapitres de l'accord prévoient notamment une exemption de visa court-séjour pour les détenteurs de passeports diplomatiques ou de service84(*). Par ailleurs, les parties s'engagent à délivrer, dans la mesure du possible85(*), des visas de circulation d'au moins deux ans ainsi qu'à se communiquer mutuellement les causes d'éventuels rejets (article 1er). Cette mention ne revêt toutefois pas de portée contraignante. S'agissant de l'admission au séjour, des régimes plus favorables sont aménagés pour les motifs étudiants (article 2). Une autorisation provisoire de séjour (APS) de 9 mois renouvelable une fois est notamment accordée à l'étudiant gabonais ayant obtenu une licence professionnelle ou un master en France86(*). Sous réserve que la rémunération soit supérieure à 1,5 SMIC, elle permet d'exercer une activité professionnelle dans le secteur visé. À l'expiration de l'APS, l'étudiant toujours en activité est autorisé à séjourner en France sans opposabilité de la situation de l'emploi. Ce dispositif est plus favorable que celui prévu par l'article L. 422-10 du Ceseda où cette possibilité de prolongation de séjour est réservée aux titulaires d'un master. Les étudiants gabonais en France ont par ailleurs accès aux offres d'emploi ou de stages de Pôle emploi et du Crous.

S'agissant des motifs professionnels et familiaux (article 3), l'accord fixe le principe d'un futur accord « jeunes professionnels ». En outre, il prévoit au bénéfice des ressortissants gabonais l'attribution sans opposabilité de la situation de l'emploi d'une carte de séjour salarié aux titulaires d'un contrat de travail dans l'un des métiers en tension figurant en annexe de l'accord87(*), ainsi qu'à ceux souhaitant assurer un complément de formation professionnelle en entreprise de moins de 12 mois. Par ailleurs, l'accord prévoit la possibilité de délivrance d'une carte « compétences et talents » de trois ans pour certains profils particulièrement notables. Enfin, la France s'engage à ce qu'un bilan de compétences soit offert aux ressortissants Gabonais en fin de contrat d'accueil et d'intégration. En contrepartie, le Gabon s'engage à faire évoluer son droit national pour que des titres de 5 ans puissent être délivrés aux Français y résidant régulièrement depuis 3 ans ou mariés depuis plus de 3 ans avec un ressortissant gabonais.

· Sur le volet réadmission : l'article 4 prévoit la réadmission de droit des ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie ou des ressortissants d'États tiers en situation irrégulière sur le territoire d'une partie pour lesquels il peut être apporté la preuve d'un séjour sur le territoire de l'autre. Les modalités d'établissement de la nationalité ou du séjour des intéressés sont fixées en annexe.

· Sur le volet relatif à la coopération et au co-développement : l'accord formalise un engagement de la France dans trois domaines. Le premier est celui de la lutte contre l'immigration irrégulière (article 4), par la mise à disposition d'une expertise policière visant, par exemple, à améliorer le cadre légal applicable, à renforcer la sécurisation de l'aéroport de Libreville ou à enrichir la formation des effectifs. Aucun objectif chiffré n'est toutefois mentionné. Le deuxième point fixe le principe d'une action de la France pour l'amélioration de la fiabilité de l'état civil et de l'efficacité de la lutte contre la fraude documentaire (article 5). Le troisième engagement est celui de la participation à un processus de codéveloppement (article 6), via le soutien aux initiatives des Gabonais résidant en France et visant le développement du Gabon. Sont concrètement mentionnés le cofinancement de projets de développement local initiés par des associations de migrants, l'appui aux diasporas qualifiés pour des interventions au Gabon ou le soutien aux initiatives des jeunes Gabonais. L'accord précise que ces actions sont mises en oeuvre dans le cadre d'un fonds de solidarité prioritaire.

Il est enfin prévu qu'un comité de suivi se réunisse au moins une fois par an pour suivre la bonne exécution de l'accord et régler les éventuels différends (article 7). L'accord est conclu pour une durée indéterminée, mais est modifiable par accord entre les parties ou dénonçable unilatéralement avec un préavis de trois mois (article 8).

2. Une stratégie progressivement abandonnée et aux résultats incertains
a) Le constat : un délaissement progressif des accords de gestion concertée et de codéveloppement

En pratique, l'exécution des accords de gestion concertée et de codéveloppement s'est révélée inégale. L'ambassadeur chargé des migrations a ainsi indiqué au cours de son audition que « la régularité des comités de suivi a été très variable d'un accord à l'autre ; certains dispositifs se sont ainsi révélés plus actifs que d'autres et le rythme des comités de suivi, initialement prévu sur une base annuelle, a été plus sporadique ». Si le comité de suivi de l'accord franco-tunisien s'est réuni 9 fois - en février 2024 pour la réunion la plus récente -, ceux des accords conclus avec le Cap Vert et le Bénin ne se sont plus tenus depuis leurs réunions inaugurales, respectivement en novembre 2011 et en mars 201288(*).

De fait, les accords de gestion concertée et de codéveloppement n'ont pas rencontré le succès escompté et ont rapidement perdu de leur centralité dans la politique migratoire française. L'objectif de 20 accords de gestion concertée n'a pas été atteint et aucun n'a été conclu postérieurement à janvier 2009. La suppression du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire en novembre 2010 est également symbolique du délaissement précoce de cette stratégie migratoire. Celle-ci ne dispose par ailleurs plus de support budgétaire dédié depuis la suppression du programme 301 par la loi de finances pour 2013.

Si les accords de gestion concertée et de codéveloppement restent formellement en vigueur, force est donc de constater que la grande majorité d'entre eux sont aujourd'hui inactifs. Selon les informations communiquées à la mission d'information, seules les stipulations relatives à la réadmission peuvent encore servir de référence dans le dialogue bilatéral avec les États partenaires.

Deux accords échappent toutefois à ce constat : l'accord conclu avec la Tunisie et, dans une moindre mesure, celui conclu avec le Sénégal.

Si l'exécution du premier a été interrompue pendant trois ans entre mars 2021 et mars 2024 du fait de la pandémie de covid-19 puis des tensions issues de la décision française de restreindre la délivrance de visas, celle-ci a désormais repris. Les acteurs auditionnés ont unanimement souligné les vertus d'un accord qui permettrait un dialogue régulier en matière migratoire et dont les objectifs sont encore actualisés au fil des réunions de son comité de pilotage. L'ambassadrice de France en Tunisie, Anne Guéguen, a notamment dressé un bilan positif de cet accord qui constituerait « le cadre de référence de la coopération en matière migratoire entre la France et la Tunisie ».

De fait, la dernière réunion du comité de pilotage en février 2024 a permis de rénover les modalités de suivi de l'exécution de l'accord par la création de deux sous-comités techniques relatifs respectivement au développement solidaire et à la migration. Cette vitalité est également constatée sur le volet développement solidaire, avec la mise en place en 2023 d'une enveloppe dédiée de 27,8 millions d'euros89(*). Selon les informations communiquées par l'ambassade de France en Tunisie, celle-ci vient s'ajouter aux 40 millions d'euros engagés dans ce cadre depuis 2008, à raison de 30 millions d'euros pour le financement de projets de développement solidaire et de 10 millions d'euros pour des projets sécuritaires liés aux migrations90(*). Les résultats sont en revanche moins probants s'agissant de la coopération en matière de retour. Si certains indicateurs révèlent un frémissement (619 retours au 18 octobre 2024 contre 540 pour toute l'année 2023), celui-ci doit être très largement relativisé. Ces niveaux sont encore inférieurs à ceux observés avant la pandémie de la Covid-19 et le taux de délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais utiles à l'éloignement demeure largement perfectible91(*). En valeur absolue, le volume de retours demeure quant à lui sans commune mesure avec le nombre de ressortissants tunisiens interpellés en situation irrégulière sur le territoire national (6 204 au premier semestre 2023 et 9 624 en 2022). De ce point de vue, le lien entre un volontarisme accru en matière d'aide au développement et l'obtention d'un surcroît de coopération en matière de réadmission semble à tout le moins ténu.

L'accord franco-tunisien du 28 avril 2008 

Composé d'un accord-cadre ainsi que de deux protocoles d'application, l'accord de gestion concertée conclu avec la Tunisie apparaît comme l'instrument le plus complet de cette catégorie. L'accord-cadre fixe tout d'abord les principes de ce nouveau cadre de coopération au sein duquel les parties « affirment leur engagement pour une gestion concertée de la migration et renforcent à cet égard leur coopération pour faciliter la circulation des personnes entre les deux pays, l'admission au séjour sur leurs territoires respectifs et la réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière » (article 1). De la même manière, l'article 2 entend « asseoir un partenariat privilégié en matière de développement solidaire » reposant sur une future stratégie conjointe « visant à promouvoir une coopération multiforme ». Sur le plan pratique, un comité de pilotage est chargé d'assurer le suivi de l'application de l'accord (article 3), et ce même si les éventuelles difficultés d'interprétation sont réglées à l'amiable, (article 5).

· Le premier protocole est relatif à la gestion concertée des migrations. Il repose sur trois piliers, dont le premier est relatif à la circulation (article 1er). La France s'engage, de manière non contraignante, à faciliter la délivrance de visas de circulation valables de 1 à 5 ans à des catégories de ressortissants tunisiens limitativement énumérés92(*) ainsi que de visas simples pour certains motifs, tels que la visite de ressortissants tunisiens hospitalisés en France.

Le second pilier est la mise en place de conditions d'admission au séjour (plus favorables que le droit commun (article 2). L'essentiel des motifs d'admission sont concernés. S'agissant des motifs familiaux, l'accord de 1988 (voir infra) est modifié afin de soumettre au contrat d'intégration républicaine les jeunes majeurs tunisiens arrivés en France après 16 ans et admis au séjour à leur majorité, ainsi que de supprimer la possibilité de régularisation de droit pour les Tunisiens résidant habituellement en France depuis plus de 10 ans. La France s'engage par ailleurs à un traitement bienveillant des demandes de regroupement familial.

S'agissant des étudiants, le dispositif est analogue à celui figurant dans le cadre de l'accord franco-gabonais (voir infra).

Pour ce qui est enfin des motifs professionnels, l'accord porte à 1 500 le plafond de jeunes professionnels annuellement admis au séjour au titre de l'accord du 4 décembre 2003, ainsi qu'à 24 mois la durée totale potentielle dudit séjour. L'accord autorise ensuite la délivrance d'un titre « compétences et talents » valable 3 ans à un nombre maximal de 1 500 Tunisiens par an. S'agissant des salariés, la voie d'admission au séjour prévue par l'accord de 1988 (cf. supra) est réservée aux Tunisiens exerçant dans les 77 métiers en tension listés en annexe de l'accord. Un objectif de 3 500 admissions annuelles est fixé.

Le premier protocole intègre un troisième pilier relatif à la réadmission, dont les stipulations recoupent celles figurant dans les accords de cette nature présentés précédemment (article 3). La France s'engage également formellement à renforcer son appui à l'administration tunisienne en charge de l'immigration par une aide en matériels de surveillance des frontières ainsi que la participation à des actions de formation (article 4).

· Le second protocole régit les modalités d'exécution des dispositions relatives au développement solidaire. Il dresse tout d'abord une liste relativement générale d'axes prioritaires (articles 1er à 8)93(*). L'accord prévoit ensuite notamment le financement de centres de formation professionnelle via un programme pluriannuel doté d'une enveloppe de 30 millions d'euros sur la période 2008-2011 (article 11). Par ailleurs, la France s'engage à financer d'autres projets de prévention de l'émigration illégale ainsi qu'à mettre en place un programme d'appui pluriannuel aux projets de développement solidaires en Tunisie (articles 12 et 13). Les projets concernés par ces deux volets sont listés en annexe de l'accord.

Selon les informations transmises à la mission d'information, l'accord conclu avec le Sénégal est également actif. Si la dernière réunion de son comité de suivi remonte à février 2022, l'agence française de développement a toutefois fait état de nombreux projets de codéveloppement financés par la France dans ce cadre. L'agence intervient notamment pour le cofinancement d'initiatives portées par les membres de la diaspora sénégalaise en France à hauteur de 45 millions d'euros pour 230 projets de développement local depuis 2006. L'ambassadeur chargé des migrations a confirmé au cours de son audition qu'il s'agissait d'un axe de travail prioritaire.

b) Des accords qui n'ont pas permis d'atteindre l'objectif initial d'une immigration « choisie »

En préambule de cette partie consacrée à l'évaluation des accords de gestion concertée et de codéveloppement, deux regrets doivent être émis par les rapporteurs. Le premier est que, malgré leurs demandes réitérées, le rapport des inspections générales des ministères des affaires étrangères et de l'intérieur d'avril 2014 sur les accords de gestion concertée et de codéveloppement ne leur ait pas été communiqué. Celui-ci constitue pourtant la seule évaluation exhaustive réalisée à ce jour sur le sujet. Seuls quelques éléments figurant dans ce rapport ont été dévoilés en 2017 dans la réponse à une question écrite de l'ancien député Guillaume Larrivé94(*). Il y serait recommandé de « ne plus conclure d'accords de ce type et de privilégier une démarche de « dialogue migratoire » avec les principaux pays sources d'immigration ». La réponse à cette question écrite précise par ailleurs que la part de visas de circulation délivrés aux ressortissants des États partenaires se serait effectivement accrue (jusqu'à 42 % s'agissant des Tunisiens) et que l'immigration étudiante aurait bien été favorisée.

Le second n'est pas spécifique à cette catégorie d'accords et a trait à l'insuffisance des données statistiques disponibles. Cet obstacle, auquel les rapporteurs se sont régulièrement heurtés, empêche d'objectiver les apports (ou non) des instruments migratoires internationaux, voire entretient des doutes quant à leur pertinence. Si la mission d'information ne méconnaît pas la difficulté liée au fait que ces accords ne prévoient généralement pas la délivrance de titres de séjour autonome pouvant faire l'objet d'un traitement statistique dédié, elle ne peut toutefois que déplorer que seules des données agrégées d'un intérêt souvent limité aient été communiquées sur ce point.

En tout état de cause, au vu des éléments et témoignages qui ont néanmoins pu être recueillis par les rapporteurs au cours de leurs travaux, il apparaît manifeste que les objectifs ayant présidé à la mise en place des accords de gestion concertée et de codéveloppement n'ont pas été atteints.

Au cours de son audition, Patrick Stefanini a ainsi dressé un bilan en demi-teinte des accords de gestion concertée et de codéveloppement. Selon lui, l'objectif de dynamisation des migrations étudiantes et professionnelles a indéniablement été rempli. L'immigration familiale n'aurait quant à elle fait que se stabiliser, et ce alors même que l'objectif initial était de la réduire. Les données reproduites dans les tableaux ci-dessous doivent néanmoins être analysées avec précaution, ne serait-ce qu'en raison de leur caractère agrégé et de la tardiveté du point de départ des séries.

Premiers de séjour délivrés aux ressortissants de pays ayant signé des accords de gestion concertée et de co-développement (par motif d'admission)

 

2012

2018

2018/2012

Admissions au séjour

27 983

42 322

1,51 %

Dont motif économique

1 974

7 242

3,67 %

Dont motif familial

16 699

16 780

1 %

Dont motif étudiant

6 490

14 690

2,26 %

Dont motif humanitaire et divers

2 820

3 610

128 %

Source : Patrick Stefanini, « Immigration : Ces réalités qu'on nous cache », Robert Laffont, 2020

Premiers titres de séjours délivrés aux ressortissants de pays ayant signé des accords de gestion concertée et de co-développement (tous motifs confondus)

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Bénin

1 125

1 223

1 410

1 371

1 422

1 818

2 142

2 064

2 832

3 185

4 007

Burkina Faso

641

729

827

824

935

1 042

1 164

1 051

1 284

1 420

1 079

Cap-Vert

1 101

1 023

1 077

1 014

888

890

831

568

612

617

5326

Rép. Congo

2 436

2 455

2 457

2 504

2 722

2 888

3 251

3 295

4 876

4 525

4554

Sénégal

5 574

5 295

5 689

6 208

7 857

8 402

8 647

7 583

8 717

8 889

10 423

Tunisie

13 450

14 131

14 089

15 291

16 341

18 860

19 652

15 492

17 447

21 860

22 639

Source : DGEF

Au-delà de cette analyse quantitative, un rapport publié en 2017 par l'OCDE dresse un bilan qualitatif particulièrement décevant sur deux tableaux. L'OCDE conclut tout d'abord que leurs effets sur les migrations professionnelles ont été particulièrement marginaux95(*). Ce constat s'applique aussi bien aux stipulations relatives aux métiers en tension qu'aux cartes dites « compétences et talents ». Entre 2005 et 2014, seules 340 arrivées de travailleurs dans des métiers en tension sont dénombrées pour l'ensemble des États signataires après l'entrée en vigueur de l'accord, contre 240 avant96(*). La part de ces catégories de travailleurs dans l'ensemble des flux d'emplois en provenance des États partenaires est restée stable, autour de 17 % des flux en emplois bilatéraux contre 15 % avant l'entrée en vigueur des accords (et contre 2 % de l'ensemble des flux en emplois, tous pays confondus)97(*).

Dans le même temps, les accords n'ont pas eu d'effets significatifs sur l'arrivée de travailleurs qualifiés. Les délivrances de cartes « compétences et talents » sont restées très inférieures aux objectifs et parfois même microscopiques, comme en atteste le tableau reproduit ci-dessous. Si les accords de gestion concertée et de codéveloppement ont certes entraîné un surcroît d'immigration professionnelle, la nature de celle-ci ne correspondait en revanche pas nécessairement aux profils ciblés. L'étude de l'OCDE est catégorique sur ce point : « la signature des accords n'a eu aucun

impact sur les flux de travailleurs qualifiés venant de ces sept pays ; par contre, elle a permis un nombre d'entrées plus importantes de travailleurs peu qualifiés, notamment les employés dans la restauration
 ».

Pourcentage du quota annuel de cartes « compétences et talents »
délivrées depuis l'entrée en vigueur des accords

 

Nombre annuel moyen de délivrances

Quota annuel

Pourcentage de l'objectif atteint

Tunisie

52

1 500

3,5 %

Rép. du Congo

1

150

0,7 %

Bénin

1

0,7 %

Burkina Faso

0,8

0,5 %

Total

406

2 000 (indicatif)

20,4 %

Source : OCDE, Le recrutement des travailleurs immigrés, 2017

S'agissant du volet codéveloppement, l'OCDE estime que celui-ci a été insuffisamment investi. Les crédits accordés au programme budgétaire sont de fait restés modestes. Selon les données communiquées par la DGEF, celui-ci a financé des projets pour un montant cumulé de 128 millions d'euros sur la période 2008-2012, soit environ 0,5 % du budget total de l'aide publique au développement. L'OCDE relève par ailleurs que le volume annuel de projets collectifs de co-développement financé est resté bien en deçà de l'objectif de 100 (47 en 2008, 55 en 2009, 61 en 2010).

Dans l'ensemble, l'OCDE souligne « un manque flagrant d'efficacité » de cette catégorie d'accord. Selon l'organisation internationale : « les avantages que les pays d'origine signataires sont supposés recevoir en échange de leur implication dans le contrôle des flux migratoires paraissent [...] très marginaux : les possibilités de migrations légales restent en effet pour le moins limitées et les dispositifs (ainsi que les moyens) dédiés au codéveloppement et au développement solidaires sont loin d'être à la hauteur des enjeux ».

L'échec est tout aussi manifeste s'agissant des stipulations relatives à la réadmission. Les difficultés à obtenir des laissez-passer consulaires sont notoirement toujours aussi importantes. Sur ce point, la réponse effectuée en 2017 à la question écrite précitée faisait déjà le constat suivant : « malgré des débuts encourageants, les progrès attendus se heurtent aux difficultés (réticences, problèmes techniques) rencontrées en France auprès des autorités consulaires de certains États partenaires pour qu'elles délivrent les laissez-passer consulaires indispensables à l'éloignement de leurs ressortissants ». Les résultats des programmes de coopération policière étaient a contrario perçus comme « très encourageants ».

c) Un échec aux causes multiples

Cet échec peut s'expliquer par cinq raisons principales. Le postulat d'un lien entre développement et migrations s'est premièrement révélé en partie erroné. Sur ce point, le professeur Thibaut Fleury-Graff a souligné au cours de son audition que « le développement ne fait pas tout en matière migratoire ». De fait, le niveau de développement de l'État d'origine n'est qu'une cause d'émigration parmi d'autres. Au-delà des déterminants économiques, l'émigration peut notamment résulter de facteurs dits répulsifs (pull-out) ou attractifs (pull-in), qui peuvent être de nature politique, sociale, culturelle ou encore environnementale. Plus encore, il apparaît même que le développement peut, au moins dans un premier temps, être plus créateur que réducteur d'émigration. Ce paradoxe exposé par exemple par Jean-Pierre Guengant dès 200298(*) s'explique notamment par le fait que les coûts de l'émigration deviennent de moins en moins prohibitifs au fur et à mesure du développement d'un État. La relation entre migrations et développement prend en réalité le plus souvent la forme d'un « U inversé », où l'atténuation des flux n'intervient que dans un second temps. Dans une étude de 2018 citée par Patrick Stefanini, l'OCDE a ainsi évalué à 6 000 dollars le revenu annuel par habitant au-dessus duquel la croissance entraîne une diminution du taux d'émigration99(*).

Les mêmes causes ont produit les mêmes effets au niveau européen, où un constat similaire peut être dressé s'agissant de l'AGMM. Comme le soulignaient les Sénateurs Jacques Legendre et Gaëtan Gorce en 2016, « l'efficacité de cette approche a été jusqu'à présent difficile à percevoir ; elle semble avoir été en tout cas insuffisamment incitative et hiérarchisée »100(*).

La seconde raison qui peut être avancée pour expliquer l'échec des accords de gestion concertée et de codéveloppement est de nature politique, avec la mise au second plan de la politique d'immigration choisie à partir de 2012. Ce changement de doctrine a de facto accéléré l'obsolescence d'accords dont le sous-bassement théorique reposait précisément sur la volonté assumée de favoriser certains motifs d'admission au séjour déterminés et de contenir les autres.

La troisième raison a trait à la nature de ces accords. Les représentants des ministères de l'intérieur et de l'Europe et des affaires étrangères ont indiqué au cours de leurs auditions que, d'une part, « le cadre global que constituaient certains de ces accords [s'était] avéré surdimensionné par rapport aux enjeux bilatéraux » et, d'autre part, que « des possibilités de de migration légale impliquant la création d'un droit dérogatoire pouvait s'avérer difficile à manier »101(*) dans la pratique. Les sujets prioritaires ont pu être dilués dans la masse des discussions nécessaires pour l'application d'accords qui prétendaient à l'exhaustivité. Par ailleurs, le format intergouvernemental de ces accords complexifie - et le plus souvent empêche - la réalisation des ajustements rendus nécessaires par les évolutions des flux migratoires, de la relation bilatérale ou des législations nationales. L'exemple des listes de métiers en tension est symptomatique des difficultés découlant cette rigidité. Au-delà d'une conception initiale perfectible, ces dernières sont restées figées dans le temps et n'ont pas suivi les évolutions du marché du travail. Les stipulations relatives à la délivrance de cartes « compétences et talents » n'ont, de la même manière, pas suivi les évolutions de la législation et sont aujourd'hui dépassées. La DGEF a ainsi souligné au cours de son audition que le droit commun des « passeports talents » constituait désormais un régime plus favorable.

Ce format intergouvernemental est par ailleurs incompatible avec le souci de discrétion que peuvent avoir certains États s'agissant des questions d'immigration.

Quatrièmement, le contenu des accords de gestion concertée présente de multiples lacunes. Un nombre significatif de stipulations alors présentées comme avantageuses étaient en réalité déjà couvertes par des conventions antérieures, relativement équivalentes au droit commun et, pour certaines d'entre elles, dépourvues de portée contraignante. Il en va par exemple ainsi respectivement des stipulations relatives au régime de circulation ainsi qu'à la délivrance de cartes « compétences et talents » et de visas. Comme l'a souligné le professeur Vincent Tchen au cours de son audition, les crédits attribués à un volet codéveloppement aux contours eux-mêmes flous étaient également trop réduits pour prétendre à une réelle efficacité. Les services de l'État ont d'ailleurs admis sur ce point que la mise en oeuvre de ce volet avait pu « poser certaines difficultés de pilotage et de coordination ».

Cinquièmement, l'exécution de ces accords s'est parfois avérée poussive. Certains des acteurs auditionnés par la mission d'information ont ainsi estimé que le France n'avait pas nécessairement tenu ses engagements, notamment sur le plan de la délivrance des visas, parfois toujours aussi difficiles à obtenir après l'entrée en vigueur de l'accord de gestion concertée. A contrario, l'absence d'effet durable de ces accords sur la coopération en matière de réadmission des États signataires a été régulièrement soulevée au cours des travaux.

Ces éléments conduisent la mission d'information à formuler deux remarques. À l'instar de l'ensemble des autres instruments étudiés, l'efficacité des accords de gestion concertée et de codéveloppement résulte premièrement moins de leur lettre que de la qualité de la relation bilatérale avec l'État partenaire.

Deuxièmement, la question de la conditionnalité entre l'aide au développement et la coopération en matière de réadmission ne peut être éludée. L'absence de conditionnalité expresse dans le cadre des accords de gestion concertée et de codéveloppement ne peut suffire à expliquer leur échec, de même qu'il existe des raisons légitimes de dissocier ces deux pans de l'action publique s'inscrivant dans des perspectives différentes. Pour autant, la commission considère que les pouvoirs publics ne doivent pas s'interdire un recours ponctuel à ce levier lorsque les circonstances le justifient. C'est d'ailleurs ce que le Sénat avait entendu rappeler à l'occasion de l'examen de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, dont l'article 47 précisait qu'il devait être tenu compte de la coopération en matière de retours dans l'allocation de l'aide au développement solidaire102(*).

D. LES ACCORDS RELATIFS AUX MOBILITÉS PROFESSIONNELLES

Les accords relatifs aux mobilités professionnelles visent à faciliter l'admission au séjour de catégories de travailleurs déterminées présentant un intérêt particulier du point de vue de la stratégie d'attractivité de la France. Il s'agit en particulier des jeunes et des travailleurs les plus qualifiés. Les accords de cette nature peuvent schématiquement être organisés en deux branches, étant précisé que cette classification résulte avant tout d'un choix subjectif de la mission d'information effectué pour des raisons de lisibilité.

Numériquement la plus importante, la première branche comprend vingt-sept accords exclusivement relatifs à la mobilité des jeunes. Une première sous-branche rassemble treize accords de mobilité d'ampleur variable et comprenant, parfois de manière cumulative :

- des dispositifs « jeunes professionnels » : ils autorisent le séjour de jeunes actifs à la recherche d'une première expérience professionnelle dans le pays d'accueil, les compétences acquises devant théoriquement être par la suite mise à profit dans le pays d'origine ;

- des dispositifs « jeunes diplômés » : ils permettent, dans des conditions plus favorables que le droit commun, le maintien sur le territoire de jeunes diplômés en France souhaitant y prolonger leur formation par une première expérience professionnelle en lien avec leurs études ;

- des dispositifs « stagiaires » : ils facilitent la délivrance de visas aux étudiants souhaitant effectuer un stage temporaire dans le cadre de leurs études ou aux employés d'entreprises ayant des activités dans l'un des États parties et souhaitant y participer à un programme de formation.

La seconde sous-branche comprend un ensemble de quatorze programmes « Vacances-Travail », qui permettent à des jeunes se rendant dans l'État partenaire à des fins touristiques ou culturelles de compléter leurs moyens financiers par l'exercice d'une activité professionnelle.

La seconde branche comprend cinq accords hybrides plus ambitieux en ce qu'ils aménagent, en complément de stipulations relatives aux jeunes, des modalités particulières d'admission au séjour pour d'autres publics cibles. Il s'agit notamment des travailleurs dans des métiers en tension, sur le modèle des stipulations figurant dans les accords de gestion concerté, ou, dans le cas du Maroc, des travailleurs saisonniers.

Instruments migratoires internationaux conclus par la France en matière de mobilité professionnelle

Source : Commission des lois - Réalisé à partir de mapchart.net

1. La mobilité des jeunes, un objet de prédilection des accords internationaux mais des résultats disparates
a) Des accords relatifs à la mobilité des jeunes répandus mais au bilan inégal
(1) Le dispositif « Jeunes professionnels »

Par souci de lisibilité, les rapporteurs ont fait le choix de présenter dans une même catégorie l'ensemble des accords qu'ils considèrent comme exclusivement relatifs à la mobilité des jeunes. Ces derniers prévoient, parfois de manière cumulative, des stipulations relatives aux « échanges de jeunes professionnels », aux « jeunes diplômés » ou aux stagiaires. Les treize accords correspondants sont recensés dans le tableau ci-dessous. Il doit par ailleurs être précisé que dix accords d'une autre catégorie comportent des stipulations analogues : il s'agit de six des sept accords de gestion concertée (à l'exception du Sénégal) ainsi que des quatre accords hybrides relatifs aux mobilités professionnelles les plus récents (la convention de main-d'oeuvre conclue le 1er juin 1963 avec le Maroc n'étant pas concernée).

Récapitulatif des accords relatifs à la mobilité des jeunes (hors PVT)

Accords portant exclusivement sur la mobilité des jeunes (13)

État partenaire

Date de signature

Jeunes professionnels (11)

Jeunes diplômés (3)

Stagiaires (6)

Algérie
(non appliqué)

26 octobre 2015

X

   

Argentine

26 septembre 1995

X

   

Bosnie Herzégovine103(*)

3 juillet 2014

X

X

X

Canada

14 mars 2013

X

 

X

Chine104(*)

2 novembre 2015

   

X

États-Unis105(*)

17 mars 2017

X

   

Gabon106(*)

24 février 2010

X

   

Maroc

24 mai 2001

X

   

Monténégro

1er décembre 2009

X

X

X

Nouvelle-Zélande107(*)

10 août 1983

   

X

Sénégal

20 juin 2001

X

   

Serbie

2 décembre 2009

X

X

X

Tunisie108(*)

4 décembre 2003

X

   

Accords d'une autre catégorie comportant des clauses sur la mobilité des jeunes (10)

État partenaire

Catégorie d'accord

Jeunes professionnels (7)

Jeunes diplômés (9)

Stagiaires
(2)

Bénin

AGC du
28 novembre 2007
(articles 5 et 8 à 10)

X

X

 

Burkina Faso

AGC du
10 janvier 2009
(article 2.1)

 

X

 

Cap-Vert

AGC du
24 novembre 2008
(article 3 - 3.1 et 3.2.1)

X

X

 

Gabon

AGC du
5 juillet 2007
(article 2.2)

 

X

 

Géorgie

Accord sur la migration circulaire des professionnels du 12 novembre 2013

(article 1er)

X

X

 

République du Congo

AGC du
25 octobre 2007 (article 2 - 213 et 221)

X

X

 

Inde

Accord de partenariat pour les migrations et la mobilité du
10 mars 2018
(article 3.2, 3.3 et 4.2)

X

X

X

Maurice

Accord sur le séjour et la migration circulaire des professionnels du 23 septembre 2008
(article 2, 2.1, 2.1.3 et 2.2.2)

X

X

X

Russie (suspendu)

Accord sur les migrations professionnelles du
27 novembre 2009
(articles 2 (5.), 8 et annexe 3)

X

   

Tunisie

AGC du
28 avril 2008
(article 2, 2.2.2109(*))

 

X

 

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Les onze accords intégrant des stipulations relatives aux « jeunes professionnels » recensés par la mission ont été conclus entre 1983 et 2017 avec des États de tous les continents. Ils entendent favoriser la venue de jeunes diplômés engagés dans la vie active sur le territoire de l'État partenaire pour y acquérir des compétences qu'ils pourront ultérieurement mettre à profit dans leur État d'origine. Ces accords comprennent en général une dizaine d'articles relativement brefs qui définissent :

- le public cible : il s'agit de jeunes actifs de 18 à 35 ans, engagés dans la vie active ou à la recherche d'une première expérience professionnelle et qui souhaitent, d'une part, approfondir leur connaissance et leur compréhension des conditions de vie de l'État d'accueil et, d'autre part, améliorer leurs perspectives de carrière par une expérience professionnelle - en général salariée - dans l'État d'accueil. Les accords prévoient systématiquement une condition de diplôme ou d'expérience professionnelle antérieure dans le secteur visé. La situation de l'emploi n'est pas opposable aux bénéficiaires de l'accord ;

- un plafond de jeunes professionnels pouvant être annuellement admis au séjour à ce titre : celui-ci peut concerner de 100 (dans le cas du Gabon et du Sénégal) à 2 300 jeunes actifs (dans le cas du Canada) ;

- les conditions d'entrée sur le territoire de l'État partenaire : les accords comprennent en règle générale une déclaration de bonne intention, sans portée contraignante, selon laquelle les parties font « tous leurs efforts pour que les jeunes professionnels puissent recevoir dans les meilleurs délais » les visas et documents de séjour nécessaires ;

- la durée maximale de séjour autorisée : celle-ci varie entre 18 et 24 mois. Les jeunes professionnels concernés s'engagent par ailleurs à ne pas poursuivre leur séjour à l'issue de cette période ainsi qu'à ne pas occuper un autre emploi que celui pour lequel ils ont été admis au sein du programme. Les accords incluent également une stipulation non contraignante selon laquelle les parties adoptent « toute mesure visant à assurer l'effectivité du retour du jeune professionnel dans son pays » ;

- les conditions de vie sur place : la rémunération des jeunes professionnels doit être équivalente au salaire observé pour les nationaux pour un emploi équivalent. L'égalité de traitement prévaut pour l'application des lois et règlements régissant les conditions de travail. Les accords peuvent également préciser le régime applicable en matière fiscale ou sociale ;

- les modalités d'entrée en vigueur et de suivi de l'accord : ces accords sont conclus pour une durée indéterminée et, en règle générale, sont dénonçables unilatéralement moyennant un préavis. Des comités de suivi sont parfois prévus, sans que cela ne soit systématique.

En outre, certains accords règlent expressément la situation de la famille des jeunes professionnels, tandis que d'autres prévoient directement en leur sein les modalités de dépôt et d'examen des demandes.

Un accord d'échange de jeunes professionnels franco-gabonais inutilisé

L'accord du 24 février 2010 entre la France et le Gabon est la déclinaison de l'article 3. 1 de l'accord de gestion concertée du 5 juillet 2007110(*). Il vise à développer l'échange de jeunes actifs âgés de 18 à 35 ans se rendant dans l'État partenaire pour « améliorer leurs perspectives de carrière grâce à une expérience de travail salarié dans une entreprise qui exerce une activité de nature sanitaire, sociale, agricole, artisanale, industrielle, commerciale, libérale ou de service et approfondir leurs connaissances de la société d'accueil » (article 1er).

Aux termes de cet accord, les jeunes sélectionnés sont autorisés, sous condition de diplôme ou d'expérience professionnelle antérieure, à exercer un emploi sous contrat sur le territoire de l'État partenaire, dans une entreprise exclusivement et sans que l'opposabilité du marché de l'emploi ne s'applique (article 2). Le plafond de jeunes annuellement autorisés à travailler dans chacun des États signataires est fixé à 100 (article 4). La durée du travail autorisée varie de 6 à 12 mois, renouvelables jusqu'à 18 mois maximum. L'accord précise que les jeunes professionnels ne peuvent rester sur le territoire de l'État partenaire à l'issue de cette durée et que « chaque partie contractante adopte toute mesure visant à assurer l'effectivité du retour du jeune professionnel dans son pays et en informe l'autre Partie » (article 3).

S'agissant des conditions de travail et de vie, l'accord impose une rémunération au moins égale au salaire local pour un emploi équivalent, ainsi que l'égalité de traitement pour l'application des lois, règlements et usages régissant les relations et conditions de travail, la protection sociale, la santé, l'hygiène et la sécurité au travail (article 5).

Sur le plan du séjour, les parties s'engagent en des termes généraux et non-contraignants111(*) à faciliter la délivrance des documents légaux (article 7). L'accord exclut par ailleurs expressément les jeunes professionnels du bénéfice du regroupement familial (article 6).

L'accord est conclu pour une durée indéterminée, avec des possibilités de révision par accord mutuel ainsi que de dénonciation unilatérale avec un préavis de trois mois (article 8).

Cet accord est de facto inutilisé. Selon les données communiquées à la mission d'information, seuls trois ressortissants gabonais en ont bénéficié entre 2015 et 2021.

En pratique, l'OFII est chargé de la réception et de l'instruction des demandes. Les dossiers qu'il retient sont ensuite transmis à l'administration du travail pour l'obtention d'une autorisation de travail. L'OFII joue ainsi un rôle d'interface fondamental pour la mise en oeuvre des accords « Jeunes professionnels » entre, d'une part, les employeurs et les acteurs institutionnels en France et, d'autre part, les autorités des États signataires.

Le bilan du dispositif d'échange de jeunes professionnels est dans l'ensemble décevant. En valeur absolue, le nombre de bénéficiaires est anecdotique : 133 jeunes actifs été concernés sur l'année 2021. En termes de flux, la modeste augmentation constatée à partir de 2015 s'est par la suite interrompue, probablement du fait de la pandémie de covid-19. Le pic atteint en 2019 (504) demeurait par ailleurs plus de dix fois inférieur au plafond total fixé par les accords. Une analyse par État partenaire révèle par ailleurs des réalités contrastées. La Tunisie représentait à elle seule près de 60 % du contingent total de jeunes actifs bénéficiaires des programmes jeunes professionnels entre 2015 et 2021. A contrario, le dispositif n'a jamais été réellement appliqué avec d'autres États partenaires. À eux quatre, le Bénin, le Cap-Vert, la République du Congo et le Gabon n'ont par exemple fait admettre que huit jeunes actifs en France en l'espace de sept ans. À l'heure actuelle, ce dispositif n'est plus appliqué qu'avec la Tunisie.

Bénéficiaires des dispositifs « Jeunes professionnels » (2015-2021)

 

Quota

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Total

Algérie

200

-

-

-

-

1

-

1

2

Argentine

-

3

1

2

8

2

-

16

Bénin

-

-

-

-

2

1

-

3

Canada

2 300

25

34

47

32

12

14

6

170

Cap-Vert

100

-

-

-

-

-

-

-

-

Rép. du Congo

-

-

1

-

1

-

-

2

États-Unis

-

34

33

31

27

30

14

4

173

Gabon

100

-

3

-

-

-

-

-

3

Île Maurice

200

12

13

13

5

7

5

1

56

Maroc

300

16

44

29

21

27

7

1

145

Russie

500

5

2

1

2

5

1

-

16

Sénégal

100

36

36

33

30

26

3

3

167

Serbie

500

4

-

1

-

1

-

-

6

Tunisie

1 500

44

61

95

206

384

198

116

1 104

Total

5 600

176

229

252

325

504

245

133

1 864

Source : DGEF

Cet échec patent du dispositif « Jeunes professionnels » s'explique par des facteurs tant juridiques que politiques.

D'un point de vue juridique, l'idée selon laquelle les démarches administratives liées à l'embauche de jeunes actifs étrangers seraient facilitées par la présence d'un accord « Jeunes professionnels » n'a rien d'évident. Comme l'a confirmé la direction générale des étrangers en France, la procédure de droit commun d'introduction d'un salarié étranger en France est, la plupart du temps, privilégiée par l'employeur comme le salarié. Ce cadre leur est en effet plus favorable que celui prévu par les accords en ce qu'il les autorise à poursuivre leur relation du travail à l'issue du contrat s'ils le souhaitent. A contrario, l'obligation de retour dans le pays d'origine imposée par les accords n'offre aucune flexibilité. En termes pratiques, la procédure de droit commun est plus simple pour les deux parties car l'étape supplémentaire de l'instruction de la demande par l'OFII, telle qu'elle est prévue par les accords, n'existe pas. Elle est enfin mieux connue des employeurs, qui peuvent solliciter leurs interlocuteurs habituels.

La mission d'information considère ensuite que l'échec du dispositif résulte pour partie d'un portage politique insuffisant et sans doute trop cloisonné. Les accords « Jeunes professionnels » n'échappent pas au constat établi précédemment pour les autres accords : leur lettre importe souvent moins que la volonté politique et diplomatique qui les accompagne. À cet égard, la mission d'information ne peut que constater que les pouvoirs publics se sont insuffisamment emparés d'un dispositif dont l'ambition était pourtant louable. Les conditions matérielles ne sont ainsi pas réunies pour que ce dispositif puisse être attractif, notamment en termes de logement. Comme l'a rappelé le directeur général de l'OFII au cours de son audition, les difficultés d'accès au logement représentent l'entrave principale à l'efficacité du dispositif. L'ambassadeur chargé des migrations a quant à lui estimé que « pour assurer le succès de ces initiatives, il [était] nécessaire d'identifier des porteurs de projet au sein des deux pays signataires, capables de développer un vrai projet de réinsertion dans le pays d'origine ».

D'autres explications tenant à l'absence de prise en compte d'un risque de « fuite des cerveaux » auquel sont attachés les pays partenaires, à une mauvaise définition du public cible ainsi qu'à une absence de relais ou de publicité dans les pays signataire ont enfin pu être évoquées au cours des auditions.

Au vu de ces éléments, la redynamisation du dispositif « Jeunes professionnels » supposerait un important travail interministériel pour des gains potentiels plus qu'incertains. La mission d'information estime donc que ces programmes pourraient faire l'objet d'un redimensionnement afin de les recentrer sur des profils clairement identifiés dans le cadre de la stratégie d'attractivité de la France. À défaut, les (quelques) moyens affectés à leur mise en oeuvre pourraient être utilement réorientés. Cette recommandation ne saurait toutefois être étendue à l'accord encore raisonnablement actif conclu avec la Tunisie.

Proposition n° 10 : Redimensionner les dispositifs d'échanges de jeunes professionnels afin de les concentrer sur des profils clairement identifiés dans le cadre de la stratégie d'attractivité de la France. À défaut, prendre acte de l'échec de ces programmes en réorientant les moyens correspondants.

(2) Le dispositif « Jeunes diplômés »

Trois accords internationaux conclus entre 2009 et 2014 ici intégrés à la catégorie « mobilité des jeunes » intègrent ensuite des stipulations relatives aux « jeunes diplômés ». Celles-ci reprennent ainsi un dispositif dont la création remonte en réalité aux accords de gestion concertée et de codéveloppement et qui figurent dans six d'entre eux112(*). Les accords hybrides conclus avec l'île Maurice, la Russie et la Géorgie comprennent par ailleurs également des stipulations de cette nature.

Pour rappel, il s'agit d'autoriser, dans des conditions plus favorables que le droit commun, le maintien sur le territoire de jeunes diplômés en France113(*) souhaitant y prolonger leur formation par une première expérience professionnelle en lien avec leurs études. Si une possibilité de prolongation du séjour de ces jeunes est déjà prévue par l'article L. 422-10 du Ceseda, l'originalité principale de ces accords repose en effet sur le niveau de diplôme requis. Si le dispositif de droit commun est réservé aux titulaires d'un master, il est étendu aux titulaires d'une licence professionnelle dans le cadre de ces accords. Le titre délivré est, selon les cas, une autorisation provisoire de séjour ou une carte de séjour temporaire « recherche d'emploi ou création d'entreprise ». La durée de validité varie de 9 à 12 mois (24 mois dans le cas de l'Inde). L'étranger justifiant à l'issue de cette période d'un emploi ou d'une promesse d'embauche assortie d'une rémunération supérieure ou égale à 1,5 SMIC est ensuite autorisé à poursuivre son séjour sans que soit prise en considération la situation de l'emploi.

Il est particulièrement délicat d'effectuer un bilan de cette dérogation, que ce soit dans le cadre des accords de gestion concertée et de codéveloppement ou de ceux ici présentés. Les systèmes d'information du ministère de l'intérieur ne permettent en effet pas de discriminer les autorisations de séjour délivrées en application d'un accord bilatéral de celles issues du régime de droit commun. Faute de pouvoir établir un bilan réellement documenté, la mission ne peut que se contenter de mentionner les éléments génériques avancés par les ministères de l'intérieur et des affaires étrangères sur les accords professionnels : « toutes les stipulations dérogatoires au droit commun sont encore appliquées ; ces dernières complexifient le travail d'instruction des demandes de titres souvent au préjudice des usagers et des employeurs ».

(3) Le dispositif « Stagiaires »

Enfin, six accords facilitent la délivrance d'un document de séjour aux étudiants souhaitant effectuer un stage temporaire dans le cadre de leurs études ou aux employés d'entreprises ayant des activités dans l'un des États parties et souhaitant y participer à un programme de formation. C'est par exemple le cas de l'article 2 de l'accord conclu le 3 juillet 2014 avec la Bosnie-Herzégovine. En application de cette stipulation, les étudiants souhaitant effectuer un stage en France peuvent, sous réserve qu'ils disposent d'une convention tripartite conclue entre leur établissement, la structure d'accueil et eux-mêmes, bénéficier d'un titre de séjour temporaire. Inversement, un titre de séjour d'une durée de douze mois est délivré aux stagiaires français souhaitant effectuer un stage en Bosnie-Herzégovine. La plus-value de ces dispositifs par rapport au régime de droit commun prévu à l'article L. 426-23 du Ceseda semble néanmoins particulièrement ténue.

Un accord emblématique : l'accord franco-canadien

L'accord du 14 mars 2013 conclu entre la France et le Canada est probablement le plus complet des accords relatifs à la mobilité des jeunes en ce qu'il combine la quasi-totalité des dérogations existantes en la matière. Son objectif est de « simplifier les procédures administratives applicables aux jeunes [français et canadiens] afin d'accroître leur connaissance des langues, de la culture et de la société de ce pays par une expérience de voyage, d'études, de stage, de travail et de vie ». Plusieurs catégories de personnes sont visées par l'accord (article 3) :

· les jeunes professionnels couverts par un contrat de travail, ainsi que les Français participant à un volontariat international en entreprise et les Canadiens participant à un programme d'étude spécifique) ;

· les étudiants canadiens souhaitant accomplir une partie de leur cursus en France via un accord interuniversitaire ;

· les jeunes en formation souhaitant effectuer un stage dans ce cadre, sous respect des conditions imposées par la législation de l'une ou l'autre des parties ;

· les « jeunes désireux d'effectuer un séjour de découverte touristique et culturelle » et souhaitant travailler occasionnellement pour compléter leurs ressources financières (soit un accord vacances-travail).

Les jeunes concernés doivent avoir entre 18 et 35 ans ; justifier de ressources financières suffisantes pour leur permettre de subvenir à leurs besoins et, à tout moment, quitter le pays duquel ils ne sont pas ressortissants ; justifier d'une assurance couvrant les soins de santé lorsqu'ils ne peuvent être affiliés au régime de protection sociale ; et, pour les jeunes professionnels, justifier d'une attestation de formation ou d'une expérience professionnelle récente (article 4). Le nombre de personnes pouvant être acceptées dans le cadre dudit accord, ainsi que les ressources financières dont celles-ci doivent disposer, est fixé par chacune des parties via échange de notes diplomatiques (article 9).

La durée maximale du séjour est fixée à 24 mois ou, par exception, à 36 mois. Les autorités françaises délivrent aux jeunes Canadiens un titre de séjour d'une durée maximale de 12 mois (renouvelable), tandis que les autorités canadiennes délivrent aux jeunes Français une lettre d'introduction sur le territoire et un permis de travail (articles 5 et 6).

b) Les programmes « Vacances-Travail », un succès indéniable

La France a engagé au début des années 2000 une action diplomatique résolue visant à la conclusion d'accords dits « Vacances-Travail » avec des États partenaires. Schématiquement, une première vague d'accords signés a concerné des États d'Asie et d'Océanie. Une seconde vague est ensuite intervenue à partir des années 2010, principalement avec des États d'Amérique latine. Le tableau ci-dessous liste les seize programmes « Vacances-Travail » actuellement actifs. Quatorze d'entre eux reposent sur un accord conclu exclusivement à cet effet, tandis que deux sont intégrés dans des accords relatifs aux mobilités d'une plus grande dimension.

Récapitulatif des dispositifs « Vacances-Travail »

Accords portant exclusivement sur les programmes « Vacances-Travail » (14)

État partenaire

Date de signature

Argentine

18 février 2011

Australie

24 novembre 2003

Brésil

12 décembre 2013

Chili

8 juin 2015

Colombie

25 juin 2015

Corée du Sud

20 octobre 2008

Équateur

18 juin 2021

Hong-Kong

6 mai 2013

Japon

8 janvier 1999

Mexique

15 avril 2016

Nouvelle-Zélande

2 juin 1999

Pérou

22 octobre 2018

Taiwan114(*)

4 août 2016

Uruguay

25 février 2016

Accords d'une autre catégorie comprenant des clauses « Vacances-Travail » (2)

État partenaire

Catégorie d'accord

Canada

Accord du 14 mars 2013 relatif à la mobilité des jeunes

(article 3 d) )

Russie (suspendu)

Accord sur les migrations professionnelles du 27 novembre 2009

(article 2, 6., article 8 et annexe 4)

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Les programmes « Vacances-Travail » s'appliquent aux jeunes âgés de 18 à 30 ans115(*) souhaitant se rendre en vacances dans l'État partenaire, et ce pour une durée maximale d'un an116(*). Les jeunes bénéficiaires de régimes sont autorisés à y effectuer une activité professionnelle accessoire afin de compléter les ressources dont ils disposent. Dans le cas de la France, la situation de l'emploi n'est pas opposable aux bénéficiaires de ces visas.

Ces derniers doivent justifier de ressources financières suffisantes pour subvenir à leurs besoins en début de séjour - comprises entre 2 100 € pour le Canada et 3 130 € pour l'Australie - de la possession d'un billet retour, ou de ressources suffisantes pour s'en procurer un. Enfin, la plupart des accords précisent que les bénéficiaires doivent justifier de leur « bonne santé » et de la souscription d'une assurance privée couvrant les frais de maladie ou d'hospitalisation.

Le nombre de visas délivrés annuellement au titre des accords « Vacances-Travail » est soumis à des plafonds compris entre 300 pour l'Uruguay ou le Mexique et 15 050 pour le Canada. Le visa délivré n'est pas renouvelable, et il est impossible de bénéficier du programme plus d'une fois.

L'ensemble des acteurs auditionnés par la mission d'information ont mis en avant le succès des programmes « Vacances-Travail ». La mission d'information partage ce constat d'ensemble, tout en soulignant qu'il recouvre plusieurs réalités différentes. L'étude des données présentées ci-dessous permet schématiquement de distinguer deux cas de figure :

- les programmes « Vacances-Travail » conclus avec des États d'Amérique latine : ils rencontrent un succès indéniable du point de vue des États partenaires. Les quotas sont ainsi atteints dès le mois de mai pour le Brésil, la Colombie, le Chili, le Mexique et le Pérou. En conséquence, ces États ont émis une demande de révision à la hausse. Cette dynamique ne se vérifie toutefois pas dans l'autre sens : le nombre de visas « Vacances-Travail » délivrés à des ressortissants Français demeure à bonne distance des plafonds. Si le plafond de 400 a par exemple été atteint en 2023 avec la Colombie et le Chili, seuls respectivement 124 et 37 Français ont a contrario bénéficié du programme ;

les programmes « Vacances-Travail » conclus avec des États d'Asie et d'Océanie : les données communiquées aux rapporteurs montrent que ces programmes sont, à l'inverse, significativement plus favorables aux ressortissants Français. Ce constat peut être étendu au Canada. À titre d'illustration, la France a obtenu en 2023 environ trois fois plus de visas « Vacances-Travail » de la part du Japon et de la Corée du Sud qu'elle n'en a délivrés aux ressortissants de ces États. Ce rapport s'élève même à onze, trente-cinq et trente-sept fois plus s'agissant respectivement du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. Ces deux derniers chiffres doivent cependant être relativisés en ce que les accords conclus avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande ne prévoient aucun quota. En valeur absolue, le nombre de Français bénéficiant de ces accords pour se rendre dans les cinq États partenaires ici étudiés était de 46 068 en 2023.

Visas « Vacances-Travail » délivrés par nationalité en France (2023)

Source : DGEF

Visas « Vacances-Travail » délivrés à des Français (2023)

Source : DGEF

Les programmes « Vacances-Travail » sont probablement les instruments internationaux dont les apports sont les plus probants. Deux facteurs ont été mis en avant au cours des travaux de la mission d'information pour expliquer ce succès. D'une part, les accords « Vacances-Travail » ont été conclus avec des États avec lesquels les flux migratoires sont équilibrés et les enjeux en termes de lutte contre l'immigration irrégulière quasi-nuls. D'autre part, ces accords sont d'autant plus efficaces qu'ils sont resserrés sur un seul public, qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie d'attractivité identifiée et que leur mise en oeuvre s'appuie sur des objectifs chiffrés clairement énoncés. Dans ce contexte, la mission d'information appelle à poursuivre la montée en puissance des programmes « Vacances-Travail » qui contribuent indéniablement au rayonnement de la France à l'international.

Proposition n° 11 : Poursuivre la montée en puissance de programmes « Vacances-Travail » qui contribuent indéniablement au rayonnement de la France à l'international.

2. Des accords de mobilité hybrides dont le ciblage s'étend au-delà des jeunes

Parmi les accords relatifs aux mobilités professionnelles, cinq accords « hybrides » ont enfin été recensés par la mission. Cet ensemble établi pour les besoins de la classification regroupe néanmoins des accords disparates, dont les stipulations se recoupent pour partie avec les dispositifs déjà présentés.

Récapitulatif des accords hybrides relatifs aux mobilités professionnelles

État partenaire (5)

Date de signature

Maroc

Convention de main-d'oeuvre
du 1er juin 1963

Maurice

Accord sur le séjour et la migration circulaire des professionnels du 23 septembre 2008

Géorgie

Accord sur la migration circulaire des professionnels du 12 novembre 2013

Russie (suspendu)

Accord sur les migrations professionnelles du 27 novembre 2009

Inde

Accord de partenariat pour les migrations et la mobilité du 10 mars 2018

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

a) Des accords de « séjour et de migration circulaire » pour partie inspirés des accords de gestion concertée

Les quatre accords conclus avec la République de Maurice, la Géorgie, la Russie et l'Inde s'apparentent à des accords dits de « séjour et de migration circulaire »117(*). S'ils comprennent majoritairement des stipulations relatives aux jeunes, ils vont néanmoins au-delà en aménageant des modalités particulières d'admission au séjour pour d'autres publics cibles.

Pour les accords avec la Géorgie et l'île Maurice, il s'agit notamment des travailleurs dans des métiers en tension. Ces deux accords ouvrent ainsi une voie d'admission au séjour théoriquement plus favorable que le droit commun pour les étrangers travaillant dans les métiers en tension figurant dans des listes annexées à ces accords. Lesdites annexes listent respectivement 50 et 61 métiers. Par ailleurs, un contingent annuel maximal de 500 bénéficiaires est fixé. Ces accords hybrides se situent donc à mi-chemin entre les accords relatifs à la mobilité professionnelle et les accords de gestion concertée et de codéveloppement. Contrairement à ces derniers, ils sont toutefois concentrés sur les enjeux liés au séjour et n'intègrent pas de stipulations relatives à la réadmission ou au codéveloppement. Les observations de la mission d'information quant à l'efficacité discutable de ces dispositifs d'admission dérogatoire au séjour sont également valables s'agissant des accords hybrides.

Le partenariat pour les migrations et la mobilité conclu le 10 mars 2018 avec l'Inde est quant à lui plus ambitieux. Son contenu est certes conforme aux standards observés pour les accords de cette catégorie. Il comprend ainsi trois volets : un aménagement non contraignant du régime de circulation entre les États partenaires pour certains publics cibles ; des dispositifs visant à faciliter la mobilité des jeunes ainsi que l'immigration professionnelle et économique ; la mise en place d'un cadre de coopération dans le domaine de la prévention et de la lutte contre l'immigration irrégulière. En revanche, la date à laquelle est intervenu l'accord franco-indien suffit à faire de lui une exception. L'approche consistant à lier dans un même instrument les sujets relatifs à la circulation et au séjour d'une part et à la réadmission était en effet largement révolue en 2018. Sans remettre en cause l'utilité potentielle de cet accord, la mission d'information y voit une illustration du caractère fluctuant sinon aléatoire de la stratégie française s'agissant du recours aux instruments migratoires internationaux.

L'accord relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels
signé avec la Géorgie le 12 novembre 2013

Cet accord vise à « encourager une migration professionnelle temporaire fondée sur la mobilité et l'incitation à un retour des compétences en Géorgie ». Son article 1er aménage principalement trois voies d'admission au séjour dérogatoires pour les ressortissants géorgiens :

· dans le cadre d'un dispositif « Jeunes diplômés », les étudiants géorgiens qui viennent de terminer une licence professionnelle ou un master dans un établissement français ou un établissement géorgien conventionné et qui souhaitent compléter leur formation par une première expérience professionnelle en France peuvent prétendre à un titre de séjour d'une durée d'un an ;

· un titre de séjour d'un an renouvelable peut être attribué à un ressortissant géorgien qui exercerait l'un des 50 métiers « en tension » mentionnés à l'annexe 1 de l'accord. Sont par exemple mentionnés les secteurs du BTP, de l'hôtellerie, restauration et alimentation, de la mécanique et du travail des métaux, de l'électricité ou de l'électronique. Le nombre de bénéficiaires du dispositif est plafonné annuellement à 500.

· les deux parties s'engagent enfin à développer entre elles des échanges de jeunes professionnels, dans la limite d'un plafond de 150 bénéficiaires par an.

L'accord prévoit la mise en place d'un comité de suivi (article 3), qui se réunit annuellement et est destiné à l'évaluation des résultats des dispositions, à l'observation des flux de bénéficiaires et à la formulation de toutes propositions utiles.

b) Le cas unique de la convention de main-d'oeuvre franco-marocains

La convention de main-d'oeuvre conclue le 1er juin 1963 avec le Maroc est enfin unique en son genre. À l'origine, celle-ci visait à répondre à l'important besoin de main-d'oeuvre de l'industrie française dans le contexte de l'essor économique de l'après-guerre. L'objectif de la convention est donc de « faciliter le recrutement de travailleurs marocains en France dans des conditions qui leur assurent un niveau de vie et des conditions d'existence aussi élevées que possible ».

En pratique, la convention de main-d'oeuvre prévoit l'organisation conjointe d'opérations annuelles de recrutement de travailleurs, notamment saisonniers. L'ambassadeur de France au Maroc a indiqué au cours de son audition que cette convention demeurait « le cadre dans lequel sont abordés les thèmes de la migration légale avec la partie marocaine ». Il a néanmoins souligné que certaines de ses stipulations étaient datées, à l'instar de celles relatives au transport des migrants, tandis que d'autres étaient inappliquées de fait en dépit de leur pertinence, par exemple s'agissant de l'organisation d'opérations de sélection. Depuis 2018 et contrairement à la lettre de l'accord, les frais de transport ne sont par exemple plus mis à la charge de l'OFII mais des entreprises ou des travailleurs saisonniers eux-mêmes.

La convention de main-d'oeuvre franco-marocaine du 1er juin 1963

Aux termes de la convention, les autorités françaises communiquent au moins une fois par an ses besoins de main-d'oeuvre aux autorités marocaines, à qui il revient de présenter des candidats (article 2). Le recrutement s'effectue de manière nominative ou anonyme (article 3), étant entendu que l'exercice d'une activité professionnelle en France est systématiquement subordonné à un contrat dûment visé par le ministère du travail (article 1er). Une présélection assortie d'un examen médical est effectuée par le Maroc à ses frais, tandis que la France assume le coût de la sélection professionnelle, de la seconde visite médicale (dans des installations mises localement à sa disposition - article 4), ainsi que les frais de transport et d'accueil entre le point de débarquement en France et le lieu de travail (article 5).

S'agissant des conditions d'entrée et de séjour, la France s'engage dans des termes généraux à faciliter la délivrance des documents adéquats (article 6). Sur place, les travailleurs marocains bénéficient de l'égalité de traitement pour les conditions de travail, de logement, de sécurité ou encore de salaire (article 8).

En cas de différend sur les conditions de travail et d'existence, l'accord prévoit explicitement la possibilité de présenter des réclamations devant les autorités françaises (article 9). Si l'employeur ne donne pas suite au contrat souscrit ou qu'il le rompt indûment, la France doit assurer le placement du travailleur dans un emploi équivalent. En cas de licenciement économique, les services français doivent également s'efforcer d'assurer un autre emploi, de toute nature (article 10). Le Gouvernement s'engage enfin à recommander aux employeurs de faire bénéficier les marocains des fêtes chômées et payées au Maroc (article 13). Par ailleurs, la possibilité de regroupement familial est rappelée, celle-ci s'effectuant dans le cadre de la législation de droit commun (article 12). Il en va de même pour le transfert au Maroc des économies des travailleurs (article 13).

Le suivi de l'accord est assuré par une commission mixte, dont la fréquence de réunion est renvoyée à un accord ultérieur (article 14). La convention est conclue pour cinq ans renouvelables par tacite reconduction. Le cas échéant, la dénonciation unilatérale est soumise à un préavis de 6 mois (article 15).

Les données quantitatives transmises à la mission d'information confirment l'actualité de cette convention. Le flux de travailleurs saisonniers marocains admis au séjour dans ce cadre est resté stable jusqu'à la pandémie de covid-19, à hauteur de 5 000 admissions environ. Il a ensuite connu un impressionnant rebond, le portant à des niveaux trois fois supérieurs : 16 936 en 2022 et 15 732 en 2023. Un niveau équivalent a par ailleurs été observé en 2024.

En termes de secteurs d'activité, les travailleurs saisonniers viennent en immense majorité pourvoir les besoins du secteur agricole. Les contrats à durée indéterminée concernent quant à eux essentiellement des salariés qualifiés, avec une prédominance des ingénieurs en informatique et des techniciens intermédiaires.

Travailleurs admis au séjour au titre de la convention de main-d'oeuvre du 1er juin 1963 (2010-2023)

Source : ambassade de France au Maroc

Si la convention de 1963 fait preuve d'un remarquable dynamisme au regard de son ancienneté, la mission d'information considère néanmoins qu'une évolution de ses stipulations ne doit pas être exclue. Sur ce point, la visite d'État du Président de la République au Maroc en octobre 2024 a confirmé un processus de réchauffement des relations bilatérales qui pourrait utilement être mis à profit sur ce sujet. Il pourrait dans ce cadre être envisagé, comme cela a été évoqué au cours des auditions, de faire évoluer la convention de 1963 afin notamment de formaliser le rôle du service marocain de la stratégie nationale de la mobilité internationale (créé postérieurement à la convention) et d'assurer un meilleur encadrement de la migration saisonnière dans le monde agricole.

E. LES ACCORDS RELATIFS AUX CONDITIONS DE CIRCULATION, DE SÉJOUR OU D'EMPLOI

Les accords relatifs aux conditions de circulation, de séjour ou d'emploi forment la catégorie la plus hétérogène de ce recensement. Par souci de lisibilité, les rapporteurs ont choisi de les classifier selon trois sous-catégories :

- les accords portant exclusivement sur la circulation : trois accords conclus avec les États du Maghreb dans les années 1980 réglaient les conditions d'entrée de leurs ressortissants sur le territoire français. Formellement en vigueur, ils ne sont toutefois que très marginalement applicables. Quatre autres accords règlent les modalités de circulation régionale des ressortissants des États partenaires vers des territoires d'Outre-mer exclusivement ;

les accords mixtes : les autres accords de cette nature sont de portée variable. Si les accords conclus avec les États du Maghreb aménagent des régimes d'admission au séjour parfois beaucoup plus favorables que le droit commun dans certains domaines, les autres accords ont le plus souvent une portée normative limitée. Les stipulations des conventions de circulation et de séjour conclues avec des États de l'Afrique de l'Ouest renvoient notamment très largement au droit commun ;

les conventions d'établissements : les six conventions recensées par la mission d'information dressent une liste de grands principes destinés à garantir l'égalité de traitement des ressortissants des États parties dans des domaines variés. Il peut par exemple s'agir du régime fiscal et social applicable, du droit d'accès aux juridictions ou encore des modalités de réalisation des transferts de fonds. L'intérêt de ces conventions semble de fait reposer moins sur leur contenu, d'une portée normative limitée, que sur leur caractère symbolique.

Instruments migratoires internationaux conclus par la France en matière de circulation, de séjour ou d'emploi

Source : Commission des lois - Réalisé à partir de mapchart.net

1. Des accords portant exclusivement sur la circulation tombée en désuétude ou au champ territorial d'application limité

Les sept accords recensés par les rapporteurs portant exclusivement sur les conditions de circulation peuvent être divisés en deux catégories, selon l'étendue géographique de leur périmètre d'application : nationale ou régionale.

Récapitulatif des accords de circulation

Accords de circulation nationaux (3)

État partenaire

Date de signature

Algérie

31 août 1983

Maroc

10 novembre 1983

Tunisie

31 août 1983

Accords de circulation régionaux (4)

État partenaire

Date de signature

Brésil

26 mars 2014

Dominique

9 mars 2006

Maurice

2 avril 2007

Sainte-Lucie

23 avril 2005

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

a) Des accords de circulation nationaux à l'applicabilité incertaine

Les trois accords de circulation nationaux recensés ont tous été conclus en 1983, avec chacun des États du Maghreb. Ils dispensaient pour l'essentiel leurs ressortissants de l'obligation de visa pour les séjours inférieurs à trois mois. Seule la présentation du passeport, d'une carte de débarquement à deux volets - cachetés à l'arrivée et au départ - et d'un billet retour était ainsi exigée pour entrer sur le territoire national.

Si ces accords sont encore mentionnés à l'annexe 1 du Ceseda, l'application de la très grande majorité de leurs stipulations a été suspendue unilatéralement par la France via une note verbale émise le 11 octobre 1986. Cette décision a par la suite fait l'objet d'une publication au Journal officiel le 18 octobre 1986 pour la Tunisie et le Maroc. Le périmètre exact de cette suspension était incertain, dans la mesure où cette publication ne mentionnait que « les stipulations des accords en vertu desquelles les ressortissants de ces États sont dispensés de la formalité du visa ». Les stipulations restant en vigueur pouvaient néanmoins être déduites de l'exemple Algérien. Un décret en date du 30 octobre 1986 a en effet précisé ceux des points de l'accord franco-algérien qui étaient formellement suspendus. Il en résulte que les stipulations semblant pouvoir être considérées comme juridiquement applicables aujourd'hui sont celles qui régissent les visites familiales et privées - pour lesquelles une obligation de présentation d'un certificat d'hébergement est prévue -, ainsi que les séjours pour hospitalisation. Sur ce point, les accords prévoient une obligation de présenter un document de prise en charge, une attestation consulaire française ou un engagement d'admission dans un établissement privé.

Cette analyse semble validée par les modifications de ces accords intervenues postérieurement à leur suspension par des échanges de lettres respectivement en date du 19 décembre 1991 (pour la Tunisie), du 25 février 1993 (pour le Maroc) et du 28 septembre 1994 (pour l'Algérie). Ces différentes lettres confirment, d'une part, la suspension des autres stipulations de l'accord en ce qu'elles comportent un renvoi aux actes l'ayant fondée. D'autre part, elles précisent les contours de l'obligation de présentation d'un certificat d'hébergement émanant de la personne à laquelle il est rendu visite118(*). Sont toutefois dispensés de cette obligation les conjoints et enfants mineurs de dix-huit ans des ressortissants d'un État signataire résidant en France sous couvert d'un titre de séjour valide119(*). Ces dispositifs semblent a priori plus favorables que le régime de droit commun fixé aux articles L. 313-1 et suivants du Ceseda, qui ne prévoit pas de telles exceptions.

Ces trois accords sont symptomatiques de la confusion qui peut parfois régner quant à la portée réelle d'instruments internationaux pourtant formellement présentés comme applicables. Les rapporteurs ayant parfois reçu des informations contradictoires sur le sujet, les éléments ici présentés doivent être analysés avec la plus grande précaution.

Selon l'ambassade de France au Maroc, l'accord du 10 novembre 1983 est encore applicable en ce qu'il « dispense [de l'obligation de présenter un] certificat d'hébergement le conjoint et/ou les enfants mineurs des ressortissants marocains titulaires d'une carte de résident ou d'une carte de séjour temporaire », en d'autres termes en application de l'exception introduite en 1993. Les éléments chiffrés présentés à l'appui de cette information sont les suivants : 8 045 visas ont été délivrés pour visite familiale en 2022, contre 9 248 en 2023 et 2 606 au 1er trimestre 2024.

S'agissant de la Tunisie, l'Ambassade de France soutient que l'accord du 1er août 1983 « est devenu caduc après la signature de l'accord de gestion concertée des flux migratoires [mais qu'il] reste néanmoins applicable pour les Français se rendant en Tunisie sans obligation de visa pour des séjours de moins de quatre-vingt-dix jours ». Enfin, l'accord franco-algérien du 1er août 1983 n'a jamais été abordé au cours des échanges des rapporteurs avec les acteurs compétents.

En tout état de cause, la mission d'information estime indispensable que les ministères compétents mettent un terme à la confusion autour de la situation de ces accords. Cette clarification apparaît d'autant plus nécessaire que leur mention au Ceseda est dépourvue de tout élément de contexte, ce qui peut conduire à des erreurs d'interprétation.

b) Des accords de circulation régionaux géographiquement limités

Quatre accords de circulation régionaux ont également été conclus afin de faciliter la circulation des ressortissants des États partenaires vers des territoires d'Outre-mer exclusivement.

L'accord conclu le 26 mars 2014 avec le Brésil autorise l'entrée et la circulation, pour une durée de 72 heures, des habitants de la région frontalière entre l'Amapa et la Guyane détenteurs d'une carte de frontalier. La mise en place de ce régime tire notamment les conséquences de la mise en service du pont sur le fleuve Oyapock120(*). Les autres accords prévoient quant à eux une exemption de l'obligation de visa pour des séjours d'une durée inférieure ou égale à quinze jours vers les départements français d'Amérique - pour la Dominique et Sainte-Lucie - ou de La Réunion - pour l'île Maurice -, dans la limite de 120 jours cumulés sur une période de douze mois.

Ces accords répondent à des situations locales spécifiques et n'appellent pas d'observations particulières de la part de la mission d'information.

2. Des accords mixtes dont la portée réelle varie du tout au tout

Les rapporteurs ont ensuite rassemblé seize accords internationaux dans une catégorie dite « mixte », dans la mesure où ils traitent à la fois des conditions de circulation, de séjour ou d'emploi des ressortissants des États partenaires. Deux sous-ensembles peuvent être identifiés. Le premier comprend les accords conclus avec les trois États du Maghreb. Ceux-ci dérogent plus substantiellement au droit commun que les autres et feront l'objet d'un traitement à part121(*).Le second rassemble douze accords122(*) conclus au cours des années 1990 exclusivement avec des États d'Afrique de l'Ouest et dont la portée normative est considérablement plus limitée.

Récapitulatif des accords mixtes de circulation, de séjour et/ou d'emploi

État partenaire (16)

Date de signature

Algérie

27 décembre 1968

Bénin

21 décembre 1992

Burkina-Faso

14 septembre 1992

Cameroun

24 janvier 1994

Centrafrique

26 septembre 1994

Côte d'Ivoire

21 septembre 1992

Espagne / Andorre

4 décembre 2000

Gabon

2 décembre 1992

Mali

26 septembre 1994

Maroc

9 octobre 1987

Mauritanie

1 octobre 1992

Niger

24 juin 1994

République du Congo

31 juillet 1993

Sénégal

1er août 1995

Togo

13 juin 1996

Tunisie

17 mars 1988123(*)

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

a) Des instruments internationaux qui ne diffèrent que marginalement du droit commun

Les accords conclus avec les États d'Afrique de l'Ouest ne diffèrent que très marginalement du droit commun. Leur objectif semble davantage de souligner la qualité de la relation bilatérale que d'établir un régime profondément dérogatoire. Concrètement, ces accords sont pour l'essentiel composés de rappels du droit applicable en matière de circulation ou de séjour. Ils réaffirment ainsi l'obligation de présentation d'un visa pour entrer sur le territoire de l'État partenaire et de détention, le cas échéant, d'un titre de séjour pour y rester. Par ailleurs, ces accords dressent la liste des documents justificatifs requis en fonction du motif d'admission. Au-delà de ces stipulations quelque peu élémentaires, il est frappant de constater que ces conventions renvoient régulièrement aux conditions du droit commun pour le traitement des points qu'elles n'évoquent pas ou pour leur exécution.

Seuls deux éléments réellement dérogatoires peuvent le plus souvent être identifiés dans ces conventions. Le premier est celui d'un accès accéléré aux cartes de résident de 10 ans. Les ressortissants des États signataires peuvent ainsi prétendre à un titre de cette nature après trois ans de résidence légale et ininterrompue en France contre cinq ans en droit commun124(*). Le régime de regroupement familial prévu par ces accords est également généralement plus favorable que le droit commun, en ce qu'il prévoit l'attribution à la personne « regroupée » d'un titre de séjour de même nature que celui détenu par la personne « regroupante ». Il en résulte des situations où un étranger primo-admis au séjour obtient d'office un titre de séjour de longue durée dont il n'aurait théoriquement pu bénéficier qu'au bout de plusieurs années.

La mission d'information n'a pas identifié d'incompatibilité entre ces conventions et les accords de gestion concertée et de codéveloppement qui ont été conclus postérieurement avec sept des États partenaires.

La convention franco-béninoise relative à la circulation et au séjour des personnes
du 21 décembre 1992

Remplaçant une convention de 1975, la convention du 21 décembre 1992 fixe les grands principes de la circulation et du séjour des ressortissants français et béninois. De portée générale, ces règles ne s'écartent que marginalement du droit commun. Elles précisent notamment le régime mutuellement applicable s'agissant :

- de la circulation : l'accord prévoit que l'entrée sur les territoires français ou béninois est soumise à visa (article 1er). Des justificatifs de l'objet et des conditions du séjour ainsi que des preuves de moyens de subsistance suffisants (pour la durée du séjour et, le cas échéant, le retour) sont requis pour le court séjour (article 2), hormis pour les membres de missions diplomatiques (article 3)125(*). Outre un visa long séjour, les justificatifs requis pour les séjours supérieurs à trois mois sont également listés. Ceux-ci varient en fonction du motif du séjour (articles 5, 6, 7 et 9) ;

- du séjour : l'accord affirme qu'un titre de séjour est requis pour tout séjour de plus de 3 mois, délivré conformément à la législation d'accueil (article 10)126(*). L'accord précise par ailleurs explicitement le régime applicable aux séjours familiaux (article 8) et étudiants (article 9). Dans le cadre du regroupement familial, le regroupant reçoit un titre de même nature que celui du conjoint regroupé. Les étudiants reçoivent quant à eux un titre annuel renouvelé chaque année sur justification de la poursuite effective des études et de moyens d'existence suffisants. Pour les séjours de longue durée, un titre de 10 ans renouvelable de plein droit est enfin accordé après trois de résidence régulière et ininterrompue (article 11).

Outre une information mutuelle sur les évolutions du droit des étrangers (article 12), l'accord comprend une clause d'ordre public (article 13) et précise que ses stipulations ne font pas obstacle à l'application du droit commun dans les points qu'il ne règle pas (article 14).

S'agissant des modalités d'exécution de la convention, les éventuels différends sont réglés par voie diplomatique ou par une commission ad hoc (article 15). La convention est conclue pour une durée de 5 ans, reconduite tacitement. Elle peut être dénoncée unilatéralement avec un préavis de 6 mois (article 16).

b) Des accords jamais évalués et à l'application a priori laborieuse

L'évaluation de ces accords mixtes de circulation, de séjour ou d'emploi n'est pas chose aisée. D'une part, les quelques informations publiquement disponibles sont lapidaires. On ne peut à cet égard que s'étonner que des conventions internationales en vigueur depuis plus de trente-cinq ans n'aient, semble-t-il, jamais fait l'objet d'une évaluation approfondie. D'autre part, les services de l'État n'ont pas été en mesure de fournir de données chiffrées sur l'exécution de ces accords, arguant de « l'inexistence de statistiques spécifiques permettant de différencier les conditions d'obtention d'un titre de séjour ». À cet égard, la mise en place d'un outil statistique dédié semble indispensable à moyen terme.

Les rapporteurs n'ont par ailleurs pas obtenu d'information sur la régularité des réunions des comités de suivi. Les éléments présentés précédemment s'agissant du suivi au mieux inégal des accords de gestion concertée et de codéveloppement semblent néanmoins pouvoir être étendus aux accords antérieurs. Pour regrettable qu'il soit, le suivi approximatif de ces accords a au moins le mérite d'être cohérent avec leur normativité le plus souvent douteuse.

Il serait possible de s'accommoder de cette situation si elle n'emportait pas de conséquences concrètes : une faible normativité n'est en effet en rien synonyme de simplicité, bien au contraire. Le constat établi par la direction générale des étrangers en France au cours de son audition est à cet égard éloquent : « toutes les stipulations dérogatoires au droit commun sont encore appliquées [mais elles] complexifient le travail d'instruction des dossiers de demandes de titres souvent au préjudice des usagers et des employeurs ». Celui de l'ambassadeur chargé des migrations n'est pas différent. Il a ainsi affirmé que « ces dérogations au droit commun complexifient le travail d'instruction des dossiers de demande de titres et qu'elles créent un corpus de règles parfois complexes que ne maîtrisent pas toujours leurs bénéficiaires ».

D'un point de vue pratique, il est frappant de constater que la page de la plate-forme « Service public » dédiée au regroupement familial ne mentionne que le cas des ressortissants algériens au titre des exceptions au régime de droit commun. Il en va de même pour le formulaire cerfa d'introduction des demandes n° 11436*05. Une mention des autres dérogations ici étudiées n'apparaîtrait pas superflue, quand bien même celles-ci ne concernent que la nature du titre délivrée. S'agissant des dérogations relatives à l'obtention d'une carte de résident, celles-ci apparaissent effectivement dans les documents d'information publiés individuellement par la plupart des préfectures. Ces mentions figurent par exemple dans les listes de pièces justificatives émises au cours des dernières années par les services de l'État dans l'Essonne127(*), le Val-de-Marne128(*) ou encore la Somme129(*). La mission d'information n'a en revanche pas identifié d'information centralisée sur le sujet. La dématérialisation du dépôt et de l'instruction des demandes de titres de séjour dans le cadre de « l'administration numérique des étrangers en France » contribue pour partie à combler ce déficit d'information. Au vu du constat établi par la direction générale des étrangers en France, la mission considère néanmoins qu'un surcroît d'information ne serait pas inutile.

Dans ce contexte, la mission d'information ne peut que reprendre à son compte les interrogations formulées par nombre de personnes auditionnées quant à l'intérêt juridique d'accords internationaux qui, lorsqu'ils ne se bornent pas à renvoyer au droit commun, établissent des dérogations qui ne sont souvent qu'imparfaitement connues des services de l'État comme de ceux qui sont supposés en bénéficier. Si l'on saisit bien l'enjeu diplomatique, force est de constater que la multiplication de ces « quasi-neutrons » internationaux génère plus d'illisibilité qu'autre chose... Dans ce contexte, la mission d'information considère, a minima, indispensable de renforcer le niveau information des services de l'État comme des usagers sur l'étendue des dérogations au droit au séjour résultant de l'application de ces accords.

Proposition n° 12 : Renforcer et harmoniser l'information des services de l'État comme des usagers sur les dérogations au droit au séjour résultant de l'application d'accords internationaux.

3. Des conventions d'établissement essentiellement symboliques

Les rapporteurs ont ensuite recensé sept conventions d'établissement. Six d'entre elles ont été adoptées avec des États d'Afrique de l'Ouest à la fin des années 1990 ou au début des années 2000 concomitamment à un accord mixte de circulation, de séjour ou d'emploi.

Récapitulatif des conventions d'établissement

État partenaire (6)

Date de signature

Centrafrique

26 septembre 1994

Gabon

11 mars 2002

Mali

26 septembre 1994

Saint-Marin

15 janvier 1954

Sénégal

25 mai 2000

Togo

13 juin 1996

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

Concrètement, ces conventions énumèrent pour l'essentiel les grands principes régissant l'établissement des ressortissants des États parties sur le territoire de l'autre autour d'une notion clé : l'égalité de traitement. Dans la mesure où ces principes ne diffèrent que peu du droit commun français, la portée de ces conventions apparaît davantage symbolique que normative. Leur apport semble de ce fait moins résider dans leur lettre que dans la marque d'attention diplomatique qu'elles constituaient au moment de leur conclusion. Il est à cet égard révélateur de constater qu'aucune des personnes auditionnées par les rapporteurs n'a spontanément évoqué leur existence au cours des échanges.

De manière non-exhaustive, les grands principes évoqués sont en général relatifs aux conditions de circulation, de jouissance des libertés publiques, d'accès aux juridictions, au droit d'investissement, au bénéfice des lois sociales et de sécurité sociale, au libre-exercice d'activité professionnelles ou à la protection des biens et intérêts contre les mesures arbitraires ou discriminatoires.

La convention d'établissement franco-gabonaise du 11 mars 2002

La conclusion de cette convention est intervenue dix ans après celle de la convention « miroir » relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992. Elle fixe de manière relativement les grands principes grands principes suivant s'agissant de l'établissement des ressortissants français et gabonais sur le territoire de l'État partenaire :

· La jouissance des libertés publiques (article 1er) et l'accès aux juridictions (article 3) dans les mêmes conditions que les nationaux.

· L'entrée, la résidence dans le lieu de son choix et la sortie du territoire dans les conditions prévues par la convention du 2 décembre 1992, sous réserve des mesures nécessaires au maintien de l'ordre public ainsi qu'à la protection de la santé et de la sécurité publiques (article 2).

· Le droit d'investir des capitaux, d'acquérir, de posséder, de gérer ou de louer tous biens, meubles et immeubles, droits et intérêts, d'en jouir et d'en disposer dans les mêmes conditions que les nationaux (article 4). L'État d'accueil s'engage ainsi à accorder un traitement juste et équitable auxdits biens et droits et à en assurer la protection légale et judiciaire (article 5).

· Le bénéfice des lois sociales et de sécurité sociale nationales, sous réserve de la sécurité du séjour (article 5).

· Le libre-exercice d'activités salariés, commerciales, agricoles, industrielles, artisanales ou libérales, selon les modalités légales fixées par l'État d'accueil (article 6).

· La protection des biens et intérêts contre les mesures arbitraires ou discriminatoires. L'expropriation pour cause d'utilité publique ou la nationalisation sont conditionnées au paiement préalable d'une juste indemnité (article 7).

· L'information de l'autre partie en cas d'expulsion ainsi que l'accès à une personne ressource en cas de mesure d'éloignement (article 8).

· La garantie de pouvoir emporter ses biens en quittant le territoire de l'autre État partie, dans le respect de la législation de l'État d'accueil (article 9).

Ces droits sont également applicables aux personnes morales, sous réserve qu'ils soient transposables (article 10). Les points non traités par la convention sont régis par la législation interne de chaque État (article 11), tandis que les éventuels différends sont traités par voie diplomatique ou, en tant que de besoin, par la réunion d'une commission ad hoc (article 12).

La convention a été conclue pour une durée de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction. Elle peut être dénoncée unilatéralement moyennant un préavis de 6 mois (article 14).

4. Des accords « inclassables »

Trois accords relatifs aux conditions de circulation, de séjour ou d'emploi identifiés par la mission d'information ne se rattachent enfin à aucune des catégories présentées ci-dessus.

L'accord d'infrastructure conclu le 15 juillet 2005 avec le Brésil est tout d'abord intervenu dans le contexte de la construction d'un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l'État de l'Amapá. Cet accord est mentionné au Ceseda en ce qu'il fixe le régime de circulation des ouvriers entre les deux États. Les deux autres accords sont l'accord dit « du Brexit » du 17 octobre 2019, qui fera l'objet d'un développement dédié en troisième partie, ainsi que la convention de voisinage applicable avec Monaco. Ces accords n'appellent pas d'observations spécifiques de la part de la mission d'information.

Accords divers

État partenaire (3)

Catégorie d'accord

Brésil

Accord d'infrastructure du 15 juillet 2005130(*)

Royaume-Uni

Accord du Brexit du 17 octobre 2019131(*)

Monaco

Accord du 15 décembre 1997 portant modification de la convention de voisinage du 18 mai 1963

Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information

F. UNE DIVERSITÉ ANALOGUE D'INSTRUMENTS INTERNATIONAUX AU NIVEAU EUROPÉEN

a) Une appétence pour les instruments internationaux qui se retrouve également au niveau européen

Cette appétence pour les instruments internationaux en matière migratoire est également observée au niveau européen. Comme l'a rappelé le représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne (UE) au cours de son audition, l'UE en mobilise également dans de larges proportions avec les pays tiers. Pour des raisons de périmètre et de calendrier, la mission d'information n'a toutefois traité ce volet que de manière subsidiaire. Il mériterait en soi un examen à part entière.

À l'instar de la typologie établie pour les outils bilatéraux, les instruments européens peuvent être classés en deux catégories :

- les accords formels : il s'agit des accords négociés suivant la procédure prévue à l'article 218 du TFUE132(*). Les 33 accords relatifs aux visas ainsi que les 18 accords de réadmission présentés précédemment forment l'essentiel de ce contingent. Des clauses relatives aux migrations sont par ailleurs régulièrement intégrées à des accords régissant la coopération avec un État tiers de manière plus globale. À la connaissance des rapporteurs, il n'existe pas de recensement centralisé de ces clauses ;

les instruments non-contraignants : ces « non binding instruments » prennent des dénominations variées (arrangements administratifs, mémorandums d'entente, déclarations conjointes etc.). Les procédures applicables pour la conclusion de ces accords ont été précisées à la suite de difficultés de coordination entre les différentes institutions européennes et avec les États membres. Le principe est le suivant : la Commission européenne engage des négociations sur le fondement d'un accord par consensus du Conseil, dûment informé des lignes directrices de l'instrument ; le Conseil approuve sa version finale avant sa signature (par un membre du collège des commissaires ou un directeur général). Pour rappel, six instruments de cette catégorie ont été conclus en matière de réadmission. Les « accords de partenariat », les « partenariats talent » ou encore les plans d'actions adoptés en prévision d'une future libéralisation des visas peuvent également y être intégrés.

À l'instar de la dynamique observée en France, la Commission européenne privilégie de manière croissante une approche plus politique, fondée sur ces instruments non contraignants. Au-delà des explications présentées précédemment, le mandat partiel qui lui est confié par l'article 79 du TFUE en matière migratoire limite également ses possibilités de conclure des accords de grande envergure et participe de cette réorientation. Cela est notamment le cas s'agissant de l'entrée et du séjour, dès lors que les États membres sont libres de fixer le nombre de personnes pouvant entrer sur leur territoire dans le but d'y trouver un emploi133(*).

Selon les éléments communiqués par l'ambassadeur chargé des migrations, les « partenariats talents » visent par exemple à « faire émerger ou à renforcer des projets portés par les États membres et soutenus et financés par l'UE et promouvant les migrations circulaires et le développement des compétences des ressortissants des pays tiers ». Cinq partenariats de cette nature sont mis en oeuvre avec la Tunisie, le Maroc, l'Égypte, le Pakistan et la Tunisie. La France n'est néanmoins partie prenante que du partenariat avec la Tunisie et occupe une position d'observatrice vis-à-vis de l'Égypte.

Deux éléments doivent finalement être évoqués pour compléter ce paysage. D'une part, l'adoption récente du nouveau Pacte sur les migrations et l'asile n'emporte que peu d'effets sur les éléments présentés ci-dessus. L'article 5 du nouveau règlement (UE) 2024/1351 du 14 mai 2014 dit « gestion de l'asile et de la migration »134(*) est la stipulation qui traite le plus directement de la dimension externe des migrations. Sa portée est toutefois largement symbolique, en ce qu'il se borne à encourager « une coopération étroite avec les pays tiers » dans tous les domaines de la politique migratoire. D'autre part, de multiples autres leviers sont actionnés par l'Union européenne pour la mise en oeuvre de sa politique migratoire. Les principaux ne seront que brièvement mentionnés ici dans la mesure où il ne s'agit pas d'instruments internationaux stricto sensu :

les programmes de financement : c'est en particulier le cas de l'instrument européen pour le voisinage, le développement et la coopération internationale (NDICI), dont 15 % des crédits étaient consacrés entre 2021 et 2024 au financement d'actions liées aux questions migratoires et aux déplacements forcés135(*) ;

les plans d'actions sectoriels pour des routes migratoires déterminées : les plans pour les Balkans occidentaux, pour la Méditerranée centrale ou les routes atlantiques peuvent par exemple être cités ;

- les mécanismes de contrôle prévus par les textes : à l'instar du « levier visa-réadmission » ou du « mécanisme de suspension des visas », tous deux évoqués précédemment. En matière commerciale, la réforme en

cours du système de préférence généralisée pourrait aboutir à l'introduction de clauses permettant la suspension des réductions de tarifs douaniers en cas d'absence de coopération migratoire de la part des États bénéficiaires ;

l'action des agences de l'Union européenne sur le terrain : Frontex, Europol ou encore l'agence de l'Union européenne pour l'asile sont notamment impliquées

b) Une nouvelle génération d'instruments qui fait débat : les accords de partenariat

L'Union européenne a également récemment développé une nouvelle génération d'instruments internationaux, dits « accords de partenariat ». Il s'agit d'accords juridiquement non-contraignants, formalisant des engagements réciproques dans le domaine migratoire, voire au-delà, et assortis d'une enveloppe budgétaire. Au sens strict, cette catégorie comprend trois accords de partenariats conclus entre juillet 2023 et mars 2024 :

le mémorandum d'entente sur un partenariat stratégique et global conclu avec la Tunisie le 16 juillet 2023 : celui-ci est articulé autour de cinq piliers, dont seul le dernier est relatif aux migrations. Selon la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, il implique notamment « un soutien financier de l'Union pour les acquisitions, la formation et le soutien technique destinés à améliorer la gestion des frontières tunisiennes ». La Tunisie a bénéficié d'un appui financier à hauteur de 105 millions d'euros en matière de migrations136(*), même si ces fonds n'ont pas été formellement délivrés dans le cadre de l'accord ;

la déclaration conjointe lançant un partenariat migratoire entre l'UE et la Mauritanie du 7 mars 2024 : elle se distingue des deux autres par son objet exclusivement migratoire. Ses cinq piliers traduisent une approche globale de ces questions, allant des migrations légales au renforcement de la gestion des frontières, en passant par l'asile. Elle est assortie d'une enveloppe de 210 millions d'euros, dont 60 millions sont fléchés vers des sujets exclusivement migratoires137(*) ;

la déclaration conjointe sur le partenariat stratégique et global entre l'Égypte et l'UE du 17 mars 2024 : elle s'articule autour de huit axes prioritaires, dont l'un est consacré aux migrations et aux mobilités. Le montant de l'aide accordée dans ce cadre pour le seul financement de projets migratoires s'élève à 200 millions d'euros138(*), attribués via le NDICI.

Il doit être précisé que des négociations sont en cours avec la Jordanie et, jusqu'à récemment, le Liban139(*) pour l'établissement d'un cadre partenarial de ce type. Au sens large, ces accords pourraient par ailleurs inclure la déclaration conjointe du 18 mars 2016 de l'Union européenne et de la Turquie. Pour rappel, celle-ci visait à faire face à l'intensification des flux migratoires arrivant en Grèce via la Turquie. Elle se traduisait par l'établissement de mécanismes de relocalisation des personnes ayant franchi illégalement la frontière. Formellement toujours en vigueur, ce partenariat est assorti d'une contribution financière de la part de l'Union dont le montant total cumulé depuis 2016 atteindrait 8 milliards d'euros140(*).

Selon les informations recueillies par les rapporteurs, les partenariats ici présentés sont encore à un stade précoce de leur mise en oeuvre ; les projets prévus pour chaque axe de coopération identifié sont en cours d'élaboration et feront par la suite l'objet d'une contractualisation. S'il est vrai que la pression migratoire aux frontières extérieures a diminué sur la période récente (- 40 % sur les 11 premiers mois de l'année 2024 selon l'agence Frontex), il demeure néanmoins délicat d'attribuer cette baisse aux accords de partenariats, faute de données chiffrées consolidées à ce stade. La mission d'information considère donc qu'il est encore trop tôt pour en effectuer le bilan et se prononcer sur leur opportunité. Les arguments avancés par les différents acteurs auditionnés ont toutefois démontré que cette approche n'avait pas permis d'emporter le consensus à ce stade.

Les associations auditionnées s'opposent tout d'abord vigoureusement aux accords de partenariat. S'appuyant sur des études universitaires, le CCFD - Terre Solidaire considère ainsi, d'une part, que ces accords « n'ont aucunement eu pour effet de réduire les arrivées sur le sol européen » et, d'autre part, qu'ils « constituent un risque réel pour l'Union européenne et ses États membres de contribuer aux violations des droits humains qui sont constatées et largement documentées dans les États tiers partenaires, au risque même parfois d'être juridiquement complices de tels faits illicites selon les règles du droit international ». L'association estime enfin « qu'un enjeu de transparence et de contrôle démocratique s'attache à cette nouvelle approche ». On ne peut effectivement que constater que le degré de publicité de ces instruments pourrait être sensiblement amélioré.

Les rapporteurs ont également été interpellés par la relative réserve des autorités françaises sur le sujet. Les éléments recueillis sur ce point laissent entrevoir un enthousiasme plus que mesuré à l'égard d'une approche qui « présente certains avantages, mais demeure sujette à caution » pour reprendre les termes de la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne. Si la France est favorable à ces partenariats, elle appelle à les accompagner d'objectifs évaluables et précis conditionnant le décaissement des aides prévues. Le risque d'une instrumentalisation de ces partenariats par les États signataires a par ailleurs été souligné. Dans ce contexte, la mission d'information soutient fermement la demande française d'une association plus étroite des États membres dans la négociation et la mise en oeuvre de ces accords de partenariat.

PARTIE 2- LES ACCORDS DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE CONCLUS AVEC LE ROYAUME-UNI

Les rapporteurs ont choisi s'intéresser plus particulièrement aux accords de coopération transfrontalière conclus avec le Royaume-Uni depuis les années 1980. Ceux-ci se distinguent des instruments étudiés précédemment dans la mesure où ils ont pour objet exclusif la gestion de la frontière commune.

Pour rappel, le droit commun s'applique en la matière depuis la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et la fin de la période transitoire prévue par l'accord dit du « Brexit »141(*). Nonobstant, ces accords méritent un traitement particulier pour au moins deux raisons. D'une part, l'importance des flux d'immigration irrégulière dans la région du Calaisis et les tensions sécuritaires, sociales et humanitaires qu'ils engendrent justifient une évaluation rigoureuse. D'autre part, l'accord dit du « Touquet » est l'un des rares instruments internationaux réellement connu du grand public, à l'instar de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il fait en outre l'objet de contestations croissantes dans le débat politique hexagonal.

I. UNE GESTION PARTENARIALE DE LA FRONTIÈRE FRANCO-BRITANNIQUE FONDÉE SUR DES ACCORDS INTERNATIONAUX

A. À PARTIR DES ANNÉES 1990, LA CONSTRUCTION D'UN CADRE DE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE RENFORCÉE

1. Le protocole de Sangatte de 1991 : une première étape liée à la mise en service du tunnel sous la Manche

Historiquement, le développement d'un cadre de gestion frontalière commun entre la France et le Royaume-Uni est la conséquence du projet de construction du tunnel sous la Manche engagé dans les années 1980. Avant même sa mise en service, les autorités des deux États ont entendu se doter des instruments juridiques nécessaires à la sécurisation des nouveaux points de passages frontaliers situés de part et d'autre de cette nouvelle infrastructure. C'est dans ce contexte qu'a été signé le 12 février 1986 un traité concernant la construction et l'exploitation par des sociétés privées concessionnaires d'une liaison fixe transmanche, dit « traité de Cantorbéry ». Si celui-ci avait principalement vocation à définir les modalités de fonctionnement de la future concession, il a également fixé deux principes fondamentaux s'agissant de la gestion frontalière. Son article 3 définit tout d'abord une frontière « virtuelle » sous la Manche pour les seuls besoins des travaux. Surtout, le traité ouvre la voie à une délocalisation des contrôles frontaliers dans l'État partenaire. Son article 4 intitulé « Police et contrôles frontaliers » renvoie ainsi à des protocoles additionnels le soin de définir les modalités selon lesquelles « les agents des administrations pourront exercer leurs compétences dans une aire de contrôles juxtaposés située sur le territoire de l'autre État ».

En application dudit article 4, la France et le Royaume-Uni ont conclu le 25 novembre 1992 un protocole relatif aux contrôles frontaliers et à la police, à la coopération judiciaire en matière pénale, à la sécurité civile et à l'assistance mutuelle, concernant la liaison fixe transmanche, dit « protocole de Sangatte ». Celui-ci est la déclinaison pratique du cadre fixé par le traité de Cantorbéry en matière de coopération transfrontalière.

Dans le détail, il prévoit la mise en place de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) dans les installations terminales de la liaison transmanche, à savoir respectivement Frethun et Folkestone pour les territoires français et britanniques142(*). Schématiquement, le protocole de Sangatte autorise ainsi les autorités de l'État de destination à anticiper leurs contrôles frontaliers directement sur le sol de l'État de départ. Les agents affectés au contrôle frontalier sont ainsi officiellement autorisés par l'autre État à exercer leurs missions143(*) sur son territoire, au sein des seules zones de contrôle mentionnées par le protocole. Cette délocalisation est autorisée pour « simplifier et accélérer » (article 5) la mise en oeuvre des formalités d'entrée et de sortie. En pratique, les passagers concernés se plient d'abord aux contrôles de l'État de départ avant de se présenter dans la foulée aux autorités de l'État de destination (article 12). Le contrôle est alors réalisé selon la législation applicable dans l'État de destination (article 9).

Le protocole prévoit par ailleurs l'établissement de « liaisons permanentes » visant à fluidifier la coopération transfrontalière, par exemple par la tenue de réunions de coordination, par l'installation de moyens de télécommunication dédiés ou encore par l'affectation permanente d'officiers de liaison.

En raison de l'accroissement du nombre d'entrées clandestines au Royaume-Uni, passées de 4 000 en 1997 à 180 000 en 2000144(*), le protocole de Sangatte a par la suite été complété par un protocole additionnel signé le 29 mai 2000 relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni. Afin de renforcer l'effectivité des contrôles au départ, celui-ci a autorisé l'implantation de bureaux de contrôle des personnes directement dans les gares desservies par l'Eurostar145(*). Les autorités françaises et britanniques effectuent ces contrôles conjointement, selon une répartition semblable à celle applicable aux installations terminales : le contrôle effectué par les autorités de l'État de départ vise à vérifier que la personne contrôlée peut quitter le territoire, tandis que le contrôle effectué par celles de l'État d'arrivée vise à s'assurer que la personne contrôlée dispose des documents demandés et remplit toutes les conditions nécessaires à son entrée sur le territoire.

2. Le traité du Touquet, une première réponse à l'intensification de l'immigration irrégulière

La mise en service du tunnel sous la Manche en 1994 s'est accompagnée, au cours des années suivantes, d'une intensification de la pression migratoire dans la région du Calaisis, même s'il convient de rester prudent quant à un éventuel lien de causalité. Cette augmentation des flux d'immigration irrégulière à destination du Royaume-Uni se retrouve notamment dans la progression rapide des demandes d'asile, qui ont plus que doublé entre 1997 et 2002146(*).

Demandes d'asile enregistrées au Royaume-Uni (1987-2023)

Source : Commission des lois, d'après les données de l'Observatoire des migrations de l'Université d'Oxford

Le principal vecteur de passage étant à l'époque routier, l'embouchure du tunnel sous la Manche est de facto devenue une étape incontournable des routes migratoires à destination du Royaume-Uni. La concentration d'un nombre toujours plus important de candidats au départ dans la région du Calaisis qui en a résulté au début des années 2000 a été à l'origine de difficultés croissantes, tant sur le plan humanitaire que politique.

Le sort du « centre de Sangatte » a notamment fait l'objet de discussions exigeantes entre le Royaume-Uni et la France. Si un accord a finalement été trouvé en vue de sa fermeture, c'est en contrepartie d'une contribution renforcée des autorités britanniques à la sécurisation de la frontière. De fait, il était impératif de prévenir un déport des filières d'immigration clandestine vers les ports assurant la liaison maritime avec la Grande-Bretagne.

Le centre d'hébergement et d'accueil d'urgence humanitaire (CHAUH) de Sangatte

L'afflux de personnes exilées dans la région du Calaisis a imposé en septembre 1999 l'ouverture à Sangatte (4 046 habitants en 1999) d'un centre d'hébergement et d'accueil d'urgence humanitaire (CHAUH).

Géré par la Croix-Rouge française, ce centre a accueilli plus de 65 000 étrangers durant ses trois années d'existence147(*), parmi lesquelles 26 090 Irakiens, 17 715 Afghans, 5 893 Iraniens, 3 867 Kosovars, 1 543 Kurdes, 1 407 Turcs et 1 304 Roumains148(*). Seules 1% des personnes concernées ont néanmoins déposé une demande d'asile en France.

Ce dispositif humanitaire a toutefois été détourné par des filières d'immigration clandestine, conduisant les autorités britanniques à le qualifier de « réservoir d'immigrants clandestin toléré par la France ». Il a également fait l'objet de vives critiques de la part des élus locaux et de la société Eurotunnel, cette dernière ayant déposé plainte à deux reprises contre l'État (en septembre 2001 et janvier 2002), afin d'obtenir sa fermeture.

Les ministres français et britannique de l'intérieur ont annoncé, le 12 juillet 2002, la fermeture temporaire du Centre de Sangatte. Les autorités françaises avaient alors conditionné sa fermeture définitive à l'adoption par les autorités britanniques d'une législation plus stricte sur l'asile et d'une contribution renforcée aux efforts de sécurisation de la frontière. Le principe d'une coopération opérationnelle renforcée entre l'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST) et les services britanniques dans la lutte contre les passeurs avait par la suite été acté, de même qu'une participation du Royaume-Uni au financement du déploiement de machines de détection des battements de coeur dans le port de Calais et de l'édification d'une clôture autour de la gare de Calais-Frethun149(*). Le centre a définitivement fermé en décembre 2002, d'un commun accord entre les deux pays. En raison des incertitudes qui pesaient sur son maintien, il ne comptait alors plus qu'un tiers de sa population habituelle.

Le Royaume-Uni a accueilli les candidats irakiens - kurdes et arabes - à l'immigration au titre d'une entrée exceptionnelle sous le statut de travailleur, et non celui de demandeurs d'asile. Il a également reçu sur son territoire les migrants afghans au titre du regroupement familial. La France s'était engagée à accueillir le reste des nationalités, en leur accordant un titre de séjour valable un an assorti d'une autorisation de travailler.

C'est dans ce contexte qu'a été conclu, lors du 25ème sommet franco-britannique, le traité relatif à la mise en oeuvre de contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord du 4 février 2003, dit « traité du Touquet ». Ce dernier a achevé le processus d'externalisation réciproque des contrôles aux frontières terrestres et maritimes entamé en 1986 et constitue encore à ce jour le cadre de référence en la matière. Bien que cette appellation soit incomplète, il est le plus souvent fait référence dans le débat public au seul traité du Touquet pour désigner l'ensemble des mécanismes destinés à assurer une gestion commune de la frontière entre la France et le Royaume-Uni.

Le traité du Touquet complète le protocole de Sangatte, en autorisant concrètement la mise en place des « mesures nécessaires visant à faciliter l'exercice des contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord situés sur le territoire de l'autre partie » (article 1er). Pour ce faire, il permet notamment la création de BCNJ - jusqu'alors réservés aux installations transmanche - dans les ports offrant des liaisons entre la France et le Royaume-Uni. De la même manière que pour les frontières terrestres, les deux États ont, par cet accord, autorisé leurs agents à exercer leurs missions dans certaines zones déterminées de l'État partenaire. Une clause de réadmission prévoit en outre que les autorités de l'État de départ ne peuvent refuser le retour sur leur territoire d'une personne ayant refusé de se soumettre aux contrôles ou s'étant vue refuser le droit d'entrée dans l'État d'arrivée.

Le traité fixe enfin le partage du traitement des demandes d'asile entre les deux États : l'examen des demandes d'asile déposées sur le territoire de l'État de départ relève de sa compétence, et ce y compris lorsque le contrôle a été opéré par des agents de l'État de destination. Seules les demandes enregistrées après « le départ du navire » échoient à ce dernier (article 9).

B. LE TRAITÉ DE SANDHURST : LE PRIMAT À LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

1. La nécessité de pallier les insuffisances de l'accord du Touquet

Si le cadre présenté ci-dessus est pour l'essentiel efficace pour la gestion des flux d'immigration régulière, il a en revanche rapidement montré ses limites face à la montée en puissance des flux d'immigration irrégulière. En conséquence, le traité du Touquet a été d'emblée exposé à de violentes critiques, en particulier de deux ordres.

La première de ces critiques tenait à son contenu même et à son caractère inégalitaire. De fait, l'immense majorité des flux migratoires ont le Royaume-Uni comme destination finale, la France n'occupant qu'un statut de pays de transit. A contrario, les quelques départs du Royaume-Uni vers la France sont anecdotiques. La conjugaison de flux déséquilibrés avec le cadre partenarial du Touquet a placé la France dans une position de gestionnaire de la frontière britannique. D'un point de vue financier, les charges liées à la surveillance des voies de passage irrégulièrement empruntées par les étrangers reposaient quasi-exclusivement sur la France. Cette asymétrie était dénoncée d'autant plus vivement en France qu'elle s'accompagnait de l'idée que le Royaume-Uni n'engageait pas les actions nécessaires pour décourager l'immigration irrégulière. Les résultats modestes des autorités britanniques en matière de retours étaient ainsi régulièrement mis sur le compte d'une législation inadaptée - en raison de l'absence de carte d'identité notamment -, voire d'un désintérêt pour la question, les personnes en situation irrégulière étant facilement absorbées par un marché du travail notoirement en tension.

Cette critique s'est intensifiée avec l'émergence du phénomène dit des « small boats » à partir de 2018. La sécurisation des infrastructures de l'Eurotunnel a en effet entraîné un déport des tentatives de traversée vers un vecteur maritime extrêmement périlleux. L'essentiel des départs sont désormais effectués sur le littoral via des embarcations de fortune.

La seconde critique récurrente était de nature humanitaire. Elle est à bien des égards encore d'actualité aujourd'hui. Pour l'essentiel, le cadre institué notamment par les accords du Touquet laisserait prospérer la crise migratoire dans le Nord de la France, en y bloquant les candidats à l'immigration souhaitant se rendre au Royaume-Uni. Celui-ci serait par conséquent directement responsable de la prolifération de camps de migrants illégaux et bien souvent insalubres dans le Calaisis. L'exemple le plus tristement célèbre en est celui de la « jungle de Calais » qui a « abrité » jusqu'à 9 000 personnes avant son démantèlement en octobre 2016. Le graphique ci-dessous illustre bien la croissance continue du nombre de candidats stationnant dans la région du Calaisis sur la période, avec une multiplication par 3,8 entre 2002 et 2016.

Nombre de personnes en situation irrégulière stationnant
dans la région du Calaisis
(1998-2016)

Source : Commission des lois, d'après les données de la Préfecture du Pas-de-Calais

Cette situation dramatique a été à l'origine de nombreux appels à une renégociation du cadre de gestion de la frontière commune. Dans un avis du 9 juillet 2015 sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis, la Commission nationale consultative des droits de l'homme recommandait par exemple la dénonciation des traités et accords dits du Touquet et de Sangatte150(*). Elle estimait que ces dispositifs bilatéraux conduisaient au maintien sur le territoire français de migrants dans des conditions dégradantes, et qu'ils s'avéraient en définitive très désavantageux pour la France, qui devait subir seule « depuis plus de vingt ans le coût moral et matériel d'une situation humanitaire catastrophique »151(*). Le Défenseur des droits a également publié deux rapports d'une tonalité similaire en 2015 et 2018152(*).

2. Le traité de Sandhurst : un instrument spécifiquement dédié à la sécurisation de la frontière commune

Cette situation intenable à bien des égards a conduit les autorités françaises et britanniques à s'accorder sur un nouvel instrument lors du 35ème sommet franco-britannique : le traité relatif au renforcement de la coopération pour la gestion coordonnée de la frontière commune du 18 février 2018, dit « traité de Sandhurst ». Contrairement aux instruments présentés ci-dessus, celui-ci traite exclusivement des modalités de coopération entre les deux États pour la lutte contre l'immigration irrégulière, avec un objectif de rééquilibrage des charges entre les deux partenaires. En pratique, le traité comprend un volet opérationnel et un volet financier.

a) Une coopération opérationnelle en matière de lutte contre l'immigration clandestine

Conclu dans le contexte particulier de la préparation de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le traité de Sandhurst devait politiquement permettre d'afficher la continuité de la coopération entre les deux États en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. Concrètement, il comprend un ensemble de mesures visant à approfondir la coopération opérationnelle en matière de prévention des départs clandestins, de lutte contre les réseaux de passeurs, de prise en charge des demandeurs d'asile ou des mineurs non accompagnés, ou encore d'exécution de mesures de retour. Ces engagements sont, selon la direction nationale de la police aux frontières, déclinés annuellement dans des protocoles d'accord, en vue de satisfaire à cinq objectifs :

réduire le nombre de tentatives de traversées via des « small boats » et augmenter le taux d'interception ;

démanteler les organisations criminelles ;

- favoriser une compréhension commune des phénomènes de flux migratoires traversant la France à destination du Royaume-Uni ;

améliorer le contrôle aux frontières pour traiter les flux le long des routes vers la France et le Royaume-Uni ;

- augmenter le nombre et la proportion d'individus et de bateaux empêchés de traverser.

Reprenant les annonces faites lors de la signature de la déclaration conjointe franco-britannique à Calais le 20 août 2015, qui prévoyait l'établissement d'un « centre de commandement et de contrôle intégré comprenant des personnels des forces de sécurité intérieure française et britannique appelés à travailler ensemble au quotidien »153(*), le traité prévoit par ailleurs en son article 6 la création d'un centre conjoint d'information et de coordination (CCIC).

Aux termes du traité, le CCIC dispose d'un large champ de compétences comprenant la gestion et la prévention des menaces à l'ordre public sur les infrastructures de transport transfrontalières, la gestion de crise en cas de pression migratoire aiguë154(*) ainsi que le soutien à la lutte contre les filières de passeurs, les trafiquants d'êtres humains et les réseaux criminels155(*). Le France et le Royaume-Uni se sont également engagés à déployer des officiers de liaison au sein de leurs services afin de fluidifier les échanges opérationnels.

Le traité de Sandhurst traite enfin explicitement la question des mineurs non accompagnés156(*) et des demandeurs d'asile. Pour les premiers, le gouvernement britannique s'est engagé, d'une part, à réduire les délais d'instruction des demandes de transfert de six mois à trente jours pour les majeurs et à quinze jours pour les mineurs non accompagnés et, d'autre part, à faciliter la réunification familiale de ces migrants vulnérables ayant des liens au Royaume-Uni. S'agissant des demandeurs d'asile, le traité prévoit notamment la possibilité d'une participation britannique au financement d'infrastructures d'accueil situées en dehors de la zone de Calais et de Dunkerque.

b) La mise en place d'une contribution britannique au financement de la sécurisation de la frontière

L'apport principal du traité de Sandhurst réside en réalité dans le cadre financier qu'il institue. Il fixe en effet le principe d'une contribution britannique au financement d'un dispositif de prévention des traversées.

La France a perçu au titre de la première vague de « financements Sandhurst » un total de 222 millions d'euros de la part du Royaume-Uni entre 2018 et 2022157(*). Ce financement a néanmoins été nettement revu à la hausse lors du 36ème sommet franco-britannique du 10 mars 2023. Un accord y a été trouvé pour une contribution supplémentaire de l'ordre de 540 millions d'euros sur la période 2023-2026.

Financement britannique « Sandhurst » annuel (en millions d'euros)

La direction nationale de la police aux frontières (DNPAF) a précisé les contours de ce financement supplémentaire au cours de son audition. Celui-ci se répartit en trois cycles : 141 millions d'euros en 2023-2024, 191 millions d'euros en 2024-2025 et 208 millions d'euros en 2026-2027. Les fonds alloués sont mobilisés dans six domaines déterminés : l'acquisition d'équipements, le financement de ressources humaines ainsi que d'investissements immobiliers, le soutien aux capacités de renseignement et l'appui au fonctionnement du dispositif local de rétention administrative.

Plus de la moitié de ces ressources financières (51,8 %158(*)) est, selon la police aux frontières, destinée au financement des moyens humains déployés sur le littoral transmanche et ses environs, qu'il s'agisse de réservistes, de personnels actifs des forces de l'ordre ou encore d'opérateurs privés. Près de 280 millions d'euros sont ainsi fléchés sur ce poste sur la période 2023-2026159(*).

Enfin, une partie importante des fonds britanniques finance les infrastructures et équipements nécessaires à la sécurisation de la frontière transmanche. À titre d'exemple, les fonds britanniques ont permis de financer la location exclusive de cinq avions équipés de caméras, pour un budget annuel de six millions d'euros. Ces fonds ont également pu être mobilisés pour l'achat de drones. Comme l'ont constaté les rapporteurs au cours de leur déplacement à Calais, cette aide est indéniablement utile en ce qu'elle facilité l'acquisition des matériels et équipements indispensables à une surveillance efficace de la frontière par les forces de l'ordre. Les acteurs rencontrés sur le terrain ont ainsi unanimement souligné l'intérêt de ces équipements dans l'exercice de leurs missions au quotidien.

II. LA GESTION PARTENARIALE DE LA FRONTIÈRE, UN ÉCHEC PATENT

Aux termes de ses travaux, la mission d'information ne peut que réitérer le constat déjà maintes fois formulé d'un échec patent de la gestion partenariale de la frontière franco-britannique160(*). En dépit des aménagements opérés par le traité de Sandhurst et de la mobilisation quotidienne de 800 policiers et gendarmes, le Calaisis est encore exposé à une très forte pression migratoire dont l'État comme les collectivités locales peinent à maîtriser les conséquences. Comme ont pu l'observer les rapporteurs à Calais, les tensions sociales, sécuritaires et humanitaires découlant de cette situation sont de plus en plus en marquées dans la région.

La mission d'information a entendu exclure explicitement toute velléité de remise en cause de l'accord du Touquet et de ses prédécesseurs. Celle-ci n'aurait en effet d'autre conséquence que de dégrader inutilement la relation avec les autorités britanniques pour un effet sur les flux d'immigration irrégulière probablement nul. Il existe, de fait, un malentendu sur le traité du Touquet : celui-ci se borne pour l'essentiel à prévoir les modalités des contrôles aux frontières opérés sur les voies légales de passage, mais ne dit que peu de choses sur la lutte contre l'immigration irrégulière. Il serait donc contreproductif de le remettre en cause, d'autant que cette externalisation des contrôles a fait ses preuves en matière de migration légale. Comme l'a rappelé le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, au cours de son audition devant la commission, ladénonciation du traité du Touquet « n'aurait pas d'effet sur les flux transfrontaliers irréguliers dans la Manche et la mer du Nord », tandis que celle du traité de Sandhurst « reviendrait à se tirer une balle dans le pied ». La dénonciation présenterait de surcroît un risque économique considérable, puisque lesdits traités ne traitent pas uniquement de la question des migrations irrégulières, mais également de l'ensemble des échanges, dont ceux de marchandises, dans les ports de la Manche et de la mer du Nord.

Il apparaît en revanche indispensable d'engager un dialogue franc avec les autorités britanniques afin de les inciter à agir sur les causes profondes des migrations et d'obtenir de leur part une contribution financière à la hauteur des coûts réels assumés par la France pour la gestion de la frontière commune.

À terme, la conclusion d'un accord migratoire global entre l'Union européenne et le Royaume-Uni apparaît comme la seule option réellement viable. La définition de voies de migrations légales vers le Royaume-Uni serait en effet décisive pour améliorer la situation dans le Calaisis et éviter les insupportables drames en mer qui sont désormais monnaie courante.

A. UNE SURVEILLANCE DU LITTORAL QUI PERMET MOINS DE PRÉVENIR LES FLUX QUE DE LES RETARDER

1. Une frontière qui demeure soumise à une pression migratoire élevée et croissante
a) La prévention des départs sur le littoral : un travail de Sisyphe

Force est de constater que le dispositif de prévention des traversées illégales déployé dans le Calaisis présente d'importantes limites. Les flux illégaux sont toujours aussi importants, comme en attestent les éléments mentionnés devant la commission des lois par le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau : « 30 % du flux irrégulier européen se retrouve autour de cette zone, devenue frontière extérieure de l'UE après le Brexit ». Le Brexit n'a ainsi eu aucun impact sur le volume des flux observés.

Pour rappel, la plupart des départs se font désormais, depuis la sécurisation de l'Eurotunnel, sur le littoral via des « small boats ».

Les données publiées par l'agence Frontex sont également éloquentes : les tentatives de traversées ont augmenté de 6 % sur les onze premiers mois de l'année 2024, pour se porter à 62 124. Selon l'association « Migration Watch UK », 29 437 personnes ont rejoint les côtes britanniques en 2023 via une traversée de la Manche. Ce chiffre avait d'ores et déjà été dépassé au mois de novembre 2024161(*). Au total, 147 907 migrants seraient parvenus à rejoindre les côtes britanniques depuis 2018 et la signature du traité de Sandhurst.

S'agissant de la nationalité des intéressés, les trois premières principales sont, selon l'agence Frontex, afghane, syrienne et irakienne. La police aux frontières constate par ailleurs une diminution des candidats issus de la communauté maghrébine, probablement du fait du durcissement des conditions de délivrance des visas britanniques dans les pays du Maghreb, et, a contrario, une forte hausse du nombre de candidats originaires des pays du Commonwealth. Une augmentation du nombre de ressortissants des pays d'Asie du Sud et du Sud-Est est également observée. L'exemple des ressortissants vietnamiens est à cet égard parlant : ils représentaient 22 % des candidats au départ en 2024, contre 5 % en 2023 et 1,5 % en 2022. Ils figurent par ailleurs à la première position des nationalités ayant réussi la traversée en 2024 (22 %).

Arrivées mensuelles cumulées via des « small boats » (2020-2024)

Source : Home Office, Accredited offical statistics, 28 novembre 2024

Cette augmentation constante de la pression migratoire a été confirmée à la mission d'information par l'ensemble des acteurs rencontrés à Calais. Lorsque la météo est favorable, les forces de l'ordre doivent multiplier les interventions pour prévenir, dans des conditions extrêmement difficiles, des départs de plus en plus nombreux. Selon les témoignages recueillis sur place, il n'est pas rare qu'un même membre des forces de l'ordre intervienne quatre ou cinq fois au cours d'une même soirée. Cette augmentation du phénomène se traduit également par la saturation croissante d'embarcations elles-mêmes de plus en plus précaires. Alors que le nombre de migrants n'excédait pas 40 par embarcations il y a encore quelques années, celui-ci atteint désormais fréquemment les 70.

Arrivées irrégulières au Royaume-Uni via des « small boats » et nombre moyen de personnes embarquées (2028-2024)

Source : Home Office, Accredited offical statistics, 28 novembre 2024

D'un point de vue opérationnel, le terrain d'intervention est extrêmement défavorable aux forces de l'ordre. Les rapporteurs ont ainsi constaté directement sur le terrain les défis qu'impliquait la surveillance d'une zone de près de 70 kilomètres, de nuit et dans des conditions climatiques souvent précaires. L'intervention en elle-même est particulièrement délicate, dans la mesure où elle ne peut juridiquement être initiée qu'à partir de l'embarquement des personnes162(*). Avant ce moment, les intéressés ne sont en effet responsables d'aucune infraction qui justifierait l'action des forces de l'ordre163(*). Les risques liés à l'interruption du processus d'embarquement sont en outre importants. Celle-ci engendre en général une importante confusion, avec à la clé un risque de noyade accru. Les passeurs exploitent également ce désordre pour se mêler aux passagers et échapper à l'interpellation. Surtout, les membres des forces de l'ordre doivent désormais composer avec une résistance croissante d'étrangers qui cherchent parfois à « forcer » le départ à tout prix. Cette résistance, qui n'existait que très peu par le passé, se traduit notamment par des jets de projectiles à l'encontre des forces de l'ordre. La sécurité des forces de l'ordre affectées à la surveillance du littoral est ainsi devenue une préoccupation majeure, à laquelle s'associe pleinement la mission d'information.

De surcroît, les mises en échec par les forces de sécurité intérieure des départs de traversées à destination du Royaume-Uni conduisent les réseaux de trafiquants à constamment adapter leur stratégie. À titre d'exemple, les services ont récemment constaté l'émergence de « taxi boats », soit un mode opératoire assimilable au cabotage consistant « à faire partir discrètement et rapidement une embarcation depuis les eaux fluviales ou une plage éloignée du point de rassemblement, puis de longer la côte afin de faire embarquer à proximité du rivage les candidats à la traversée »164(*). Certains de ces bateaux sont mis à l'eau sur le canal de l'Aa, tandis que d'autres proviennent de Dunkerque, voire de la baie de Somme.

b) Un dispositif de sauvetage pleinement mobilisé

Si les 800 policiers et gendarmes mobilisés au sol parviennent à empêcher nombre de départs, certaines embarcations passent néanmoins entre les mailles du filet. La traversée est alors extrêmement périlleuse du fait des conditions météorologiques, de la saturation d'une zone qui concentre 25 % du trafic maritime européen et, surtout, de l'usage d'embarcations souvent bricolées et toujours surchargées. En conséquence, des situations de détresse en mer sont fréquemment observées.

Dans ce contexte, des moyens considérables sont mobilisés de part et d'autre de la Manche pour le sauvetage et l'assistance en mer. En 2023, 40 200 personnes ont ainsi été impliquées dans 2 495 opérations de recherche et de sauvetage ou d'assistance à navire en difficulté menées par les centres opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) Gris-Nez et Jobourg165(*). À l'instar des forces de l'ordre, les sauveteurs en mer interviennent dans des conditions extrêmement difficiles. Le caractère précaire et surchargé des embarcations les rend extrêmement instables, tandis que leurs occupants ne sont pas équipés de gilets de sauvetage. Des personnes peuvent ainsi être projetées à l'eau au moindre déséquilibre, complexifiant d'autant l'intervention des secours.

En dépit de l'action remarquable des sauveteurs en mer, en particulier de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), de trop nombreux drames sont encore à déplorer. Sur l'année 2023, les services du préfet maritime comptabilisent dix-huit décès sur le secteur du CROSS Gris-Nez, dont douze sont directement en lien avec des traversées illégales. Ces drames tendent malheureusement à s'accélérer : 72 personnes migrantes ont ainsi perdu la vie dans ce contexte sur les onze premiers mois de l'année 2024.

Les centres opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS)

Deux CROSS sont opérationnellement placés sous l'autorité du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord : les CROSS Jobourg et Gris-Nez. Ces centres coordonnent l'ensemble des moyens nécessaires - nautiques, terrestres ou aériens - à la réalisation des opérations de sauvetage et d'assistance en mer. Plusieurs administrations sont mobilisées dans le cadre de ces opérations : sécurité civile, Marine nationale, douane française, gendarmerie maritime, sauveteurs bénévoles, etc.

Du fait de sa localisation, sur le cap éponyme délimitant la Manche et la mer du Nord où il est implanté depuis 1977, le CROSS Griz-Nez est le centre opérationnel le plus exposé aux conséquences du phénomène migratoire.

Il dispose, pour la réalisation de ses missions de sauvetage et d'assistance en mer, de quatre stations implantées le long du littoral ainsi que de radars et stations d'identification automatique (SIA) permettant de connaître, à tout moment, l'identité, le statut, la position et la route des navires situés sur la zone de navigation.

Sur l'année 2023, le phénomène migratoire à destination du Royaume-Uni est responsable de 62,05 % des opérations s'imposant aux équipes du CROSS Griz-Nez. La même année, 35 301 personnes ont été impliquées dans des opérations coordonnées par le CROSS Griz-Nez dans sa zone de responsabilité : 96 % (33 986) étaient des migrants - dont 24 382 étaient des personnes surveillées au cours d'une traversée de la Manche en small boats166(*).

La quasi-totalité (95 %) des opérations menées par le CROSS Griz-Nez l'est dans les eaux territoriales françaises : 37,15 % se déroulent dans la bande littorale - plage et 300 mètres -, la moitié ces opérations étant liée à des départs d'embarcations de migrants ; 54,4 % se déroulent au-delà des 300 mètres, près des deux tiers de ce pourcentage étant des opérations liées à l'immigration clandestine.

Dans ce contexte, la mission d'information tient à saluer le professionnalisme de l'ensemble des acteurs mobilisés dans cette mission difficile mais essentielle pour prévenir des drames en mer. Leur engagement sur le littoral mais également en mer permet incontestablement de sauver nombre de vies.

Il convient toutefois d'opérer un constat lucide : aussi fondamentaux qu'ils soient, les dispositifs de prévention des traversées et de sauvetage en mer n'ont qu'un effet marginal sur les flux. Tout juste parviennent-ils à les reporter ou à éviter des morts supplémentaires. Comme cela a été rappelé aux rapporteurs lors du déplacement à Calais, rien ne peut dissuader les migrants de tenter la traversée. Ceux-ci ont de fait déjà été confrontés à des situations tout aussi périlleuses pendant leurs parcours migratoires et leur destination finale est à portée de main. Ils ne recourent aux dispositifs humanitaires déployés à leur attention que de manière transitoire, dans l'attente d'une fenêtre météorologique favorable pour tenter (ou retenter) la traversée. Selon la sous-préfecture de Calais, seuls 10 à 15 % des étrangers concernés déposent une demande d'asile. Cela est très inférieur au nombre de personnes qui pourraient légitimement prétendre à une protection en France. En outre, il arrive que des demandeurs d'asile continuent à tenter la traversée pendant l'instruction de leur dossier.

c) La nécessité de prioriser la lutte contre les réseaux de passeur

Dans ce contexte, il est indispensable de bien distinguer les actions menées en vue de prévenir les départs de celles conduites pour mettre un terme à l'activité criminelle des passeurs. La mission d'information soutient pleinement la doctrine adoptée par l'État alliant fermeté à l'encontre des passeurs et humanité vis-à-vis des migrants. De fait, les étrangers concernés sont bien souvent des victimes de réseaux de traite des êtres humains considérant la vie humaine comme une donnée accessoire.

L'interpellation des passeurs est toutefois un défi quotidien pour les forces de l'ordre. Les têtes de réseaux n'opèrent la plupart du temps pas depuis la France, tandis que leurs représentants lors des traversées parviennent bien souvent à se fondre parmi le reste des passagers pour éviter les interpellations. La remontée des réseaux constitue donc un travail de longue haleine. La mission d'information tient ici à souligner la qualité du travail fourni par les équipes de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM), rencontrées au cours du déplacement dans le Calaisis, pour le démantèlement des filières de passeurs.

Sur ce point, la coopération franco-britannique est relativement fluide. À titre d'illustration, le 22 avril 2024, une opération conjointe de l'OLTIM et de la National Crime Agency britannique a permis de démanteler une organisation criminelle qui se livrait à la fois à l'organisation de traversées illégales en small boats, au trafic de stupéfiants et au proxénétisme. La mission d'information relève néanmoins que la coopération opérationnelle et le partage d'informations entre les services pourraient encore être améliorés.

2. Des facteurs d'attractivité britanniques qui demeurent d'actualité

Cette persistance des flux d'immigration irrégulière à un niveau élevé s'explique également par les capacités d'attraction du Royaume-Uni. La thèse précitée selon laquelle les autorités britanniques s'accommoderaient des arrivées irrégulières tout en appelant à stopper les flux167(*) et en s'émouvant publiquement des insuffisances françaises dans la gestion de la frontière est encore très présente dans les discours.

À cet égard, la mission d'information ne peut que constater que les indicateurs disponibles semblent accréditer l'idée que le Royaume-Uni demeure un pays attractif sur le plan migratoire. Trois raisons tendent à expliquer cette attractivité, au-delà de l'évident facteur linguistique et de la présence sur le territoire britannique de communautés d'origine étrangère fortement structurées.

Le premier facteur réside dans l'accessibilité du marché du travail. Comme l'a rappelé Hélène Duchêne, ambassadrice de France au Royaume-Uni au cours de son audition, l'immigration régulière ne permet en rien de résoudre les très importantes tensions observées sur le marché du travail britannique. A contrario, les immigrés illégaux semblent d'autant plus facilement absorbés par celui-ci que les contrôles sont peu nombreux. Si un justificatif d'identité est effectivement demandé pour la conclusion d'un contrat de travail, il doit être précisé que les cartes d'identité n'existent pas au Royaume-Uni et que le nombre d'inspecteurs du travail est notoirement insuffisant. Plusieurs acteurs auditionnés par la mission d'information ont ainsi émis des doutes quant à la réalité des contrôles effectués.

Le deuxième facteur à prendre en considération est le caractère relativement généreux de la politique d'asile britannique. En dépit des réformes récemment mises en oeuvre par les autorités, le taux d'acceptation définitif des demandes d'asile demeurait en 2019 au Royaume-Uni supérieur de plus 20 points à celui observé en France (63 % contre 36 %168(*)).

Ce constat est encore plus frappant lorsque l'on examine les demandes d'asile déposées par des étrangers arrivés via des small boats. Selon les données publiées par le ministère de l'intérieur britannique, 71 % des demandes déposées par les intéressés entre 2018 et septembre 2024 ont connu une issue favorable (39 697)169(*).

Comparaison des taux d'acceptation des demandes d'asile entre la France et le Royaume-Uni (2004-2021)

Source : Commission des lois, d'après les données de l'Insee (après instruction de l'Ofpra et de la CNDA) et de l'Observatoire des migrations de l'Université d'Oxford (après appel).

Enfin, le volume des retours forcés exécutés par les autorités britanniques est a priori longtemps resté trop modeste pour avoir un réel effet désincitatif. La mission d'information relève néanmoins qu'un frémissement peut être observé sur ce point ; selon les données publiées par le ministère de l'intérieur britannique, plus de 7 700 retours forcés ont été comptabilisés sur les neuf premiers mois de l'année 2024 contre environ 5 500 l'année précédente, soit une augmentation de 41 %170(*). Cette inflexion doit néanmoins être analysée avec précaution. Outre son caractère récent, il doit être relevé que le nombre de retours forcés est encore significativement inférieur aux niveaux observés il y a dix ans : près de 15 000 retours forcés étaient ainsi comptabilisés en 2014. Ils sont par ailleurs concentrés sur quelques nationalités déterminées. En 2024, plus de la moitié d'entre eux concernaient ainsi des ressortissants Albanais et Roumains.

Retours effectués depuis le Royaume-Uni, par type de retours (2011-2024)171(*)

Source : Home Office, Accredited offical statistics, 28 novembre 2024

La mission d'information rappelle que la maîtrise des flux d'immigration irrégulière dans le Calaisis ne peut reposer exclusivement sur des dispositifs de prévention des traversées et de sauvetage en mer. Elle considère que ceux-ci doivent avoir pour corollaire une réduction des facteurs d'attractivité, réels ou supposés, du territoire britannique pour être réellement efficaces. Il serait en effet naïf de penser que les flux puissent diminuer tant que les candidats à la traversée seront convaincus de pouvoir rapidement trouver un travail au Royaume-Uni et que leurs perspectives d'obtenir l'asile seront inversement proportionnelles à celle de subir un éloignement. La mission d'information considère que la France doit assumer d'aborder de manière effective ce sujet dans le cadre de ses échanges avec le Royaume-Uni. Elle appelle donc à engager un dialogue exigeant avec les autorités britanniques sur la nécessité de clarifier les objectifs de leur politique migratoire.

Proposition n° 13 : Engager un dialogue exigeant avec les autorités du Royaume-Uni sur la nécessité de clarifier les objectifs de la politique migratoire britannique, qui ont une incidence majeure sur les flux migratoires irréguliers dans la Manche.

B. UN FINANCEMENT BRITANNIQUE QUI DOIT ÊTRE MIS EN PERSPECTIVE

Comme évoqué précédemment, la contribution britannique au financement de la sécurisation de la frontière est indéniablement utile et très certainement indispensable ; il n'est en revanche pas acquis qu'elle soit totalement équitable.

L'absence d'évaluation du coût réel du dispositif déployé par la France pour la sécurisation de la frontière commune empêche de rendre un avis définitif sur le caractère adapté (ou non) des montants versés par le Royaume-Uni. Il est néanmoins plus que probable que la répartition des charges demeure fortement déséquilibrée, et ce malgré l'ajustement opéré en 2023. L'ancien ministre de l'intérieur Gérald Darmanin s'était notamment exprimé en ce sens lors d'un déplacement effectué à Boulogne-sur-Mer le 3 septembre 2024, à la suite du naufrage d'une embarcation ayant coûté la vie à douze personnes. Il avait ainsi déclaré que « ce ne sont pas les dizaines de millions d'euros que nous négocions chaque année avec nos amis britanniques et qui ne payent qu'un tiers de ce que nous dépensons [qui dissuaderont les candidats aux départs] »172(*). Cette analyse a été confirmée par le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors de son audition devant la commission du 27 novembre 2024 : « les Britanniques nous donnent aujourd'hui près de 500 millions d'euros, quand la protection des frontières nous coûte au moins le double ».

La mission d'information considère également que le Royaume-Uni doit prendre sa juste part dans le financement des dispositifs déployés dans le Calaisis dans leur globalité. Dans cette perspective, il apparaît indispensable de conduire une évaluation exhaustive des coûts de la sécurisation des côtes de la Manche et de la Mer du Nord mais également de la présence des candidats au départ sur le territoire national.

Proposition n° 14 : Conduire une évaluation exhaustive des coûts de la sécurisation des côtes de la Manche et de la Mer du Nord et de la présence de migrants sur ces côtes.

La mission d'information considère en conséquence que des échanges doivent être ouverts sur le périmètre de la contribution « Sandhurst ». Son attention a régulièrement été alertée sur le fait que les fonds britanniques finançaient essentiellement le soutien au dispositif de lutte contre les traversées clandestines ainsi que la sécurisation de quelques infrastructures d'intérêt majeur. Or, la charge assumée par la France pour la gestion de la frontière commune est toutefois loin de se limiter à ces seuls versants. Selon les éléments communiqués par la sous-préfecture de Calais, le déploiement du dispositif d'assistance humanitaire pèse sur les finances de l'État à hauteur de 20 millions d'euros par an. Les collectivités locales consentent également des investissements importants pour gérer les multiples conséquences liées à la présence massive de personnes en transit sur le territoire. Selon la maire de Calais, Natacha Bouchart, « entre 2020 et 2024, plus de 10 millions d'euros [ont été] engagés par la ville de Calais et l'agglomération Grand Calais dans le cadre de la crise migratoire ». À titre d'exemple, l'enrochement des quais a récemment coûté plus de 200 000 euros à la collectivité.

En conséquence, la mission d'information estime qu'il ne serait pas illégitime que les Britanniques contribuent également a minima au financement du dispositif humanitaire déployé par l'État en partenariat avec des acteurs associatifs agréés. Les services de la sous-préfecture de Calais ont confirmé que ce n'était pas le cas actuellement. Les rapporteurs ne peuvent par ailleurs qu'appuyer la demande formulée par le collectif des maires du littoral pour que le fonds « Sandhurst » soit mobilisé pour le financement de la future cité de la sécurité de la ville de Calais.

Proposition n° 15 : Ouvrir un dialogue sur l'élargissement du périmètre de la contribution « Sandhurst » afin d'y intégrer, notamment, le financement du dispositif humanitaire déployé par l'État et les acteurs agréés.

C. DES TENSIONS DE TOUTE NATURE DE PLUS EN PLUS MARQUÉES DANS LE CALAISIS

1. Des troubles à l'ordre public relativement contenus mais en augmentation

Selon les données communiquées par la mairie de Calais, près de 2 000 personnes stationnent quotidiennement à Calais dans l'attente d'une fenêtre météorologique favorable pour tenter la traversée vers le Royaume-Uni. Cette accumulation de personnes en transit est vectrice de tensions de toutes natures dans la région du Calaisis en général et dans la ville de Calais en particulier. Celles-ci sont d'abord d'ordre sécuritaire.

Outre l'agressivité croissante des migrants envers les forces de l'ordre lors de leurs interventions sur le littoral, la sous-préfecture de Calais a souligné la récurrence des troubles à l'ordre public engendrés par des rixes entre migrants. La cohabitation de communautés parfois rivales dans de mêmes espaces peut notamment aviver les tensions. Les troubles sont en revanche plus marginaux vis-à-vis de la population. Il s'agit principalement de destructions matérielles opérées en réaction à l'échec d'une tentative de passage. La sous-préfecture de Calais relève néanmoins des difficultés

croissantes dans la cohabitation avec les habitants du bord du littoral, dont les propriétés privées sont régulièrement violées par les migrants se rendant sur les lieux de départ.

Ces observations recoupent le constat, particulièrement alarmant, de la maire de Calais,. Celle-ci a fait état de nombreux troubles à l'ordre public, de gravité variable. La plupart n'impliquent effectivement pas directement la population, même si cela n'a rien de satisfaisant en soi. Ont notamment été mentionnées l'occupation illégale de terrains publics ou privés, la prolifération des déchets en résultant ou la destruction d'espaces occupés par les migrants (un hangar squatté a par exemple récemment pris feu). Vis-à-vis de la population, des agressions physiques et sexuelles auraient été recensées. De manière générale, les habitants voient l'image de leur ville se dégrader, de même que leur sécurité du quotidien. Les transports publics sont par exemple utilisés par les réseaux de passeurs pour acheminer les migrants sur le littoral.

La mission d'information tient par ailleurs à souligner la qualité de la coopération entre l'État et les collectivités locales pour garantir la sécurité du territoire. Celle-ci a été mise en exergue par l'ensemble des acteurs rencontrés. Elle se traduit par exemple par une exploitation facilitée des images issues de la vidéoprotection, dans la mesure où le centre de surveillance urbaine est géré par la mairie de Calais. Au-delà des seuls aspects sécuritaires, une réunion hebdomadaire se tient avec les services de l'État afin de garantir l'efficacité de la coordination.

2. Une situation particulièrement dégradée sur le plan humanitaire

La situation humanitaire dans le Calaisis est, en outre, particulièrement dégradée, et ce malgré une mobilisation de tous les instants des services de l'État ainsi que des collectivités locales. Un imposant dispositif d'assistance humanitaire a été mis en place à la suite d'un arrêt du Conseil d'État en date du 31 juillet 2017173(*), qui a jugé que « la carence des autorités publiques [exposait] des personnes à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant ». Le Conseil d'État a ainsi enjoint la préfecture du Pas-de-Calais et la commune de Calais à mettre des points d'eau, de latrines et de douches à disposition des personnes migrantes, ainsi qu'à organiser des départs quotidiens vers des centres d'accueil et d'orientation.

Les services de l'État se sont pleinement engagés pour mettre en oeuvre un « socle humanitaire » unique en France au bénéfice de la population migrante stationnant à Calais. Pour rappel, ce « socle humanitaire » avait été appelé de ses voeux par le président de la République au début de l'année 2018 : « des douches, des sanitaires, des points d'eau, un accès aux soins, de manière organisée et régulée. L'État le fait, grâce à l'ensemble des acteurs ici présents, en lien avec [l]es associations, des travailleurs sociaux [...]. Nous apportons tous ces services, mais il y en a un, aujourd'hui, que nous n'apportons pas encore, c'est l'accès à la nourriture, aux repas, qui est assuré aujourd'hui par des associations. [...] Nous allons le prendre en charge [...]. C'est ce socle humanitaire que nous devons tous à chacun et chacun, mais dans l'ordre républicain »174(*).

Dans ce contexte, les services de l'État dans le Calaisis poursuivent un double objectif : éviter la reconstitution de lieux de fixation souvent insalubres sur Calais, et permettre des conditions de vie humaines et dignes à la population migrante. Selon les informations communiquées par la sous-préfecture de Calais, plusieurs dispositifs déployés depuis août 2017 permettent :

- l'accès à l'eau, à l'hygiène et à des sanitaires : des points d'eau sont désormais accessibles sept jours sur sept. Une équipe de 19 ETP est chargée de la mise en place des fontaines et des robinets ainsi que de la distribution régulière de bidons d'eau. Entre 2018 et 2023, plus de sept millions de litres d'eau ont été distribués dans ce cadre175(*). S'agissant de l'accès aux sanitaires, 44 cabines individuelles ont été mises à disposition des personnes migrantes à Calais. Enfin 28 douches accessibles à tous ont été installées sur un site aménagé et rénové en 2022, sur lequel les rapporteurs se sont rendus. Des navettes permettent d'y accéder en semaine, avec des créneaux spécifiquement aménagés pour les femmes et les enfants depuis 2021. Cette prestation est assurée par une équipe de 9 ETP ;

- l'accès à une alimentation équilibrée et adaptée : des distributions de repas sont assurées par 19 ETP depuis le 6 mars 2018, à raison de deux fois par jour et sept jours sur sept ;

une information renforcée des migrants : des équipes mobiles constituées de membres des associations Audasse (Association unifiée pour le développement de l'action sociale, solidaire et émancipatrice ; 11 ETP) et France terre d'asile (11 ETP) sillonnent quotidiennement Calais afin d'apporter des informations fiables sur leurs droits aux personnes migrantes. Celles-ci sont relatives à l'hébergement, à la procédure d'asile, au droit au séjour ou encore à l'accès à la santé. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) déploie par ailleurs une maraude régulière sur Calais depuis le 1er janvier 2020 ;

l'hébergement et la mise à l'abri : outre les dispositifs de mise à l'abri hivernale ou d'urgence, le département du Pas-de-Calais dispose de 450 places déployées dans quatre centres d'accueil et d'examen des situations (CAES). Une mise à l'abri est proposée en semaine au départ de Calais vers les CAES du département. Dans ce cadre, 5 197 personnes ont été mises à l'abri en 2023 ;

la prise en charge médicale : une permanence d'accès aux soins (PASS) fonctionne en semaine ;

le nettoyage des sites et l'enlèvement des déchets : celui-ci fait l'objet d'une prestation spécifique, dans le cadre d'un marché public attribué à une société privée ;

la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) : l'association France terre d'asile, mandatée par la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS), effectue sept jours sur sept des maraudes à destination des mineurs.

L'attention de la mission d'information a par ailleurs été attirée sur la situation particulière des mineurs non accompagnés disposant de membres de familles au Royaume-Uni. Comme l'a rappelé le maire de Grande-Synthe dans un communiqué de presse du 11 juillet 2024176(*), il est incompréhensible que ces derniers soient encore aujourd'hui confrontés à d'importantes difficultés pour rejoindre le Royaume-Uni. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'il s'agit d'une population particulièrement vulnérable. Il n'est ainsi pas rare que ces mineurs soient, sous l'emprise de passeurs, contraints à commettre des délits ou placés dans des situations d'exploitation sexuelle177(*). Dans ce contexte, leur permettre de rejoindre le Royaume-Uni doit constituer une priorité. La mission s'associe sur ce point à l'appel du maire de Grande-Synthe à mobiliser les mécanismes leur permettant de rejoindre en sécurité leur famille établie au Royaume-Uni. De fait, l'un des principaux objectifs du traité de Sandhurst, par son article 2, était d'accélérer le traitement des demandes de réunification déposées par des mineurs isolés.

Proposition n° 16 : Mobiliser les mécanismes permettant aux mineurs isolés ayant des membres de leur famille au Royaume-Uni de les rejoindre en toute sécurité.

3. Une population très largement exaspérée

Les conséquences de la concentration des flux migratoires dans la région sont, au niveau social, difficilement supportables pour les habitants. La maire de Calais a résumé la situation avec ces mots d'une particulière justesse au cours de son audition : « le contexte local, unique en France, devient insupportable pour les gens. Aux contraintes touchant tous les Français s'ajoute pour les Calaisiens l'obligation de vivre en permanence avec cette pression migratoire qui nuit à l'image de leur ville, et, pour certains, portent directement atteinte à leur sécurité. Les habitants sont tiraillés entre lassitude et colère. Et pourtant, malgré ce qu'ils subissent depuis de nombreuses années, les Calaisiens restent dignes et ne font preuve d'aucune violence vis-à-vis des migrants.

Ce constat recoupe en tous points les observations effectuées par les rapporteurs lors de leur déplacement à Calais : la grande patience et l'humanité dont font part au quotidien les habitants face à ces difficultés sont particulièrement admirables.

4. Des pertes de chance certaines en matière économique

Cette situation emporte quatrièmement d'importantes conséquences sur le plan économique. Comme évoqué précédemment, les collectivités doivent, d'une part, consentir d'importants investissements pour faire face à la situation. Elle engendre, d'autre part, des pertes de chances économiques en décourageant de potentiels investisseurs et entrepreneurs de venir s'installer sur l'agglomération calaisienne. Plusieurs locaux d'entreprises ont ainsi fait l'objet de dégradation ou d'occupation illicite : c'est le cas par exemple du hangar de l'entreprise Cheers, actuellement occupé par « 310 tentes »178(*).

D. À TERME, LA NÉCESSITÉ D'UN ACCORD MIGRATOIRE GLOBAL AVEC LE ROYAUME-UNI

La mission d'information considère que la seule solution viable pour une réduction durable de la pression migratoire dans le Calaisis réside dans la conclusion d'un accord migratoire global avec le Royaume-Uni, de préférence au niveau européen. Un tel accord aurait notamment vocation à définir des voies de migrations légales ainsi que les modalités de coopération en matière de retours et de lutte contre les réseaux de passeurs.

Une fenêtre d'opportunité pourrait s'être récemment ouverte à la faveur de la dernière alternance politique outre-Manche. Le nouveau gouvernement travailliste dirigé par Keir Starmer depuis le 5 juillet 2024 a de de fait multiplié les démonstrations de son engagement sur les questions migratoires depuis son entrée en fonction. Keir Starmer a notamment fait de la lutte contre les passeurs une priorité dès le 15 septembre 2024, en actant un renforcement des moyens des agences impliquées dans la sécurisation de la frontière ainsi que la création d'un nouveau commandement aux frontières (le Border Security Command). Ce dernier a été doté de fonds supplémentaires et de nouveaux pouvoirs d'enquête et de poursuite contre les passeurs.

L'ambassadrice de France au Royaume-Uni a confirmé au cours de son audition le revirement opéré par les autorités britanniques en matière migratoire, au moins dans les discours, que les représentants de l'ambassade du Royaume-Uni en France ont rappelé devant la commission des lois. Alors que la France n'était auparavant pas épargnée par les critiques (parfois publiques) sur le sujet, une oreille plus attentive serait désormais portée à ses demandes. L'engagement de négociations formelles supposera néanmoins la définition d'une feuille de route claire de la part d'autorités britanniques aux intentions encore relativement floues. Les discussions seront d'autant plus ardues que les sujets de discussions voire de friction ouverts à la suite du Brexit sont nombreux. Le sujet de la pêche représente notamment toujours un irritant du côté français. La mission d'information estimerait donc justifié que les questions migratoires soient traitées à part, eu égard à leur importance pour les deux États. La conclusion d'un accord distinct doit a minima faire partie des options ouvertes.

La conclusion d'un accord bilatéral ne devrait quant à elle être envisagée qu'en tout dernier ressort, compte tenu de la plus-value d'une approche européenne en la matière.

Dans ce contexte, la mission d'information se félicite des récents échanges conduits sur le sujet entre les ministres de l'intérieur français et britannique. Elle appelle à engager sans délai, à l'échelle européenne et à défaut de manière bilatérale, des discussions pour un futur accord migratoire global.

Proposition n° 17 : Engager avec les autorités britanniques, à l'échelle européenne et à défaut de manière bilatérale, des discussions pour un futur accord migratoire global. Cet accord aurait notamment vocation à définir des voies de migrations légales ainsi que les modalités de coopération en matière de retours et de lutte contre les réseaux de passeurs.

PARTIE 3 - L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DU 27 DÉCEMBRE 1968 : UN AVENIR EN QUESTION

Les conditions de circulation, d'emploi et de séjour en France des ressortissants algériens ne relèvent historiquement pas du droit commun mais d'un régime dérogatoire fixé dans un premier temps par les accords d'Évian du 19 mars 1962, puis par un accord bilatéral conclu le 27 décembre 1968 et amendé à trois reprises en 1985, 1994 et 2001. Cet accord se démarque des autres instruments étudiés par la mission d'information pour des raisons historiques179(*), juridiques et politiques. Il justifie de ce fait un traitement à part.

Les liens entre la France et l'Algérie sont tout d'abord particulièrement denses. Selon la formule retenue par le Quai d'Orsay, « la relation franco-algérienne est unique par la profondeur des liens humains et historiques entre les deux pays »180(*). Cette proximité se traduit notamment par la présence de plus de 646 000 ressortissants algériens en France - sans compter les binationaux181(*) - et par le dynamisme des flux migratoires. Sur l'année 2023, l'Algérie figure au deuxième rang des États bénéficiant le plus de primo-délivrances de titres de séjour (31 943 primo-délivrances, derrière le Maroc avec 36 648)182(*). En matière économique, l'Algérie était en outre le deuxième partenaire commercial de la France en 2021, avec des échanges commerciaux estimés à environ huit milliards d'euros.

La portée juridique de l'accord du 27 décembre 1968 est ensuite sans commune mesure avec les autres accords de la même catégorie. Il régit en effet complètement les conditions d'accès au séjour, de circulation et d'exercice d'une activité professionnelle des Algériens en France. Ces derniers bénéficient donc d'un régime intégralement dérogatoire en la matière.

Le caractère exceptionnel de l'accord du 27 décembre 1968 tient enfin à son caractère éminemment politique. Au niveau diplomatique, il est un élément structurant des relations bilatérales entre la France et l'Algérie. À l'échelle nationale, cet accord est à l'origine d'importants et vigoureux débats de part et autre de la Méditerranée. Sa pertinence est ainsi régulièrement questionnée sur la scène politique française compte tenu, notamment, du défaut récurrent de coopération de l'État algérien en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. Dans une interview accordée le 6 juin 2023, l'ancien Premier ministre Édouard Philippe a par exemple plaidé pour remettre en cause un accord décrit comme contenant « des stipulations beaucoup plus favorables que le droit commun »183(*), tandis que le groupe « Les Républicains » a déposé le 26 juin 2024 sur le bureau du Sénat une proposition de résolution appelant à sa dénonciation.

Dans ce contexte, la mission d'information estimait indispensable de recueillir le point de vue des autorités algériennes sur ce sujet aussi déterminant que sensible. Elle ne peut que regretter que la demande d'audition transmise aux autorités algériennes n'ait fait l'objet d'aucun retour.

I. L'HISTOIRE DE L'ACCORD : UN STATUT SPÉCIAL QUI S'EST PROGRESSIVEMENT RAPPROCHÉ DU DROIT COMMUN

À l'issue de la guerre d'Algérie, les conditions de circulation, de séjour et de travail des Algériens ont d'abord été fixées directement par les accords d'Évian. Ceux-ci ont affirmé deux principes fondamentaux en matière migratoire :

l'octroi aux ressortissants algériens résidant en France de droits équivalents à ceux des Français, à l'exception des droits politiques184(*) : l'accès au marché du travail était donc ouvert sans formalité particulière ;

une liberté de circulation sans restrictions entre les deux pays : aux termes de l'accord, « sauf décision de justice, tout Algérien muni d'une carte d'identité est libre de circuler entre l'Algérie et la France »185(*).

Ce régime migratoire extrêmement libéral n'est toutefois resté en application que pendant six années avant d'être remplacé par l'accord du 27 décembre 1968, lequel est encore aujourd'hui le fondement juridique des relations migratoires entre la France et l'Algérie. Le préambule de ce dernier accord affirme que son objectif est « d'apporter une solution globale et durable aux problèmes relatifs à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants Algériens sur le territoire français ». Il entend également garantir « un courant régulier de travailleurs, qui tienne compte du volume de l'immigration traditionnelle algérienne en France » ainsi que « la libre circulation des ressortissants algériens se rendant en France sans intention d'y exercer une activité professionnelle salariée ».

Contrairement à une idée aujourd'hui largement répandue, la philosophie qui sous-tendait historiquement cet accord n'était donc pas de libéraliser les flux migratoires entre la France et l'Algérie mais, au contraire, de les réguler davantage. Comme cela a été rappelé au cours des auditions, le régime de libre circulation organisé par les accords d'Évian s'est en effet traduit par l'établissement d'un volume important et largement inattendu d'Algériens en France. Près de 200 000 se seraient ainsi installés sur le territoire national sur leur fondement.

Si l'accord du 27 décembre 1968 est revenu sur le principe de libre circulation totale entre les deux États186(*), il a néanmoins établi un régime extrêmement dérogatoire au droit commun, alors fixé par l'ordonnance du 2 novembre 1945. L'équilibre initialement défini reposait en priorité sur l'immigration de travail, avec la mise en place d'un contingent d'Algériens autorisés annuellement à venir travailler en France. Le regroupement familial était largement facilité, de même que l'admission au séjour des ressortissants Algériens ne souhaitant pas exercer d'activité salariée (voir encadré infra). En pratique, l'accord originel a également instauré un titre de séjour exclusif aux ressortissants Algériens : le certificat de résidence. Celui-ci est encore à ce jour le seul document de séjour délivré aux Algériens.

L'équilibre initial de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968

· S'agissant de l'immigration économique : l'article 1er fixait un contingent de 35 000 Algériens autorisés à venir travailler en France chaque année, ce nombre étant révisable tous les trois ans. Ceux-ci disposaient de neuf mois pour trouver un emploi avant de se voir délivrer un certificat de résidence. En cas d'échec dans la recherche d'emploi, ils étaient considérés comme « oisifs » et soumis à l'obligation de retourner en Algérie. Les artisans et commerçants bénéficiant de la liberté d'installation, ils n'étaient par ailleurs pas compris dans ce contingent.

· S'agissant de l'immigration familiale : le regroupement familial était ouvert par l'article 4 sous réserve de la présentation d'une attestation de logement et d'un certificat médical mais sans condition d'ancienneté de la résidence. Le certificat de résidence délivré était de même validité que celui dont bénéficie le regroupant, ce qui est toujours le cas aujourd'hui.

· S'agissant de l'immigration étudiante : les étudiants avaient droit à certificat de résidence d'une durée d'un an sans restrictions particulières (protocole, titre IV).

· S'agissant des autres motifs : le ressortissant algérien ne souhaitant pas exercer d'activité salariée et justifiant de moyens d'existence suffisants se voyait délivrer de droit un certificat de résidence (article 5). Il en allait de même pour les Algériens qui résidaient en France antérieurement à la publication de l'accord (article 6).

L'accord a par la suite fait l'objet de trois avenants, qui ont eu pour effet de rapprocher le statut spécial dont bénéficient les Algériens du droit commun187(*). Si les deux premiers avenants n'ont pas été ratifiés selon les règles constitutionnelles applicables188(*), le Conseil d'État a néanmoins estimé que la ratification parlementaire du troisième avait nécessairement eu pour effet d'approuver l'accord initial et ses modifications successives189(*).

Comme l'a indiqué la direction de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient (DANMO) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères au cours de son audition par les rapporteurs, le premier avenant du 22 décembre 1985 a notamment subordonné l'admission au séjour à de nouvelles conditions de ressources et a précisé les critères de délivrance des certificats de résidence. Cette première modification a par ailleurs soumis les Algériens non titulaires d'un certificat de résidence à l'obligation de présentation d'un visa pour leurs courts séjours et a aligné la durée de validité des certificats de résidence sur le droit commun des étrangers (un ou dix ans selon les cas). Le dispositif de contingentement des travailleurs a par ailleurs été supprimé.

Le deuxième avenant du 28 septembre 1994 visait à prendre en considération les modifications intervenues à la suite de l'adoption de la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, dite « loi Pasqua ». Il a concrètement étendu l'obligation de visa aux longs séjours et précisé le régime applicable aux Algériens mineurs ainsi que les conditions de péremption des certificats de résidence.

Le troisième avenant du 11 juillet 2001 a enfin fait suite à l'adoption de la loi n° 98-349 dite « Chevènement » du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile. Il visait, d'une part, à permettre aux ressortissants algériens de bénéficier des titres de séjour nouvellement créés190(*). D'autre part, il poursuivait l'entreprise de rapprochement avec le droit commun. Le régime du regroupement familial a notamment été totalement aligné sur les dispositions générales applicables à cette date191(*). Cette volonté de rapprochement se retrouve également dans les modifications relatives aux conditions d'obtention d'un titre de séjour de dix ans pour les conjoints de Français, à l'accès à l'emploi des étudiants et à l'admission au séjour pour bénéficier de soins médicaux en France.

Ses modifications successives illustrent bien les difficultés résultant de la rigidité des accords internationaux. À l'instar des accords relatifs aux conditions de séjour étudiés précédemment, les régimes dérogatoires ainsi instaurés deviennent rapidement obsolètes si des avenants ne sont pas régulièrement conclus. La doctrine est sans ambiguïté sur ce point : « [l'accord] s'est vite retrouvé être un cadre inadapté aux évolutions extrêmement rapides de notre droit. Car si une simple loi peut modifier profondément les conditions d'admission au séjour, les stipulations conventionnelles ne peuvent être réformées qu'après de lourdes négociations et une procédure de ratification à la durée incertaine, au point que l'on peut se demande aujourd'hui quel est l'intérêt de maintenir ce système dérogatoire »192(*).

II. LA PORTÉE DE L'ACCORD : UN RÉGIME DATÉ, MAJORITAIREMENT FAVORABLE AUX RESSORTISSANTS ALGÉRIENS

A. UNE PORTÉE JURIDIQUE SANS ÉQUIVALENT

1. Un accord qui régit complètement les conditions d'accès au séjour, de circulation et d'exercice d'une activité professionnelle des Algériens

En termes juridiques193(*), parmi les accords internationaux en matière migratoire, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est sans aucun doute celui dont la portée est la plus importante. Alors que les autres accords conclus à cette période ne s'écartent que modérément du droit commun, l'accord du 27 décembre 1968 établit un régime intégralement dérogatoire sur des pans entiers du droit des étrangers. Selon une formule régulièrement répétée par le Conseil d'État, l'accord « régit [ainsi] d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France » 194(*).

De fait, l'accord ne renvoie pas aux conditions du droit commun pour les points qu'il ne règle pas. Il en ressort que les dispositions de droit commun ne sont par principe pas applicables aux ressortissants algériens lorsqu'elles relèvent d'un domaine traité par l'accord. En matière d'admission au séjour, l'administration n'est par exemple pas tenue d'examiner une demande fondée sur d'autres motifs que ceux énumérés par l'accord, y compris lorsque le droit commun est mieux-disant195(*).

Les ressortissants algériens peuvent en revanche se prévaloir de la CEDH et notamment de son article 8 dès lors que l'objet du titre de séjour se rapporte aux droits au respect de la vie privée et familiale196(*).

Selon une jurisprudence constante, seules les dispositions de droit commun de portée générale et qui ne sont pas incompatibles avec une disposition de l'accord du 27 décembre 1968 s'appliquent donc aux Algériens. Il en va ainsi des dispositions de nature purement procédurales. Selon un considérant de principe du Conseil d'État : « [l'accord] n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles de l'ordonnance du 2 novembre 1945 »197(*). À titre d'exemple, les « textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne d'une activité professionnelle » sont donc applicables aux Algériens198(*), de même que les dispositions du Ceseda relatives à la saisine de la commission du titre de séjour199(*).

Dans ce contexte, la jurisprudence joue un rôle fondamental dans la détermination des règles concrètement applicables aux ressortissants Algériens. L'intervention du Conseil d'État a notamment été déterminante pour trancher deux points :

l'applicabilité de la clause d'ordre public : l'administration conserve sa faculté de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence d'un an pour un motif d'ordre public, quand bien même l'accord du 27 décembre 1968 ne prévoit des possibilités de retrait qu'en cas de fraude200(*). Selon la DGEF, le régime demeure néanmoins « plus restrictif que les dispositions de droit commun en matière de refus, retraits et dégradations de titres de séjour ». Il n'existe ainsi pas de fondement juridique pour refuser le renouvellement d'un certificat de résidence de dix ans, même en cas de menace grave pour l'ordre public. Le cas échéant, seule la procédure d'expulsion peut être légalement mobilisée ;

l'éligibilité des Algériens à l'admission exceptionnelle au séjour : ces derniers ne peuvent se prévaloir de ce dispositif, même si l'autorité administrative, en vertu de son pouvoir général d'appréciation, demeure libre de délivrer un certificat de résidence de manière discrétionnaire, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé201(*).

En revanche, les ressortissants algériens sont bien soumis aux dispositions du Ceseda dans ceux des champs du droit étrangers qui ne sont pas mentionnés dans l'accord. C'est notamment le cas s'agissant de l'éloignement où de l'exercice du droit d'asile, pour lesquels le droit commun s'applique.

2. Un régime dérogatoire qui fait figure d'exception au Maghreb

L'accord du 27 décembre 1968 fait figure d'exception au Maghreb, et ce alors même que les enjeux migratoires sont également importants avec la Tunisie et le Maroc.

a) L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : des dérogations limitées au droit commun

L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne s'écarte désormais qu'à la marge du droit commun, après sa modification à trois reprises depuis son entrée en vigueur. La dernière révision opérée par l'accord de gestion concertée et de codéveloppement du 28 avril 2008 a permis de revenir sur les stipulations les plus dérogatoires au droit commun, en particulier celle qui prévoyait une admission au séjour de droit à compter de dix ans de résidence habituelle sur le territoire national202(*).

Outre des dispositions transitoires, les principales dérogations au droit commun que contient encore cet accord sont les suivantes203(*) :

une voie d'accès au séjour salarié pour les travailleurs dans les métiers en tension : la situation de l'emploi ne fait pas obstacle à la délivrance d'un titre de séjour d'un an pour exercer une activité figurant dans la liste désormais annexée à l'accord de gestion concertée de 2008 ;

un régime de regroupement familial légèrement plus favorable : un titre de séjour de même nature que celui du regroupant est délivré aux regroupés. L'accord précise par ailleurs que le regroupement familial autorise l'accès au marché du travail ;

des motifs d'admission au séjour pour motif familial légèrement aménagés : la principale originalité de l'accord réside dans le fait qu'il fixe intégralement les conditions de délivrance des cartes de résident de 10 ans dites « simples », parfois dans des sens légèrement plus favorables que le droit commun. En revanche, ce dernier s'applique s'agissant de la délivrance des cartes de séjour temporaire familiale non mentionnées par l'accord.

L'ensemble de ces dispositifs sont par ailleurs pleinement réciproques. Ils s'appliquent aux ressortissants français requérant l'admission au séjour en Tunisie. Par comparaison, l'accord du 27 décembre 1968 ne régit que la situation des Algériens en France.

L'exécution de cet accord ne semble pas être à l'origine de difficultés majeures. L'ambassade de France en Tunisie a ainsi précisé que, d'un côté, « la dynamique des relations humaines entre la Tunisie et la France, et notamment des mobilités professionnelles, justifie la facilitation de délivrance de titres de séjour de longue durée pour les personnes justifiant de plusieurs années de séjour régulier dans un cadre professionnel, ainsi que pour leurs familles » et, de l'autre, que « la partie tunisienne [était] globalement satisfaite de ces dispositions ». Les quelques difficultés constatées de part et d'autre résulteraient avant tout de lenteurs administratives dans l'émission des titres.

En termes statistiques, l'immigration tunisienne est principalement économique (39 % des visas long séjour délivrés en 2023). Selon l'ambassade de France en Tunisie « la très grande majorité des titres de séjour pour motifs économiques concernent [par ailleurs] les métiers en tension tels qu'inclus dans l'accord de gestion concertée de 2008 ». La mission d'information relève que cette situation répond davantage à l'ambition française de favoriser l'immigration économique que précédemment. Une actualisation de la liste des métiers en tension figurant dans l'annexe de l'accord de 2008 serait néanmoins bienvenue.

Titres de séjours délivrés annuellement aux ressortissants tunisiens
dans le champ de l'accord de 1988
(2014-2023)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Regroupement familial

1 697

1 590

1 459

1 500

1 676

1 643

1 736

2 017

2 221

1 839

CST vie privée familiale

2600

2 483

2 337

2 261

2 351

2 366

2 271

2 523

2 640

2 441

Carte de résident

1 815

1 674

1 480

1 484

1 508

1 403

1 336

1 600

1 646

1 102

Source : DGEF

b) L'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : un quasi-alignement sur le droit commun

L'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 facilite quant à lui l'accès au séjour pour des motifs professionnels des ressortissants marocains en France, et réciproquement. Les quelques divergences avec le droit commun recensées sont particulièrement mineures.

Outre une disposition transitoire visant les personnes bénéficiant d'un titre de séjour longue durée à la date d'entrée en vigueur de l'accord204(*), l'accord facilite surtout l'admission au séjour pour motif professionnel. Ainsi, un titre de séjour d'un an est délivré sur présentation d'un contrat de travail et après contrôle médical. Comme l'a confirmé la DGEF au cours de son audition, l'ensemble des titres salariés valables un an sont donc régis par cet accord. Leur nombre demeure toutefois modeste ; environ un millier de titres de cette nature ont été annuellement délivrés sur les dix dernières années.

Les intéressés peuvent bénéficier d'un titre de dix ans, renouvelable de plein droit, à compter du troisième renouvellement. Il est précisé qu'il est statué sur la demande « en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence ». Ce régime est plus favorable que le droit commun français qui limite principalement le bénéfice d'une carte de résident aux motifs familiaux ainsi qu'aux réfugiés et conditionne celui d'une carte de résident longue durée
- UE à un séjour de 5 ans. En termes statistiques, les outils existants ne permettent néanmoins pas d'isoler celles des cartes de résident qui sont délivrées en application de cet accord.

En cas de regroupement familial, le regroupé est autorisé à séjourner en France dans les mêmes conditions que le regroupant. Il bénéficie donc d'un titre de même nature qui l'autorise à exercer une activité professionnelle sans que la situation de l'emploi ne lui soit opposable. Les professions règlementées sont en revanche exclues du dispositif.

Titres de séjours délivrés annuellement aux ressortissants marocains
dans le champ de l'accord de 1987
(2014-2023)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Regroupement familial

3 086

2 293

2 869

2 544

2 754

2 550

2 362

3 317

2 830

2 794

Carte de séjour temporaire « salarié »

790

813

884

853

969

1 096

1 112

1 258

1 082

1 147

Carte de résident

2 893

2 793

2 670

2 481

2 507

2 314

1 906

2 585

2 332

1 976

Source : DGEF

B. UN STATUT SPÉCIAL POUR L'ESSENTIEL FAVORABLE AUX ALGÉRIENS

Si les avenants successifs à l'accord du 27 décembre 1968 ont rapproché le statut spécial dont bénéficient les Algériens du droit commun, cette dynamique s'est interrompue par la suite. La dernière révision de l'accord date d'il y a plus de vingt ans, si bien que les modifications législatives intervenues depuis lors en matière d'admission au séjour ne sont pas applicables aux Algériens. Alors que les deux régimes de regroupement familial étaient identiques en 2001, ce n'est par exemple plus le cas aujourd'hui.

Si la comparaison des deux régimes laisse entrevoir des similarités, de nombreuses divergences subsistent. En particulier, les Algériens ne peuvent toujours bénéficier que de deux catégories de titres de séjour : les certificats de résidence valables un an ou dix ans.

La question du caractère favorable (ou non) du régime dérogatoire dont bénéficient les Algériens est âprement débattue. La comparaison ligne à ligne des stipulations figurant dans l'accord du 27 décembre 1968 avec le droit commun effectuée par la mission d'information laisse pourtant peu de place au doute. D'un côté, les Algériens bénéficient majoritairement de règles plus favorables, voire beaucoup plus favorables que le droit commun. D'un autre côté, il ne peut être nié l'accord est ponctuellement moins-disant que les règles fixées par le Ceseda. La mission d'information relève néanmoins que les stipulations pouvant être considérées comme défavorables aux Algériens sont peu nombreuses et concernent pour l'essentiel des points mineurs de l'accès au séjour. Celles-ci ne sauraient donc remettre en cause le constat général d'un régime très avantageux pour les Algériens. La mission d'information relève par ailleurs que cette conclusion a fait l'objet d'un important consensus au cours de ses auditions.

Concrètement, les avantages tirés des dérogations instituées par l'accord du 27 décembre 1968 sont variables selon le motif d'admission au séjour.

Schématiquement, le régime établi par l'accord est très favorable aux Algériens en matière d'immigration familiale - la DGEF qualifie elle-même ces conditions de « très avantageuses » -, plutôt favorable s'agissant de l'immigration professionnelle et très légèrement défavorable pour ce qui est de l'immigration étudiante. L'évaluation conduite en 2023 par Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère dans le cadre des travaux budgétaires de la commission des lois a permis d'identifier les points les plus saillants de cette comparaison205(*). Il en résulte que les quatre principaux points apparaissant comme plus favorables aux Algériens que le droit commun sont les suivants : l'existence de voies autonomes d'accès au séjour, des conditions de délivrance plus souples pour certains titres, un accès facilité aux titres de séjour de longue durée ainsi qu'un régime de regroupement familial plus souple. A contrario, ces travaux ont mis en relief que la comparaison était plutôt en défaveur des Algériens sur les quatre points suivants : un régime des visas moins diversifié ; une admission au séjour pour motif étudiante moins avantageuse, l'absence de titre pluriannuel intermédiaire et l'inapplicabilité de dispositions permettant la délivrance immédiate d'un titre de longue durée.

Le travail sur les textes et les auditions menées par les rapporteurs dans le cadre de la mission d'information ont permis de conforter pleinement cette appréciation.

En complément de ces éléments transversaux, une comparaison point par point des deux régimes d'admission au séjour figure dans le tableau n°1 présenté en annexe. Si l'énumération de l'ensemble des dérogations qui y sont retranscrites serait fastidieuse, les plus favorables d'entre elles méritent néanmoins d'être citées in extenso, en particulier en matière d'immigration familiale.

Comme l'ont rappelé d'une même voix la DGEF et l'ambassadeur chargé des migrations au cours de leurs auditions, les dérogations sont particulièrement avantageuses pour les Algériens s'agissant :

des conjoints de français : ils ne sont pas soumis à l'obligation de présenter un visa long séjour et l'absence de communauté de vie entre les époux ne leur est pas opposable lors de la primo-délivrance d'un certificat de résidence d'un an. Ils obtiennent par ailleurs de droit un certificat de résidence de dix ans après un an de mariage, contre trois ans dans le droit commun ;

des parents d'enfants français : ils obtiennent un certificat de résidence d'un an s'ils exercent même partiellement l'autorité parentale ou s'ils subviennent effectivement aux besoins de l'enfant, alors que ces conditions sont cumulatives dans le Ceseda. En outre, un certificat de résidence de dix ans est délivré dans les mêmes conditions au bout d'un an, contre cinq ans dans le droit commun ;

du regroupement familial : la condition de résidence pour le regroupant est d'un an contre 18 mois en droit commun et, surtout, le titre délivré au regroupé est identique à celui du regroupant. Il en résulte qu'un certificat de résidence valable dix ans peut être primo-délivré. Le calcul de la condition de ressources est également plus avantageux en ce que l'exclusion de certaines prestations et allocations ne s'applique pas aux Algériens ;

du régime d'admission au séjour des Algériens établis en France de longue date : un certificat de résidence valable dix ans peut ainsi être délivré par l'administration au bout de trois ans de séjour régulier contre en général cinq dans le droit commun. La délivrance de droit d'un certificat de résidence d'un an pour les Algériens justifiant de dix ans de présence habituelle en France s'apparente quant à elle à un droit à la régularisation sans équivalent206(*).

En matière professionnelle, la DGEF a également rappelé que les ressortissants algériens souhaitant exercer en France une activité commerciale, artisanale ou industrielle obtiennent un certificat de résidence d'un an portant la mention « commerçant ». Juridiquement, l'administration ne peut toutefois vérifier la viabilité économique du projet et la possibilité d'en retirer des moyens d'existence suffisants. Selon la DGEF « les préfectures relèvent [en conséquence] de nombreux détournements de son objet notamment par les étudiants arrivant en fin de cursus ou n'ayant pas obtenu leur diplôme ».

La DGEF a par ailleurs rappelé que « certaines modalités de délivrance de titre prévues dans le droit commun ne sont pas applicables [aux ressortissants algériens], telles que le respect des conditions d'intégration républicaine lors de la délivrance d'un CRA de dix ans ou la signature du contrat d'intégration républicaine ». Doivent par ailleurs être ajoutés à cette liste les éléments précités s'agissant des marges de manoeuvre limitées de l'administration en matière de refus, retraits et dégradations des certificats de résidence.

À l'inverse, certaines dérogations au droit commun sont en défaveur des ressortissants algériens. En matière de visas, ces derniers ne bénéficient tout d'abord pas des « VLS-TS »207(*) et doivent donc systématiquement solliciter un certificat de résidence au cours de la période de validité de leur visa d'entrée.

Du point de vue de la nature des titres de séjour qui leur sont ensuite accessibles, les Algériens ne peuvent prétendre à aucun titre pluriannuel « intermédiaire » ; seuls des certificats de résidence d'un an ou de dix ans peuvent leur être délivrés. Alors que les ressortissants d'autres États peuvent prétendre à une carte de séjour pluriannuelle valable quatre ans à l'issue de leur première année de séjour, les Algériens doivent en conséquence procéder à des renouvellements annuels jusqu'à ce qu'ils puissent prétendre à un certificat de résidence valable dix ans. Un autre exemple régulièrement cité est celui de l'inéligibilité au dispositif des « cartes talents », dont la DGEF a rappelé qu'il était « particulièrement avantageux pour les publics d'attractivité, puisqu'il permet de déroger à la procédure de regroupement familial et d'obtenir une carte de séjour pluriannuelle dès la première délivrance ».

Si l'on examine ensuite les motifs d'admission au séjour, les étudiants sont ceux qui semblent être le plus objectivement défavorisés par l'accord du 27 décembre 1968. Le certificat de résidence « étudiant » ne vaut en effet pas autorisation de séjour et, le cas échéant, les étudiants ne peuvent travailler que dans la limite de 50 % de leur temps contre 60 % dans le droit commun. Surtout, la carte de séjour pluriannuelle « étudiant » n'a pas d'équivalent dans l'accord de 1968, ce qui contraint les étudiants Algériens à solliciter annuellement un renouvellement de leur certificat de résidence.

La mission d'information considère que ces éléments sont trop ponctuels et limités pour modifier la conclusion selon laquelle le régime établi par l'accord du 27 décembre 1968 est favorable aux Algériens.

C. UNE IMMIGRATION ALGÉRIENNE UNIQUE PAR SON AMPLEUR ET SA NATURE

L'analyse de l'exécution de l'accord franco-algérien appelle deux observations principales.

L'immigration algérienne se distingue premièrement de la plupart des autres flux par son volume. Près d'un titre primo-délivré chaque année sur dix l'est à un ressortissant algérien, tandis que les certificats de résidence en cours de validité représentent plus de 15 % du stock de titres valides. Pour instructives qu'elles soient, ces données doivent néanmoins être analysées avec prudence. D'une part, l'intensité de l'immigration algérienne résulte très probablement plus de la profondeur des liens historiques entre la France et l'Algérie et de l'importance de la diaspora présente en France que de l'accord lui-même. D'autre part, ces proportions ont connu une modeste diminution sur la période récente.

Part des certificats de résidence délivrés aux Algériens dans les primo-délivrances de titres de séjour et dans le stock de titres valides (2019-2023)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Primo-délivrances de titres

287 503

229 388

282 772

318 926

326 954

Dont Algériens

27 452

23 939

25 925

29 271

31 943

En %

9,5 %

10,4 %

9,2 %

9,2 %

9,8 %

Stock de titres valides

3 411 241

3 426 309

3 569 298

3 833 443

4 003 718

Dont certificats de résidence

590 320

599 397

584 431

599 255

614 835

En %

17,3 %

17,5 %

16,4 %

15,6 %

15,4 %

Source : Commission des lois, à partir des données publiées par le ministère de l'intérieur

Surtout, l'immigration algérienne se distingue des autres par sa nature, à savoir une immigration principalement familiale et d'installation. Ce point a notamment été évoqué en ces termes par le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors de son audition devant la commission des lois le 27 novembre 2024. Selon lui, les avantages découlant de l'accord du 27 décembre 1968 en matière d'immigration familiale ont « profondément structuré l'immigration algérienne en une immigration d'installation, au contraire des immigrations marocaine et tunisienne, aujourd'hui davantage économiques et estudiantines ». Les indicateurs statistiques transmis à la mission d'information sont à cet égard sans appel. Selon la DGEF, l'immigration familiale représente 55 % des premiers titres délivrés à des ressortissants algériens en 2022 (15 527), contre seulement 34% pour les ressortissants marocains et 40% pour les ressortissants tunisiens.

III. L'AVENIR DE L'ACCORD : UNE QUESTION QUI NE PEUT PLUS ÊTRE ÉLUDÉE

La nécessité de mettre fin au statu quo fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus. La commission considère en effet que les avantages dont bénéficie l'Algérie en matière migratoire n'ont plus de justification évidente en 2025. Le maintien de ce régime de faveur semble par ailleurs d'autant moins justifié qu'il ne s'accompagne pas d'une coopération satisfaisante en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, bien au contraire. Considérant l'achoppement de l'ensemble des discussions conduites depuis 2001 pour l'adoption d'un nouvel avenant et l'absence durable de progrès en matière de retours, la nécessité de faire évoluer ce régime justifie dès lors l'établissement d'un rapport de force.

Dans ce contexte, la commission a estimé qu'une solution négociée devait être envisagée en priorité mais que, dans l'hypothèse d'un échec, la France ne devait pas s'interdire de mettre unilatéralement fin à l'application de l'accord pour laisser le droit commun s'appliquer. Juridiquement, la commission souscrit en effet à l'analyse selon laquelle rien ne s'oppose à une dénonciation unilatérale et que celle-ci entraînerait l'application du droit commun aux ressortissants algériens. Une telle mesure aurait un coût diplomatique, politique et économique important et ne saurait donc être envisagée qu'en toute dernière extrémité. Par cohérence, l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service devrait alors également être dénoncé

A. LA RENÉGOCIATION DE L'ACCORD, UNE VOIE À PRIORISER EN DÉPIT DE NOMBREUX OBSTACLES

Dans ce contexte, la conclusion d'un quatrième avenant semble a priori constituer la voie la plus rationnelle. De fait, les deux parties ont des revendications légitimes s'agissant de l'évolution de l'accord du 27 décembre 1968. La France souhaiterait revenir sur celles des dispositions qui sont les plus dérogatoires du droit commun en matière d'admission au séjour et retrouver des marges de manoeuvre s'agissant des refus et retraits de titres pour des motifs d'ordre public. L'Algérie aspire, quant à elle, à ce que les dernières évolutions de la législation sur les étrangers puissent être applicables à ses ressortissants, en particulier s'agissant des « cartes talents ». Ces demandes ne semblent a priori pas incompatibles.

L'avantage évident de la solution négociée est par ailleurs de s'épargner les inévitables mesures de rétorsion diplomatiques, économiques et stratégiques qui découleraient d'une remise en cause unilatérale de l'équilibre (ou du déséquilibre) actuel. Si elle ne présente aucune garantie de succès sur le plan de la modification de l'accord, cette approche aurait au moins le mérite de préserver une relation franco-algérienne précieuse pour les deux États mais qui a connu de fortes turbulences sur la période récente.

S'exprimant en son nom, l'ancienne ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des français de l'étranger Sophie Primas a défendu cette position lors de son audition devant la commission le 3 décembre 2024. Les termes qu'elle a utilisés pour résumer l'équation sont limpides : « Trois options s'ouvrent à nous : le statu quo, la négociation d'un avenant, la dénonciation. Chacune doit être pesée en considération de l'ensemble des intérêts en présence : intérêts migratoires, mais aussi intérêts économiques, politiques et diplomatiques. Compte tenu de la place qu'occupe l'accord dans la relation bilatérale franco-algérienne, nous ne pouvons ignorer que du choix retenu dépendra en grande partie le visage que prendra cette relation, laquelle est importante pour nous du point de vue tant humain que stratégique, sécuritaire et migratoire. Toute décision doit donc faire l'objet d'une concertation entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur. À titre personnel, je pense que la négociation d'un avenant constitue la meilleure option, afin de préserver nos intérêts avec l'Algérie, qui ne disparaîtront pas en dépit des crises, et de nous diriger vers un nouvel équilibre entre immigration familiale et immigration des chercheurs et des entrepreneurs ».

Selon les informations recueillies par la mission d'information, des discussions avaient effectivement été récemment engagées sur ce point. L'ambassade de France en Algérie a ainsi confirmé que, à l'occasion de la cinquième session du Comité intergouvernemental de Haut-Niveau (CIHN) en octobre 2022, les deux parties avaient convenu de réactiver le groupe technique bilatéral de suivi de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en vue de l'élaboration, le moment venu, d'un quatrième avenant. Ces discussions, par ailleurs encore préliminaires, semblent toutefois avoir été interrompues par la suite.

B. LA DÉNONCIATION DE L'ACCORD, UNE HYPOTHÈSE DE DERNIER RESSORT MAIS QUI NE DEVRAIT PLUS ÊTRE ÉCARTÉE

1. La nécessité de mettre un terme au statu quo

Si la commission soutiendrait sans réserve toute initiative visant à relancer les négociations pour la conclusion d'un nouvel amendement, elle considère en revanche que d'autres voies doivent être explorées. Les discussions sur le sujet semblent aujourd'hui gelées et l'hypothèse d'une reprise à moyen terme peu crédible. Alors que la relation bilatérale entre la France et l'Algérie a déjà connu de nombreux soubresauts sur la période récente, la dernière évolution de la position de la France sur le dossier du Sahara occidental semble avoir ouvert une crise durable. Pour rappel, l'Algérie a rappelé son ambassadeur en France en réaction à cette nouvelle position française. Si la conclusion d'un nouvel avenant à l'accord du 27 décembre 1968 serait donc effectivement la méthode la plus appropriée en matière migratoire, elle est donc à ce jour probablement illusoire.

Il semble pourtant impératif de se donner les moyens de mettre un terme au statu quo, et ce pour au moins quatre raisons.

Premièrement, la commission souscrit à la théorie selon laquelle les dérogations très avantageuses octroyées par l'accord du 27 décembre 1968 n'ont plus de justification historique évidente. Les circonstances ayant présidé à la conclusion de cet accord ne sont aujourd'hui plus réunies. Il semblerait dès lors naturel de le faire évoluer, comme cela a pu être fait au demeurant avec l'État tunisien. Si elle semble parfois perçue comme telle en Algérie, la délivrance d'un visa ou l'admission au séjour n'a rien d'un droit et la France est légitime à vouloir faire évoluer un accord dont les stipulations datées lui sont objectivement défavorables.

Deuxièmement, l'accord du 27 décembre 1968 semble effectivement favoriser une immigration d'installation qui ne correspond pas aux priorités établies par la France en matière migratoire. Si la mission d'information admet que la prégnance de l'immigration familiale découle de facteurs historiques, l'écart avec les autres pays du Maghreb laisse néanmoins dubitatif. Pour rappel, l'immigration familiale représente plus de la moitié du total pour l'Algérie (55 %) contre un peu moins d'un tiers pour le Maroc (30 %).

Ce régime de faveur est troisièmement d'autant plus injustifié qu'il ne s'accompagne aucunement d'un surcroît de coopération en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. Le constat d'une coopération très largement insuffisante est ainsi très régulièrement réitéré par la commission des lois208(*). Il s'agit pourtant d'un enjeu majeur, dès lors que les Algériens représentent aujourd'hui plus du quart des étrangers interpellés en situation irrégulière et que les taux de délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais demeurent très insatisfaisants.

Nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière par nationalité

 

2020

2021

2022

2023 (S1)

Total

107 515

120 898

119 386

62 793

Algérienne

16 450

25 056

32 565

17 107

Marocaine

8 712

10 219

10 077

5 534

Tunisienne

7 064

8 219

9 624

6 204

Afghane

4 699

4 497

5 233

2 215

Source : Réponses au questionnaire budgétaire pour le PLF pour 2024

Du reste, le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, a souligné le même paradoxe au cours de son audition devant la commission : « en 2023, 209 708 visas ont été accordés, soit une hausse de 60 % par rapport à 2022. À titre de comparaison, l'an dernier, moins de 2 000 laissez-passer consulaires ont été accordés [...] Dans les centres de rétention administrative (CRA), 40 % des retenus ont la nationalité algérienne. Il y a donc un problème ».

Une coopération consulaire à géométrie variable

 

Mesures éloignement prononcées

Mesures éloignement exécutées*

Demandes LPC instruites

Taux de reconnaissance de la nationalité

Taux de délivrance dans les délais

 

2023

Algérie

25 737

2 562

3 193

47,1 %

34,9 %

Maroc

10 953

1 104

994

55,1 %

37,1 %

Tunisie

12 006

887

1 214

47,4 %

33,9 %

 

2022

Algérie

27 645

1 876

2 092

66,4 %

46 %

Maroc

10 654

945

656

63,3 %

54,4 %

Tunisie

10 516

785

727

62,2 %

43,9 %

 

2021

Algérie

21 452

754

927

51,7 %

5,8 %

Maroc

9 701

844

775

62,3 %

43,1 %

Tunisie

8 446

621

865

58,4 %

41 %

 

2020

Algérie

16 238

828

1 118

50 %

28,2 %

Maroc

8 596

750

438

49,5 %

37,2 %

Tunisie

6 976

531

616

55 %

39,4 %

 

2019

Algérie

15 828

2 352

2 027

64,1 %

56,3 %

Maroc

9 224

1 561

1 073

63 %

56,7 %

Tunisie

7 271

1 276

1 181

63,2 %

52,8 %

 

2018

Algérie

13 905

1 866

1 918

57,6 %

47,3 %

Maroc

8 458

1 443

909

56,3 %

41,8 %

Tunisie

6 705

974

1 176

53 %

38,9 %

* Hors départs volontaires aidés et départs spontanés

Source : DGEF, rapports remis au Parlement en application de l'article L. 111-10 du Ceseda

Quatrièmement, il apparaît à tout le moins étonnant qu'un tel régime de faveur soit accordé aux ressortissants d'un État qui utilise régulièrement la France comme bouc émissaire dans ses discours, y compris en guise de diversion vis-à-vis de ses propres défaillances. Les auditions conduites par la mission d'information ont ainsi démontré à quel point la France pouvait encore être ouvertement, violemment et régulièrement montrée du doigt dans les prises de parole du pouvoir algérien. S'il est fondamental de distinguer l'État algérien et les Algériens eux-mêmes, il n'en demeure pas moins paradoxal qu'un régime aussi favorable en matière migratoire puisse être maintenu face à des discours aussi vigoureux.

La commission ne peut que constater la nouvelle détérioration dans les relations avec la partie algérienne, avec le rappel de l'ambassadeur Saïd Moussi, le traitement infligé à Boualem Sansal, bi-national franco-algérien, la convocation de l'ambassadeur de France en Algérie, ainsi que les difficultés rencontrées dans l'expulsion vers l'Algérie d'influenceurs auteurs de troubles à l'ordre public.

2. La dénonciation unilatérale : une hypothèse désormais ouvertement évoquée

Partant de ce bilan, il est frappant de constater que l'hypothèse d'une dénonciation unilatérale de l'accord franco-algérien, longtemps évoquée à mots feutrés, est désormais ouvertement envisagée dans le débat public, et ce y compris de la part de personnalités de premier plan.

L'une des prises de position les plus notables en la matière est celle de Xavier Driencourt, qui a exercé à deux reprises les fonctions d'ambassadeur de France en Algérie. Dans une note publiée en mai 2023209(*), celui-ci a appelé à une dénonciation unilatérale de l'accord du 27 décembre 1968 dans les termes suivants : « On peut se demander quel intérêt nous aurions à prolonger un tel régime au bénéfice d'un État qui, de son côté ne respecte pas les obligations qui lui incombent, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des laissez-passer consulaires, indispensable à l'exécution des OQTF. Plus généralement, on ne voit plus les raisons pour lesquelles nous devrions maintenir un tel dispositif dérogatoire alors que le contexte politique global et les conditions économiques ont si profondément changé [...] La spécificité algérienne, sous la forme de ces droits exorbitants accordés aux Algériens au nom de l'histoire n'a plus de raison d'être au XXIe siècle ».

Lors de son audition devant la commission le 27 novembre 2024, le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau, s'exprimant en son nom personnel, a défendu une position tout aussi tranchée : « À titre personnel, je suis favorable à la dénonciation de cet accord, car il est question de droits exorbitants du droit commun et de dérogations que plus rien ne justifie. L'Algérie vole de ses propres ailes depuis de nombreuses années, et c'est tant mieux : peut-être que nos deux pays pourraient se rendre mutuellement service en s'oubliant un peu l'un l'autre, notamment en matière d'accords migratoires ».

L'opportunité de dénoncer cet accord a par ailleurs d'ores et déjà fait l'objet d'un débat parlementaire. En juin 2023, des propositions de résolution appelant à une telle dénonciation ont ainsi été déposées simultanément par les groupes « Les Républicains » de l'Assemblée nationale et du Sénat210(*). Les arguments avancés en appui de cette démarche reprenaient la même tonalité. Cette proposition a été discutée le 7 décembre 2023 à l'Assemblée nationale, dans le cadre d'une niche parlementaire211(*).

3. De nombreuses variables à prendre en considération
a) En matière migratoire, un effet potentiellement ambivalent

La mission d'information ne remet pas en cause les incertitudes qui entourent les conséquences d'une fin de l'application de l'accord du 27 décembre 1968 en matière migratoire. S'agissant de l'immigration régulière, l'alignement sur le régime du droit commun semble juridiquement certain même si ses effets ne seraient pas immédiats. Comme l'a rappelé l'ancienne ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des français de l'étranger Sophie Primas au cours de son audition, « les effets de cette dénonciation ne seraient pas immédiats, puisqu'un préavis de douze mois à partir de sa notification
- délai reconnu comme raisonnable par la convention de Vienne sur le droit des traités - devrait être respecté »
. D'éventuels ajustements pour traiter les situations en cours pourraient par ailleurs s'avérer nécessaires. Concrètement, cet alignement pourrait effectivement contribuer à une meilleure maîtrise de l'immigration familiale, même si un tel rééquilibrage doit être envisagé à moyen terme.

L'impact sur l'immigration irrégulière est quant à lui encore plus incertain, ne serait-ce que parce qu'une dénonciation unilatérale se traduirait probablement par un arrêt complet immédiat de la coopération de la part des autorités algériennes. Il est ainsi plus que probable que plus aucun laissez-passer consulaire ne soit temporairement délivré, comme cela a pu être le cas lors de la « crise des visas ».

Ce risque a notamment été souligné par l'ambassadeur chargé des migrations au cours de son audition : « en cas de dénonciation de l'accord franco-algérien, la baisse de l'immigration familiale qui pourrait en être attendue sera difficile à évaluer, de même que ses répercussions sur le moyen et long terme. En revanche, la charge symbolique et éventuellement politique affectant cette dénonciation devra être assumée sans délai ».

b) Le régime juridique applicable en cas de dénonciation : une question a priori tranchée

La mission d'information est ensuite consciente que l'opportunité d'une dénonciation unilatérale de l'accord du 27 décembre 1968 doit être appréciée au regard de multiples variables, qui ne sont pas toutes d'ordre migratoire. Une première question, a priori tranchée, serait celle du régime applicable aux ressortissants Algériens en matière migratoire à la suite de la dénonciation.

Sur ce point, la mission d'information partage sans réserve l'analyse des services de l'État selon laquelle une dénonciation de l'accord entraînerait l'application du droit commun vis-à-vis des ressortissants algériens. L'hypothèse parfois évoquée d'un retour aux accords d'Évian est en tout état de cause juridiquement infondée, quand bien même les autorités algériennes ne manqueraient probablement pas de la défendre pour des raisons politiques.

Le raisonnement juridique permettant d'aboutir à cette conclusion a été exposé avec minutie par le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors de son audition devant la commission le 27 novembre 2024. Cet exposé, qui ne souffre d'aucune contestation, est reproduit ci-dessous.

« L'accord du 27 décembre 1968 ne comportant pas de clauses de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, c'est le droit international commun qui s'appliquerait, c'est-à-dire, en l'espèce, la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. En vertu de ladite convention, la dénonciation unilatérale d'un traité n'est pas autorisée à l'exception de deux considérations : soit, d'une part, s'il est montré qu'il entrait dans l'intention des parties d'admettre la possibilité d'une dénonciation ; soit, d'autre part, si le droit de dénonciation peut être déduit de la nature du traité.

« L'analyse de nos services est ainsi qu'il pourrait être soutenu que l'accord de 1968 fait partie des traités qui n'ont pas vocation à être perpétuels, comme peuvent l'être les traités de paix ou les traités délimitant les frontières. La matière même de l'accord franco-algérien est en effet bien différente de la fixation des frontières, qui sont là pour toujours, et est davantage liée à un moment de la vie économique et sociale des pays : selon notre analyse juridique, l'accord ne fait donc pas partie de la catégorie des traités qui ne pourraient pas être dénoncés.

« Certes, le texte de l'accord de 1968 fait référence, dans son préambule, à la déclaration de principe des accords d'Évian, les autorités algériennes en tirant la conclusion que la dénonciation du texte équivaudrait à mettre fin auxdits accords. Selon elles, cette dénonciation ramènerait au statu quo ante, c'est-à-dire à la libre circulation entre les deux pays telle qu'elle existait de facto avant l'indépendance.

« Cette analyse est erronée et il serait légitime, d'après la direction juridique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, que la France invoque le droit coutumier tel qu'inscrit dans l'article 59 de la convention de Vienne, en vertu duquel un traité postérieur doit être tenu comme abrogeant un traité antérieur dans l'hypothèse où le traité subséquent réglemente la même matière - en cas d'incompatibilité entre deux traités.

« De toute évidence, le traité de 1968 n'avait pas pour vocation de compléter les accords d'Évian, mais de s'y substituer, car le principe de liberté totale d'installation inscrit dans les accords d'Évian paraissait incompatible avec celui des restrictions et des conditions de séjour. La nature même de l'accord de 1968 bat en brèche l'idée selon laquelle nous pourrions revenir purement et simplement aux accords d'Évian ».

Il ressort de cette analyse, d'une part, qu'aucun obstacle juridique ne s'opposerait à une dénonciation par la France de l'accord du 27 décembre 1968 et, d'autre part, que le droit commun serait alors applicable aux ressortissants algériens. La mission d'information considère ainsi que l'hypothèse d'une application des accords d'Évian n'est pas fondée.

c) Des mesures de rétorsion inévitables dans tous les domaines de coopération

Une seconde question a trait à l'ampleur et à l'effet des mesures de rétorsion que la France pourrait subir de la part des autorités algériennes.

Une telle dénonciation revêtirait probablement l'effet d'une déflagration. Comme cela a été systématiquement exposé au cours des auditions, elle exposerait la France à de multiples mesures de rétorsion de la part de l'État algérien, lequel pourrait probablement arguer du soutien de sa population.

Ces mesures de rétorsion seraient tout d'abord d'ordre diplomatique. Au-delà des manifestations de mécontentement diplomatique usuelles, une mise à l'arrêt de l'ensemble des dispositifs de coopération serait probablement immédiatement actée. Le précédent de la « crise des visas » est particulièrement instructif sur ce point ; il a démontré à quel point l'imposition unilatérale d'une mesure en matière migratoire pouvait affecter l'ensemble de la relation franco-algérienne.

Des conséquences devraient également être attendues sur le plan économique. Il est ainsi probable que l'accès au marché algérien soit réduit pour les exportateurs français. Au niveau stratégique, la coopération sécuritaire franco-algérienne pâtirait sans doute très fortement de cette dégradation des relations diplomatiques, en particulier s'agissant du suivi de la situation au Sahel.

Du reste, le Gouvernement s'est systématiquement appuyé sur ces différents arguments pour défendre son opposition à toute dénonciation unilatérale de l'accord du 27 décembre 1968. L'ancienne secrétaire d'État chargée de l'Europe, Laurence Boone, avait par exemple utilisé les termes suivants en réponse à une question orale à l'Assemblée nationale : « La dénonciation sèche de cet accord n'est pas pertinente, pour des raisons tant juridiques que politiques. Elle ne règlerait absolument pas les difficultés, comme vous le prétendez, mais présenterait au contraire des inconvénients majeurs ; nous serions alors collectivement perdants »212(*).

Les propos de l'ancien ministre délégué au commerce extérieur Olivier Becht lors du débat à l'Assemblée nationale sur la proposition de résolution précitée offrent également un bon résumé de cette approche : « Cette dénonciation nous exposerait à une réaction des autorités algériennes, qui aurait de sérieuses conséquences et pourrait conduire à geler notre dialogue migratoire. Un tel gel mettrait fin à la délivrance des laissez-passer consulaires par les consulats algériens en France... et donc, à la possibilité pour la France de faire réadmettre les ressortissants algériens en séjour irrégulier [...] Nos relations militaires et sécuritaires avec l'Algérie pourraient être affectées par la dénonciation de cet accord, avec des conséquences directes sur la sécurité de la France et des Français, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, les réseaux criminels et l'immigration illégale [...] Par ailleurs, en tant que ministre délégué chargé du commerce extérieur, permettez-moi de rappeler que l'Algérie est notre deuxième partenaire commercial en Afrique et que la France est le deuxième partenaire commercial de l'Algérie. Des entreprises et des emplois français seraient indirectement menacés par la dénonciation de cet accord ; celle-ci n'est donc pertinente ni du point de vue juridique ni du point de vue politique [...] Plutôt que de dénoncer l'accord et d'aller ainsi droit vers une crise politique, diplomatique et migratoire, travaillons, au contraire, à l'amender. C'est la voie de la responsabilité ». 

d) Une réflexion qui doit être élargie à d'autres engagements conclus avec l'Algérie

Si les débats actuels se concentrent principalement sur l'avenir de l'accord du 27 décembre 1968, l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service suscite également nombre d'interrogations.

La question de l'opportunité d'un tel régime d'exemption a en effet été plusieurs fois portée à l'attention de la mission d'information au cours de ses travaux. Compte tenu du contexte évoqué précédemment, on peut en effet s'étonner qu'un tel régime d'exemption, fusse-t-il réciproque, soit considéré comme acquis. Le nombre de passeports diplomatiques ou de service algériens en circulation n'est en outre pas connu. De fait, l'avenir de cet accord est intrinsèquement lié à celui de l'accord du 27 décembre 1968 et ces deux instruments doivent faire l'objet d'une réflexion commune.

Du reste, l'hypothèse d'une dénonciation de cet accord a été ouvertement évoquée le 12 janvier 2025 par Gérald Darmanin, ministre de la justice. Celui-ci a ainsi plaidé pour « supprimer cette facilité », considérant, d'une part, que « « toucher les dirigeants ou la plupart des dirigeants algériens qui ont la position de décision d'humiliation [...] paraît plus intelligent, plus efficace, et peut se faire très rapidement » et, d'autre part, que ces « mesures de rétorsion [auraient l'avantage de ne pas toucher] les 10 % de nos compatriotes qui ont des liens de sang, de sol, de culture, y compris les pieds-noirs ».

L'accord franco-algérien du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service

Celui-ci a remplacé un accord en date du 10 juillet 2007 dont le périmètre était limité aux seuls passeports diplomatiques. Relativement brefs, ses huit articles fixent le principe d'une exemption de visa de court-séjour pour les Algériens ou les Français titulaires d'un passeport diplomatique ou de service se déplaçant - en mission ou à titre privé - sur le territoire de l'autre partie (article 1er et 2). Conformément aux règles du code des visas Schengen, le ou les séjours concernés ne doivent pas excéder 90 jours sur une période totale de 180 jours. Au-delà, les intéressés sont soumis à une obligation de visa (article 3). L'accord comprend par ailleurs des dispositions précisant que :

- les intéressés doivent respecter la législation en vigueur dans l'État partie lors de leur séjour (article 4) ;

- les parties s'informent mutuellement des conditions d'attribution et d'emploi de ces passeports (article 5) ;

- les difficultés d'application de l'accord sont réglées par voie diplomatique (article 6).

Cet accord a été conclu pour une durée indéterminée, avec une possibilité de modification par l'adjonction de protocoles distincts (article 7). Il peut enfin être dénoncé unilatéralement par écrit avec un préavis de 90 jours, ou suspendu totalement ou partiellement par l'une ou l'autre des parties avec une notification par la voie diplomatique (article 8). Le contenu de cet accord est conforme aux standards observés en la matière et n'appelle pas, en tant que tel, d'observation des rapporteurs.

4. La position de la commission : une hypothèse de dernier ressort, mais qui ne peut plus être exclue

Si la commission n'a pas remis en cause la légitimité de ces arguments, elle a néanmoins estimé qu'ils ne pouvaient servir de prétexte à un maintien indéfini du statu quo.

Au niveau diplomatique, force est de constater que la position d'ouverture de la France n'a rien donné et que l'approche coopérative a vécu. En termes migratoires, nul ne peut se satisfaire du maintien d'un régime dont les avantages historiquement datés sont sans équivalent vis-à-vis d'autres États tiers et dont la France ne tire aucune contrepartie. Le niveau de coopération discutable de l'Algérie en matière de lutte contre l'immigration irrégulière offre ainsi un contraste saisissant avec les avantages dont elle bénéfice en matière d'immigration régulière.

La fin de l'application de l'accord du 27 décembre 1968 aurait inévitablement de multiples conséquences, qu'il serait imprudent de ne pas anticiper. La commission considère néanmoins que l'importance des enjeux justifie l'établissement d'un rapport de force pour obtenir une renégociation de cet accord plus conforme aux intérêts des deux parties ou, en cas d'échec, pour définitivement mettre un terme à cette situation profondément insatisfaisante.

En conséquence, la commission recommande d'engager un nouveau cycle de discussions en vue de la conclusion d'un nouvel avenant à l'accord du 27 décembre 1968 et, à défaut, de mettre un terme à son application. Par cohérence, l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service devrait alors également être dénoncé.

Proposition n° 18 : Engager un nouveau cycle de négociations avec l'Algérie afin de rééquilibrer le régime dérogatoire d'admission au séjour et de circulation prévu par l'accord du 27 décembre 1968.

Tirer les conséquences d'un éventuel échec en mettant fin à son application. Par cohérence, mettre également fin à l'application de l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 5 FÉVRIER 2025

M. Christophe-André Frassa, président. - Nous examinons à présent le rapport d'information de nos collègues Muriel Jourda, Corinne Narassiguin et Olivier Bitz sur les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire.

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. - Après neuf mois de travaux et un changement intervenu dans notre équipe de corapporteurs à la suite de l'élection de Philippe Bonnecarrère à l'Assemblée nationale, il est temps de vous présenter les conclusions de notre mission d'information.

Son origine remonte à une requête de Philippe Bonnecarrère. Au cours de ses travaux en tant que corapporteur sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, il avait en effet été frappé de constater que la France était, en matière migratoire, partie à une myriade d'instruments internationaux formant un véritable droit parallèle de l'entrée et du séjour des étrangers en France.

Certains sont tout à fait identifiés et régulièrement évoqués dans le débat public : c'est le cas, notamment, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui a occupé une grande partie de nos travaux et dont la pertinence fait l'objet de débats politiques récurrents. Force est toutefois de constater que la grande majorité de ces instruments ne disposent pas de la même notoriété, tant dans l'opinion publique que chez les parlementaires eux-mêmes, voire dans l'administration.

Ce point est rarement abordé au cours de nos débats, pour la simple et bonne raison qu'il échappe largement à notre compétence. En outre, le recours à des instruments internationaux pour la conduite de la politique migratoire de la France n'a étonnamment jamais fait l'objet d'une évaluation exhaustive. Dans ce contexte, notre commission a entendu donner à ce sujet méconnu l'attention qu'il mérite.

Dans un premier temps, Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère ont procédé à un « débroussaillage » du sujet dans le cadre de leur avis budgétaire sur le projet de loi de finances initiales (PLF) pour 2024. Les délais d'examen contraints des PLF n'offrant toutefois pas les conditions d'un travail exhaustif sur le sujet, nous avons, dans un second temps, décidé de lancer cette mission d'information transpartisane.

Nous nous sommes fixé trois objectifs principaux : fiabiliser le recensement des instruments migratoires internationaux, établir un bilan de leur application et formuler des recommandations visant à renforcer la cohérence et l'efficacité de ce pan de la politique migratoire.

Nous avons par ailleurs souhaité accorder une attention particulière aux accords internationaux conclus avec deux États partenaires : l'Algérie et le Royaume-Uni. Les accords en question sont en effet uniques en leur genre, tant par leur contenu que du fait des débats politiques qu'ils suscitent. Mes collègues reviendront en détail sur le sujet.

Cette mission au long cours nous a conduits à réaliser 30 auditions, pendant lesquelles 70 personnes ont été entendues. Nous nous sommes par ailleurs rendus les 20 et 21 novembre 2024 à Calais, afin de rencontrer les acteurs chargés quotidiennement de la surveillance de la frontière franco-britannique et de l'animation du dispositif de prise en charge humanitaire des candidats au départ.

À l'issue de nos travaux, nous dressons un constat mitigé sur ce versant méconnu de notre politique migratoire.

D'un côté, les instruments internationaux dont nous parlons constituent incontestablement un levier incontournable de la politique migratoire. La formalisation de règles partagées et, parfois, contraignantes assoit la coopération avec les États partenaires sur une base solide, notamment ceux pour lesquels les enjeux migratoires sont substantiels. Au-delà du contenu, l'existence même d'un instrument international offre un cadre de discussion régulier facilitant les échanges dans ce domaine parfois délicat. Ces avantages supposés expliquent l'appétence ancienne et non démentie du pouvoir exécutif pour les instruments internationaux.

De l'autre, force est de constater que cet aspect de notre politique migratoire est caractérisé par un certain « désordre », pour ne pas dire « fouillis ». Le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau a d'ailleurs immédiatement repris ce dernier terme à son compte lors de son audition devant notre commission.

Ce « désordre » se matérialise par une profusion d'accords ; nous en avons recensé 197, dont 140 sont bilatéraux. Cette « masse » est particulièrement hétérogène, sur la forme comme sur le fond.

Sur la forme, de grands accords « mixtes » particulièrement touffus côtoient des accords sectoriels ne comprenant parfois qu'une poignée d'articles.

Sur le fond, l'étendue des dérogations au droit commun qu'ils instituent est particulièrement variable. Si certains accords sont essentiellement symboliques, d'autres aménagent des dérogations substantielles au droit commun des étrangers. À titre d'exemple, les ressortissants algériens sont soumis, au titre de l'accord du 27 décembre 1968, à un régime d'admission au séjour entièrement dérogatoire aux règles prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). À l'inverse, les conventions d'établissement conclues avec les États d'Afrique de l'Ouest dans les années 1990 restent symboliques et renvoient très largement aux conditions du droit commun.

Schématiquement, les accords migratoires peuvent être classés en cinq grandes catégories.

Premièrement, les accords prévoyant des exemptions de visas de court séjour et applicables, selon les cas, aux détenteurs de passeports civils pour les accords européens ou aux détenteurs de passeports diplomatiques pour les accords bilatéraux.

Deuxièmement, les accords relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière, qu'il s'agisse d'accords dits « de réadmission » en bonne et due forme prévoyant des procédures de reprise contraignantes ou d'instruments techniques de coopération non opposables et visant à fluidifier la coopération opérationnelle. D'un point de vue quantitatif, 90 % des réadmissions sont réalisées vers des États tiers concernés par un accord de réadmission. D'un point de vue qualitatif, l'intérêt de ces accords procède en réalité moins de leur lettre que des espaces de discussion bilatéraux qu'ils créent.

Troisièmement, les accords de gestion concertée et de codéveloppement, conclus sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et qui présentaient l'originalité de traiter dans un même ensemble les questions migratoires et de développement. Ils ont toutefois été progressivement délaissés et seuls ceux qui ont été conclus avec la Tunisie et le Sénégal sont toujours actifs.

Quatrièmement, les accords relatifs aux mobilités professionnelles. Ils visent à faciliter l'admission au séjour de deux catégories de travailleurs présentant un intérêt du point de vue de la stratégie d'attractivité de la France : les jeunes et les travailleurs les plus qualifiés. Les résultats obtenus sont particulièrement disparates selon les catégories d'accords. Le dispositif « Jeunes professionnels » est ainsi particulièrement décevant, tandis que les « programmes vacances-travail » (PVT) connaissent un succès qui ne se dément pas.

Cinquièmement, les accords relatifs aux conditions de circulation, de séjour ou d'emploi, qui constituent une catégorie particulièrement hétérogène. Certains aménagent des régimes dérogatoires substantiels, à l'image des accords conclus avec les États du Maghreb et singulièrement avec l'Algérie. D'autres sont surtout symboliques. Sur ce point, nous émettons de sérieuses réserves quant à l'intérêt juridique d'accords internationaux qui, lorsqu'ils ne se bornent pas à renvoyer au droit commun, établissent des dérogations qui ne sont souvent qu'imparfaitement connues des services de l'État comme de ceux qui sont supposés en bénéficier.

Au vu de ce panorama quelque peu désordonné, nous estimons qu'une rationalisation de l'usage des instruments internationaux est indispensable. Nous formulons douze recommandations en ce sens, qui vous ont été transmises hier soir. Celles-ci s'articulent autour de cinq axes prioritaires.

En premier lieu, consolider et centraliser le niveau d'information disponible sur cet ensemble d'accords aujourd'hui excessivement fragmenté. Pour cela, il nous semble au minimum nécessaire de combler les angles morts de la liste figurant en annexe 1 du Ceseda.

En second lieu, formaliser dès que possible une doctrine d'usage, car aujourd'hui la conclusion d'instruments internationaux découle avant tout de logiques d'opportunité. La cohérence d'ensemble pâtit en outre des priorités parfois divergentes de la place Beauvau et du Quai d'Orsay. Pour surmonter ces rivalités, il nous semble indispensable que le comité stratégique sur les migrations (CSM), en théorie chargé d'assurer la coordination, soit rattaché au Premier ministre.

En troisième lieu, opérer un toilettage des instruments internationaux. L'empilement de régimes dérogatoires plus ou moins obsolètes complexifie l'exercice de leurs missions par les services des étrangers en préfecture et nuit à la lisibilité d'ensemble, au détriment des étrangers eux-mêmes. Sans aller jusqu'à proposer une périlleuse dénonciation des accords obsolètes, il nous semble au moins nécessaire d'engager un travail pour les identifier ainsi qu'une réflexion sur les suites à leur donner.

En quatrième lieu, approfondir le suivi de l'exécution des instruments internationaux.

En cinquième lieu, se doter de dispositifs d'évaluation suffisamment robustes. Nous avons en effet été fréquemment confrontés à l'insuffisance de données disponibles pour évaluer l'efficacité de ces instruments. Nous devons donc nous doter des outils statistiques nécessaires à une décision éclairée.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Je m'attacherai plus spécifiquement à présenter les traités de coopération transfrontalière conclus avec le Royaume-Uni, au regard des nombreux enjeux liés à l'intensification continue dans le Calaisis des flux d'étrangers en situation irrégulière en transit vers le Royaume-Uni. Je vous exposerai la situation de fait puis, en regard, la situation de droit qui lui répond.

La mise en service du tunnel sous la Manche en 1994, si elle n'est pas la cause du phénomène, en a quelque peu changé la donne. De nombreux étrangers clandestins en transit se sont établis dans des conditions de grande précarité sanitaire et de violence dans le Calaisis, 9 000 d'entre eux environ se concentrant dans ce que l'on avait appelé la « jungle » de Calais et qui a fini par être démantelée en 2016.

La sécurisation concomitante de l'accès au tunnel sous la Manche a conduit à ce que ce type d'installation ne se renouvelle pas et a rendu plus difficile un passage irrégulier par ce moyen au Royaume-Uni. Pour autant, les tentatives de passage continuent sous une autre forme, celle de la voie maritime avec des embarcations légères, dites small boats, les passeurs faisant croire que la traversée de la Manche est aisée. Rien n'est pourtant plus faux dans un détroit très fréquenté, surtout avec des embarcations bondées, et ces tentatives font de nombreux morts.

Un important dispositif humanitaire existe, même si l'on peut estimer qu'il reste insuffisant à certains égards. Il permet néanmoins de prendre en charge les étrangers quand ils ne peuvent pas traverser.

Pour autant, la situation est assez dégradée. Les collectivités locales doivent faire face à de nombreux investissements pour protéger certains lieux des dégradations et des intrusions. De plus, elles souffrent d'une faible attractivité économique. En effet, il est compliqué pour les entreprises de s'installer dans un endroit où dégradations et occupations illicites sont nombreuses. Par ailleurs, les rixes entre étrangers existent toujours et les forces de l'ordre sont la cible de violences de plus en plus fréquentes. Enfin, on commence à observer des dégradations matérielles de biens appartenant aux habitants.

J'en viens à la façon dont cette situation est réglée en droit. Les premiers accords passés avec le Royaume-Uni concernaient les passages de frontière et le principe d'une délocalisation des contrôles frontaliers a été acquis dès 1986. Le protocole de Sangatte a été signé en 1992 et, en 2003, le traité du Touquet a achevé le processus d'externalisation réciproque des contrôles aux frontières terrestres et maritimes. Ce cadre de référence est utile et efficace pour l'immigration régulière et le contrôle des passagers. Cependant, il ne permet manifestement pas d'endiguer l'immigration irrégulière.

En 2018, les autorités françaises et britanniques se sont donc accordées sur le traité de Sandhurst, qui prend en compte l'immigration irrégulière. Il prévoit une coopération opérationnelle entre les deux pays en matière de prévention des départs clandestins, de lutte contre les réseaux de passeurs, de prise en charge des demandeurs d'asile et d'exécution des mesures de retour.

Par ailleurs, ce traité institue un cadre financier, qui fixe le principe d'une contribution britannique au financement du dispositif de prévention des traversées. Pour les premières années, les Britanniques ont versé 222 millions d'euros. Pour la période 2023-2026, la somme s'élève à environ 540 millions d'euros.

Ces différents traités ont-ils permis de faire baisser l'immigration irrégulière ? Nous n'avons plus de « jungle », mais une forte pression continue de s'exercer. En effet, le Royaume-Uni demeure un pays attractif pour les étrangers, que rien ne peut dissuader de tenter la traversée, même au péril de leur vie. Au-delà du facteur linguistique et de l'importance des diasporas présentes dans ce pays, l'accessibilité du marché du travail, la générosité de la politique d'asile et le faible volume de retours forcés jouent un rôle dans cette situation.

Que faire lorsque les accords passés ne parviennent pas à modifier une situation qui n'est bénéfique ni pour les personnes étrangères en situation irrégulière ni pour le pays dans lequel ces dernières stationnent dans des conditions difficiles ?

Une solution a été évoquée à plusieurs reprises : la dénonciation des traités du Touquet et de Sandhurst. Nous n'en voyons pas l'intérêt puisqu'une telle mesure ne règlerait pas le problème de l'immigration irrégulière, détériorerait nos relations avec le Royaume-Uni, supprimerait notre accord en matière de passage régulier et reviendrait à renoncer à l'aide financière et à la coopération de ce pays.

Nous proposons donc plutôt de faire bouger les lignes dans deux domaines. En premier lieu, il s'agit de revoir le périmètre de la contribution financière du Royaume-Uni, qui est indispensable, mais insuffisante. Nous avons entendu des appréciations variables sur ce point. Lors de son audition, le ministre de l'intérieur a indiqué que la contribution actuelle ne couvre que la moitié des coûts supportés par la France pour la gestion de la frontière. En second lieu, il faut discuter de la question d'un accord migratoire global avec le Royaume-Uni.

Un tel accord viserait à réduire durablement la pression migratoire dans la région et à définir des voies de migration légales ainsi que les modalités de coopération en matière de retours et de lutte contre les réseaux de passeurs. Nous souhaiterions que des négociations soient engagées en ce sens, ce qui semble possible au regard des évolutions politiques outre-Manche. La tâche ne sera pas simple, mais il est important de parvenir à redébattre de ce sujet avec le Royaume-Uni.

M. Olivier Bitz, rapporteur. - J'en viens à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le plus connu des instruments internationaux que nous avons étudiés et pas le moins polémique. Pour des raisons historiques, juridiques et politiques, il occupe une place à part. Juridiquement, il régit complètement les conditions d'accès au séjour, de circulation et d'exercice d'une activité professionnelle pour les Algériens en France. Il fonde donc un régime totalement dérogatoire et sans équivalent. Le caractère exceptionnel de cet accord tient aussi à sa nature politique. Le maintien de ce statut spécial est à l'origine d'importants et vigoureux débats de part et autre de la Méditerranée, mais également au sein de cette mission entre les rapporteurs.

La bonne compréhension de ce sujet impose un bref retour en arrière. Contrairement à une idée répandue, la philosophie de l'accord de 1968 ne consistait pas à libéraliser les flux migratoires entre la France et l'Algérie, mais, au contraire, à les réguler davantage. Le régime de libre circulation établi par les accords d'Évian s'était en effet traduit par l'établissement d'un volume important et largement inattendu d'Algériens en France. Dans ce contexte, l'accord de 1968 a mis en place un régime spécial de circulation et d'admission au séjour pour les seuls ressortissants algériens. Si l'accord a fait l'objet de trois avenants, en 1985, 1994 et 2001, qui ont eu pour effet de rapprocher ce statut spécial du droit commun, il n'en demeure pas moins une anomalie dans le droit des étrangers. À titre d'exemple, les Algériens se voient toujours délivrer des certificats de résidence au lieu de titres de séjour classiques. Ces certificats sont valables un ou dix ans et restent uniques en leur genre.

La question du caractère favorable de ce régime dérogatoire est âprement débattue. À l'issue d'une analyse minutieuse de l'ensemble des stipulations de l'accord, nous sommes parvenus à une conclusion sans ambiguïté : les Algériens bénéficient majoritairement de règles plus favorables que celles du droit commun, voire beaucoup plus favorables, sur des points essentiels du droit au séjour. À l'inverse, les stipulations pouvant être considérées comme défavorables sont peu nombreuses et concernent principalement des points mineurs de l'accès au séjour. Elles ne sauraient donc remettre en cause le constat général d'un régime très avantageux.

Si la question de la pérennité de l'accord de 1968 semble devoir se poser de façon inéluctable, deux visions s'opposent quant au chemin à emprunter. Nous n'avons pas trouvé de terrain d'entente entre rapporteurs sur ce sujet délicat. Par conséquent, nous présenterons deux recommandations alternatives : la recommandation n° 18, que je soutiens avec Muriel Jourda, et la recommandation n° 18 bis, que Corinne Narassiguin prendra le soin de défendre.

L'approche que Muriel Jourda et moi-même défendons s'appuie sur cette conclusion : les avantages dont bénéficie l'Algérie en matière migratoire n'ont plus de justification historique, politique ou juridique évidente. En outre, ce régime de faveur est d'autant plus infondé qu'il ne s'accompagne pas d'un surcroît de coopération en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. Ainsi, les Algériens représentent plus du quart des étrangers interpellés en situation irrégulière, alors même que la police aux frontières éprouve les plus grandes difficultés à obtenir d'Alger les laissez-passer consulaires nécessaires à leur retour.

Cela ne signifie pas que la dénonciation soit le seul horizon possible, mais que, en dernier ressort, nous ne devons plus nous l'interdire. Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui voudraient négocier et, de l'autre, ceux qui souhaiteraient dénoncer l'accord. Nous pensons qu'il faut privilégier la négociation, sans exclure la possibilité de dénoncer unilatéralement cet accord.

Nous réfutons la thèse, quelque peu fantaisiste, selon laquelle la dénonciation entraînerait un retour à la libre circulation. Les développements juridiques auxquels s'est livré le Gouvernement devant

notre commission étaient implacables sur ce point. Rien dans le texte de l'accord de 1968 ou dans le droit international des traités ne permet d'aboutir à une telle conclusion, quoiqu'en dise la partie algérienne.

Nous ne nions pas le fait qu'une dénonciation pourrait exposer la France à des mesures de rétorsion, sur les plans migratoire, diplomatique ou économique. Néanmoins, ces arguments, si légitimes soient-ils, ne peuvent servir de prétexte au maintien indéfini du statu quo.

Au niveau diplomatique, force est de constater que la position d'ouverture de la France n'a rien donné. En termes migratoires, nul ne peut se satisfaire du maintien d'un régime dont les avantages historiquement datés sont sans équivalent et dont la France ne tire aucune contrepartie. Le niveau de coopération discutable de l'Algérie en matière de lutte contre l'immigration irrégulière offre un contraste saisissant avec les avantages dont elle bénéficie en matière d'immigration régulière.

La recommandation n° 18 est ainsi rédigée : « Engager un nouveau cycle de négociations avec l'Algérie afin de rééquilibrer le régime dérogatoire d'admission au séjour et de circulation prévu par l'accord du 27 décembre 1968. Tirer les conséquences d'un éventuel échec en mettant fin à son application. Par cohérence, mettre également fin à l'application de l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service. »

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. - La proposition n° 18 me pose problème comme elle pose problème au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Si je suis en accord avec la nécessité de reprendre un cycle de discussions avec l'Algérie, je ne partage pas du tout l'idée de tirer les conséquences d'un éventuel échec en mettant fin à l'application de l'accord.

Ce n'est pas à notre assemblée de présupposer un échec des discussions et de proposer la dénonciation d'un accord aussi lourd de sens historique et politique. D'ailleurs, le débat juridique sur la possibilité d'une dénonciation unilatérale n'a pas été tranché.

De plus, nous considérons que le caractère dérogatoire au droit commun de l'accord de 1968 reste justifié, en raison de la profondeur des liens humains et historiques qui existent entre les deux parties et de l'imbrication de leurs intérêts économiques, sécuritaires et politiques.

Le caractère déséquilibré de l'accord peut nécessiter son évolution, qui doit procéder de la négociation. La conclusion d'un nouvel avenant constitue la seule solution viable. Outre le signal désastreux qu'enverrait une dénonciation unilatérale aux populations concernées et aux binationaux, une telle option se traduirait inéluctablement par des mesures de rétorsion diplomatiques, économiques et géostratégiques, dont la France pâtirait lourdement.

Ce serait aussi le cas en matière migratoire. En effet, une dénonciation aboutirait à désarmer la France dans sa lutte contre l'immigration régulière, puisqu'elle signifierait la fin de la délivrance des laissez-passer consulaires indispensables aux éloignements.

Lors d'une interview qu'il a donnée à Sud Radio le 28 janvier dernier, le ministre des affaires étrangères a dit : « la coopération avec l'Algérie, sur le plan de la maîtrise de l'immigration irrégulière, s'est plutôt améliorée ces dernières années. Dans les trois années qui viennent de s'écouler, nous avons atteint des chiffres de reconduites à la frontière, d'expulsions, que nous n'avions pas connus depuis bien longtemps. » Pourquoi vouloir dénoncer l'accord alors que la coopération en matière migratoire fonctionne, nonobstant un cas récent largement médiatisé ? Pourquoi vouloir le dénoncer malgré des relations diplomatiques déjà plus que tendues ?

Je soumets donc à la commission la recommandation n° 18 bis, qui reprend la position du ministère des affaires étrangères et est ainsi rédigée : « Engager des discussions soutenues afin de réactiver le groupe technique bilatéral de suivi de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, en vue de l'élaboration, le moment venu, d'un quatrième avenant. »

Mme Agnès Canayer. - Je soutiendrai la recommandation n° 18, car il est temps de prévoir des solutions alternatives.

Je souhaiterais surtout attirer votre attention sur le fait que la pression migratoire se décale vers l'Ouest et a augmenté de 2 258 % en Seine-Maritime au cours des neuf derniers mois. La distribution des moyens, notamment des fonds britanniques, est concentrée dans les Hauts-de-France et le Calaisis, où le niveau de pression reste inégalé. Mais il faut garder à l'esprit que cette pression s'étend désormais à d'autres territoires.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra la recommandation n° 18 bis.

J'ai été étonnée d'entendre Olivier Bitz dire que l'accord n'avait plus de raison historique ; il s'agit d'une vision étrange de l'Histoire, qui reste toujours présente !

Ces derniers jours, j'ai écouté avec intérêt les interventions médiatiques du ministre des affaires étrangères et de Patrick Stefanini, représentant spécial du ministre de l'intérieur. À aucun moment ce dernier, dont je ne partage pas les opinions politiques mais ne nie pas les compétences, n'a demandé la dénonciation de l'accord. Le Sénat s'apprête donc à prendre une position qui n'est pas celle de la France, dans un contexte déjà tendu.

Les relations franco-algériennes ne peuvent se réduire à l'accord que nous évoquons et s'inscrivent dans un environnement complexe, notamment économique et commercial. Je pense à nos importations de gaz et à nos exportations agricoles ; toute dégradation des relations franco-algériennes impacterait ces domaines.

J'encourage votre sens des responsabilités. Nous ne sommes pas chargés de la discussion des accords. Évoquer la dénonciation et la question des passeports diplomatiques nous semble peu responsable et en désaccord avec la position de la France.

Mme Olivia Richard. - J'ai une pensée émue pour nos diplomates en poste à Alger, qui ont vu, dans l'interview donnée lundi dernier par le président algérien à L'Opinion, un signe d'espoir et d'apaisement des relations. Je pense aussi à nos ressortissants et à nos entrepreneurs français présents en Algérie, ainsi qu'aux échanges bilatéraux qui nous lient à ce pays, avec lequel nous partageons une histoire longue et compliquée. Je partage l'idée qu'il est nécessaire de renégocier. Cependant, l'annonce d'une possible dénonciation me paraît constituer un curieux outil à mettre dans les mains de notre diplomatie.

Mme Sophie Briante Guillemont. - Ce sujet provoque de nombreuses difficultés diplomatiques alors que nous avons besoin d'apaisement. Le fait que notre commission fasse une proposition dure contribue à jeter de l'huile sur le feu, quand nous pourrions parvenir à un compromis dans la rédaction de cette recommandation, en en conservant la première partie sans évoquer un éventuel échec des négociations. Ce n'est pas ainsi que l'on mène des négociations.

M. Guy Benarroche. - Je ne crois pas que le Sénat puisse contribuer à l'ouverture d'une renégociation de l'accord alors qu'il publie un rapport dans lequel sa dénonciation est évoquée. Il faut tenir compte de l'état des négociations diplomatiques et politiques avec l'Algérie, ainsi que des relations historiques, sociales et économiques qui restent les nôtres.

M. Francis Szpiner. - Boualem Sansal serait ravi d'entendre notre discussion ! Certes, nous avons des rapports historiques avec l'Algérie, mais cela fait plus de soixante ans que cette dernière est indépendante. Le régime corrompu et dictatorial de ce pays ne cesse d'utiliser l'accusation de la France coloniale pour souder son pays et masquer son échec.

La politique est un rapport de force. Vous avez mentionné vos techniques de négociation ; de mon côté, je préfère négocier en position de force. Le Sénat est une institution de la République et nous avons le devoir de donner notre opinion sur la politique étrangère de la France. J'en ai assez de voir mon pays se faire régulièrement insulter par ce régime et de le voir baisser chaque fois la tête. En cas de dénonciation de l'accord, nous verrons bien qui sera le plus pénalisé.

M. Hussein Bourgi. - Je voudrais illustrer le caractère passionnel de ce dossier en évoquant les sentiments qui me traversent. Lorsque le Président de la République s'est rendu en Algérie il y a quelques années, j'ai mal vécu certains propos et j'ai pu mesurer l'incompréhension de nos compatriotes pieds noirs et harkis. Lorsque Boualem Sansal a été embastillé, j'ai été en proie à la même indignation. Lorsqu'un influenceur algérien a été expulsé puis renvoyé par les autorités algériennes, j'ai ressenti la même colère.

Cependant, il faut aussi considérer nos relations économiques et commerciales. Lorsque je discute avec des agriculteurs de ma région, qui exportent des ovins et des bovins vers l'Algérie, avec des dockers du port de Sète, par lesquels les produits transitent, ou avec des céréaliers, ils me disent tous qu'il faut faire attention, car la situation est complexe.

Nos relations avec l'Algérie se sont détériorées depuis la reconnaissance par le Président de la République de la marocanité du Sahara occidental. Il ne faudrait pas que notre vote tende davantage ces relations.

M. Louis Vogel. - Si nous souhaitons faire aboutir des négociations, nous ne devons pas nous interdire de mentionner qu'elles peuvent échouer. Ne pas dire que nous tirerons les conséquences d'un échec constituerait une faiblesse. Nous devons affirmer notre position et ne pas avoir peur.

M. Olivier Bitz, rapporteur. - Je veux dire à nos deux collègues représentant les Français de l'étranger qui se sont exprimés que nous sommes attentifs à la situation des 30 000 Français présents en Algérie. Cette situation est à mettre au regard des 650 000 personnes de nationalité algérienne qui vivent en France et des 3 millions de binationaux.

Dans la recommandation n° 18, nous exprimons le fait que le statu quo n'est pas tenable. En effet, nous ne pouvons pas prétendre réguler les flux migratoires réguliers sans considérer de près ce qui se passe avec l'Algérie, puisqu'un nouveau titre sur dix délivré en France concerne une personne de nationalité algérienne. Il ne s'agit pas de mettre fin à tout et, dans le cas d'une éventuelle dénonciation, il s'agirait seulement de revenir au droit commun.

M. Christophe-André Frassa, président. - Je mets donc aux voix les deux recommandations alternatives.

La recommandation n° 18 est adoptée. En conséquence, la recommandation n° 18 bis devient sans objet.

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. - Je prends acte du vote de la commission et vous demanderai, en conséquence, de retirer mon nom du rapport parlementaire. Il s'agit d'une décision inhabituelle que je tiens à expliquer.

D'abord, je remercie mes deux corapporteurs pour la qualité du travail que nous avons mené. Lors des auditions, puis de la rédaction du rapport d'information, ils se sont montrés ouverts et attentifs à mes demandes de différenciation de mes analyses divergentes.

Néanmoins, si nos travaux ont bien été transpartisans, les conclusions du rapport d'information ne le sont pas, au moins sur le sujet dont nous venons de discuter et qui constitue une ligne rouge. Le monde politique et médiatique dans lequel nous vivons écrase les visions nuancées, au bénéfice de raccourcis, et il ne sera pas possible de restituer notre travail parlementaire dans sa complexité. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est fermement opposé à la dénonciation de l'accord de 1968 et nous ne pouvons pas être soupçonnés d'y souscrire. Nous ne pouvons donc pas être co-auteurs, au travers de ma signature, d'un rapport contenant cette recommandation.

Cet accord est indissociable de l'histoire singulière et complexe qui lie notre pays et l'Algérie, et dont nombre de nos concitoyens sont les héritiers. Il s'inscrit dans une histoire marquée par 132 ans de colonisation, dont huit années de guerre d'indépendance, et six décennies de relations bilatérales sinueuses. Les auditions n'ont pas mis en évidence de façon claire et unanime la nécessité de dénoncer cet accord, même en dernier ressort.

Toutefois, je tiens à saluer les apports de la mission d'information, surtout en ce qui concerne la coopération transfrontalière avec le Royaume-Uni. Les auditions ont montré que ce qui se passe dans le Calaisis et sur les côtes de la Manche constitue le dysfonctionnement le plus criant en matière migratoire. Je remercie Muriel Jourda et Olivier Bitz d'avoir bien voulu intégrer aux préconisations le cofinancement du dispositif humanitaire par le Royaume-Uni, la mise en place de voies de migration légales et la nécessité de repenser un accord à l'échelle européenne. Ces demandes émanent notamment des maires du littoral.

Pour toutes ces raisons et parce que nous ne voulons pas contribuer à faire des Algériens les victimes des obsessions et lubies migratoires bien trop répandues dans le débat public, les socialistes ne souhaitent pas être co-auteurs de ce rapport.

M. Christophe-André Frassa, président. - Nous prenons acte de cette déclaration et de votre volonté de ne pas faire figurer votre nom dans le rapport d'information.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Je tiens à dire que nous avons aussi apprécié de travailler avec Corinne Narassiguin dans le cadre de cette mission.

Les autres recommandations sont adoptées.

M. Christophe-André Frassa, président. - Le titre suivant est proposé : « Les instruments migratoires internationaux : mettre fin à la cacophonie. Dix-huit recommandations pour une politique migratoire internationale plus cohérente ».

Le titre du rapport d'information est adopté.

La commission adopte le rapport d'information ainsi rédigé et en autorise la publication.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION EN COMMISSION DE M. BRUNO RETAILLEAU, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

MERCREDI 27 NOVEMBRE 2024

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Monsieur le ministre, l'idée de cette mission d'information a germé au cours des travaux que j'avais conduits avec Philippe Bonnecarrère lors de l'examen de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Si on légifère souvent sur l'immigration, on oublie fréquemment de préciser que des pans entiers de notre politique migratoire sont réglés par le droit international et échappent donc au législateur. L'exemple le plus parlant est celui des ressortissants algériens, qui bénéficient d'un régime de séjour intégralement dérogatoire, au titre de l'accord franco-algérien de 1968.

Au-delà de ce cas emblématique, nous avons identifié une myriade d'accords applicables dans tous les domaines de la politique migratoire : visas, réadmissions, gestion concertée et codéveloppement, mobilité des jeunes ou encore admission au séjour. En ajoutant les accords européens, on arrive à un total d'environ 200 instruments internationaux contraignants.

Le sujet mérite une attention particulière pour au moins deux raisons. D'une part, la structuration de la coopération avec les États de départ est un facteur clé de la prévention des départs, comme de l'amélioration de notre politique de retour. D'autre part, la cohérence de notre droit pâtit de cet empilement d'accords dérogatoires qui ne sont pas toujours appliqués ni évalués et dont certains sont tombés en désuétude. Vous nous direz, monsieur le ministre, si vous partagez le sentiment d'un certain fouillis en la matière.

Nos travaux ont trois objectifs : fiabiliser le recensement des accords, établir un bilan de leur application et formuler des recommandations pour une meilleure structuration de notre politique migratoire. Par ailleurs, nous avons souhaité examiner deux points particuliers en la matière : la relation franco-algérienne et les accords de coopération transfrontalière conclus avec le Royaume-Uni.

Pourriez-vous nous éclairer sur la stratégie mise en place par les pouvoirs publics afin de structurer la diplomatie migratoire, partagée entre votre ministère et celui de l'Europe et des affaires étrangères ? Quelles sont les principales orientations retenues par le comité stratégique sur les migrations, les frontières et l'asile ?

Sur l'accord franco-algérien, au-delà des avis politiques sur ce sujet hautement sensible, il me semble essentiel de poser les termes du débat. Partagez-vous l'analyse selon laquelle cet accord serait, dans l'ensemble, plus favorable que le droit commun ? Dans l'hypothèse d'une dénonciation

unilatérale, quel régime de séjour s'appliquerait aux ressortissants algériens ? Enfin, quelle est votre position quant au futur de cet accord : maintien du statu quo, renégociation ou dénonciation ?

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. - Pour planter le décor et répondre à votre introduction, madame la présidente : oui, il y a fouillis. Celui-ci est généré par la cohabitation d'accords de plusieurs générations. Cependant, le cadre des accords d'hier ne correspond plus aux exigences actuelles, ce qui provoque aussi cet effet de désordre. Enfin, les accords internationaux et surtout les accords bilatéraux sont absolument essentiels. On ne peut pas mener une politique migratoire sans ces accords, qui doivent à mon sens évoluer pour devenir plus simples, plus administratifs, plus procéduraux, plus techniques, plus concrets et donc à certains égards plus secrets.

J'ai eu deux surprises en arrivant au ministère de l'intérieur. D'abord, j'ai constaté le décalage entre les polémiques parisiennes et le consensus assez grand qui règne sur le sujet chez les Français et chez mes collègues ministres des États membres de l'Union européenne (UE). Chez les Français, de nombreuses études, recoupées par des instituts et des think tanks très différents, montrent que les Français exigent de notre part une plus grande fermeté. Ainsi, ils sont sept sur dix à considérer que la politique migratoire de la France est trop laxiste. De plus, 79 % d'entre eux souhaitent le rétablissement du délit de séjour irrégulier. Quels que soient les électorats, une majorité se prononce en faveur de la fermeté et d'une reprise de contrôle. Certes, à droite, les majorités sont plus fortes, mais elles existent aussi dans les électorats de gauche et même dans celui de La France insoumise. Globalement, les Français les plus modestes sont ceux qui souhaitent le plus de fermeté. En effet, ils sont souvent en première ligne des conséquences des désordres créés par l'immigration, notamment irrégulière.

J'ai constaté le même consensus au niveau européen lors du premier Conseil « justice et affaires intérieures » auquel j'ai assisté. Les 27 ministres de l'intérieur se sont exprimés et tout le monde aurait été bien incapable de relier leurs propos à la couleur politique des gouvernements qu'ils représentaient, sociaux-démocrates ou conservateurs de droite. Je me suis entretenu avant-hier avec Magnus Brunner, nouveau commissaire aux affaires intérieures et à la migration : nous avons constaté nos convergences de vues. Les clivages traditionnels n'existent plus en la matière et, quand je parle avec mon homologue social-démocrate allemande Nancy Faeser, nous nous retrouvons tout à fait sur le contrôle aux frontières et la lutte contre l'immigration irrégulière.

En ce qui concerne l'immigration irrégulière, nous comptabilisons 126 000 interpellations par les forces de l'ordre, près de 160 000 décisions d'éloignement prononcées par les préfets et seulement 22 000 départs. Par ailleurs, 100 000 personnes accèdent chaque année à la nationalité

française. L'enjeu est énorme au moment où nous n'avons plus les moyens d'accueillir dignement et où le processus d'intégration est en panne. C'est ce qui crée un sentiment de colère chez nos compatriotes.

Ma vision d'une politique globale en la matière sous-tend trois niveaux. Le premier est international et concerne les accords dont nous allons parler. Le deuxième est le niveau européen, avec la directive sur le retour des étrangers en situation irrégulière, dite « directive retour », que nous devrions réussir à renégocier dans les premiers mois de l'année prochaine, mais aussi le paquet migration et asile, qu'il va falloir transposer et qui impacte environ 30 % ou 40 % du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Enfin, il y a le niveau national avec, je l'espère, un vecteur législatif.

Nous évoquerons ce soir le premier niveau. L'une des grandes règles du droit international est celle de la réciprocité. À cet égard, il existe un cadre précis de réadmission : quand un ressortissant est en situation irrégulière, son pays d'origine doit l'accueillir en vertu d'une obligation coutumière et de la Convention de Chicago. Cependant, ce n'est pas ainsi que les choses se passent en pratique et la question des accords bilatéraux est fondamentale parce que notre problème, c'est celui des laissez-passer consulaires.

Tout ce qui entame la réciprocité doit être dénoncé et nous avons des leviers. D'abord, nous pouvons avoir recours au levier « réadmission contre visa ». L'article 25 bis du code des visas de l'UE, qui prévoit explicitement ce bras de fer, n'est pas suffisamment utilisé. Quand la France utilise seule ce levier, contre l'Algérie ou le Maroc, elle s'engage dans un face-à-face difficile. Mais quand ce levier est utilisé avec les autres États membres, ce n'est plus du tout la même chose. Le recours à cet article a produit des résultats avec la Gambie et l'Éthiopie. Il a montré qu'il avait un caractère dissuasif et il faudra préférer cette voie à d'autres, quand ce sera possible.

En ce qui concerne le droit interne, l'article 47 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, prévoit l'usage d'un tel levier. Quand nous l'avons utilisé, des difficultés ont pu s'ensuivre, notamment avec certains pays du Maghreb, mais cela a parfois fonctionné, comme dans le cas du Mali et des Comores.

J'en viens au levier « coopération contre visa ». L'Agence française de développement (AFD) prévoyait 180 millions d'euros d'aide pour l'Algérie. Je ne vois pas pourquoi, en l'absence de réciprocité, nous n'utiliserions pas ce levier. Notre pays est-il si faible qu'il a peur de se faire respecter ? Certes, il peut y avoir, en matière de politique étrangère, d'autres sujets que celui-là, qui n'en demeure pas moins important.

Un autre levier, qui n'est pas souvent explicite, a fait l'objet d'une délibération des chefs d'État et de gouvernement des membres de l'UE, lors du dernier Conseil européen. Il s'agit de celui de la préférence commerciale. Nous pourrions exercer des moyens de pression en matière de droits de douane.

Les accords bilatéraux ont pour principal objectif de faciliter les réadmissions. Ils visent de plus en plus à définir des procédures techniques, opérationnelles, souvent administratives, qui ne nécessitent pas de grands accords, mais réclament que les deux pays concernés précisent de façon détaillée les modalités de la réadmission.

Par ailleurs, il faut rediscuter la directive « Retour », qui pose une vraie difficulté, notamment pour le contrôle de nos propres frontières intérieures et des réadmissions. L'article 3 prévoit qu'un étranger en situation irrégulière peut être éloigné sans son consentement, pour peu qu'on parvienne à montrer que des arrangements de réadmission ont été conclus dans un pays d'origine ou de transit. Ainsi, si l'on démontre que cet étranger a transité par un pays ou y a séjourné, même si ce n'est pas son pays d'origine, dès lors qu'un accord bilatéral existe, on peut l'y éloigner.

Un chiffre vous montrera combien ces accords offrent le cadre fondamental d'une politique d'éloignement : plus de 90 % des réadmissions sont réalisées avec des pays qui ont signé de tels accords ; sans eux, notre politique d'éloignement serait encore moins efficace.

De plus, ces accords peuvent être conclus par l'UE, selon l'article 79 du traité sur le fonctionnement de l'UE. Quand l'Union le fait, sa compétence devient exclusive et les États membres doivent se retirer. Cette disposition peut présenter des avantages, comme dans le cas de l'accord que l'UE a conclu avec la Tunisie, même s'il est plus global.

J'évoquais plusieurs générations d'accords bilatéraux. Avec les accords de première génération, signés dans les années 2000, nous avons multiplié de grands accords mixtes. Il s'agissait d'accords de gestion, qui étaient élargis à l'ensemble du flux migratoire, légal et irrégulier. Ils étaient mixtes et pouvaient comprendre d'autres points, comme la surveillance aux frontières. Nous n'abandonnons pas ces accords, mais avons aujourd'hui un besoin plus opérationnel. Plus l'accord est large, moins la réadmission risque d'être effective parce que le pays concerné peut se glisser dans un angle mort.

Je vais donc tenter de développer une nouvelle génération d'accords, moins ambitieux en ce qu'ils sont moins généraux, mais plus efficaces en ce qu'ils sont plus ciblés. Ces formes plus souples, quasiment administratives, permettent de formaliser des procédures très précieuses pour nos services. En conséquence, les États avec lesquels nous les signons souhaitent rarement qu'ils soient publics. C'est la condition de leur efficacité et de leur signature ; il faut l'assumer, même s'ils ne comportent rien de fondamentalement secret.

Bien sûr, dans certains cas, les accords peuvent prendre en compte d'autres éléments. Ainsi, quand je suis allé au Maroc, nous avons aussi discuté de la criminalité organisée. À titre d'exemple, à Marseille, deux clans s'affrontent : le DZ Mafia et le clan Yoda. Félix Bingui, à la tête de ce dernier, est désormais derrière les barreaux marocains.

La stratégie internationale en matière migratoire s'articule autour de points de priorités géographiques, codéfinis par les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères. Ainsi, nous avons un énorme souci à Mayotte et, dans quelques semaines, j'irai dans la région des Grands Lacs pour développer des accords avec plusieurs pays. Nos problèmes et l'origine des ressortissants que nous voulons faire réadmettre dessinent une géographie. En ce moment, nous avons un problème avec la population d'Afghans présents en France, dont certains sont très islamisés. Comme nous n'avons pas de représentation diplomatique en Afghanistan, il faut passer des accords avec d'autres pays de la plaque asiatique, comme nous l'avons fait avec le Kazakhstan en novembre. Nous discutons aussi avec l'Ouzbékistan et le Kirghizistan. Nous essayons de dessiner une géographie de nos accords en fonction de la projection des menaces qui pèsent sur le territoire français.

J'en viens aux deux accords internationaux dont nous parlons beaucoup en ce moment. D'abord, l'accord franco-algérien de 1968, totalement dérogatoire, a été conclu dans un contexte particulier, quelques années après les accords d'Évian. Il a été modifié à trois reprises, en 1985, 1994 et 2001, et n'est donc pas gravé dans le marbre. En l'absence de nouvel avenant, toutes les évolutions du droit du séjour et de la circulation des étrangers intervenues depuis plus de vingt ans ne sont pas applicables aux Algériens. Ce cadre prévaut sur tout le reste pour ces ressortissants, y compris sur le Ceseda.

Ces ressortissants disposent de conditions avantageuses et dérogatoires en matière d'immigration familiale et professionnelle, dont je pourrai vous donner des exemples édifiants. Ces avantages ont conduit structurellement à deux difficultés. D'abord, ils ont profondément structuré l'immigration algérienne en une immigration d'installation, au contraire des immigrations marocaine et tunisienne, aujourd'hui davantage économiques et estudiantines. Ensuite, il n'existe pas de fondement juridique pour refuser aux ressortissants algériens le renouvellement de certificats de résidence de dix ans, même lorsque leur comportement constitue une menace grave à l'ordre public, ce qui est terrible.

J'en viens au traité du Touquet de 2003, signé avec le Royaume-Uni. Depuis le début de l'année, 72 personnes sont mortes lors de leur traversée de la Manche. La situation ne peut plus durer. Nous renforçons notre présence et 800 gendarmes et policiers gardent la frontière. Ces derniers font face à une agressivité croissante. La population est excédée par les dégradations en ville et les actes de délinquance.

Il va falloir traiter ce problème dans un autre cadre. Aujourd'hui, le cadre repose sur deux accords : le traité du Touquet et celui de Sandhurst. Le premier externalise la frontière britannique sur les côtes françaises. Sa dénonciation n'aurait pas d'effet sur les flux transfrontaliers irréguliers dans la Manche et la mer du Nord. En effet, 30 % du flux irrégulier européen se retrouve autour de cette zone, devenue frontière extérieure de l'UE après le Brexit. De plus, la dénonciation présenterait un risque économique important pour les ports. En effet, le traité règle la question de l'ensemble des échanges, notamment de marchandises. Il faudrait mettre en place en France des zones d'attente, y compris pour les étrangers non admis.

Le traité de Sandhust, qui date de 2018, encadre la façon dont le Royaume-Uni contribue à la politique de défense de la frontière commune. Il le fait de manière incomplète, mais le dénoncer reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Les Britanniques nous donnent aujourd'hui à peu près 500 millions d'euros, quand la protection des frontières coûte au moins le double.

J'irai à Calais en fin de semaine, y passerai une nuit avec les forces de l'ordre, y rencontrerai les maires, les membres d'associations et les secours. J'ai également invité mon homologue britannique Yvette Cooper à venir le 9 décembre et, le 10, je serai à Londres où se réunira le groupe de Calais, qui rassemble traditionnellement les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique, la France, le Royaume-Uni et auquel s'ajoutera l'Irlande. L'objectif est de sortir du face-à-face franco-britannique pour créer un nouveau cadre, totalement différent.

Nous pourrions concevoir un traité entre l'UE et le Royaume-Uni. Il faudra travailler à une voie d'admission légale, puisque 70 % de ceux qui traversent sont admis au Royaume-Uni, qui ne joue pas le jeu puisqu'une partie de son économie repose sur le travail clandestin. Il faut aussi prévoir une voie de réadmission et il est hors de question que la France prenne à sa charge l'ensemble des réadmis.

M. Olivier Bitz, rapporteur. - Je reviendrai sur l'accord franco-algérien, qui est problématique et s'inscrit dans des relations actuellement complexes. Comment renégocier dans un contexte aussi tendu ? En cas d'absence de perspective de renégociation, envisageriez-vous une dénonciation unilatérale ? Quel serait alors le régime applicable ? Enfin, quel est le niveau de notre coopération avec l'Algérie ? Au cours de nos auditions, il nous a été dit que la coopération se passait plutôt bien pour les cas du haut du spectre et de menace à l'ordre public. Il faudra faire attention à ne pas sacrifier cette coopération sur les cas les plus graves pour des enjeux qui concernent des personnes posant moins de difficultés.

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. - Lors de nos auditions, nous avons beaucoup entendu qu'il fallait renouer avec un esprit de droit mou, ce qui rejoint ce que vous avez dit sur des accords plus administratifs et précis. Peut-être faudrait-il privilégier un cadre de négociations récurrentes plutôt que des accords signés, afin de remettre à jour régulièrement les procédures, selon l'évolution des contextes. Le fait de signer des accords peut empêcher une certaine flexibilité. Il faut aussi utiliser à la fois la carotte et le bâton, y compris avec un même pays. Nous ne pouvons pas être systématiquement dans un rapport de force et la collaboration peut parfois s'avérer plus fructueuse. À cet égard, il faut davantage développer une stratégie diplomatique globale. Nous pouvons vous retrouver sur l'idée que les accords globaux sont un peu contre-productifs, mais il faut laisser une large latitude à l'action diplomatique, y compris pour obtenir les laissez-passer consulaires.

Une question plus large se pose : le but est-il uniquement de se préoccuper des réadmissions ? Avoir plus de voies claires d'immigration légale, identifiées dans les pays de départ et facilitées par notre réseau consulaire, permettrait de réduire le problème de l'immigration illégale. Certaines personnes risquent leur vie alors qu'elles auraient pu passer par des voies légales. Mieux sécuriser les voies légales permet aussi de se concentrer de manière plus efficace sur ce qui pose problème dans l'immigration illégale, notamment sur la question des personnes dangereuses. Je peux entendre que les hommes qui viennent aujourd'hui d'Afghanistan ne sont pas ceux de la première vague. En revanche, on devrait faciliter l'accès à l'asile des femmes afghanes. Il y a des façons différenciées de traiter des publics différents, y compris depuis un même pays.

Vous avez dit que l'accord franco-algérien était très avantageux pour les Algériens. Cependant, les Algériens réclament aussi une renégociation et estiment que, pour certains points, ils sont défavorisés par rapport au droit commun. Vous avez également mentionné une immigration d'installation ; est-elle vraiment due à l'accord ? Il s'agit plutôt de notre histoire, du fait que l'Algérie a été une colonie de peuplement et que, depuis le début du XXsiècle, des familles franco-algériennes sont installées des deux côtés et ont l'habitude de vivre entre les deux pays. Les Algériens continueront de s'installer en France. Vous avez indiqué qu'une dénonciation du traité du Touquet n'aurait pas d'impact sur le flux et je voudrais vous poser la même question sur l'accord franco-algérien.

En ce qui concerne le traité du Touquet, nous sommes d'accord sur le fait qu'il ne fonctionne plus et j'accueille de manière positive le fait qu'on veuille trouver un nouveau cadre au niveau européen, qui prévoirait aussi des voies légales claires. Nous procédons nous-mêmes à des externalisations négociées au niveau européen et français, comme en Tunisie. L'échec de l'externalisation prévue par les accords du Touquet ne devrait-il pas nous engager à tirer des conclusions plus larges sur le principe d'externalisation ? Pourquoi fonctionnerait-il mieux quand nous, Français, tentons de le mettre en place de l'autre côté de la Méditerranée ? Cette façon de faire ne constitue-t-elle pas une impasse si on ne développe pas aussi les voies légales et si on ne met pas les moyens nécessaires pour s'assurer que les droits humains des migrants sont respectés ? Il nous faut être vigilants sur la manière dont nous gérons ces nouveaux accords.

M. Bruno Retailleau, ministre. - Le partage des responsabilités entre le ministère de l'intérieur et celui des affaires étrangères est clair. Le ministre de l'intérieur a la main sur la politique des visas, au travers des consulats, ce qui est fondamental. Pour autant, il y a une coopération, qui va devenir plus visible encore. En effet, le ministre des affaires étrangères nomme un ambassadeur chargé des migrations et j'ai tenu à désigner moi aussi un missi dominici, pour tenir compte du caractère technique des nouveaux accords. Ce missi dominici sera rompu aux modalités pratiques de la réadmission et formera un tandem avec l'ambassadeur. Cela n'avait jamais été fait et j'annoncerai dans quelques jours le nom de celui que je choisirai pour effectuer ce travail.

Le comité stratégique sur les migrations ne s'est pas réuni depuis plus d'un an et se réunira sans doute en début d'année. Il s'agit d'un point important.

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Monsieur le ministre, cela signifie-t-il que vous souhaitez mettre en place de nouvelles orientations ?

M. Bruno Retailleau, ministre. - Bien sûr, pour acter une grande partie de ce que je viens de vous dire ainsi qu'une méthode de travail pour nos deux ministères. Je rêve qu'il soit un jour possible d'organiser une réunion entre les hauts fonctionnaires de l'intérieur et des affaires étrangères. Il s'agit d'harmoniser l'action de l'État, qui est un, sous la responsabilité du Premier ministre.

Madame Narassiguin, votre compréhension des accords de nouvelle génération est la bonne. Il s'agit d'arrangements plus administratifs, qui ne nécessitent pas de ratification particulière. Ils sont plus souples et peuvent être révisables.

Bien sûr, il y a des voies légales et j'espère que le nouveau cadre liant l'Europe au Royaume-Uni en définira. Cependant, je voudrais rappeler que nous avons signé 66 accords en matière de migration légale et moins de la moitié concernent la réadmission seule.

Par rapport à ses partenaires européens, la France se singularise par deux caractéristiques en matière migratoire : elle a l'immigration la plus africaine - trois fois plus par rapport à la moyenne - et la moins tendue vers le marché du travail. Ainsi, le taux de chômage des étrangers est trois fois supérieur à celui des nationaux.

J'en viens à l'accord franco-algérien. D'abord, la nationalité algérienne est la nationalité étrangère la plus présente sur le territoire national. Ainsi, 646 462 majeurs sont en possession d'un titre de séjour. Il s'agit d'une immigration d'installation, très favorable à l'immigration familiale et notamment aux conjoints de Français. En outre, tous les ans, plus de 200 000 visas sont accordés. En 2023, 209 708 visas ont été accordés, soit une hausse de 60 % par rapport à 2022. À titre de comparaison, l'an dernier, moins de 2 000 laissez-passer consulaires ont été accordés. Vous voyez bien la différence de flux et le problème en matière de réciprocité.

Dans les centres de rétention administrative (CRA), 40 % des retenus ont la nationalité algérienne. Il y a donc un problème. Quand on négocie les laissez-passer consulaires, la priorité est de faire réadmettre des personnes qui sont dans les CRA. Ces centres comptent peu de places et nous les réservons désormais aux auteurs de troubles à l'ordre public.

L'accord franco-algérien est le seul accord bilatéral qui évoque uniquement les conditions de séjour et de travail des étrangers en France. Il régit de manière détaillée et complète toutes les conditions dans lesquelles les Algériens sont admis à séjourner et à exercer une activité professionnelle en France.

Les ressortissants algériens éligibles au séjour bénéficient non pas de titres de séjour, mais de certificats de résidence algériens - pour un, deux ou dix ans - et d'autorisations provisoires de séjour. Ils peuvent également bénéficier de l'admission exceptionnelle au séjour via le pouvoir discrétionnaire des préfets pour des personnes étrangères qui ne sont pas soumises au droit commun. Il s'agit d'une décision du Conseil d'État. En 2022, 22 350 ressortissants ont bénéficié d'une telle procédure, par la voie de la régularisation.

Les dispositions de l'accord sont en général beaucoup plus avantageuses, à part quelques-unes. J'en donnerai d'autres exemples. Les ressortissants algériens ne sont pas soumis à la signature des contrats d'intégration républicaine, ce qui est incroyable. Le nouveau contrat d'engagement à respecter les principes de la République ne leur est pas non plus applicable. Le certificat de résidence salarié algérien est valable pour toutes les professions et toutes les régions, les restrictions géographiques et professionnelles, notamment applicables à la carte de séjour temporaire salarié, ne leur sont pas non plus opposables.

Par ailleurs, les Algériens peuvent déposer une demande de regroupement familial au bout d'un an de séjour et ceux qui les rejoignent obtiennent un certificat de résidence pour algérien, dont la durée est similaire à celle du certificat de la personne rejointe. De plus, les conjoints algériens de Français ne sont pas soumis à l'obligation de présenter un visa de long séjour pour entrer et séjourner en France. En outre, un certificat de résidence de dix ans est octroyé au bout d'un an de mariage, ce qui pose problème et encourage parfois à conclure des mariages qui n'en sont pas vraiment.

La dénonciation de l'accord emporterait la fin du délai de douze mois pour demander le regroupement familial, quand le droit commun en prévoit dix-huit, la fin de la prise en compte des prestations et allocations sociales dans l'estimation des ressources et la fin de l'identité de titre pour les membres de famille venant dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Le passage au droit commun impliquerait aussi de se conformer aux principes essentiels qui régissent la vie familiale en France.

Aujourd'hui, les parents algériens de Français obtiennent un certificat de résidence d'un an s'ils exercent même partiellement l'autorité parentale ou s'ils subviennent effectivement aux besoins de l'enfant et, à l'expiration, obtiennent un certificat de résidence algérien de dix ans. De plus, si le ressortissant algérien est entré en France avant l'âge de 10 ans et qu'il a résidé habituellement en France malgré son entrée irrégulière, son séjour irrégulier ou son séjour sans parents est éligible à un certificat de dix ans.

Il existe aussi des dispositions dérogatoires en matière d'immigration professionnelle. Ainsi, l'exercice par un Algérien d'une activité commerciale, artisanale ou industrielle est soumis aux mêmes conditions que celles qui s'appliquent aux Français. Aucune preuve de viabilité économique n'est exigée pour une demande de titre ou de renouvellement sur cette base.

Il existe certes des dispositions moins favorables concernant la carte de séjour pluriannuelle, le « passeport talent », la carte de séjour pluriannuelle de travailleur saisonnier et la carte de résident permanent.

S'agissant des restrictions en matière de police de séjour et d'éloignement, l'accord franco-algérien ne prévoit aucune réserve d'ordre public, seul le refus de renouvellement du CRA d'un an étant possible lorsqu'il existe une menace à l'ordre public.

Les possibilités de dénoncer cet accord existent bel et bien. En réalité, cela ne semble pas poser de problèmes juridiques majeurs et il est faux de prétendre, comme le fait le pouvoir algérien, que cela aboutirait à un retour aux accords d'Évian, car nous retomberions alors - de façon certaine - sur les dispositions du Ceseda, c'est-à-dire de notre droit commun.

Dans une telle hypothèse, le raisonnement est le suivant : l'accord du 27 décembre 1968 ne comportant pas de clauses de dénonciation par l'une ou l'autre des parties, c'est le droit international commun qui s'appliquerait, c'est-à-dire, en l'espèce, la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. En vertu de ladite convention, la dénonciation unilatérale d'un traité n'est pas autorisée à l'exception de deux considérations :

soit, d'une part, s'il est montré qu'il entrait dans l'intention des parties d'admettre la possibilité d'une dénonciation ; soit, d'autre part, si le droit de dénonciation peut être déduit de la nature du traité.

L'analyse de nos services est aussi « qu'il pourrait être soutenu que l'accord de 1968 fait partie des traités qui n'ont pas vocation à être perpétuels, comme peuvent l'être les traités de paix ou les traités délimitant les frontières ». La matière même de l'accord franco-algérien est en effet bien différente de la fixation des frontières, qui sont là pour toujours, et est davantage liée à un moment de la vie économique et sociale des pays : selon notre analyse juridique, l'accord ne fait donc pas partie de la catégorie des traités qui ne pourraient pas être dénoncés.

Certes, le texte de l'accord de 1968 fait référence, dans son préambule, à la déclaration de principe des accords d'Évian, les autorités algériennes en tirant la conclusion que la dénonciation du texte équivaudrait à mettre fin auxdits accords. Selon elles, cette dénonciation ramènerait au statu quo ante, c'est-à-dire à la libre circulation entre les deux pays telle qu'elle existait de facto avant l'indépendance.

Cette analyse est erronée et il serait légitime, d'après la direction juridique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), que la France invoque le droit coutumier tel qu'inscrit dans l'article 59 de la convention de Vienne, en vertu duquel un traité postérieur doit être tenu comme abrogeant un traité antérieur dans l'hypothèse où le traité subséquent réglemente la même matière - en cas d'incompatibilité entre deux traités.

De toute évidence, le traité de 1968 n'avait pas pour vocation de compléter les accords d'Évian, mais de s'y substituer, car le principe de liberté totale d'installation inscrit dans les accords d'Évian paraissait incompatible avec celui des restrictions et des conditions de séjour. La nature même de l'accord de 1968 bat en brèche l'idée selon laquelle nous pourrions revenir purement et simplement aux accords d'Évian.

Outre la récente affaire autour de l'écrivain Boualem Sansal, les relations avec l'Algérie sont extrêmement tendues, malgré les nombreux efforts fournis par le président de la Répunlique. Le régime algérien a d'ailleurs adopté des mesures hostiles telles que celle qui vise à « défranciser » l'enseignement : bien avant les frictions liées à la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, un processus très agressif s'est engagé. En tant que ministre de l'intérieur, j'ai également à connaître d'autres éléments qui me laissent à penser qu'une puissance étrangère ne peut pas tout s'autoriser en matière de violation de souveraineté.

À titre personnel, je suis favorable à la dénonciation de cet accord, car il est question de droits exorbitants du droit commun et de dérogations que plus rien ne justifie. L'Algérie vole de ses propres ailes depuis de nombreuses années, et c'est tant mieux : peut-être que nos deux pays pourraient se rendre mutuellement service en s'oubliant un peu l'un l'autre, notamment en matière d'accords migratoires.

Ces propos n'engagent que moi, aucun arbitrage du Premier ministre ou du Gouvernement n'ayant été rendu sur ce sujet. Je tenais cependant à vous décrire une situation totalement dérogatoire et déséquilibrée.

M. Dany Wattebled. - Je souhaite revenir sur les accords du Touquet alors que vous vous apprêtez à vous rendre sur les côtes du Nord. Un bouchon humanitaire s'y est formé à la suite de l'arrivée de flux de personnes venant de tous les côtés de l'Europe ; parallèlement, aucun bateau ne part de la Belgique vers la Grande-Bretagne, alors que les plages de nos voisins ne sont guère éloignées.

Le droit anglais attire ces migrants et je doute qu'un accord financier complémentaire modifie la situation tant le désir des migrants de partir vers le Royaume-Uni est fort. Les ports français jouent désormais le rôle de frontière, ce qui me semble totalement illogique ; les accords de Dublin, quant à eux, impliquent de reconduire la personne immigrante dans le premier pays d'accueil, qui peut être l'Italie ou l'Espagne, mais le bouchon humanitaire reste chez nous, avec les tragédies humaines liées aux tentatives de traversée.

De fait, nous accomplissons le travail des Britanniques, qui pourraient modifier leur législation.

Mme Sophie Briante Guillemont. - Monsieur le ministre, si vous veniez à gagner l'arbitrage sur la dénonciation de l'accord avec l'Algérie, vous n'êtes pas sans savoir que plus de 30 000 ressortissants français sont présents en Algérie et qu'ils risquent de subir les conséquences de la dégradation des relations entre nos deux pays. N'oublions donc pas que la réciprocité vaut aussi pour nos ressortissants.

Par ailleurs, si les aides de l'AFD peuvent jouer le rôle de levier diplomatique, je rappelle que l'aide publique au développement (APD) vise à limiter les départs du pays concerné, en faisant en sorte d'y garantir des conditions de vie satisfaisantes. Selon moi, conditionner l'APD revient à se tirer une balle dans le pied si l'on entend limiter l'immigration, en particulier l'immigration illégale.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je tiens à saluer, monsieur le ministre, la clarté de vos positions. J'estime qu'il faut davantage se placer dans une optique de rapport de force avec l'Algérie, le temps n'étant plus à la gentillesse.

L'accord franco-algérien pose problème depuis de nombreuses années, comme j'ai pu le constater en tant que présidente de la commission du titre de séjour dans mon département. Lorsque des Algériens obtiennent des titres de séjour au bout de dix ans sans condition, alors que des personnes d'autres nationalités présentes sur le territoire pendant la même durée n'y ont pas accès, il existe une véritable injustice.

De plus, le français n'est plus enseigné en Algérie et les jeunes arrivant dans notre pays ne parlent que très peu notre langue, ce qui pose un véritable problème. Une fois encore, j'apprécie la clarté de vos positions et j'espère que vous obtiendrez un accord global du Gouvernement sur ce sujet. Comme vous l'avez indiqué, les Français attendent un changement de cap pour notre politique migratoire : il y a ainsi urgence à dénoncer cet accord, qui n'a plus de sens aujourd'hui.

Concernant les difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le Nord, je souligne qu'une partie des migrants commencent à se déplacer vers la Normandie, avec des problèmes identifiés à Caen comme à Rouen. Nous devrions évoquer ce problème plus récent, qui risque de s'aggraver.

M. Bruno Retailleau, ministre. - Je partage l'avis de Dany Wattebled, qui connaît bien la situation dans le Nord. S'agissant des aspects financiers, je rappelle que le traité de Sandhurst permet à la France de demander au Royaume-Uni une contrepartie pour la surveillance des frontières ; j'évoquais, pour ma part, un accord idéal, qui n'aurait pas un caractère financier.

La situation est claire : quoi qu'ils en disent, les Britanniques n'ont à aucun moment créé les conditions d'une moindre attractivité de leur pays. J'aborderai ce point avec mon homologue Yvette Cooper, en insistant sur le fait qu'il n'est pas envisageable de demander à la France de garder la frontière si, de l'autre côté de la Manche, aucune mesure n'est adoptée afin de réduire l'attractivité du territoire, en matière de droit du travail par exemple. Là encore, je souhaite que la réciprocité soit de mise, ce principe étant valable pour tous les pays.

Du reste, les accords de Dublin ne fonctionnent plus, d'où la nécessité d'un nouvel accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Madame Briante Guillemont, il existe bien évidemment une communauté française en Algérie, mais c'est le cas dans tous les pays, et la France ne peut pas être prise en otage pour cette raison. Je n'ai pas exigé la dénonciation de l'accord, mais simplement dit qu'elle était possible si aucune coopération ne se dessinait sur les sujets de sécurité et de migration. Je souhaite que la raison permette à nos deux nations de dépasser l'accord actuel, qui est totalement déséquilibré. Je cherche aujourd'hui les raisons
- en dehors de celles que l'on peut trouver dans notre histoire - qui justifieraient ce déséquilibre. Si je n'enverrai pas une lettre de dénonciation en sortant de cette salle, je tiens à ce que l'on sache qu'il est parfaitement possible de dénoncer l'accord franco-algérien.

Par ailleurs, l'APD ne sert en aucun cas à limiter l'immigration et je souhaite que nous rétablissions également un équilibre dans ce domaine. Dans un contexte budgétaire très contraint, chaque ministère doit faire des efforts ; il me paraît tout aussi naturel et légitime que les ressources, en voie de raréfaction, soient utilisées prioritairement en direction d'États qui coopèrent.

Madame Eustache-Brinio, je vous remercie de vos propos. Comme vous, je crois que nous nous approchons de ce moment de clarification. Pour ce qui est des côtes du Nord, je note que les côtes boulonnaises ne sont plus épargnées. Plus globalement, les accords du Touquet ont échoué : nous avons atteint le chiffre insupportable de 72 migrants morts en tentant de traverser la Manche et il nous faut désormais changer de cap.

Je porterai ce message aux élus que je rencontrerai le 29 novembre, mais surtout à Yvette Cooper et à mes collègues du groupe de Calais : nous ne pouvons pas continuer ainsi, sauf à nous rendre coupables des drames qui se produisent entre les côtes anglaises et françaises.

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Je vous remercie de votre venue devant la commission.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION EN COMMISSION DE MME SOPHIE PRIMAS, MINISTRE DÉLÉGUÉE AUPRÈS DU MINISTRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, CHARGÉE DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

MARDI 3 DÉCEMBRE 2024

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. -- Nous recevons aujourd'hui Sophie Primas, ministre déléguée auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger, dans le cadre de notre mission d'information sur les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire.

L'idée de cette mission d'information, dont Olivier Bitz, Corinne Narassiguin et moi-même sommes les rapporteurs, a germé au cours des travaux que j'avais conduits avec Philippe Bonnecarrère lors de l'examen de la dernière loi relative à l'immigration.

Si on légifère souvent sur l'immigration, on oublie de préciser que des pans entiers de notre politique migratoire sont réglés par le droit international et échappent donc au législateur. L'exemple le plus parlant est évidemment celui des ressortissants algériens, qui bénéficient au titre de l'accord de 1968 d'un régime de séjour intégralement dérogatoire. Au-delà de ce cas emblématique, nos travaux nous ont conduits à identifier une myriade d'accords applicables dans tous les domaines de la politique migratoire : visas, réadmission, gestion concertée et codéveloppement, etc. Si l'on rajoute les accords européens, on arrive à un total d'environ 200 instruments internationaux à visée migratoire.

Le sujet mérite une attention particulière pour au moins deux raisons. D'une part, la structuration de la coopération avec les États de départ semble être un facteur clé de la prévention des départs comme de l'amélioration de notre politique de retours. D'autre part, la cohérence de notre droit pâtit de cet empilement d'accords dérogatoires qui ne sont pas toujours appliqués, voire jamais évalués et pour certains d'entre eux tombés en désuétude. Vous nous direz, madame la ministre, si vous partagez ce sentiment d'un certain « fouillis » en la matière.

Nous nous sommes donc donné trois objectifs dans nos travaux : fiabiliser le recensement des accords, établir un bilan de leur application et formuler des recommandations pour une meilleure structuration de notre politique migratoire. Par ailleurs, nous avons souhaité aborder spécifiquement deux points particuliers : le premier a trait à la relation franco-algérienne ; le second intéresse les accords de coopération transfrontalière conclus avec le Royaume-Uni. À ce titre, je souhaite vous poser deux questions.

Premièrement, pourriez-vous nous éclairer sur la stratégie mise en place par les pouvoirs publics pour structurer cette diplomatie migratoire, partagée entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur ? Bruno Retailleau a évoqué devant nous, la semaine dernière, son souhait de réunir prochainement le comité stratégique des migrations (CSM). Quelles pourraient être les nouvelles orientations retenues ?

Deuxièmement, sur le sujet hautement sensible de l'accord franco-algérien, et avant toute appréciation politique, il me semble essentiel de poser les termes du débat. Partagez-vous l'analyse selon laquelle cet accord est, dans l'ensemble, plus favorable que le droit commun pour les ressortissants algériens ? Dans l'hypothèse d'une dénonciation unilatérale, quel régime de séjour leur serait applicable ? Enfin, quelle est votre position quant au futur de cet accord : maintien du statu quo, renégociation ou dénonciation ?

Je précise que cette audition est captée et retransmise en direct sur les canaux de communication du Sénat.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger. -- Mon propos liminaire répondra d'abord à vos interrogations sur la structuration des outils à notre disposition, tant au niveau national qu'européen, en matière de politique migratoire.

La politique migratoire de la France, dans sa dimension extérieure, est un sujet complexe, souvent clivant, qui exige une réponse à la hauteur des défis d'un monde de plus en plus en proie à des mutations profondes et qui s'accélèrent. Les conflits, le changement climatique, les inégalités sociales mondiales exacerbent des crises migratoires qui nous rappellent à tous, quotidiennement, l'urgence d'agir. Cette politique résulte aujourd'hui d'une étroite coopération entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et le ministère de l'intérieur, ainsi qu'entre la France et ses partenaires européens.

Il ne s'agit pas seulement de gérer des flux ou de durcir les contrôles : le Gouvernement entend bâtir une vision qui assure à la fois une maîtrise rigoureuse de l'immigration et le maintien d'une politique d'attractivité à l'égard des talents, des investisseurs et des étudiants du monde entier. Nous cherchons ainsi à suivre une ligne de crête entre fermeté et attractivité.

Depuis la crise de 2015 et bien que le domaine migratoire relève d'une compétence partagée, le rôle de l'Union européenne s'est renforcé. Le pacte sur la migration et l'asile adopté le 17 octobre dernier marque en ce sens une étape très importante. Ce texte, que nous espérons mettre en oeuvre


avant juin 2025, permettra des contrôles stricts ainsi qu'une procédure d'asile aux frontières de l'Union, tout en assurant une meilleure répartition de l'accueil des bénéficiaires d'une protection internationale.

Trois priorités guident l'action au niveau européen : la refonte de la directive dite « Retour », car une politique migratoire crédible repose sur la capacité à organiser des retours qui soient effectifs et dignes ; le renforcement des partenariats avec les pays d'origine et de transit
- la Tunisie, l'Égypte ou le Liban en offrent des exemples récents - ; et la réforme du code frontières Schengen, essentielle pour allier liberté de circulation à l'intérieur de l'Union européenne et sécurité renforcée. Sur le plan national, la loi du 26 janvier 2024 constitue désormais la déclinaison législative de cette politique.

Les accords bilatéraux et européens que nous avons signés sur les retours, les mobilités professionnelles, les visas ou les réadmissions sont autant d'outils stratégiques que nous devons continuer à développer et, peut-être, simplifier.

Le Premier ministre, dans son discours de politique générale du 1er octobre dernier, a placé la maîtrise de l'immigration parmi les cinq priorités nationales. Il nous a appelés à dépasser nos postures idéologiques pour aborder ce sujet avec fermeté, sérénité, pragmatisme et humanité. Nous partageons cette vision et c'est pourquoi nous plaçons au coeur de notre stratégie un dialogue exigeant avec les pays d'origine et de transit. Ce dialogue n'est pas un luxe, mais une absolue nécessité : sans la coopération de ces pays, nos efforts resteront vains.

L'approche du MEAE repose sur cinq piliers fondamentaux.

Premièrement, la lutte contre les causes profondes des migrations : pauvreté, instabilité politique, désastre climatique. Elles impliquent tout particulièrement une politique de coopération.

Deuxièmement, les migrations légales, qu'elles soient étudiantes, professionnelles ou humanitaires. Elles renvoient à la politique d'attractivité dont j'assure, dans mon ministère, la responsabilité.

Troisièmement, les dispositifs de protection et d'asile. Ils font depuis toujours de la France un havre pour ceux qui fuient les persécutions et font notamment intervenir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Quatrièmement, la prévention et la lutte implacable contre l'immigration illégale. C'est la mission conjointe du ministère de l'intérieur et du MEAE.

Cinquièmement, l'organisation de retours dignes, accompagnés de programmes de réintégration dans les pays d'origine. Elle relève essentiellement du ministère de l'intérieur.

Depuis janvier 2023, le CSM constitue un outil majeur pour coordonner les actions de l'État. Il est coprésidé par les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères. Son secrétariat est assuré par Cyrille Baumgartner, ambassadeur chargé des migrations, aujourd'hui présent à mes côtés. Réuni pour la première fois le 6 janvier 2023, ce comité a permis de fixer notre doctrine interministérielle en matière migratoire et d'arrêter des orientations stratégiques prioritaires précises : dialogue avec les pays tiers - incluant les questions relatives aux réadmissions de leurs ressortissants en situation irrégulière -, politique des visas dans le cadre des normes européennes et nationales applicables, prise en compte des enjeux d'attractivité économique - dont ceux liés à la mobilité des étudiants -, aide publique au développement et investissements solidaires et durables.

J'insisterai sur l'enjeu de l'attractivité. La politique migratoire de la France ne doit pas être seulement défensive ; elle doit également être offensive. Nous devons attirer les talents, les compétences et les énergies qui contribuent à notre rayonnement. Les meilleurs étudiants, les chercheurs, les entrepreneurs, mais aussi les travailleurs qualifiés et parfois les saisonniers sont des atouts stratégiques pour notre économie et notre influence. La France est une des principales destinations des investissements privés étrangers ; pour les favoriser, il nous faut pouvoir accueillir des cadres étrangers, des travailleurs qualifiés et des chercheurs du monde entier.

Nous menons une politique active d'accueil dans les lycées français de l'étranger. Leur réseau est unique et concourt à notre influence. Une grande partie de leurs élèves souhaitent ensuite poursuivre leurs études supérieures en France ; c'est un autre facteur d'influence et de rayonnement considérable qui, dans un second temps, engendre des flux économiques importants. Et cela n'est pas incompatible avec une politique de contrôle de la réalité du statut d'étudiant en France.

Pour que la France reste un pays attractif, notre politique des visas s'avère être un levier décisif. Paul Hermelin, président du groupe Capgemini, a formulé 40 recommandations que nous avons mises en oeuvre dès 2023, en réformant nos pratiques à l'échelle de notre réseau diplomatique. Une instruction conjointe du MEAE et du ministère de l'intérieur nous a conduits à donner la priorité à une approche déconcentrée et à un pilotage local.

Dans cet élan, plusieurs mesures clés ont été adoptées : l'identification des publics prioritaires, l'adaptation de l'organisation et une communication ciblée. Ces efforts, qui s'inscrivent dans une volonté de transformation profonde, portent déjà leurs fruits. Le bilan, depuis dix-huit mois, est largement positif. Autour de nos ambassadeurs, c'est l'ensemble de



l'« équipe France » qui contribue à ce travail déterminant de ciblage des publics prioritaires, avec l'aide de nos opérateurs, Campus France pour les étudiants et Business France pour les salariés et entrepreneurs que nous voulons attirer.

Mieux cibler ces publics dans le cadre d'une stratégie assumée, c'est aussi améliorer le « parcours utilisateur » de ces talents. Cela se fait dès la phase amont, avec des rendez-vous facilités, davantage de visas de circulation délivrés et pour une durée plus longue, puis au cours de la phase aval, c'est-à-dire une fois l'installation effective en France, grâce à des référents attractivité et par des dispositifs d'accueil mis en oeuvre par les préfectures.

L'attractivité des étudiants internationaux illustre cette dynamique, avec plus de 400 000 d'entre eux accueillis par an. La France confirme son statut de destination privilégiée. Cette stratégie repose sur l'excellence. Nos ambassades ont reçu des instructions claires en vue de renforcer la sélectivité et la détection des talents. Avec la stratégie « Bienvenue en France », nous affirmons notre volonté d'être une terre d'accueil pour les élites académiques mondiales.

Cependant, nous devons aller plus loin en matière d'attractivité économique. Le constat est sans appel : en dix mois, entre 2023 et 2024, le flux de visas « talent » destinés aux salariés a chuté de 30 %. C'est pour moi un sujet de grande préoccupation. Ce dispositif, essentiel pour attirer les meilleurs profils, est aujourd'hui peu lisible du fait du nombre des catégories de cibles prioritaires ; il est aussi de moins en moins accessible pour les entreprises situées en dehors de la région parisienne, ainsi que pour les start-up et les jeunes diplômés en raison de la hausse constante et rapide des seuils de rémunération minimaux indexés sur le Smic.

Face à la concurrence internationale accrue, nous devons réviser nos critères. Les décrets d'application des articles 30 et 31 de la loi du 26 janvier 2024 sont attendus, mais je plaide dès à présent en faveur de trois mesures correctrices fortes : la fusion des catégories, qui simplifierait le dispositif, l'abaissement du seuil de rémunération requis, avec une indexation sur le salaire brut de référence plutôt que sur le Smic, ce qui permettrait de mieux répondre aux besoins des entreprises, et, enfin, une transposition immédiate de la directive européenne 2021/1883, qui assouplit les conditions d'accès à un titre de séjour « talent -- carte bleue européenne » pour les salariés hautement qualifiés, avec, de nouveau, un abaissement du seuil de rémunération. La plupart des autres États membres de l'Union européenne qui ont déjà transposé cette directive, dont l'Allemagne, proposent des conditions d'éligibilité plus favorables que celles applicables en France, ce qui crée un déficit d'attractivité en notre défaveur.

La relance de notre politique d'attractivité des talents est cruciale et parfaitement compatible avec une politique d'ensemble de fermeté contre les migrations clandestines. Elle constitue l'un des chantiers prioritaires du MEAE.

Cette stratégie ne peut être dissociée d'une action diplomatique coordonnée. Nos efforts doivent s'inscrire dans le cadre d'un dialogue global avec les pays partenaires, en particulier ceux qui sont identifiés comme prioritaires dans le champ migratoire. C'est l'objectif que visent les trente-neuf accords bilatéraux et les sept arrangements administratifs que notre pays a conclus en matière de réadmissions.

Ces accords établissent des règles claires pour chacun des États signataires et organisent les procédures de réadmission dans le pays d'origine. Nous constatons qu'ils fonctionnent et remplissent la principale mission qui leur a été assignée, à savoir faciliter la réadmission de personnes en situation irrégulière. Plus de 90 % des réadmissions sont réalisées avec les pays ayant signé un accord.

Ces accords permettent également d'alimenter le dialogue avec les pays signataires. Le dialogue est par exemple fructueux sur le sujet avec les autorités marocaines, avec lesquelles nous avons signé en 2019 un arrangement administratif portant sur la délivrance de laissez-passer consulaires.

On le constate aussi au stade de la négociation de nouveaux accords, comme c'est le cas actuellement avec la région de l'Afrique des grands lacs. Il est nécessaire pour notre pays de toujours veiller à articuler la négociation de ces accords avec les autres dimensions de notre action diplomatique.

Au-delà des accords bilatéraux de réadmission, nous entendons mobiliser tous les leviers disponibles en vue de renforcer la coopération. Dans une logique d'incitation, et au besoin de contrainte, le niveau européen doit être privilégié. En mutualisant les efforts au sein de l'Union européenne, nous renforçons évidemment l'efficacité de nos actions, tout en réduisant leur coût politique.

Un exemple significatif est le levier « visa-réadmission » introduit dans le code communautaire des visas il y a cinq ans. Il est encore assez peu exploité, mais il prévoit des mesures restrictives à destination des pays insuffisamment coopératifs en matière de retours qu'il pourrait être intéressant d'utiliser. Seules la Gambie, en 2021, et l'Éthiopie, en 2022, ont jusqu'à présent fait l'objet de telles mesures. Nous devons améliorer ce dispositif pour en faire un outil pleinement opérationnel.

En parallèle, je souhaite que nous puissions également faire usage du levier « préférence commerciale » au niveau européen à brève échéance. Cela suppose de mener à terme la négociation sur le règlement du système de préférences généralisées (SPG), de sorte qu'il intègre une conditionnalité relative aux réadmissions dans les accords commerciaux.

Le dernier levier dont nous disposons à l'échelle européenne est celui de l'aide publique au développement.

Il n'existe évidemment pas de réponse simple à un problème complexe. Le traitement des enjeux de la migration requiert un panachage de mesures qui ne peuvent être uniquement restrictives, au risque qu'elles se révèlent contre-productives. C'est le cas du levier de l'aide publique au développement, dont nous devons user de manière flexible et, surtout, incitative, conformément à l'approche européenne que nous avons d'ailleurs fortement contribué à forger, selon une logique « plus de coopération pour plus de facilités de réadmissions », afin de renforcer l'appui européen aux partenaires dont la coopération est jugée satisfaisante.

Nous avons oeuvré à ce que l'Union européenne incorpore la dimension extérieure des migrations dans ses instruments financiers ; c'est ainsi que l'instrument européen de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale consacre désormais 10 % de son montant total, soit 78 milliards d'euros, aux migrations et aux déplacements contraints.

Pour traiter de ces sujets complexes et leur apporter des réponses à la hauteur des enjeux, gardons-nous de solutions à l'emporte-pièce prises sous l'effet de l'actualité et qui ne prennent pas en compte le temps long de notre relation bilatérale avec les pays concernés.

Je pense notamment aux pays du Maghreb lorsque, sous la précédente législature, la décision avait été prise de diviser par deux le nombre de visas accordés aux ressortissants marocains et algériens, et d'un tiers pour les ressortissants tunisiens. La décision avait été justifiée par le manque d'efforts de ces pays d'accepter de recevoir leurs ressortissants faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Tant la mesure que son application indiscriminée nous sont revenues en boomerang et nous avons dû faire machine arrière. Nous avons constaté leur effet par trop négatif et disproportionné par rapport à celui que nous recherchions. De plus, cette mesure ruinait nos efforts destinés à attirer les talents de ces pays.

Cela signifie non pas qu'il faille être laxiste ou baisser les bras, mais plutôt que, pour traiter les causes profondes de la migration, nous devons mener une action diplomatique prenant en compte toutes les facettes des enjeux migratoires. À cette fin, notre ambition européenne dans ce domaine peut et doit s'articuler étroitement avec les outils dont nous disposons à l'échelle nationale. Deux leviers majeurs existent ici : la politique des visas et le développement solidaire.

En ce qui concerne la première, l'article 47 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler les migrations, améliorer l'intégration nous offre une base juridique solide pour refuser des visas en cas de coopération insuffisante. En partenariat avec le ministère de l'intérieur, nous adaptons les instructions aux ambassades afin de garantir une mise en oeuvre précise et ciblée. Ce n'est toutefois qu'un début et nos deux ministères soutiennent sans réserve l'introduction d'une clause suspensive pour défaut de coopération en matière migratoire dans tout nouvel accord bilatéral d'exemption de visa sur passeport officiel. Essentielle à la préservation de nos intérêts, cette clause pourrait encore s'étendre, au cas par cas, aux accords existants ; ce serait un signal clair et puissant envoyé à nos partenaires : la coopération ne saurait être une option.

Quant à la dimension du développement solidaire, il est impératif, dans un contexte budgétaire contraint, de flécher nos financements vers des priorités stratégiques. Il s'agit notamment de lutter contre la traite des êtres humains, de garantir le retour et la réadmission dans des conditions dignes, et de fiabiliser les systèmes d'état civil dans les pays partenaires. Ce soutien renforcé aux États les plus coopératifs en matière de retours et de réadmissions est à la fois une question d'efficacité et d'équité. Nous devons bâtir des partenariats solides, durables et ancrés dans une logique de bénéfice réciproque.

Vous l'aurez compris, les enjeux de notre politique migratoire extérieure sont complexes. Ils nécessitent un dialogue interministériel constant et approfondi et, probablement, des échanges avec chacun des pays, qui, tous, réagissent de façon différente. Soyez assurés de l'engagement de Jean-Noël Barrot et moi-même en ce sens, en lien étroit avec le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau.

À cet égard, je vous confirme l'intention de nos deux ministères de réunir le CSM au début de l'année 2025, afin notamment d'actualiser la liste des pays prioritaires de notre politique migratoire et d'arrêter nos orientations stratégiques communes. Cette réunion sera précédée d'une rencontre entre ambassadeurs et préfets, en présence des ministres, lors de la prochaine conférence des ambassadeurs, dans les premiers jours du mois de janvier prochain. Cette séquence permettra non seulement de renforcer la compréhension partagée des enjeux migratoires par nos deux ministères, mais aussi d'imaginer des solutions et d'affûter les réflexes de travail collectif entre nos administrations respectives.

Je terminerai en répondant à vos deux premières questions.

L'accord franco-algérien de 1968 est plus favorable que le droit commun pour certaines catégories de demandeurs de titre de séjour
- les conjoints de Français et les personnes ayant de la famille en France -, mais elle l'est moins pour d'autres -- les étudiants, les salariés qualifiés et les chercheurs. Pour ces derniers, il empêche en effet l'application de dispositifs introduits récemment, tels que le visa « talent ». Cet accord explique que l'immigration algérienne en France est nettement plus familiale que professionnelle.

Arrêtons-nous sur l'hypothèse d'une dénonciation unilatérale de cet accord. En le signant, la France et l'Algérie ont entendu substituer ses dispositions à celles des accords d'Évian, et non compléter ces dernières. Les secondes resteraient donc inapplicables, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas de principe de libre circulation. Le régime de droit commun de l'immigration et du séjour s'appliquerait alors aux ressortissants algériens. Par ailleurs, les effets de cette dénonciation ne seraient pas immédiats, puisqu'un préavis de douze mois à partir de sa notification - délai reconnu comme raisonnable par la convention de Vienne sur le droit des traités - devrait être respecté. Enfin, il existe un risque de contentieux dans la mesure où l'accord franco-algérien ne prévoit pas de clause de dénonciation et il appartiendrait dans ce cas à la France de prouver que l'accord n'exclut pas une telle possibilité.

Il nous revient de réfléchir au devenir de l'accord. Trois options s'ouvrent à nous : le statu quo, la négociation d'un avenant, la dénonciation. Chacune doit être pesée en considération de l'ensemble des intérêts en présence : intérêts migratoires, mais aussi intérêts économiques, politiques et diplomatiques. Compte tenu de la place qu'occupe l'accord dans la relation bilatérale franco-algérienne, nous ne pouvons ignorer que du choix retenu dépendra en grande partie le visage que prendra cette relation, laquelle est importante pour nous du point de vue tant humain que stratégique, sécuritaire et migratoire. Toute décision doit donc faire l'objet d'une concertation entre le MEAE et le ministère de l'intérieur. À titre personnel, je pense que la négociation d'un avenant constitue la meilleure option, afin de préserver nos intérêts avec l'Algérie, qui ne disparaîtront pas en dépit des crises, et de nous diriger vers un nouvel équilibre entre immigration familiale et immigration des chercheurs et des entrepreneurs.

En ce qui concerne la relation franco-britannique, la France ne dispose pas d'accord migratoire avec le Royaume-Uni. Toutefois, depuis 1986, nos deux pays ont développé des traités sur la construction et l'opération de la liaison fixe trans-Manche ainsi qu'un partenariat dense pour la gestion de la frontière commune, terrestre comme maritime.

Le traité du Touquet du 4 février 2003 a consacré l'externalisation réciproque du contrôle aux frontières sur le territoire du pays de départ pour les principales liaisons maritimes entre les deux pays. Un arrangement administratif l'a complété, en encadrant la création et le fonctionnement de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) dans les ports de la Manche et de la mer du Nord. La mise en oeuvre efficace du protocole de Sangatte et du traité du Touquet a quasiment réduit à néant les tentatives de traversées illégales de la frontière via les liaisons maritimes régulières et les liaisons ferroviaires.

Le traité de Sandhurst du 18 janvier 2018 relatif au renforcement de la coopération interétatique pour la gestion coordonnée de leur frontière commune ajoute au traité du Touquet un volet de lutte contre l'immigration clandestine et, en particulier, contre le phénomène terrible des small boats. Il organise les modalités d'échanges d'informations entre les autorités des deux pays et établit un cadre financier pour l'attribution des crédits britanniques, accordés en contrepartie des efforts engagés par la France. Ces crédits représentent 762 millions d'euros depuis 2018. Fructueuse, la mise en oeuvre du traité a été récemment renforcée par la déclaration bilatérale de mars 2023 qui porte accord financier triennal, d'un montant de 540 millions d'euros pour la période 2023-2026.

Ces derniers engagements financiers ont d'ores et déjà permis un important investissement dans les moyens de surveillance des côtes et d'intervention contre les départs de small boats, avec l'achat de deux hélicoptères, de cinq avions et de drones, et l'engagement de l'intégralité des crédits planifiés pour la première année de l'accord financier. Ils ont en outre permis le déploiement quotidien de 700 agents sur l'ensemble du littoral Manche-mer du Nord et de dépasser ainsi l'objectif de 500 agents initialement fixé. Une montée en puissance graduelle de ce dispositif est prévue, avec l'adjonction de 16 réservistes de gendarmerie au 1er janvier 2025.

Enfin, les échanges entre le ministère de l'intérieur et le Home Office se déroulent selon un rythme soutenu. Ils ont conduit au démantèlement de quelque 50 filières d'immigration illégale en moyenne chaque année.

Devons-nous renégocier ce cadre juridique et, dans l'affirmative, dans quel sens ? Nous considérons que sa mise en oeuvre a atteint ses objectifs. Son efficacité suggère de n'y pas renoncer. La dénonciation du traité de Sandhurst n'empêcherait pas l'afflux vers les côtes françaises de migrants espérant gagner le Royaume-Uni ; au contraire, elle créerait un appel d'air qui aggraverait la situation. Elle priverait la France et le Royaume-Uni d'une possibilité de coopération dans la lutte contre les petites embarcations, d'échanges d'informations et de contributions financières. Une renégociation dans le sens d'un renforcement de ce traité serait une meilleure voie à explorer.

M. Olivier Bitz, rapporteur. -- Je vous soumettrai deux questions.

La première concerne vos relations avec le ministère de l'intérieur dans l'organisation de la diplomatie migratoire. Ces dernières années, nous assistons à la montée en puissance dans ce domaine du ministère de l'intérieur, qui négocie de plus en plus directement avec ses homologues. La conséquence en est immédiate quant à la structuration et à la nature des accords conclus : ces accords, le plus souvent des arrangements administratifs, se révèlent de moins en moins globaux et multisectoriels, pour se concentrer toujours davantage sur les thèmes de l'immigration. Quelle est votre appréciation sur cette évolution, au lendemain de la nomination de Patrick Stefanini par le ministre de l'intérieur pour s'occuper des relations extérieures du ministère ?

La deuxième porte sur l'accord franco-algérien de 1968. La négociation d'un avenant à l'accord vous semble une voie intermédiaire acceptable, entre celle de la dénonciation et celle du statu quo. Nos travaux nous ont toutefois amenés à constater que, au-delà de la nature de l'instrument, c'est la qualité de la relation diplomatique avec l'État concerné qui prévaut le plus souvent. Comment envisagez-vous la possibilité d'un avenant connaissant nos relations complexes avec l'Algérie ?

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. -- Merci, madame la ministre, d'avoir rappelé, au-delà de la question des réadmissions, le sujet important de l'attractivité de la France.

Je souhaite évoquer l'accord franco-algérien dans un cadre plus global. Les accords, notamment ceux négociés sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ont été, pour une part, efficaces, notamment concernant les réadmissions ; mais, pour une autre part, on a constaté une rigidité. In fine, ces accords n'ont pas été respectés à la lettre et ont surtout permis de fixer un cadre de discussion, avec des ajustements selon l'état des relations diplomatiques et en jouant sur l'aide publique au développement (APD) ou la suspension des visas. Est-il souhaitable de favoriser la négociation et la diplomatie, tout en respectant les demandes et exigences du ministère de l'intérieur sur la question des réadmissions ? La renégociation de l'accord franco-algérien s'inscrit-elle dans un effort plus large de rétablissement de relations normalisées avec l'Algérie ?

Vous avez évoqué une renégociation des accords du Touquet et de Sandhurst. Le ministre de l'intérieur, pour sa part, a évoqué la négociation d'un accord au niveau européen plutôt qu'une renégociation des accords bilatéraux. Cela permettrait d'engager les pays concernés sur la question du contrôle des frontières, avec une voie légale de passage au Royaume-Uni. Dans la mesure où les migrants traversent plusieurs pays avant d'arriver en France, se pose un sujet de coopération avec nos partenaires européens. Par ailleurs, le démantèlement des réseaux exige également une coopération globale.

Mme Sophie Primas, ministre. -- Il est évident que notre force sera décuplée par une politique européenne ambitieuse. Nous arrivons à moment clé de la relation entre l'Union européenne (UE) et le Royaume-Uni. Le nouveau gouvernement travailliste souhaite élargir sa coopération avec le continent. Durant cette phase, nous devons rester vigilants afin de faire strictement respecter les intérêts de l'UE, et en particulier de la France, dans ce domaine comme dans d'autres ; je pense, par exemple, à celui de la pêche.

Depuis les négociations liées au Brexit, une approche globale est privilégiée afin d'éviter ce que les Anglais appellent le cherry picking
-- je prends ce qui m'intéresse et je laisse le reste. Tous les champs sont en négociation, y compris celui sur la responsabilité migratoire. Cette politique ne peut être menée qu'à un niveau européen, les migrants traversant de nombreux pays européens avant d'arriver à Calais ou Dunkerque. Sur ce sujet, j'approuve les propos de Bruno Retailleau.

Vous avez pointé un déséquilibre dans l'organisation entre le ministère de l'intérieur et celui des affaires étrangères. C'est la raison pour laquelle a été mis en place le CSM. Je laisse la parole à Cyrille Baumgartner, ambassadeur chargé des migrations, afin qu'il vous explique le fonctionnement présent et à venir de ce comité.

M. Cyrille Baumgartner, ambassadeur chargé des migrations. -- La question migratoire est à la fois fondamentale et complexe. Il est donc essentiel que nos deux ministères travaillent de façon coordonnée sur le sujet. De nombreux efforts ont été effectués en ce sens au cours des dernières années, et la mise en place du CSM, présidé par les deux ministres - celui de l'intérieur et celui des affaires étrangères - en est l'illustration. Ce comité fixe les orientations de la politique migratoire au niveau externe, en permettant notamment l'utilisation de certains leviers et en identifiant les pays avec lesquels nous menons un dialogue migratoire prioritaire. Accessoirement, la lettre de mission de l'ambassadeur chargé des migrations est adoptée dans ce cadre.

Notre approche - celle de la France et des États membres de l'UE - a été définie au plus fort de la crise migratoire en 2015-2016 ; elle s'incarne dans le plan d'action conjoint de la Valette (PACV) et s'appuie sur cinq piliers : action sur les causes profondes des migrations ; protection et asile ; voies de migration légale ; prévention des départs et lutte contre les trafics de migrants et la traite d'êtres humains ; et enfin, retour, réadmission et réintégration durable. L'idée est d'aborder tous ces sujets dans la globalité, selon une approche partenariale.

Ces accords en matière de réadmission ou de migration professionnelle sont des instruments, mais ne résument pas l'ensemble de la politique migratoire. Celle-ci, en effet, inclut le dialogue et la coopération avec les pays partenaires. Sur des sujets spécifiques avec un intérêt opérationnel majeur, comme celui de la réadmission, il n'est pas étonnant que le ministère de l'intérieur soit en première ligne pour porter les discussions. L'important, ensuite, est de resituer le sujet par rapport aux autres éléments de la problématique, en tenant compte de la relation politique et diplomatique avec les pays concernés.

Mme Sophie Primas, ministre. -- Un déséquilibre est apparu ces dernières années, favorable au ministère de l'intérieur. Il existe désormais des outils pour une relation plus équilibrée, dans le cadre notamment du PACV. Le rapport de M. Hermelin, concernant les besoins en termes d'attractivité, a également été important pour la restauration de cet équilibre entre les deux ministères.

Vous m'avez interrogé sur la manière dont on peut renégocier les accords avec l'Algérie. Dans la période actuelle, nos relations diplomatiques avec ce pays sont dégradées. Le fait de reprendre attache avec l'Algérie sans occulter les sujets qui fâchent, en cherchant à réactualiser un accord qui date de 1968, est une manière de rétablir peu à peu des relations diplomatiques apaisées entre deux pays ayant une part d'histoire commune.

Vous avez évoqué la possibilité d'un chantage concernant l'aide au développement ou le sujet des visas. Une palette d'outils est à la disposition de notre pays, sans aucune volonté de chantage. Notre seule volonté est de favoriser les pays qui jouent le jeu en matière d'immigration et de réadmission, avec des relations fondées sur la clarté et des résultats à la hauteur des attentes respectives.

Mme Sophie Briante Guillemont. - J'ai apprécié que vous insistiez, lors de votre propos liminaire, sur les effets positifs de l'immigration et sur le besoin d'attractivité ; cela tranche avec de nombreux discours actuels.

Mon interrogation porte sur la politique des visas. Les problèmes concernent les délais de traitement, la prise de rendez-vous ou même, via les prestataires externes, la revente de rendez-vous. Comment comptez-vous traiter le sujet ?

Par ailleurs, où en sommes-nous des mesures attendues à la suite du rapport Hermelin, notamment concernant le besoin d'agents instructeurs ? Les élus consulaires sont souvent sollicités sur le sujet des visas, alors que cela n'entre pas dans leurs prérogatives.

Mme Olivia Richard. - Vous avez évoqué les lycées français à l'étranger. Je vous remercie de mettre en valeur notre réseau et la plus-value de nos compatriotes partout dans le monde.

Concernant l'accord franco-algérien, vous avez évoqué la nécessité de préserver nos relations avec l'Algérie. À ce titre, certaines déclarations peuvent avoir des conséquences sur notre tissu économique dans certains pays, et notamment celui-ci. La position française sur le Sahara a notamment entraîné des menaces sur la domiciliation bancaire. De nombreuses entreprises ont des intérêts économiques en Algérie, ainsi que dans le bassin méditerranéen et une partie de l'Afrique, et il s'agit de veiller aux conséquences de nos déclarations.

M. André Reichardt. - Je souhaite revenir sur l'accord avec l'Algérie. Vous envisagez un avenant à l'accord, mais, au regard de nos relations actuelles avec ce pays, celui-ci est-il possible ? Cet accord est profitable aux Algériens ; je ne vois pas l'intérêt qu'ils auraient à atténuer la mansuétude dont ils bénéficient. Ne vaudrait-il pas mieux commencer par dénoncer l'accord pour mieux le renégocier ensuite ?

Mme Sophie Primas, ministre. - Madame Briante Guillemont, la politique des visas est, en effet, compliquée dans certains postes consulaires. Pour améliorer cela, nous avons prévu deux dispositions : premièrement, nous allons augmenter le nombre d'agents affectés en postes consulaires avec 17 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ; et deuxièmement, avec le déploiement en 2025 du service France Consulaire, nous allons alléger le travail d'un certain nombre d'agents consulaires en mutualisant, à partir d'une plateforme française, les réponses adressées à nos concitoyens partout dans le monde. Cela permettra d'éviter entre 70 % et 80 % des appels dans les consulats, et nous espérons ensuite redéployer des effectifs pour améliorer la politique des visas.

À ce jour, l'externalisation est perçue de façon positive, car celle-ci permet de fluidifier le processus de demandes. Mais nous sommes attentifs à certains endroits où des fraudes et des irrégularités ont pu être observées.

Madame Richard, sachez que je suis tombée amoureuse des lycées français à l'étranger ! J'ai notamment vu avec bonheur le lycée français de Pondichéry, un petit bijou actuellement sous l'eau en raison d'une tornade.

Le sujet des conséquences sur la domiciliation bancaire, à la suite des déclarations sur le Sahara, a été réglé. Nos relations avec l'Algérie sont toujours épidermiques. Toutes les déclarations, de part et d'autre, sont de nature à exacerber les tensions. Il s'agit de retrouver un canal diplomatique pour un dialogue raisonnable. Cela n'est pas simple, compte tenu de l'histoire particulière qui nous lie à ce pays. Avec 7 millions de personnes d'origine algérienne en France, nous avons l'obligation de rétablir les voies du dialogue. Cela ne veut pas dire qu'il faut éviter le rapport de force, mais nous ne pouvons pas être dans la confrontation avec ce pays.

Pour répondre à M. Reichardt, si l'accord est profitable aux Algériens pour l'immigration familiale, il l'est moins pour celle des talents, des étudiants et des chercheurs. Tout en limitant l'immigration familiale, la France peut être plus ouverte concernant l'immigration des talents et des étudiants. Cela n'empêche pas non plus de contrôler la qualité du statut d'étudiant, car des fraudes existent.

La diplomatie d'influence passe par le fait de pouvoir compter sur des étudiants algériens et des chefs d'entreprise qui viennent s'installer en France. Encore une fois, il s'agit d'éviter la confrontation et de privilégier la diplomatie, afin de faire comprendre à l'Algérie qu'elle a aussi intérêt à cette renégociation de l'accord de 1968. Les Algériens sont notamment intéressés par des visas de circulation professionnelle, et des discussions sur le sujet pourraient entrer dans le cadre des négociations.

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Je vous remercie de votre venue devant la commission.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES EN AUDITION
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ministère de l'intérieur

Direction générale des étrangers en France (DGEF)

M. Simon Fetet, directeur de l'immigration

Mme Lucille Josse, adjointe au sous-directeur du séjour et du travail

M. Corentin Greffe, sous-direction de la lutte contre l'immigration irrégulière

Direction des affaires européennes et internationales (DAEI)

M. Pierre Regnault de La Mothe, directeur

Direction nationale de la police aux frontières (DNPAF)

M. Guillaume Galloin, directeur national adjoint

Préfectures

Préfecture du Bas-Rhin

M. Matthieu Duhamel, secrétaire général

Préfecture des Pyrénées-Orientales

M. Bruno Berthet, secrétaire général

Préfecture des Alpes maritimes

Mme Élisabeth Mercier, directrice de la réglementation, de l'intégration et des migrations

Mme Emmanuelle Joubert, cheffe du service départemental de la police aux frontières

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

M. Christophe Léonzi, ambassadeur chargé des migrations

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne (RPUE)

M. Philippe Léglise-Costa, ambassadeur, représentant permanent

Ambassade de France au Royaume-Uni

Mme Hélène Duchêne, ambassadrice de France au Royaume-Uni

Ambassade de France en Algérie

M. Stéphane Romatet, ambassadeur de France en Algérie

M. Matthieu Pimont, consul général adjoint

Ambassade de France en Tunisie

Mme Anne Gueguen, ambassadrice de France en Tunisie

Ambassade de France au Maroc

M. Christophe Lecourtier, ambassadeur de France au Maroc

Direction de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient (ANMO)

Mme Anne Grillo, directrice

M. William Farhi, adjoint à la sous-directrice Afrique du Nord

Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFEAC)

M. Raphaël Trannoy, directeur-adjoint

M. Yannick Andrianarahinjaka, chef de la mission des conventions et de l'entraide judiciaire

M. Thierry Gallais, chef de bureau de la politique des visas

Anciens ambassadeurs de France en Algérie

M. Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie

M. François Gouyette, ancien ambassadeur de France en Algérie

Représentants du Royaume-Uni

Ambassade du Royaume-Uni en France

Mme Hannah Wood, ministre-conseillère aux affaires étrangères et stratégiques, intérieures et de justice

M. Paul Thompson, conseiller aux affaires intérieures

Madame Anne-Claire Deseilligny, conseillère politique intérieure

Home Office

M. Ben Spittles, équipe migration et frontières

Mairie de Calais

Mme Natacha Bouchart, maire de Calais

Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

Mme Aurélia Schaff, secrétaire générale adjointe

Mme Sophie Fanucchi, cheffe du bureau Frontières asile et migrations

Mme Marion Le Gal, adjointe à la cheffe du bureau Frontières asile et migrations

M. Vincent Toinel, adjoint à la cheffe du bureau Parlement

Commission européenne

Direction générale pour les affaires intérieures (DG HOME)

M. Johannes Luchner, directeur général adjoint chargé de la migration

Direction générale pour les partenariats internationaux (DG INTPA)

M. Francesco Luciani, chef de l'unité « Migration et déplacement forcé » (G.6)

Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

M. Didier Leschi, directeur général

Agence Française pour le développement (AFD)

M. Bertrand Walckenaer, directeur général adjoint

Mme Magali Kreitmann, responsable de la division Gouvernance

M. Philippe Baumel, responsable des relations parlementaires

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

M. Jean-Christophe Dumont, chef de la division migration internationale

Personnalités qualifiées

M. Patrick Stefanini, ancien secrétaire général du ministère de l'Immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Mme Nadine Camp, co-directrice de Synergie Migrations

Professeur des universités

Professeurs de droit public

M. Vincent Tchen, université de Rouen

M. Thibaut Fleury Graff, université Paris Panthéon-Assas

Historiens

M. Benjamin Stora, ancien professeur à l'université paris XIII

M. Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS

Politologue

Mme Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS

Économiste

M. Luc Behaghel, économiste, PSE - École d'économie de Paris

Associations

CCFD - Terre Solidaire

Mme Ysé El Bouhali Bouchet, chargée de plaidoyer migrations

Amnesty International

Mme Diane Fogelman, chargée de plaidoyer migrations

Utopia 56

Mme Charlotte Kwantes, chargée de plaidoyer

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES EN DÉPLACEMENT

DÉPLACEMENT À CALAIS (20-21 NOVEMBRE 2024)

Agathe Cury, sous-préfète de l'arrondissement de Calais

Chloé Duarté, cabinet du préfet, chargée de la problématique migratoire

Louis Touraine, stagiaire INSP (ENA), cabinet du préfet

Présentation des dispositifs terrestres et aériens de lutte contre les traversées maritimes

Olivier Alary, colonel, commandant du groupement de gendarmerie du département

Laurent Simonin, contrôleur général, directeur interdépartemental de la police nationale

Franck Toulliou, commissaire divisionnaire, chef du service de la police aux frontières

Vincent Riffault, chef d'escadron, commandant de la compagnie de Calais/Boulogne

Pierre-Félix Martin, chef d'escadron, commandant de la compagnie de Saint-Omer

Patrice Villielm, major, chef de la brigade de police aéronautique

Présentation du dispositif humanitaire géré par les services de l'État

Olivier LOISON, lieutenant-colonel, chef état-major du service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais

Nathalie CHOMETTE, directrice départementale de l'emploi, du travail et des solidarités du Pas-de-Calais

Docteur EL MOUDEN, gérant de la permanence d'accès aux soins de santé de Calais

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

Recommandations relatives à l'usage des instruments internationaux en matière migratoire

Sur la rationalisation du recours aux instruments internationaux

Proposition n° 1 - Consolider et centraliser l'information sur les instruments internationaux aujourd'hui applicables en matière migratoire. Pour ce faire : intégrer les accords de gestion concertée et de codéveloppement voire les accords relatifs aux exemptions de visas pertinents à la liste figurant en annexe I du Ceseda ; mettre à disposition du public une information claire et exhaustive sur l'ensemble des instruments internationaux aujourd'hui applicables, y compris lorsqu'il s'agit d'instruments européens ou ne créant pas de droits au bénéfice des particuliers.

Ministère de l'intérieur

2025

Décret

-

Tout moyen

Proposition n° 2 - Formaliser la composition et les missions du comité stratégique sur les migrations et confier sa présidence au Premier ministre.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2025

Arrêté interministériel

Proposition n° 3 - Dans la lignée des dernières orientations du Comité stratégique sur les migrations, accentuer le dialogue avec un nombre restreint d'États tiers prioritaires et développer les instruments souples de coopération.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2025

Circulaire

-

Mesure administrative

Proposition n° 4 - Dans le cadre du comité stratégique sur les migrations, formaliser une doctrine d'utilisation des instruments internationaux en matière migratoire et garantir l'information du Parlement sur son contenu.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2025

Tout moyen

Proposition n° 5 - Engager un travail d'identification des instruments internationaux aujourd'hui obsolètes et de réflexion sur les suites à leur donner.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2026

Mesure administrative

Proposition n° 6 - Privilégier, dès que cela apparaît pertinent, une obligation périodique de renégociation des instruments internationaux plutôt qu'un renouvellement par tacite reconduction.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2027

Instrument international

Proposition n° 7 - Veiller à la convocation régulière des instances de suivi des instruments internationaux et se doter des outils statistiques nécessaires pour évaluer leur exécution.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

Immédiat

-

2027

Tout moyen

Propositions sectorielles

Proposition n° 8 - Faire aboutir le processus d'édiction d'une nouvelle instruction générale des visas pour l'application de l'article 47 de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2025

Instruction générale des visas

Proposition n° 9 - Mobiliser l'ensemble des instruments internationaux disponibles pour favoriser la coopération des États d'émigration en matière de réadmission. Pour ce faire : soutenir la conclusion d'accords de réadmission européens, sans s'interdire la négociation d'accords bilatéraux lorsque la situation le justifie ; développer autant que possible le recours à des instruments techniques, dont la flexibilité est souvent gage d'une plus grande efficacité.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2026

Instrument international

Proposition n° 10 - Redimensionner les dispositifs d'échanges de jeunes professionnels afin de les concentrer sur des profils clairement identifiés dans le cadre de la stratégie d'attractivité de la France. À défaut, prendre acte de l'échec de ces programmes en réorientant les moyens correspondants.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2025

Mesure administrative

Proposition n° 11 - Poursuivre la montée en puissance de programmes « Vacances-Travail » qui contribuent indéniablement au rayonnement de la France à l'international.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2026

Instrument international

Proposition n° 12 - Renforcer et harmoniser l'information des services de l'État comme des usagers sur les dérogations au droit au séjour résultant de l'application d'accords internationaux.

Ministère de l'intérieur

Immédiat

Mesure administrative

Recommandations relatives à la coopération transfrontalière entre la France et le Royaume-Uni

Proposition n° 13 - Engager un dialogue exigeant avec les autorités du Royaume-Uni sur la nécessité de clarifier les objectifs de la politique migratoire britannique, qui ont une incidence majeure sur les flux migratoires irréguliers dans la Manche.

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Immédiat

Tout moyen

Proposition n° 14 - Conduire une évaluation exhaustive des coûts de la sécurisation des côtes de la Manche et de la Mer du Nord et de la présence de migrants sur ces côtes.

Interministériel

2025

Tout moyen

Proposition n° 15 - Ouvrir un dialogue sur l'élargissement du périmètre de la contribution « Sandhurst » afin d'y intégrer, notamment, le financement du dispositif humanitaire déployé par l'État et les acteurs agréés.

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Immédiat

Négociations internationales

Proposition n° 16 - Mobiliser les mécanismes permettant aux mineurs isolés ayant des membres de leur famille au Royaume-Uni de les rejoindre en toute sécurité.

Ministères de l'intérieur et de l'Europe et des Affaires étrangères

2025

Loi - Décret - Mesures administratives

Proposition n° 17 - Engager avec les autorités britanniques, à l'échelle européenne et à défaut de manière bilatérale, des discussions pour un futur accord migratoire global. Cet accord aurait notamment vocation à définir des voies de migrations légales ainsi que les modalités de coopération en matière de retours et de lutte contre les réseaux de passeurs.

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Immédiat

Tout moyen

Recommandations relatives à la coopération migratoire entre la France et l'Algérie

Proposition n° 18 - Engager un nouveau cycle de négociations avec l'Algérie afin de rééquilibrer le régime dérogatoire d'admission au séjour et de circulation prévu par l'accord du 27 décembre 1968.

Tirer les conséquences d'un éventuel échec en mettant fin à son application. Par cohérence, mettre également fin à l'application de l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service.

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

2025

Décision diplomatique

ANNEXE 1 
ÉVOLUTION DE L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN

Accord du 27 décembre 1968

Avenant 1 du 22 décembre 1985

Avenant 2 du 28 septembre 1994

Avenant 3 du 11 juillet 2001

       

Article 1er

Le contingent de travailleurs algériens entrant en France en vue d'y occuper un emploi fixé d'un commun accord à 35.000 par an, pour une période de trois années. À compter de la quatrième année, le contingent de travailleurs algériens sera fixé d'un nouveau commun accord.

Article 1er

(Abrogé)

Article 1er

(Abrogation maintenue)

Article 1er

(Abrogation maintenue)

       

Article 2

Dans les limites du contingent fixé à l'article 1er, les titulaires de la carte délivrée par l'Office national algérien de la main-d'oeuvre, revêtue du timbre sec de la mission médicale française, sont admis en France et autorisés à y séjourner, durant une période de neuf mois à compte de la date d'entrée sur le territoire français, à l'effet d'y rechercher un emploi.

Article 2

(Abrogé)

Article 2

(Abrogation maintenue)

Article 2

(Abrogation maintenue)

À l'issue de cette période, ils reçoivent un certificat de résidence dans les conditions prévues à l'article 7 a.

     
       

Article 3

Un effort spécial sera réalisé, avec des moyens accrus, en faveur des travailleurs algériens, d'une part pour développer l'enseignement aux adultes, la préformation et la formation professionnelles ainsi que l'accès aux divers cycles de la promotion du travail, d'autre part pour améliorer, d'une manière continue, les conditions de vie et de logement de ces travailleurs. La commission mixte, instituée à l'article 12 du présent accord, est chargée de suivre l'ensemble des réalisations dans ces différents domaines. Elle suivra le développement de cette action et recevra, à cet effet, semestriellement, communication des résultats obtenus et des programmes établis.

Article 3

Un effort spécial sera réalisé, avec des moyens accrus, en faveur des travailleurs algériens, d'une part pour développer l'enseignement aux adultes, la préformation et la formation professionnelles ainsi que l'accès aux divers cycles de la promotion du travail, d'autre part pour améliorer, d'une manière continue, les conditions de vie et de logement de ces travailleurs. La commission mixte, instituée à l'article 12 du présent accord, est chargée de suivre l'ensemble des réalisations dans ces différents domaines. Elle suivra le développement de cette action et recevra, à cet effet, annuellement, communication des résultats obtenus et des programmes établis.

Article 3

(Non modifié)

Article 3

(Non modifié)

       

Article 4

Le conjoint, les enfants mineurs de moins de dix-huit ans ou à charge qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même validité que celui dont le chef de famille est titulaire.

Article 4

Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent.

Article 4

(Non modifié)

Article 4

(Non modifié) Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent.

La délivrance du certificat de résidence est toutefois subordonnée à la production d'une attestation de logement délivrée par les autorités françaises et d'un certificat médical établi soit par la mission médicale française auprès de l'Office national algérien de la main-d'oeuvre, soit, en France, par des médecins agréés par l'Office national d'immigration. Les critères de santé publique sont ceux qui figurent en annexe au présent accord.

Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la justification de ressources stables et équivalant au moins au salaire minimum légal d'un logement conforme à celui tenu pour normal pour une famille française de même composition, ainsi qu'à la production d'un certificat médical délivré par un médecin régulièrement installé en Algérie et agréé par le consulat de France compétent. Les critères de santé sont ceux figurant en annexe à l'Accord du 27 décembre 1968.

 

Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente.

     

(nouveau) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants :

1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ;

2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France.

     

(nouveau) Peut être exclu de regroupement familial :

1. Un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ;

2. Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français.

     

(nouveau) Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au titre II du Protocole annexé au présent Accord. Un regroupement familial partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants.

     

(nouveau) Lorsqu'un ressortissant algérien dont la situation matrimoniale n'est pas conforme à la législation française réside sur le territoire français avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé, par les autorités françaises, à un autre conjoint.

     

(nouveau) Les enfants de cet autre conjoint peuvent bénéficier du regroupement familial si celui-ci est décédé ou déchu de ses droits parentaux en vertu d'une décision d'une juridiction algérienne.

       

Article 5

Les ressortissants algériens s'établissant en France à un autre titre que celui de travailleurs salariés reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, de leur inscription au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel ou de la possession de moyens d'existence suffisants, un certificat de résidence provisoire valable neuf mois à dater de sa délivrance.

A l'expiration de cette période, ils reçoivent un certificat de résidence dans les conditions prévues à l'article 7 b.

Article 5

Les ressortissants algériens s'établissant en France à un autre titre que celui de travailleurs salariés reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, de leur inscription au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel ou de la possession de moyens d'existence suffisants, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis.

Article 5

(Non modifié)

Article 5

Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis.

Le conjoint, les enfants mineurs de moins de dix-huit ans ou à charge qui s'établissent en France sont mis en possession, après visite médicale et production d'un certificat de logement, d'un certificat de résidence de même validité que celui dont le chef de famille est titulaire.

(supprimé)

   
       

Article 6

Les ressortissants algériens résidant en France antérieurement à la date d'application du présent accord sont automatiquement dotés d'un certificat de résidence.

Article 6

Les ressortissants algériens résidant en France à la date d'entrée en vigueur du premier avenant à l'Accord et titulaires d'un certificat de résidence en cours de validité d'une durée de dix ans, cinq ans ou trois ans et trois mois reçoivent de plein droit à l'expiration de celui-ci un certificat de résident d'une durée de dix ans, renouvelé automatiquement.

Article 6

(Abrogé)

Article 6

(Abrogation maintenue)

 

(nouveau) Dans l'attente de la date d'échéance du titre détenu et dès l'entrée en vigueur du premier avenant à l'Accord, les ressortissants algériens visés à l'alinéa précédent bénéficient du droit d'exercer en France la profession de leur choix dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées.

   
       
     

Article 6

(nouveau)

Les dispositions du présent article, ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française.

Le certificat de résidence d'un an portant la mention “vie privée et familiale est délivré de plein droit :

1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ;

2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;

3. Au ressortissant algérien marié à un ressortissant étranger titulaire d'un titre de séjour d'un an portant la mention “scientifique, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière ;

4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ;

5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;

6. Au ressortissant algérien né en France qui justifie par tout moyen y avoir résidé pendant au moins huit ans de façon continue, et suivi, après l'âge de dix ans, une scolarité d'au moins cinq ans dans un établissement scolaire français, à la condition qu'il fasse sa demande entre l'âge de seize et vingt et un ans ;

7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays.

Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2 ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux.

       

Article 7

Le certificat de résidence délivré en application des articles 2, 4, 5 et 6 ci-dessus est valable pour une période de :

a) Cinq ans pour les titulaires de la carte de l'Office national algérien de la main-d'oeuvre justifiant d'un emploi ;

b) Cinq ans pour les ressortissants algériens exerçant une activité professionnelle non salariée ou possédant des moyens d'existence suffisants ;

c) Cinq ans pour les ressortissants algériens résidant en France depuis moins de trois ans à la date d'entrée en vigueur du présent accord ;

d) Dix ans pour ceux qui, à cette date, justifient, par tout moyen de preuve, d'un séjour de plus de trois ans à la date de l'entrée en vigueur du présent accord.

Article 7

Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'Accord :

a) les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention « visiteur » ;

b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé des travailleurs immigrés, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention « salarié » ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ;

c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ;

d) Les ressortissants algériens autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial, s'ils rejoignent un ressortissant algérien lui-même titulaire d'un certificat de résidence d'un an, reçoivent un certificat de résidence de même durée de validité, renouvelable et portant la mention « membre de famille ».

Article 7

(Non modifié)

Article 7

Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'Accord :

a) les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention « visiteur » ;

b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention « salarié » ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ;

c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ;

d) Les ressortissants algériens autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial, s'ils rejoignent un ressortissant algérien lui-même titulaire d'un certificat de résidence d'un an, reçoivent de plein droit un certificat de résidence de même durée de validité, renouvelable et portant la mention « vie privée et familiale ».

e) (nouveau) Les ressortissants algériens autorisés à exercer à titre temporaire, en application de la législation française, une activité salariée chez un employeur déterminé, reçoivent un certificat de résidence portant la mention travailleur temporaire, faisant référence à l'autorisation provisoire de travail dont ils bénéficient et de même durée de validité ;

f) (nouveau) Les ressortissants algériens qui viennent en France pour mener des travaux de recherche ou dispenser un enseignement du niveau universitaire reçoivent, sous réserve d'une entrée régulière, un certificat de résidence valable un an portant la mention scientifique ;

g) (nouveau) Les artistes-interprètes algériens tels que définis par la législation française ou les auteurs algériens d'oeuvre littéraire ou artistique au sens de la législation française, titulaires d'un contrat de plus de trois mois passé avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit, reçoivent un certificat de résidence valable un an portant la mention profession artistique et culturelle.

Ces certificats de résidence sont délivrés gratuitement aux ressortissants algériens par les autorités administratives, notamment les mairies, sur simple présentation d'un document justifiant de leur identité. Ces certificats de résidence sont valables sur l'ensemble du territoire français et permettent, selon le cas, l'exercice de toute activité professionnelle salariée ou non.

Ces certificats de résidence sont délivrés gratuitement.

 

(Non modifié)

Ces certificats de résidence sont renouvelés automatiquement. Lors du premier renouvellement des certificats de résidence visés aux alinéas a et c du présent article, la durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à une période de douze mois, lorsque le travailleur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs.

(Supprimé)

(Suppression maintenue)

(Suppression maintenue)

Il en est de même en ce qui concerne les ressortissants algériens établis en France à un autre titre que celui de travailleurs salariés et qui, depuis plus de douze mois consécutifs, ne rempliraient plus les conditions énoncées à l'alinéa b du présent article.

(Supprimé)

(Suppression maintenue)

(Suppression maintenue)

 

Article 7 bis (nouveau)

Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années.

Article 7 bis

(Non modifié)

Article 7 bis

(Non modifié)

 

Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande.

 

(Non modifié)

 

Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées.

 

(Non modifié)

 

Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit :

a) Au conjoint algérien d'un ressortissant français ;

b) A l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ;

c) Au ressortissant algérien titulaire d'une rente d'accident du travail servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ;

d) Aux membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'u certificat de résidence valable dix ans qui sont autorisés à résider en France ;

e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ;

f) Au ressortissant algérien qui justifie par tous moyens résider en France depuis plus de quinze ans.

 

Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a, au b, au c et au g :

a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2, et au dernier alinéa de ce même article ;

b) A l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ;

c) Au ressortissant algérien titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ainsi qu'aux ayants droits d'un ressortissant algérien, bénéficiaires d'une rente de décès pour accident de travail ou maladie professionnelle versée par un organisme français ;

d) Aux membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'u certificat de résidence valable dix ans qui sont autorisés à résider en France au titre du regroupement familial ;

e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ;

f) Au ressortissant algérien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention « étudiant ».

g) (nouveau) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, à l'échéance de son certificat de résidence d'un an ;

h) (nouveau) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention vie privée et familiale, lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France.

 

Les certificats de résidence valables dix ans sont délivrés et renouvelés contre versement d'une somme ne dépassant pas les droits et taxes exigés pour la délivrance des cartes d'identité aux nationaux français.

 

Les certificats de résidence valables dix ans sont délivrés et renouvelés gratuitement.

     

Article 7 ter (nouveau)

Le ressortissant algérien, qui, après avoir résidé en France sous couvert d'un certificat de résidence valable dix ans, a établi ou établit sa résidence habituelle hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention retraité. Ce certificat lui permet d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an. Il est renouvelé de plein droit. Il n'ouvre pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

     

Le conjoint du titulaire d'un certificat de résidence portant la mention retraité ayant résidé régulièrement en France avec lui bénéficie d'un certificat de résidence conférant les mêmes droits et portant la mention conjoint de retraité.

     

Le certificat de résidence portant la mention retraité est assimilé à la carte de séjour portant la mention retraité pour l'application de la législation française en vigueur tant en matière d'entrée et de séjour qu'en matière sociale.

       

Article 8

Les ressortissants algériens titulaires d'un certificat de résidence, qui auront quitté le territoire français pendant une période supérieure à six mois consécutifs, seront, s'ils y reviennent, considérés comme nouveaux immigrants

Article 8

(Non modifié)

Article 8

Le certificat de résidence d'un ressortissant algérien qui aura quitté le territoire français pendant une période de plus de trois ans consécutifs est périmé.

Article 8

(Non modifié)

Toutefois, il leur sera possible de demander la prolongation de la période visée au premier alinéa, soit avant leur départ de France, soit par l'intermédiaire des ambassades ou consulats français.

 

(Non modifié)

 
       

Article 9

Les ressortissants algériens venant en France pour d'autres raisons que celles d'y exercer une activité professionnelle salariée sont admis, sans formalité, à résider sur le territoire français, pour un séjour ne dépassant pas trois mois, sur simple présentation d'un passeport.

Article 9

(Non modifié)

Article 9

Sans préjudice des stipulations du titre Ier du protocole annexé au présent Accord et de l'échange de lettres modifié du 31 août 1983, les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises.

Article 9

(Non modifié)

   

(nouveau) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 (lettres a à d), et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises.

Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 (lettres c et d), et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises.

   

(nouveau) Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titre mentionnés à l'alinéa précédent.

(Non modifié)

       

Article 10

Par dérogation aux dispositions de l'article 7 et en dehors des cas d'expulsion, les certificats de résidence peuvent être retirés aux seuls ressortissants algériens considérés comme oisifs du fait qu'ils se trouvent en France sans emploi ni ressources depuis plus de six mois consécutifs. Ceux-ci peuvent être rapatriés par les soins du Gouvernement français. La décision de rapatriement sera notifiée au consulat algérien territorialement compétent vingt et un jours au moins avant la date prévue pour son application.

Article 10

Par dérogation aux dispositions de l'Accord et indépendamment des cas d'expulsion, les certificats de résidence peuvent être retirés aux seuls ressortissants algériens oisifs qui sont de leur propre fait sans emploi et dépourvus de ressources depuis plus de six mois consécutifs. Ceux-ci peuvent être rapatriés par les soins du Gouvernement français. La décision de rapatriement sera notifiée au consulat algérien territorialement compétent vingt et un jours au moins avant la date prévue pour son exécution.

Article 10

(Supprimé)

Article 10

(Suppression maintenue)

 

(nouveau) Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont pas applicables aux ressortissants algériens mentionnés aux alinéas a et b de l'article 7 bis.

   
   

Article 10

(Nouveau)

Les mineurs algériens de dix-huit ans résidant en France, qui ne sont pas titulaires d'un certificat de résidence reçoivent sur leur demande un document de circulation pour étrangers mineurs qui tient lieu de visa lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories mentionnées ci-après :

a) Le mineur algérien dont l'un au moins des parents est titulaire du certificat de résidence de dix ans ou du certificat de résidence d'un an et qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial ;

b) Le mineur algérien qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans et pendant une durée d'au moins de six ans ;

c) Le mineur algérien entré en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ;

d) Le mineur algérien né en France dont l'un au moins des parents réside régulièrement en France.

Article 10

(Non modifié)

       

Article 11

Le présent accord entrera en vigueur à la date de sa signature.

Article 11

(Non modifié)

Article 11

(Non modifié)

Article 11

(Non modifié)

Les dispositions des articles 1er, 2, 9 et 10 prendront effet à compter du 1er janvier 1969.

     

L'application des dispositions concernant la délivrance des certificats de résidence s'échelonnera sur une période d'une année à compter du 1er janvier 1969.

     
       

Article 12

Une commission mixte est chargée de suivre l'application du présent accord et d'examiner, dans le but d'y apporter des solutions satisfaisantes, les difficultés qui viendraient à surgir.

Article 12

(Non modifié)

Article 12

(Non modifié)

Article 12

(Non modifié)

La désignation des membres de cette commission est faite par chacun des deux Gouvernements.

(Non modifié)

(Non modifié)

 

Cette commission se réunit semestriellement, ou exceptionnellement à la demande d'une des parties contractantes, alternativement en Algérie et en France.

Cette commission se réunit semestriellement, ou exceptionnellement à la demande d'une des parties contractantes, alternativement en Algérie et en France.

Cette commission se réunit en tant que de besoin à la demande d'une des parties contractantes, alternativement en Algérie et en France.

 
       

PROTOCOLE ANNEXE A L'ACCORD

Au cours des négociations qui se sont déroulées à Alger du 21 au 25 octobre

1968, les délégations française et algérienne sont convenues, en commun, des dispositions consignées au présent Protocole annexé à l'accord relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles.

PROTOCOLE ANNEXE A L'ACCORD

(Abrogé)

PROTOCOLE ANNEXE A L'ACCORD

(Abrogation maintenue)

PROTOCOLE ANNEXE A L'ACCORD

(Abrogation maintenue)

 

PROTOCOLE ANNEXE AU PREMIER AVENANT DE L'ACCORD (nouveau)

PROTOCOLE ANNEXE AU PREMIER AVENANT DE L'ACCORD

PROTOCOLE ANNEXE AU PREMIER AVENANT DE L'ACCORD

       

TITRE 1ER

Circulation des personnes

TITRE 1ER

Circulation des personnes

TITRE 1ER

Circulation des personnes

(Non modifié)

TITRE 1ER

Circulation des personnes

Sont admis à circuler librement entre l'Algérie et la France, sans discrimination aucune et sur simple présentation de la carte nationale d'identité :

Sont admis à circuler librement entre l'Algérie et la France, sans discrimination aucune et sur simple présentation de la carte nationale d'identité, les titulaires du certificat de résidence en cours de validité.

 

Sont admis à circuler librement entre l'Algérie et la France, sans discrimination aucune et sur simple présentation d'un document de voyage en cours de validité, les titulaires du certificat de résidence en cours de validité.

a) Les travailleurs algériens titulaires d'une carte de l'Office national algérien de la main-d'oeuvre, visée lors de leur entrée en France par les autorités françaises.

Il est apposé, sans autre formalité, au moyen d'un timbre humide, une mention précisant la date d'entrée et la durée du séjour prévu à l'article 2 de l'accord.

(Supprimé)

   

b) Les titulaires du certificat de résidence en cours de validité.

     

c) Pendant la période transitoire et en ce qui concerne les ressortissants algériens actuellement en France :

-- les travailleurs et leur famille, à leur retour en France, à l'issue d'un congé en

Algérie, sur présentation de l'attestation de remise de bulletin de salaire ;

-- les commerçants et artisans justifiant de leur inscription aux registres du commerce ou des métiers ;

-- les membres des professions libérales inscrits à un ordre professionnel.

     

Les autorités algériennes confirment le maintien de la réglementation actuellement en vigueur relative au départ des ressortissants algériens vers la France, au moins pendant la période transitoire.

     
       

TITRE II

Départ des familles

TITRE II

Départ des familles

TITRE II

Départ des familles

(Non modifié)

TITRE II

Départ des familles

Sont considérées comme personnes à charge, celles pour lesquelles il est produit un document délivré par les autorités algériennes attestant qu'elles sont à la charge du travailleur ou qu'elles vivent en Algérie, sous son toit.

Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne.

 

Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le cas des ascendants du travailleur désireux de résider en France fera l'objet d'un examen particulier.

(Non modifié)

   
       

TITRE III

Centres médicaux de contrôle de l'émigration

TITRE III

Centres médicaux de contrôle de l'émigration

(Supprimé)

TITRE III

Centres médicaux de contrôle de l'émigration

(Suppression maintenue)

TITRE III

Centres médicaux de contrôle de l'émigration

(Suppression maintenue)

Des dispositions seront prises par le Gouvernement français, avant la fin de l'année 1968 et dans le cadre de la coopération technique et culturelle, afin d'assurer le bon fonctionnement des centres médicaux de contrôle de l'émigration existant ou en voie de création.

     

Le nombre de médecins devra toujours permettre un fonctionnement normal de ces centres.

     

Les nouveaux centres médicaux de contrôle de l'émigration disposeront des timbres secs nécessaires.

     

Il sera également procédé au remplacement des timbres secs défectueux.

     

Les autorités algériennes compétentes assureront au chef de la mission médicale française les conditions nécessaires au bon fonctionnement des centres médicaux de contrôle de l'émigration.

     
       

TITRE IV

Établissement des étudiants, stagiaires, fonctionnaires et agents des organismes algériens, des travailleurs saisonniers, des malades

TITRE III

Établissement des étudiants, stagiaires, fonctionnaires et agents des organismes algériens, des travailleurs saisonniers, des malades

TITRE III

Établissement des étudiants, stagiaires, fonctionnaires et agents des organismes algériens, des travailleurs saisonniers, des malades

(Non modifié)

TITRE III

Établissement des étudiants, stagiaires, fonctionnaires et agents des organismes algériens, des travailleurs saisonniers, des malades

Des certificats de résidence sont délivrés aux ressortissants algériens qui s'installent en France en qualité d'étudiants, de stagiaires, de fonctionnaires ou d'agents des organismes algériens, de travailleurs saisonniers.

Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourse ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention « étudiant » ou « stagiaire ».

 

(Non modifié)

     

(Nouveau) Les ressortissants algériens titulaires d'un certificat de résidence portant la mention étudiant, sous réserve de leur inscription dans un établissement ouvrant droit au régime de sécurité sociale des étudiants, peuvent être autorisés à travailler dans la limite d'un mi-temps annuel pour la branche ou la profession concernée. L'autorisation est délivrée sous forme d'autorisation provisoire de travail sur présentation d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail.

La durée de validité de ces certificats est de :

-- un an, renouvelable, pour les étudiants et les stagiaires, sur justification soit d'un certificat d'inscription dans un établissement d'enseignement supérieur français, soit d'une attestation de stage ;

-- deux ans, renouvelable, pour les fonctionnaires ou agents des organismes algériens, sur présentation d'une attestation délivrée par l'autorité algérienne compétente ;

-- pour les travailleurs saisonniers, celle du contrat, sans atteindre toutefois la durée d'un an.

Les fonctionnaires ou agents des organismes algériens reçoivent, sur présentation d'une attestation délivrée par l'autorité algérienne compétente, un certificat de résidence valable deux ans, renouvelable et portant la mention « agent officiel ».

Les travailleurs saisonniers reçoivent, sur présentation d'un contrat de travail qui est visé par les services du ministre chargé des travailleurs immigrés et dont la durée n'atteint pas une année, un certificat de résidence valable pour la durée du contrat.

 

Les fonctionnaires ou agents des organismes algériens reçoivent, sur présentation d'une attestation délivrée par l'autorité algérienne compétente, un certificat de résidence valable deux ans, renouvelable et portant la mention « agent officiel ».

Les travailleurs saisonniers reçoivent, sur présentation d'un contrat de travail qui est visé par les services du ministre chargé de l'emploi et dont la durée n'atteint pas une année, un certificat de résidence valable pour la durée du contrat portant la mention travailleur temporaire conformément à l'article 7 de l'accord.

Cependant un délai supplémentaire d'une durée d'un mois sera accordé comme délai de route.

Le contrat de travail visé constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française.

 

(Abrogé)

Les malades algériens admis dans des établissements de soins français peuvent résider sur le territoire français pendant la durée de leur traitement, augmenté d'un délai de trois mois, sous le couvert d'une attestation de ces établissements.

Les ressortissants algériens admis dans des établissements de soins français peuvent résider sur le territoire français pendant la durée de leur traitement, augmentée d'un délai de trois mois, sous le couvert d'une attestation de ces établissements.

 

(Abrogé)

     

(Nouveau) Les ressortissants algériens admis dans des établissements de soins français et n'ayant pas leur résidence habituelle en France peuvent se voir délivrer par l'autorité française compétente, après examen de leur situation médicale, une autorisation provisoire de séjour, renouvelable le cas échéant.

TITRE V

Dispositions diverses

TITRE IV

Dispositions diverses

TITRE IV

Dispositions diverses

TITRE IV

Dispositions diverses

(Non modifié)

Les ressortissants algériens résidant en France ne sont munis d'un certificat de résidence qu'à partir de l'âge de seize ans.

Les ressortissants algériens résidant en France doivent être titulaires d'un certificat de résidence à partir de l'âge de seize ans.

Les ressortissants algériens résidant en France doivent être titulaires d'un certificat de résidence à partir de l'âge de dix-huit ans.

 

2° Les certificats de résidence prévus par l'accord et le présent Protocole sont délivrés sur indication de l'adresse et de la profession.

(Supprimé)

(Suppression maintenue

 
   

(nouveau) Les ressortissants algériens âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une

activité professionnelle salariée reçoivent de plein droit un certificat de résidence:

- d'une durée de validité d'un an, lorsqu'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial et que l'un au moins de leurs parents est titulaire d'un certificat de résidence de même durée ;

- d'une durée de validité de dix ans lorsqu'ils remplissent les conditions prévues à l'article 7 bis, 4e alinéa.

Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter un certificat de résidence valable un an.

 

ANNEXE 2 
COMPARAISON ENTRE L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DU 27 DÉCEMBRE 1968 ET LE CESEDA

 

Motif de délivrance

Conditions de délivrance du document de séjour prévues dans l'accord Franco-Algérien

Document de séjour équivalent en droit commun

Comparaison

 

Entrée sur le territoire national

 

-

Article 9

· Obligation de présentation d'un visa-court séjour pour les séjours inférieurs à 90 jours.

· Obligation de présentation d'un visa-long séjour pour obtenir un certificat de résidence (sauf VPF).

Articles L. 312-1 et s. et R. 431-17 Ceseda

· Mêmes obligations en matière de visas.

· Possibilité supplémentaire de bénéficier d'un visa long-séjour valant titre de séjour.

Défavorable aux ressortissants Algériens

(absence de VLS-TS)

 

Certificat de résidence temporaire (valable un an)

Familial

Dix ans de présence habituelle en France

Article 6, 1°

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an mention « vie privée familiale » (VPF).

· Conditions : pas de condition de régularité du séjour, justification par tout moyen de la condition de résidence, situation matrimoniale conforme à la loi française.

Pas de dispositif équivalent.

Favorable aux ressortissants Algériens (voie autonome d'accès au séjour)

Conjoint de français

Article 6, 2° et dernier alinéa

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an mention VPF.

· Conditions : régularité de l'entrée sur le territoire, conservation de la nationalité française par le conjoint et, le cas échéant, transcription du mariage sur les registres de l'état civil, situation matrimoniale conforme à la loi française.

Articles L. 423-1 à L. 423-6 Ceseda

Deux conditions supplémentaires :

· Présentation d'un visa long-séjour.

· Exigence d'une communauté de vie effective dès la primo-délivrance (uniquement pour le renouvellement s'agissant des Algériens).

Favorable aux ressortissants Algériens (critère de la communauté de vie effective pour le seul renouvellement)

Familial

Conjoint de scientifique

Article 6, 3°

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an mention VPF.

· Conditions : régularité de l'entrée sur le territoire, mariage à un étranger titulaire d'un titre de séjour mention « scientifique » valable un an, situation matrimoniale conforme à la loi française.

Articles L. 421-22 à L. 421-25 Ceseda

Possibilité pour les conjoints de détenteur d'un passeport talent « chercheur » de bénéficier d'une CSP « Passeport-talent (famille) » d'une durée égale à celle du conjoint.

Défavorable aux ressortissants Algériens

(pas d'accès immédiat à un titre pluriannuel)

Parent d'enfant français mineur

Article 6, 4°

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an mention VPF.

· Conditions : exercice même partiel de l'autorité parental ou subvention effective aux besoins de l'enfant (depuis au moins un an si la reconnaissance de l'enfant est postérieure à la naissance), situation matrimoniale conforme à la loi française.

Articles L. 423-7 à L. 423-11 Ceseda

Régime plus restrictif en ce que le parent doit établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis au moins deux ans.

Favorable aux ressortissants Algériens (pas de conditions de durée pour établir sa contribution aux besoins de l'enfant)

Liens personnels et familiaux

Article 6, 5°

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an mention VPF.

· Conditions : liens personnels et familiaux gels qu'un refus porterait une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale, situation matrimoniale conforme à la loi française.

Article L. 423-23 Ceseda

Le dispositif de droit commun précise les critères d'appréciation des liens personnels et familiaux (intensité, ancienneté, stabilité, conditions d'existence de l'étranger, insertion dans la société française, nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine), sans que cela n'entraîne de différence de traitement notable entre les Algériens et les autres étrangers.

Dispositifs équivalents

 

Naissance en France et scolarité dans un établissement français

Article 6, 6°

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an mention VPF.

· Conditions : naissance en France, résidence continue pendant au moins 8 ans, scolarité dans un établissement après 10ans et pendant au moins 5 ans, dépôt de la demande entre 16 et 21 ans, situation matrimoniale conforme à la loi française.

Article L. 423-13 Ceseda

Dispositif équivalent.

Dispositifs équivalents

Économique

Commerçant et artisan

Article 5

· Délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant mention de la profession exercée.

· Conditions : présentation d'un visa long séjour, inscription au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel ; respect des conditions de qualification professionnelle (jurisprudence).

Article L. 421-5 Ceseda

Admission au séjour via une CST portant la mention « entrepreneur / profession libérale » sous 3 conditions : activité économiquement viable, dont l'intéressé tire des moyens d'existence suffisant et exercée dans le respect de la législation en vigueur (qualifications professionnelles).

Plutôt favorable aux ressortissants Algériens (viabilité du projet et moyens d'existence non opposables)

Salarié et travailleur temporaire

Article 7, b) et e)

· Délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant mention « salarié » ou « travailleur temporaire » pour la durée du contrat.

· Conditions : présentation d'un visa long séjour, visa du contrat de travail par la Dirrecte (fonde l'autorisation de travail).

· Périmètre de l'autorisation de travail : valable pour toute région et pour toutes professions pour les titres « salarié », pour le seul contrat pour les titres « travailleur temporaire ».

Articles L. 421-1 à L. 421-4 Ceseda

Dispositif quasi-équivalent, sous la réserve que l'autorisation de travail du titre « salarié » peut faire l'objet de restrictions géographiques et professionnelles (article L. 5221-7 du code du travail).

Dispositifs équivalents

Économique

Travailleur saisonnier

Protocole, titre III, alinéa 4

· Délivrance d'un certificat de résidence portant mention « travailleur temporaire » valable pour la durée du contrat.

· Conditions : présentation d'un visa long séjour, visa du contrat de travail par la Dirrecte (fonde l'autorisation de travail).

Article L. 421-34 Ceseda

Possibilité de délivrer dès la première admission au séjour une CSP d'une durée maximale de trois ans (pour des séjours dont la durée cumulée ne peut être supérieure à 6 mois par an).

Défavorable aux ressortissants Algériens

(pas d'accès immédiat à un titre pluriannuel)

Activité soumise à autorisation

Article 7, c)

· Délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant mention de la profession exercée.

· Conditions : présentation d'un visa long séjour, présentation de l'autorisation d'exercer

Article L. 421-5 Ceseda

Admission au séjour via une CST portant la mention « entrepreneur / profession libérale » sous trois conditions : activité économiquement viable, dont l'intéressé tire des moyens d'existence suffisant et exercée dans le respect de la législation en vigueur (qualifications professionnelles).

Favorable aux ressortissants Algériens

Scientifique

Article 7, f)

· Délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant mention « scientifique ».

· Conditions : présentation d'un visa long séjour, conduite de travaux de recherche ou dispense d'enseignements scientifiques (présentation d'une convention d'accueil).

Articles L. 421-22 à L. 421-25 Ceseda

Admission au séjour via un passeport talent « chercheur » d'une durée maximale de 4 années et sous des conditions équivalentes.

Défavorable aux ressortissants Algériens

(pas d'accès immédiat à un titre pluriannuel)

Économique

Profession artistique ou culturelle

Article 7, g)

· Délivrance d'un certificat de résidence d'un an mention « profession artistique et culturelle ».

· Conditions : présentation d'un visa long séjour, être un artiste-interprète ou un auteur d'oeuvre artistique ou littéraire au sens de la législation française, être titulaire d'un contrat de travail d'au moins trois mois avec un organisme dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit.

Article L. 421-20 Ceseda

Admission au séjour via un passeport talent d'une durée maximale de 4 années et sous des conditions équivalentes.

Défavorable aux ressortissants Algériens

(pas d'accès immédiat à un titre pluriannuel)

Étudiant

Étudiant ou stagiaire

Protocole, titre III, alinéas 1 et 2

· Délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant mention « étudiant » ou « stagiaire ».

· Conditions : suivi d'un enseignement, d'un stage ou d'études ; moyens d'existence suffisants.

· Exercice parallèle d'une activité professionnelle : étudiants autorisés à travailler dans la limite de 50% annuel pour la branche ou profession concernée, sous réserve d'obtention de l'autorisation de travail.

Articles L. 422-1 à L. 422-14 Ceseda

Régime plus favorable sur trois points :

· Accès au VLS-TS.

· Titre de séjour qui vaut autorisation de travail (60 % maximum de l'activité).

· Possibilité de prolongation du séjour ou de retour via une CST « recherche d'emploi ou création d'entreprise »

Défavorable aux ressortissants Algériens

(pas d'accès immédiat à un titre pluriannuel)

Humanitaire

Raisons de santé

Article 6, 7°

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an mention VPF.

· Conditions : état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, impossibilité de bénéficier effectivement du traitement approprié en Algérie.

Articles L. 425-9 et L. 425-10 Ceseda

Dispositif équivalent.

Dispositifs équivalents

Humanitaire

Algérien soigné en France et n'y résidant pas

Protocole, titre III, alinéa 5

· Délivrance d'une autorisation provisoire de séjour.

· Conditions : admission dans un établissement de soins français, résidence habituelle hors de France.

Pas de dispositif équivalent.

Favorable aux ressortissants Algériens (voie autonome d'accès au séjour)

Autres

Visiteur

Article 7, a)

· Délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant mention « visiteur ».

· Conditions : présentation d'un visa long-séjour, moyens d'existence suffisants ; engagement à n'exercer aucune activité professionnelle soumise à autorisation.

Articles L. 421-5 et L. 426-20 Ceseda

· Admission au séjour sous des conditions similaires pour les inactifs (condition de ressource et d'assurance maladie).

· Admission au séjour via une CST portant la mention « entrepreneur / profession libérale » pour les activités non soumises à autorisation.

Dispositifs équivalents

 

Titres de séjour de longue durée

 

Trois années de résidence en France

Article 7 bis, alinéas 1 à 3

· Délivrance discrétionnaire d'un certificat de résidence de dix ans.

· Conditions : séjour régulier et ininterrompu en France depuis au moins 3 ans.

Articles L. 426-17 à L. 426-19 Ceseda

Admission au séjour via la « carte de résident longue durée UE » moins favorable :

· Double condition de ressources (exclusion de plusieurs prestations sociales) et de résidence (5 ans).

· Condition d'intégration républicaine.

Favorable aux ressortissants Algériens

(condition de séjour limitée à 3 ans exclusivement)

 

Conjoint de français

Article 7 bis, a)

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans.

· Conditions : séjour régulier, mariage depuis au moins un an avec un français ayant conservé sa nationalité et, le cas échéant, transcrit sur les registres d'état civil.

Articles L. 423-1 à L. 423-6 Ceseda

Dispositif moins favorable avec une condition d'ancienneté du mariage portée à trois années.

Favorable aux ressortissants Algériens

(ancienneté du mariage limitée à un an)

Enfant ou ascendant d'un Français

Article 7 bis, b)

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans

· Conditions : séjour régulier, avoir moins de 21 ans (pour les enfants), être à la charge de son descendant français ou de son époux.

Articles L. 423-12 et L. 423-11 Ceseda

Dispositif moins favorable du fait de l'obligation de présentation d'un visa long-séjour, ainsi que de la limitation aux seuls parents plutôt qu'aux ascendants.

Favorable aux ressortissants Algériens

(dispense de visa long-séjour)

Titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle

Article 7 bis, c)

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans.

· Conditions : séjour régulier, détention d'un visa long-séjour, taux d'incapacité permanente d'au moins 20%, rente versée par un organisme français.

Articles L. 426-5 et L. 426-6 Ceseda

Droit commun plus favorable car l'accès à une CST se fait sans condition de régularité du séjour (obtention d'une carte de résident au moment du renouvellement).

Défavorable aux ressortissants Algériens

(condition de régularité du séjour)

Résidence habituelle en France depuis au plus ses dix ans

Article 7 bis, e)

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans.

· Conditions : justification de la résidence habituelle depuis l'âge de 10 ans.

Article L. 423-21

Dispositif moins favorable sur deux points :

· Accès à une CST uniquement.

· Obligation d'avoir vécu avec au moins un de ses parents.

En revanche, résidence habituelle exigée depuis l'âge de 13 ans.

Plutôt favorable aux ressortissants Algériens

(Accès immédiat à un titre de 10 ans)

Résidence régulière depuis plus de dix ans

Article 7 bis, f)

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans.

· Conditions : justification d'une résidence régulière depuis plus de 10 ans (certificat de résidence « étudiant » exclu).

Pas de dispositif équivalent

Favorable aux ressortissants Algériens

(Voie d'accès au séjour autonome)

Parents d'enfant français

Article 7 bis, g)

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans (à l'échéance d'un certificat de résidence d'un an).

· Conditions : séjour régulier, enfant mineur, exercice même partiel de l'autorité parentale ou subvention effective aux besoins de l'enfant.

Article L. 423-10 Ceseda

Dispositif moins favorable car la CST ou CSP doit avoir été délivrée depuis au moins 3 ans et que les conditions d'appréciation plus restrictives de la contribution aux besoins de l'enfant ou à la subvention de ses besoins s'appliquent.

Favorable aux ressortissants Algériens

(Dispositif ouvert après une seule année de séjour)

Cinq ans de résidence régulière « vie privée familiale »

Article 7 bis, h)

· Délivrance de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans.

· Conditions : détention d'un certificat de résidence « VPF » depuis au moins 5 ans.

Pas de dispositif équivalent

Favorable aux ressortissants Algériens

(Voie d'accès au séjour autonome)

 

Régime spécifique du regroupement familial

 

Regroupement familial

Article 4

· Conditions tenant au regroupant : présence régulière en France depuis au moins un an, ressources stables et suffisantes, logement considéré comme normal pour une famille vivant dans la même région géographique, situation matrimoniale conforme à la législation française.

· Conditions tenant au regroupé : les personnes concernées sont le conjoint et les enfants mineurs (ou à charge) et doivent présenter un visa long séjour.

· Titre délivré : titre identique à celui dont bénéficie le regroupant (certificat de résidence de 1 ou 10 ans).

Articles L. 434-1 à L. 434-12 Ceseda

Trois différences majeures :

· Condition de résidence renforcée pour le regroupant (18 mois).

· Conception plus large du regroupé (inclut les enfants mineurs du seul regroupé).

· Primo-délivrance d'une CST valable un an exclusivement.

· Calcul des ressources moins favorable

Favorable aux ressortissants Algériens

(possibilité d'accès immédiat à un titre longue durée, condition de résidence raccourcie)

ANNEXE 3 
ÉVOLUTION DE L'ACCORD FRANCO-TUNISIEN DU 17 MARS 1988

Accord du 17 mars 1988

Avenant du 19 décembre 1991

Avenant du 8 septembre 2000

Accord-cadre du 28 avril 2008

       

Article 1er

Les ressortissants tunisiens résidant régulièrement en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent Accord, d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans.

Article 1er

(Non modifié)

Article 1er

(Non modifié)

Article 1er

(Non modifié)

Cette carte est renouvelable de plein droit pour une durée de dix ans. Elle vaut autorisation de séjourner sur le territoire de la République française et d'exercer, dans ses départements européens, toute profession salariée ou non, y compris commerciale.

     

Les ressortissants tunisiens résidant en France et justifiant d'un séjour régulier de moins de trois ans à la date d `entrée en vigueur du présent Accord conservent le bénéfice de l'ancienneté acquise de leur séjour pour l'application des dispositions du présent Accord, en particulier en ce qui concerne la délivrance d'un titre de séjour et de travail d'une durée de dix ans.

     
       

Article 2

Les ressortissants français résidant en Tunisie et justifiant d'un séjour régulier de trois ans ou plus à la date d'entrée en vigueur du présent Accord bénéficient de plein droit d'un titre de séjour d'une durée de dix ans valant autorisation de séjourner sur le territoire de la République tunisienne et d'un titre de travail de même durée per mettant d `exercer toute profession salariée ou non, y compris commerciale.

Article 2

(Non modifié)

Article 2

(Non modifié)

Article 2

(Non modifié)

À leur expiration, ces titres de séjour et de travail sont renouvelables de plein droit pour une durée de dix ans.

     

Dans l'attente du remplacement des titres qu'ils détiennent actuellement, les ressortissants français visés au premier alinéa bénéficient des droits attachés à la possession d'un titre de séjour de dix ans, et du droit d'exercer la profession de leur choix.

     

Les ressortissants français résidant en Tunisie et justifiant d'un séjour régulier de moins de trois ans à la date d'entrée en vigueur du présent Accord conservent le bénéfice de l'ancienneté acquise de leur séjour pour l'application des dispositions du présent Accord, en particulier en ce qui concerne la délivrance d `un titre de séjour et de travail d'une durée de dix ans.

     
       

Article 3

Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention « salarié ».

Article 3

(Non modifié)

Article 3

(Non modifié)

Article 3

(Non modifié)

NB : 2.3.3. du protocole de l'accord-cadre : « Le titre de séjour portant la mention « salarié », prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. [...] »

Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans.

     

Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande.

     

Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer, en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit.

     
       
     

Article 3 bis (Nouveau)

Le ressortissant tunisien admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, et qui souhaite s'y maintenir durablement, prépare son intégration républicaine dans la société française. À cette fin, il conclut le contrat d'accueil et d'intégration prévu par la réglementation française

       

Article 4

Les ressortissants français désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en Tunisie pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 2 du présent

Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d `un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention « salarié ».

Article 4

(Non modifié)

Article 4

(Non modifié)

Article 4

(Non modifié)

Après trois ans de séjour régulier en Tunisie, les ressortissants français visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir des titres de séjour et de travail d'une durée de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2 sont applicables pour le renouvellement, après dix ans, de ces titres de séjour et de travail.

     

Les autres ressortissants français ne relevant pas de l'article 2, premier alinéa du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en Tunisie de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande.

     

Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en Tunisie la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit.

     
       

Article 5

Le conjoint des personnes titulaires des titres de séjour et des titres de travail mentionnés aux articles précédents ainsi que leurs enfants n'ayant pas atteint l'âge de la majorité dans le pays d'accueil, admis dans le cadre du regroupement familial sur le territoire de l'un ou de l'autre État, sont autorisés à y résider dans les mêmes conditions que lesdites personnes.

Article 5

(Non modifié)

Article 5

(Non modifié)

Article 5

(Non modifié)

       

Article 6

Les membres de famille mentionnés à l'article 5 ci-dessus admis à rejoindre au titre du regroupement familial une personne mentionnée, soit à l'article 1er, soit à l'article 2 du présent Accord, accèdent au travail dans les mêmes conditions que celles mentionnées aux articles précités.

Article 6

(Non modifié)

Article 6

(Non modifié)

Article 6

(Non modifié)

       

Article 7

Les membres de famille mentionnés à l'article 5 ci-dessus qui sont admis à rejoindre au titre du regroupement familial une personne mentionnée aux articles 3 ou 4 du présent Accord, sont autorisés à accéder à une activité professionnelle salariée sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, sans que la situation de l'emploi puisse leur être opposée.

Article 7

(Non modifié)

Article 7

Les membres de famille visés à l'article 5 ci-dessus qui sont admis à rejoindre au titre du regroupement familial une personne mentionnée aux articles 3 ou 4 du présent Accord ont droit à exercer une activité professionnelle salariée, sans que la situation de l'emploi puisse leur être opposée, ou non salariée dans le cadre de la législation en vigueur.

Article 7

(Non modifié)

       
 

Article 7 bis (nouveau)

Sans préjudice des dispositions de l'article 7, le ressortissant tunisien mineur ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire et dont l'un des parents au moins est titulaire d'un titre de séjour valable un an, obtient de plein droit un titre de séjour valable un an, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial ou s'il est entré en France avant le 7 décembre 1984 alors qu'il n'avait pas atteint l'âge de seize ans et justifie d'une scolarité régulière en France depuis cette date.

Article 7 bis

Sans préjudice des dispositions de l'article 7, le ressortissant tunisien mineur ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, et dont l'un des parents au moins est titulaire d'un titre de séjour valable un an, obtient de plein droit un titre de séjour valable un an, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial.

Article 7 bis

(Non modifié)

 

Ce titre de séjour lui donne droit à exercer une activité professionnelle soumise à autorisation, s'il déclare vouloir en exercer une. En l'absence d'une telle déclaration, le titre porte la mention : « membre de famille ».

Ce titre de séjour lui donne droit à exercer une activité professionnelle.

 
       
 

Article 7 ter (nouveau)

a) Les ressortissants français âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, de plein droit, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention « salarié » ou un titre de séjour d `une durée de dix ans, s'ils remplissent les conditions prévues aux articles 7 bis

ou 9 du présent Accord. Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter un titre de séjour valable un an.

Article 7 ter

a) (Non modifié)

Article 7 ter

a) (Non modifié)

 

b) Les ressortissants tunisiens âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, de plein droit, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention « salarié » ou un titre de séjour d `une durée de dix ans, s'ils remplissent les conditions prévues aux articles 7 bis ou 10 du présent Accord. Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter un titre de séjour valable un an.

b) Les ressortissants tunisiens âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, de plein droit, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention « vie privée et familiale » ou un titre de séjour d'une durée de dix ans, s'ils remplissent les conditions prévues aux articles 7 bis ou 10 du présent Accord. Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter un titre de séjour valable un an.

b) (Non modifié)

 

Les ressortissants tunisiens mineurs de dix-huit ans qui remplissent les conditions prévues à l'article 7 bis, ou qui sont mentionnés au e, au f ou au g de l'article 10 ainsi que les mineurs entrés en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois reçoivent, sur leur demande, un document de circulation.

Les ressortissants tunisiens mineurs de dix-huit ans qui remplissent les conditions prévues à l'article 7 bis, ou qui sont mentionnés au e ou au f de l'article 10, ainsi que les mineurs entrés en France pour y poursuivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois reçoivent, sur leur demande, un document de circulation.

 
   

c) (Nouveau) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 :

- les ressortissants français qui justifient par tous moyens résider habituellement en Tunisie depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ;

- les ressortissants français qui justifient par tous moyens résider habituellement en Tunisie depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans.

c) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 :

- les ressortissants français qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en Tunisie depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ;

- les ressortissants français qui justifient par tous moyens résider habituellement en Tunisie depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans.

   

d) (Nouveau) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 :

- les ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ;

- les ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans.

d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 :

- Les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ;

- les ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans.

       
   

Article 7 quater (Nouveau)

Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Article 7 quater

(Non modifié)

       

Article 8

Aucune disposition du présent Accord ne peut être interprétée comme interdisant aux ressortissants de l'une des parties d'accéder sur le territoire de l'autre partie à une profession réglementée.

Article 8

(Non modifié)

Article 8

(Non modifié)

Article 8

(Non modifié)

Toutefois l'autorisation et les conditions d'exercice de cette profession restent soumis à la réglementation en vigueur la concernant dans le pays considéré.

     
       

Article 9 (abrogé)

Un titre de séjour et un titre de travail d'une durée de dix ans sont délivrés de plein droit :

a) Au ressortissant français marié depuis au moins un an à un ressortissant tunisien, à la condition que la communauté de vie des deux époux soit effective ;

b) A l'enfant français d'un ressortissant tunisien si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants français d'un ressortissant tunisien et de son conjoint qui sont à sa charge ;

c) Au ressortissant français qui est père ou mère d'un enfant tunisien résidant en Tunisie, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ;

d) Au ressortissant français titulaire d'une rente d'accident du travail servie par un organisme tunisien et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ;

e) Au conjoint français et aux enfants mineurs d'un Français titulaire d'un titre de séjour et de travail d'une durée de dix ans, qui sont autorisés à séjourner en Tunisie au titre du regroupement familial ;

f) Au ressortissant français qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en Tunisie depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans, ou en situation régulière depuis plus de dix ans, et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit à une peine au moins égale à six mois d `emprisonnement sans sursis ou à un an avec sursis, ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées.

Article 9 (nouveau)

Un titre de séjour d'une durée de dix ans est délivré de plein droit :

a) Au conjoint français d'un ressortissant tunisien ;

b) A l'enfant français d'un ressortissant tunisien si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge ;

c) Au ressortissant français qui est père ou mère d'un enfant tunisien résidant en Tunisie, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ;

d) Au ressortissant français titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle versée par un organisme tunisien et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ;

e) Au conjoint et aux enfants français mineurs, ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, d'un ressortissant français titulaire d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, qui ont été autorisés à séjourner en Tunisie au titre du regroupement familial ;

f) Au ressortissant français qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en Tunisie depuis plus de quinze ans ou depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ou qui est en situation régulière depuis plus de dix ans ;

g) A l'enfant français d'un ressortissant français titulaire d'un titre de séjour d `une durée de dix ans, mineur ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui est entré en Tunisie avant le 7 décembre 1984 alors qu'il n'avait pas atteint l'âge de seize ans et justifiant, depuis cette date, d'une scolarité régulière en Tunisie ;

Article 9

Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire tunisien :

a) Au conjoint français d'un ressortissant tunisien ;

b) A l'enfant français d'un ressortissant tunisien si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge ;

c) Au ressortissant français qui est père ou mère d'un enfant tunisien résidant en Tunisie, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ;

d) Au ressortissant français titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle versée par un organisme tunisien et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20% ;

e) Au conjoint et aux enfants français mineurs, ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, d'un ressortissant français titulaire d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, qui ont été autorisés à séjourner en Tunisie au titre du regroupement familial ;

f) Au ressortissant français qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ;

g) Au ressortissant français titulaire d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 5 ou 7 ter, qui justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en Tunisie, sans préjudice de l'application de l'article 4 du présent Accord.

Article 9

(Non modifié)

   

(Nouveau) Sont notamment considérés comme remplissant la condition de séjour régulier les bénéficiaires d'un titre de séjour d'un an délivré en application de l'article 7 ter.

 

Ces titres de séjour et de travail sont renouvelés de plein droit pour une durée de dix ans.

Ce titre de séjour est renouvelé de plein droit pour une durée de dix ans.

(Non modifié)

 
       

Article 10 (abrogé)

Un titre de séjour d'une durée de dix ans est délivré de plein droit :

a) Au ressortissant tunisien marié depuis au moins un an à un ressortissant français à la condition que la communauté de vie des deux époux soit effective ;

b) A l'enfant tunisien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans, ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants tunisiens d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ;

c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ;

d) Au ressortissant tunisien titulaire d'une rente d'accident du travail servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ;

e) Au conjoint tunisien et aux enfants mineurs d'un Tunisien titulaire d `un titre de séjour d'une durée de dix ans, qui sont autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial ;

f) Au ressortissant tunisien qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans, ou en situation régulière depuis plus de dix ans, et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit, à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou à un an avec sursis, ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées.

Article 10 (nouveau)

Un titre de séjour d `une durée de dix ans est délivré de plein droit :

a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français ;

b) A l'enfant tunisien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge ;

c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ;

d) Au ressortissant tunisien titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle versée par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ;

e) Au conjoint et aux enfants tunisiens mineurs, ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, d'un ressortissant tunisien titulaire d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, qui ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial ;

f) Au ressortissant tunisien qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans ou depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ou qui est en situation régulière depuis plus de dix ans ;

g) A l'enfant tunisien d `un ressortissant tunisien titulaire d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, mineur ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui est entré en France avant le 7 décembre 1984 alors qu'il n'avait pas atteint l'âge de seize ans et justifiant, depuis cette date, d'une scolarité régulière en France ;

Article 10

Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français :

a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français ;

b) A l'enfant tunisien d'un ressortissant français si cet enfant à moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge ;

c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ;

d) Au ressortissant tunisien titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle versée par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20% ;

e) Au conjoint et aux enfants tunisiens mineurs, ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, d'un ressortissant tunisien titulaire d'un titre de séjour d'une durée de dix ans, qui ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial ;

f) Au ressortissant tunisien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ;

g) Au ressortissant tunisien titulaire d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 5, 7 ter, ou 7 quater, qui justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France, sans préjudice de l'application de l'article 3 du présent Accord.

Article 10

(Non modifié)

   

(Nouveau) Sont notamment considérés comme remplissant la condition de séjour régulier, les bénéficiaires d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 7 ter et 7 quater.

 

Ce titre de séjour est renouvelé de plein droit pour une durée de dix ans.

Ce titre de séjour est renouvelé de plein droit pour une durée de dix ans.

(Non modifié)

 
       

Article 11

Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord.

Article 11

(Non modifié)

Article 11

(Non modifié)

Article 11

(Non modifié)

   

(Nouveau) Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation.

 
       

Article 12

Chacun des deux États notifiera à l'autre l'accomplissement des procédures requises pour l'entrée en vigueur du présent Accord. Les notifications constatant l'accomplissement de ces procédures seront échangées aussitôt que faire se pourra.

Article 12

(Non modifié)

Article 12

(Non modifié)

Article 12

(Non modifié)

Le présent Accord entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification.

     

Chacun des deux États pourra dénoncer le présent Accord à n'importe quel moment en adressant à l'autre par la voie diplomatique une notification écrite de dénonciation. Dans ce cas, la dénonciation prendra effet un an après la date de réception dudit avis.

     

En foi de quoi les représentants des deux gouvernements autorisés à cet effet ont signé le présent Accord et y ont apposé leur sceau.

     

ANNEXE 4 
COMPARAISON ENTRE L'ACCORD FRANCO-TUNISIEN DU 17 MARS 1988 ET LE CESEDA

Accord franco-tunisien du 17 mars 1988

Droit commun

Comparatif

Carte de séjour temporaire

Article 7 bis et 7 ter b)

Jeune majeur (ou par anticipation) entré au titre du regroupement familial, lorsque le parent est titulaire d'un titre de séjour d'un an.

Article L. 423-15 du Ceseda

Équivalent au droit commun

Article 7 bis d)

Tunisien résidant habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 10 ans.

Article L. 423-21 du Ceseda

Conditions : obtention à la majorité uniquement, avec un seuil fixé à 13 ans.

Article L. 423-22 du Ceseda

Conditions : appréciation discrétionnaire « de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser le séjour porterait au droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».

Plus favorable que le droit commun

(voie autonome d'accès au séjour)

Carte de résident

Article 10 a)

Conjoint de français

Conditions : régularité du séjour, 1 an de mariage, communauté de vie continue, conjoint ayant conservé la nationalité française, le cas échéant transcription du mariage réalisé à l'étranger.

Article L. 423-6 du Ceseda

Conditions : identiques, à l'exception du délai de mariage qui est porté à 3 ans.

Plus favorable que le droit commun

Article 10 b)

Enfant ou ascendant de français

Conditions : régularité du séjour, enfant de moins de 21 ans ou à la charge de ses parents, ascendant (et son conjoint) à la charge du français.

Article L. 423-11 (ascendant) et L. 423-12 (enfant) du Ceseda

Conditions : identiques.

Équivalent au droit commun

Article 10 c)

Parent d'enfant français

Conditions : régularité du séjour, exercice même partiel de l'autorité parentale ou subvention effective aux besoins de l'enfants.

Article L. 423-10 du Ceseda

Conditions : identiques pour l'entretien de l'enfant, en revanche une condition de résidence de 3 ans est exigée.

Plus favorable que le droit commun

Article 10 d)

Titulaire d'une rentre d'accident du travail ou de maladie professionnelle

Conditions : régularité du séjour, taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 20 %.

Article L. 426-6 du Ceseda

Conditions : identiques.

Équivalent au droit commun

Article 10 e)

Conjoint et enfants entrés via le regroupement familial

Conditions : régularité du séjour et regroupant titulaire d'un titre de 10 ans.

Article L. 423-16 du Ceseda

Conditions : un titre de 10 ans n'est délivré qu'à l'issue d'une résidence régulière ininterrompue de 3 ans.

Plus favorable que le droit commun

Article 10 f)

Résidence régulière depuis plus de 10 ans (hors statut étudiant)

-

Absence d'équivalence en droit commun

Article 10 g)

Résidence régulière depuis plus de 5 ans, avec un titre annuel et pour motif familial (de droit commun)

Article L. 426-17

Conditions : 5 ans de résidence, ressources stables régulières et suffisantes, assurance maladie.

Plutôt plus favorable que le droit commun

LE CONTRÔLE EN CLAIR

POUR CONSULTER LA PAGE DE LA MISSION D'INFORMATION

https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/commissions/commission-des-lois/accords-internationaux-conclus-par-la-france-en-matiere-migratoire.html


* 1 Désignée co-rapporteure par la mission d'information et ayant participé à l'ensemble de ses travaux, Corinne Narassiguin n'a pas souhaité cosigner le rapport adopté par la commission.

* 2 Par souci de lisibilité, les accords hybrides ne sont recensés qu'une seule fois.

* 3 Avis n° 134 (2023-2024) de Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi de finances pour 2024, tome II : «  Immigration, asile et intégration », 23 novembre 2023.

* 4 En remplacement de Philippe Bonnecarrère, élu député du Tarn à compter du 7 juillet 2024.

* 5 Désignée co-rapporteure par la mission d'information et ayant participé à l'ensemble de ses travaux, Corinne Narassiguin n'a pas souhaité cosigner le rapport adopté par la commission.

* 6 Avis n° 134 (2023-2024) de Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi de finances pour 2024, tome II : «  Immigration, asile et intégration », 23 novembre 2023.

* 7 Répartis entre 63 accords relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière, 7 accords de gestion concertée et de codéveloppement, 29 accords relatifs aux mobilités professionnelles et 14 accords relatifs aux conditions de circulation et de séjour.

* 8 Accessible sur le site du ministère de l'intérieur.

* 9 Seuls dix accords étaient auparavant mentionnés.

* 10 Voir par exemple : Lexis-Nexis, Fascicule n° 5160, 29 mars 2022 ; La Cimade, Document d'analyse, Les accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, 20 octobre 2009.

* 11 À titre d'exemple, les accords « relatifs au séjour et à la migration circulaires de professionnels » sont relativement semblables aux accords de gestion concertée et de codéveloppement, quoique moins ambitieux.

* 12 Les raisons ayant présidé au rattachement des accords hybrides à une catégorie sont explicitées au cas par cas dans les développements figurant au II.

* 13 Par souci de lisibilité, les accords hybrides ne sont recensés qu'une seule fois. Ils sont néanmoins systématiquement mentionnés dans les tableaux par catégorie figurant au II.

* 14 Jean-Pierre Cassarino, « Réadmission des migrants : les faux-semblants des partenariats euro-africains », Politique étrangère, 2016.

* 15 Les accords conclus dans les années 1960 avec les trois États du Maghreb étudiés en partie 2 sont notamment toujours applicables, malgré d'importantes modifications depuis leur entrée en vigueur.

* 16 S'agissant de la Tanzanie, pour le seul transit.

* 17 Si la signature de cet accord a été officialisée, celui-ci n'a pas encore été ratifié ou approuvé à ce stade. En conséquence, il n'est pas intégré au recensement effectué par la mission d'information.

* 18 Il s'agirait de l'Ouzbékistan, du Salvador (pour un accord de mobilité saisonnière), de Monaco, d'Andorre et de Saint-Marin (pour la conclusion de conventions d'associations) ainsi que de l'Égypte (pour la conclusion d'un accord facilitant la mobilité des stagiaires).

* 19 Le Maroc (depuis 2000), la Chine (depuis 2002), l'Algérie (idem), la Tunisie (depuis 2014), la Jordanie (depuis 2015) et le Nigéria (depuis 2016). Voir les développements figurant au II E pour davantage de détails.

* 20 Ces partenariats ont été conclus avec la Tunisie, la Mauritanie et l'Égypte. Voir les développements figurant au II E pour davantage de détails.

* 21 Voir le E du II de la présente partie.

* 22 Voir partie 2.

* 23 Voir le B du II de la présente partie.

* 24 Voir les développements figurant au II B de la présente partie pour davantage de précisions.

* 25 Tirant les conséquences d'un défaut de coopération en matière de réadmission, la France a déployé sur cette période des mesures restreignant la délivrance de visas à l'encontre des trois États du Maghreb (avec l'objectif de porter le taux de refus à 50 %).

* 26 En juin 2023 et septembre 2023, au niveau des directeurs de cabinet, ainsi qu'en avril 2023, au niveau administratif.

* 27 Voir les développements figurant au II E de la présente partie pour davantage d'informations.

* 28 Cet indicateur est moins révélateur de la qualité intrinsèque de ces accords que du fait que les États présentant le plus d'enjeux en matière d'immigration irrégulière sont effectivement couverts. Voir les développements figurant au II B de la présente partie pour davantage de précisions.

* 29 En raison de leur caducité de fait, les accords bilatéraux conclus avec des États tiers postérieurement inscrits à l'annexe II du règlement (UE) 2018/1806 ne sont pas mentionnés dans le présent rapport.

* 30 Faute d'accord formel, l'exemption de visa court-séjour pour les ressortissants de Nauru n'est à ce jour pas effective.

* 31 Les huit États tiers concernés sont l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie et l'Ukraine.

* 32 Visa Facilitation Agreement - European Union Readmission Agreement.

* 33 Respectivement à partir des 1er janvier 2022 et 2023.

* 34 Aux termes des éléments publiés par le Conseil, « la suspension couvre les dispositions qui prévoient une exemption des obligations en matière de pièces justificatives, réglementent la délivrance de visas à entrées multiples et réduisent les droits liés à une demande de visa, dans la mesure où ces dispositions sont applicables aux fonctionnaires du régime biélorusse. Cette décision n'affectera pas les citoyens biélorusses ordinaires, qui continueront à bénéficier, en vertu de l'accord visant à faciliter la délivrance de visas, des mêmes avantages que ceux dont ils bénéficient actuellement » (communiqué de presse du 9 novembre 2021 ; décision (UE) 2021/1940 du Conseil du 9 novembre 2021).

* 35 L'accord de facilitation de la délivrance visa a d'abord fait l'objet d'une mesure de suspension partielle (décision (UE) 2022/333 du Conseil du 25 février 2022), avant que celle-ci ne soit étendue à l'ensemble de l'accord (décision (UE) 2022/1500 du Conseil du 9 septembre 2022).

* 36 Accord postérieurement modifié, au 1er juillet 2022.

* 37 À l'exception de l'accord conclu avec le Cap-Vert, qui ne prévoit aucun frais. Des frais supplémentaires d'un montant maximum de 30 euros sont par ailleurs prévus dans les accords afin de couvrir les frais des éventuels prestataires de service mobilisés pour l'enregistrement des demandes.

* 38 Un visa de circulation d'un an est délivré à condition que le demandeur ait obtenu trois visas au cours des deux années précédentes et en ait fait un usage légal. Par prolongation un visa de circulation de deux ans est délivré sous la même condition au demandeur qui a obtenu un visa d'un an lors des deux années précédentes. La même logique s'applique ensuite pour la délivrance d'un visa de circulation valable cinq ans.

* 39 L'augmentation en 2022 du nombre de franchissements irréguliers des frontières de l'Union par la route des Balkans résultait par exemple en partie des accords d'exemption de visa conclus par la Serbie avec 24 pays tiers dont les ressortissants étaient soumis à l'obligation de visa dans l'Union. Un dialogue a été engagé, lequel a débouché sur la dénonciation de certains de ces accords par la Serbie et de l'engagement d'un plan d'alignement de son régime de visa sur celui de l'UE.

* 40  Rapport n° 571 du 6 décembre 2024 de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil dans le cadre du mécanisme de suspension de l'exemption de visa, consultable en anglais.

* 41 La décision (UE) 2022/366 du Conseil du 3 mars 2022 était ainsi limitée « aux passeports ordinaires délivrés à partir du 25 mai 2015, lorsque le nombre de demandeurs retenus dans le cadre des programmes de citoyenneté par investissement du Vanuatu a commencé à augmenter de manière significative ».

* 42 Décision (UE) 2022/2198 du Conseil du 8 novembre 2022

* 43 Communication (2023) n° 297 du 30 mai 2023 de la Commission européenne précitée.

* 44 Au a) du 1 de son article 6.

* 45 En raison de leur caducité de fait, les accords d'exemption de visas pour les titulaires de passeports diplomatiques, de service ou spéciaux conclus par la France antérieurement à l'inscription de l'État partenaire sur l'annexe II du règlement (UE) 2018/2806 ne sont pas mentionnés. Pour des raisons de lisibilité, seuls les États figurant à l'annexe B de l'arrêté du 10 mai 2010 modifié en application d'un accord bilatéral le sont.

* 46 Accord distinct de l'accord relatif à l'exemption de visas court séjour

* 47 Un accord bilatéral en date du 7 octobre 2009 préexistait, mais semble rendu caduc de fait.

* 48 Un accord bilatéral en date du 9 décembre 2009 préexistait mais semble rendu caduc de fait.

* 49 Pour davantage de précisions sur le sujet, voir : Anne Eck, « Les accords européens de réadmission : tensions entre recherche d'effectivité de la réadmission et protection des droits fondamentaux », Université de Strasbourg (2022).

* 50 Le nombre d'États partenaires s'élève à 40, en raison de la conclusion d'accord avec les États dits du Benelux ainsi que d'un accord commun avec la Suisse et le Liechtenstein.

* 51 Ne sont pas mentionnés dans cette liste : deux accords ayant fait l'objet d'un refus de ratification (Bolivie - 13 septembre 1999 ; Surinam - 30 novembre 2004), trois accords rendus caducs par un accord de réadmission européen conclu postérieurement (ARYM - 8 octobre 1998 ; Serbie et Monténégro - 15 avril 2006), ainsi qu'un accord dont les services du ministère de l'intérieur ont indiqué qu'il n'était pas en vigueur (République tchèque - 2 avril 1997).

* 52 En remplacement de l'accord du 30 novembre 1962.

* 53 Un accord de réadmission européen a toutefois été conclu postérieurement.

* 54 Les termes utilisés dans cette stipulation sont toutefois de portée plus générale que ceux traditionnellement usités.

* 55 Complété par un avenant le 25 février 2008.

* 56 Du protocole n° 1 relatif à la gestion concertée des migrations.

* 57 Certains accords de réadmission concernent exclusivement les ressortissants de l'autre État partie.

* 58 Peuvent également s'appliquer des exceptions au bénéfice de personnes précédemment éloignées par la partie requise ou qui ont obtenu un document de séjour a posteriori de la partie requise.

* 59 Réseau européen des migrations, Note de synthèse, « Accords bilatéraux de réadmission. », septembre 2022 : « Seule la Lituanie a pris des mesures pour suspendre formellement les accords de réadmission bilatéraux préexistants à l'ARUE, bien que d'autres États membres de l'UE les aient suspendus dans la pratique ».

* 60 Leur recensement étant particulièrement complexe, le périmètre retenu n'inclut pas les accords d'une autre nature comprenant une unique clause de réadmission.

* 61 Les mandats accordés à la commission européenne incluent également la conclusion d'accords de facilitation de visas avec la Chine, le Maroc, la Jordanie et la Tunisie.

* 62 Selon les éléments communiqués par la Commission européenne, les accords de réadmission conclus avec la Russie et la Biélorussie n'ont, contrairement aux accords applicables en matière de visas, pas fait l'objet d'une suspension formelle.

* 63 Les recherches effectuées n'ont à date pas permis de prendre connaissance du contenu de l'accord.

* 64 Si l'accord est toujours en vigueur, son utilisation par les États membres est néanmoins marginale depuis le début du conflit.

* 65 Réseau européen des migrations, Note de synthèse, « Accords bilatéraux de réadmission. », septembre 2022.

* 66 Communication n° 76 du 23 février 2011 de la commission européenne au Parlement européen et au Conseil sur l'évaluation des accords de réadmission conclus par l'Union européenne.

* 67 Cour des comptes européenne, Rapport spécial, « Coopération de l'UE avec les pays tiers en matière de réadmission : des actions pertinentes, mais peu de résultats », 2021.

* 68 Frontex, communiqué de presse, « EU external borders: Irregular crossings down 40 %; Western African route at record high », 13 décembre 2024.

* 69 Un accord conclu le 26 avril 2021 suite à l'expiration du « Joint Way Forward » n'a pas pu être mis en oeuvre du fait de la prise de pouvoir par les Talibans.

* 70 Un projet de PV portant sur la coopération en matière de délivrance de LPC signé par la France le 27 juin 2006, avait été ensuite transmis aux autorités guinéennes. Ces dernières n'ont donné aucune suite

* 71 Si l'accord de gestion concertée Sénégal a été conclu antérieurement - avec une signature le 23 septembre 2006 -, il a ensuite été complété par un avenant le 25 février 2008.

* 72 Voir Patrick Stefanini, « Immigration : Ces réalités qu'on nous cache », Robert Laffont, 2020.

* 73 Rapport du secrétaire général des Nations Unies, « Migrations internationales et développement », 18 mai 2006.

* 74 Décomposés entre le soutien à des opérateurs agissant en faveur du codéveloppement, des aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d'origine ainsi que d'autres actions bilatérales thématiques.

* 75 Loi de finances initiale pour 2008, projet annuel de performance de la mission « Aide publique au développement ».

* 76 Avec une étape intermédiaire de 30 projets collectifs et 700 projets individuels financés en 2008.

* 77 Selon un séquençage de 6 en 2008, 7 en 2009 et 7 en 2010.

* 78 La liste figure en annexe 1 du projet annuel de performances précité.

* 79 La documentation budgétaire pour la loi de finances pour 2012 faisait d'ailleurs état d'un total de 13 accords de gestion concertée et de codéveloppement, en y intégrant l'accord non ratifié avec le Cameroun ainsi que des accords conclus avec la république de Maurice, le Liban, la Serbie, le Monténégro et la République de Macédoine. Toutefois, les accords conclus avec le Liban et la Macédoine n'ont pas été approuvés.

* 80 Un accord de gestion concertée a été signé avec le Cameroun le 21 mai 2009 mais n'a jamais été ratifié par la suite. Selon les informations communiquées à la mission d'information, l'absence de ratification de cet accord par la France a longtemps fait figure d'irritant et est parfois encore soulevée dans le dialogue bilatéral avec le Cameroun.

* 81 Complété par un avenant le 25 février 2008.

* 82 Des stipulations de cette nature figurent également dans les accords relatifs aux mobilités professionnelles conclus avec la Géorgie et l'île Maurice.

* 83 « [...] à travers les transferts de fonds des migrants mais également grâce à la formation et l'expérience que ceux-ci acquièrent au cours de leur séjour dans le pays d'accueil ».

* 84 L'exemption de présentation des documents justificatifs tenant à l'objet et aux conditions du séjour ainsi qu'aux moyens de subsistance, applicable aux passeports diplomatiques depuis 1992, est également étendue aux passeports de service.

* 85 Sous réserve des impératifs liés à la lutte contre la fraude documentaire, le trafic de stupéfiants, la criminalité transfrontalière, l'immigration irrégulière et le travail illégal et des autres impératifs d'ordre et de sécurité publics.

* 86 Le seuil retenu en droit commun est le niveau master.

* 87 La liste ne comprend que 9 métiers, dont par exemple informaticien, conseiller en assurance ou chef de chantier.

* 88 Selon les informations communiquées à la mission d'information, le nombre de réunions du comité de suivi pour chacun des autres accords est le suivant : 8 pour le Sénégal (dernière réunion en février 2022) ; 5 pour la République du Congo (dernière réunion en 2020) ; 4 pour le Gabon (dernière réunion en juin 2019) ; 3 pour le Burkina Faso (dernière réunion en juin 2016).

* 89 Celle-ci financera notamment des projets sécuritaires tels que la modernisation du système d'identification biométrique (pour environ un tiers), des projets de formation professionnelle des jeunes ainsi que des projets d'entreprenariat.

* 90 Il doit néanmoins être précisé que les projets d'aide au développement financés dans le cadre de l'accord de gestion concertée ne représentent qu'une fraction du volume total d'aide au développement, la plupart des projets étant mis en oeuvre par d'autres vecteurs.

* 91 32 % au premier semestre 2023, contre 44 % sur l'exercice précédent.

* 92 Par exemple les hommes d'affaires, les médecins ou les membres de famille au premier degré de Tunisiens établis en France.

* 93 Peuvent par exemple être cités la promotion de l'emploi et de la création de richesse dans les zones défavorisées ou le soutien à des projets de coopération décentralisée.

* 94 Assemblée nationale, XIVe législature, question écrite n° 96998 de Guillaume Larrivé.

* 95 OCDE, Le recrutement des travailleurs immigrés, « Les accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires en France », 2017.

* 96 Par ailleurs, ces flux sont concentrés sur deux États: le Sénégal (50 %) et la Tunisie (40 %).

* 97 De la même manière, ce taux est supérieur pour la Tunisie (11 %, contre 9 % avant la signature de l'accord) et le Sénégal (44 %).

* 98 Revue Projet, Migrations et frontières, Jean-Pierre Guengant, « Quel lien entre migrations internationales et développement ? », 2002/4 n° 272.

* 99 OCDE, Jornal of Development Economics, « Migration and Development : Dissecting the Anatomy of the Mobility Transition », n° 132, mai 2018.

* 100 Sénat, rapport d'information n° 795 (2015-2016) de Jacques Legendre et Gaëtan Gorce, « L'Europe au défi des migrants : agir vraiment ! », 13 juillet 2016.

* 101 Du reste, cette conclusion avait déjà été formulée par le Gouvernement en réponse à une question écrite du député Pierre-Henri Dumont (Assemblée nationale, XIVe législateur, question écrite n° 36186).

* 102 Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 45 de la Constitution (décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024).

* 103 L'accord du 3 juillet 2014 comprend également une déclaration de bonne intention s'agissant de la délivrance de titres dans le cadre de détachements d'entreprise. De même, il est prévu que la France s'engage à « faciliter la délivrance d'un titre de séjour, dans le cadre de la législation en vigueur, aux ressortissants de Bosnie-Herzégovine susceptibles de participer [...] au développement économique ou au rayonnement, intellectuel, universitaire, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la République française et directement ou indirectement, de la Bosnie-Herzégovine ». Des stipulations analogues figurent dans les accords avec le Monténégro et la Serbie (à l'exception du dernier point).

* 104 Cet accord prévoit uniquement l'admission annuelle d'un contingent de 1 000 stagiaires dans des entreprises de l'État partenaire.

* 105 Convention conclue avec la chambre de commerce des États-Unis.

* 106 En application du 3.1 de l'article 3 de l'accord de gestion concertée signé le 5 juillet 2007.

* 107 Le champ de l'accord est néanmoins limité au secteur agricole.

* 108 Les modalités d'application de cet accord ont été ultérieurement modifiées par l'accord de gestion concertée signé le 28 avril 2008 (augmentation du plafond à 1 500 admissions au séjour annuelles, durée maximale d'emploi portée à 24 mois et précisions sur le statut des VIE français).

* 109 Du protocole n° 1 sur la gestion concertée des migrations.

* 110 Ce dernier prévoit l'ouverture de négociation en vue d'un accord visant à faciliter et organiser la mobilité de jeunes travailleurs Français et Gabonais.

* 111 L'article 7 comprend une stipulation de portée générale assimilable à une déclaration de bonne intention. Ainsi, les parties « font tous leurs efforts pour que les jeunes professionnels puissent recevoir des autorités administratives compétentes, dans les meilleurs délais, les documents prévus par la législation en vigueur dans l'État d'accueil permettant d'y entrer, d'y séjourner et d'y travailler et pour que les difficultés qui pourraient éventuellement surgir soient réglées le plus rapidement possible ».

* 112 La seule exception concerne l'accord conclu avec le Sénégal.

* 113 Ou parfois dans un établissement national lié à un établissement d'enseignement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international.

* 114 Arrêté du 4 août 2016 relatif à la délivrance de visas de long séjour temporaire portant la mention « vacances-travail » aux titulaires d'un passeport taïwanais (NOR : INTV1621785A).

* 115 Par exception, cette limite est portée à 35 ans pour l'Argentine, l'Australie et le Canada.

* 116 Par exception, cette limite portée à 4 mois pour la Russie et 24 mois pour le Canada.

* 117 Les accords conclus avec le Monténégro (1er décembre 2009), la Serbie (2 décembre 2009) et la Bosnie-Herzégovine (3 juillet 2014) sont parfois rangés dans cette catégorie. Considérant leur contenu exclusivement centré sur la mobilité des jeunes, la mission d'information a choisi de les intégrer dans cette catégorie.

* 118 Une modification supplémentaire est introduite s'agissant de l'Algérie. Il est précisé que « les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois doivent disposer de moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour envisagé ainsi que des garanties de rapatriement confirmées par un titre de transport nominatif valable pour le retour ou circulaire vers des pays autres que ceux parties à l'Accord de Schengen ».

* 119 Une carte de séjour temporaire ou une carte de résident dans le cas du Maroc et de la Tunisie ; un certificat de résidence d'un, deux ou dix ans dans le cas de l'Algérie.

* 120 Il constitue en ce sens le prolongement de l'accord du 12 juillet 2005.

* 121 Ces accords sont présentés dans la partie 2 du rapport.

* 122 La convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs ressortissants du 4 décembre 2000 ne correspond à aucune de ces deux catégories et n'est pas traitée ici.

* 123 Celui-ci a été modifié à trois reprises par un avenant en date du 19 décembre 1991, un avenant en date du 8 septembre 2000 ainsi que par l'accord-cadre du 28 avril 2008.

* 124 Sauf exceptions pour les personnes disposant de certaines attaches familiales, ayant rendu des services à la France ou bénéficiant d'une protection internationale.

* 125 Ainsi que pour les membres des assemblées parlementaires, les fonctionnaires en mission et les membres des équipages maritimes ou aériens.

* 126 L'accord précise également que les droits exigibles sont fixés à un taux raisonnable.

* 127 Voir liste de pièces justificatives accessible sur le site : https://www.essonne.gouv.fr

* 128 Voir liste de pièces justificatives accessible sur le site : https://www.val-de-marne.gouv.frf

* 129 Voir liste de pièces justificatives accessible sur le site : https://www.somme.gouv.frf

* 130 Accord du 15 juillet 2005 relatif à la construction d'un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l'État de l'Amapá. Cet accord est mentionné au Ceseda en ce qu'il fixe le régime de circulation des ouvriers entre les deux États.

* 131 Voir fiche dédiée.

* 132 Le Conseil autorise la commission européenne à négocier sur la base d'un mandat qu'il délivre. La signature de l'accord est formellement soumise à approbation à la majorité qualifiée du Conseil avec, selon les matières, une intervention du Parlement.

* 133 Voir le 5 de l'article 79 du TFUE.

* 134 Règlement (UE) 2024/1351 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 relatif à la gestion de l'asile et de la migration, modifiant les règlements (UE) 2021/1147 et (UE) 2021/1060 et abrogeant le règlement (UE) n° 604/2013.

* 135 Commission européenne, Rapport annuel sur l'activité externe de l'UE, 29 novembre 2024. Selon la RPUE, le montant total se décompose en deux enveloppes de respectivement 7,9 milliards d'euros (10 % du montant initial) et 7,6 milliards d'euros (enveloppe supplémentaire accordée par le Conseil européen en février 2024).

* 136 Selon la RPUE, cette enveloppe financera des programmes de coopération en matière de gestion des frontières (65 millions d'euros), de retours intracontinentaux (20 millions d'euros) et de lutte contre les trafics de migrants (18 millions d'euros). Un budget additionnel de 127 millions d'euros a par ailleurs été annoncé en septembre 2024.

* 137 Le reste étant, selon les informations obtenues de la part de la RPUE, liées aux enjeux humanitaires, sécuritaires et de développement énergétique. Sur les 60 millions d'euros évoqués, 28 seraient alloués au traitement des causes profondes migrations, 25 au renforcement des capacités de gestion des frontières maritimes et 7 à la prolongation d'une action opérationnelle de lutte contre les réseaux de passeurs.

* 138 Cela ne représente qu'une fraction d'un dispositif beaucoup plus ambitieux. Près de 7,4 milliards d'euros devraient être débloqués dans le cadre du partenariat avec l'Égypte. Il doit toutefois être précisé que ce total n'est composé de subventions qu'à hauteur de 600 millions d'euros (le reste étant composé de 5 milliards d'euros de prêts et de 1,8 milliard d'euros d'investissement).

* 139 Si le cadre textuel n'a pas encore été finalisé, une enveloppe de 500 millions d'euros sur la période 2024-2027 a néanmoins déjà été attribuée.

* 140 Le soutien financier initial de l'ordre de 3 milliards d'euros a fait l'objet de deux abondements en 2020 (3 milliards d'euros) et 2024 (2 milliards d'euros).

* 141 L'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique du 17 octobre 2019 autorisait la délivrance d'un titre de séjour ad hoc aux ressortissants britanniques résidant en France avant le 31 décembre 2020, sous réserve que la demande ait été effectuée avant octobre 2021. Depuis janvier 2022, tous les ressortissants britanniques doivent détenir un titre de séjour.

* 142 Pour les trains directs, la zone de contrôle peut néanmoins être étendue respectivement jusqu'à Paris et Londres (article 7).

* 143 La mise en oeuvre de contrôles frontaliers, d'interpellations ou encore de retenues temporaires est ainsi expressément autorisée par le protocole, le cas échéant sous les conditions qu'il prescrit.

* 144 Rapport n° 240 (2000-2001) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat

* 145 Il s'agissait de Paris-Gare du Nord, Calais et Lille-Europe côté français et de Londres-Waterloo, Londres-Saint-Pancras et Ashford côté britannique. Plusieurs protocoles additionnels et arrangements ont par la suite modifié cette liste, en créant par exemple un point de contrôle à la gare d'Ebbsfleet.

* 146 Rapport n° 8 (2003-2004) de M. André Boyer, faut au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat

* 147 Décompte réalisé par la Croix-Rouge, sur la base d'un registre établi au titre du nombre de repas distribués quotidiennement.

* 148 Romain Liagre et Frédéric Dumont, Sangatte : vie et mort d'un centre de « réfugiés », Annales de géographie 2005/1 n°641, pp. 93 à 112

* 149 Relevé de conclusions à l'issue de la rencontre entre MM. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur de la sécurité intérieure et des libertés locales, et David Blunkett, ministre britannique de l'intérieur, sur la lutte contre l'immigration clandestine et les mesures franco-britanniques de contrôle et de sécurité entre Calais et Douvres, notamment le projet de fermeture du centre de Sangatte, Paris le 12 juillet 2002.

* 150 Recommandation n° 24.

* 151 Commission nationale consultative des droits de l'homme, Avis sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis, 2 juillet 2015, page 18

* 152 Défenseur des droits, « Exilés et droits fondamentaux : la situation sur le territoire de Calais », octobre 2015 ; Défenseur des droits, « Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais », 14 décembre 2018.

* 153 Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, à l'occasion de la signature de la déclaration conjointe franco-britannique à Calais le 20 août 2015

* 154 Il peut le cas échéant se constituer en centre opérationnel de gestion de crise.

* 155 La signature le 12 juillet 2020 d'une convention créant une cellule franco-britannique de renseignement, l'Unité opérationnelle de renseignement (URO) a enlevé au CCIC sa mission de soutien à la lutte contre les filières.

* 156 Réponse à la question écrite de M. le député Christophe Blanchet à l'adresse du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, publiée au JO le 30 octobre 2018

* 157 Cour des comptes, Rapport public thématique La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024, page 40

* 158 Commission des lois, d'après les données de la direction nationale de la police aux frontières

* 159 À hauteur de 78 millions d'euros pour le cycle 2023-2024, 96 millions d'euros pour 2024-2025 et 106 millions d'euros pour 2026-2027.

* 160 Peuvent être cités, outre les rapports publiés par le Défenseur des droits et l'avis de la CNCDH susmentionnés : Rapport remis au Premier ministre par Jean Aribaud et Jérôme Vignon sur la situation des migrants dans le Calaisis (juin 2015) ; Assemblée nationale, , rapport n° 4665 (2021-2022) de la commission d'enquête sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d'accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France, 10 novembre 2021.

* 161 Contre 45 774 en 2022, 28 526 en 2021 et 33 562 de janvier à novembre 2024.

* 162 Afin d'adapter les méthodes de contrôle à ces nouvelles stratégies, une directive du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord du 10 mars 2023 relative au contrôle de transports illégaux a ouvert la possibilité de procéder à des interceptions en mer. Si des discussions sont effectivement en cours, la sous-préfecture de Calais a néanmoins confirmé que la doctrine actuelle appliquée limite les interventions en mer aux seules opérations de sauvetage.

* 163 La mise à l'eau de l'embarcation donne en revanche un fondement juridique à l'intervention des forces de l'ordre en ce qu'elle matérialise les délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers prévus aux articles L. 823-1 et suivants du Ceseda.

* 164 Assemblée nationale, question orale n°754 : interception en mer des migrants dans le Pas-de-Calais, publiée au Journal Officiel du 7 mai 2024

* 165 Bilan opérationnel 2023 du Préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord. Ces interventions concernent pour leur immense majorité des vaisseaux embarquant des étrangers cherchant à rejoindre irrégulièrement le Royaume-Uni.

* 166 Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Griz-Nez, Bilan d'activité 2023

* 167 Voir par exemple le slogan « stop the boats » fréquemment utilisé par l'ancien Premier ministre Rishi Sunak.

* 168 Les données enregistrées pour les années 2020 et 2021 étant affectées par la pandémie de la Covid-19, elles n'ont pas été prises en compte pour la démonstration.

* 169 Home Office, Accredited official statistics, « How many people come to the UK irregularly ? », 28 novembre 2024.

* 170 Home Office, Accredited offical statistics, « How many people are detained or returned? », 28 novembre 2024.

* 171 Les retours dits « portuaires » correspondent aux personnes s'étant vu notifier un refus d'entrée à leur arrivée sur une infrastructure maritime.

* 172 Le Monde, Naufrage dans la Manche : au moins douze morts près de Boulogne-sur-Mer, Gérald Darmanin réclame un « traité migratoire » entre Londres et l'UE, 3 septembre 2024.

* 173 Conseil d'État, arrêt n° 412125, 31 juillet 2017.

* 174 Discours du président de la République devant les forces de sécurité à Calais, le 16 janvier 2018.

* 175 Chiffres communiqués à la mission par les services de la préfecture du Pas-de-Calais.

* 176 Mairie de Grande-Synthe, Communiqué de presse, « Avec la victoire de la gauche au Royaume-Uni, une nouvelle politique migratoire est possible », 11 juillet 2024

* 177 Coordination nationale des jeunes exilé.e.s en danger, « Mineur.es non accompagné.es refusé.es ou en recours de minorité : recensement national du 20 mars 2024 », 9 avril 2024.

* 178 Audition par la mission de Natacha Bouchart, maire de Calais, le 3 décembre 2024.

* 179 Pour rappel, la France et l'Algérie sont liés par trois autres accords bilatéraux en matière migratoire : un accord du 31 août 1983 relatif à la circulation des personnes (voir II de la partie 1) ; un accord « jeunes professionnels » du 26 octobre 2015 inappliqué à ce jour ; un accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service.

* 180 Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Dossier pays, l'Algérie.

* 181 A contrario, la communauté française en Algérie ne comptait que 32 812 personnes en 2021.

* 182 DGEF, Les chiffres clés de l'immigration, « Les titres de séjour », 25 juin 2024.

* 183 L'Express, « Édouard Philippe : immigration "subie", Algérie, délinquance... "On crève des non-dits" », 5 juin 2023.

* 184 Article 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière.

* 185 Déclaration des garanties du 19 mars 1962, première partie, dispositions générales, 2°.

* 186 Son article 9 consacre une obligation de présenter un passeport pour les séjours de moins de trois mois tandis que la détention d'un « certificat de résidence » est exigée pour les séjours de longue durée.

* 187 Voir le rapport n° 14 (2002-2003) de Robert del Picchia sur le Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail (9 octobre 2002).

* 188 Ainsi, les décrets n° 69-243 du 18 mars 1969, n°86-320 du 7 mars 1986 et n° 94-1103 du 19 décembre 1994 ont ratifié respectivement l'accord de 1968 et ses deux premiers avenants, alors même qu'une intervention du Parlement était théoriquement requise en application de l'article 53 de la Constitution.

* 189 Conseil d'État, 5 mars 2003, n° 242860.

* 190 Par exemple les titres « scientifique », « profession artistique et culturelle » ou « vie privée familiale ».

* 191 En particulier par l'insertion de nouvelles conditions de ressources ou de résidence.

* 192 Dalloz, Répertoire de contentieux administratif.

* 193 Outre les éléments recueillis par la mission d'information au cours de ses travaux, les sources suivantes ont principalement été mobilisées : Gisti, « Les cahiers juridiques, Les droits des Algériennes et des Algériens en France » (2015) ; Dalloz, « Répertoire de contentieux administratif » ; LexisNexis, « Jurisclasseur Droit international », Fascicule N° 524-14.

* 194 Voir par exemple : Conseil d'État, 25 mai 1988, n° 81420 ; Conseil d'État, 21 avril 2000, n° 206902, Conseil d'État, 30 décembre 2002, n° 235972 ; CE, 30 juin 2016, n° 391489.

* 195 Conseil d'État, 25 mai 1988, n ° 81420 ; CE, 27 juillet 1990, n° 96321. S'agissant par exemple de l'admission au séjour des retraités, voir : Conseil d'État, 26 novembre 2012, n° 349293.

* 196 Conseil d'État, 22 mai 1992, n° 99475 ; Conseil d'État, 20 juin 1997, n° 151493.

* 197 Conseil d'État, 14 avril 1999, n° 153468 ; Conseil d'État, 2 octobre 2002, n° 220013.

* 198 Conseil d'État, 23 novembre 2011, n° 343083.

* 199 Conseil d'État, 15 décembre 2000, n° 220157.

* 200 Conseil d'État, 4 mai 1990, n° 110034 : « Si l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoit que les certificats de résidence délivrés aux ressortissants algériens sont renouvelés automatiquement, ces dispositions ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public » ; CE, 22 juillet 2018, n ° 409090 : « Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ».

* 201 Conseil d'État, Avis, 10 mai 1996, n° 177117 : « l'autorité administrative en l'absence de dispositions expresses s'y opposant, peut prendre à titre exceptionnel et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, une mesure gracieuse favorable à l'intéressé justifiée par la situation particulière dans laquelle le demandeur établirait se trouver » ; Conseil d'État, 22 mars 2020, n° 333679 : « il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ».

* 202 Cette stipulation, assimilable à un « droit à la régularisation » figure a contrario encore dans l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

* 203 Voir le tableau figurant en annexe pour une analyse détaillée de l'ensemble des dérogations au droit commun figurant dans cet accord.

* 204 Le ressortissant d'un État partie bénéficiant à la date de l'entrée en vigueur de l'accord, d'un titre de séjour d'au moins trois dans l'État partenaire est, à son expiration, éligible à un titre de 10 ans. Celui-ci est renouvelable de plein droit et vaut autorisation de travail (articles 1 et 2). Le cas échéant, les regroupés bénéficient d'un titre de même nature et peuvent accéder au marché du travail (article 6).

* 205 Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, avis n° 134 (2023-2024) sur le projet de lois de finances, «  Immigration, asile et intégration », 23 novembre 2023.

* 206 Sur ce point, il est intéressant de rappeler qu'une disposition analogue figurant dans l'accord franco-tunisien de 1983 a été supprimée à la faveur de la conclusion de l'accord de gestion concertée et de codéveloppement en 2008.

* 207 Pour visas long-séjour valant titre de séjour, qui font office de titre de séjour pendant une durée maximale d'un an.

* 208 Voir notamment : François-Noël Buffet, rapport d'information n° 626 (2021-2022), «  Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité », 10 mai 2022 ; Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, Avis n° 134 (2023-2024) sur le projet de loi de finances, «  Immigration, asile et intégration », 23 novembre 2023.

* 209 Xavier Driencourt, « Politique migratoire : que faire de l'accord franco-algérien de 1968 ? », Fondapol, mai 2023.

* 210 Sénat, proposition de résolution n° 772 (2022-2023) de Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues appelant à la dénonciation par les autorités françaises de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, 26 juin 2023 ; Assemblée nationale, proposition de résolution n° 1325, XVIe législature, de Éric Ciotti et plusieurs de ses collègues, 6 juin 2023.

* 211 La proposition a été rejetée à 151 voix contre, 114 voix pour et 2 abstentions (scrutin public n° 3183).

* 212 Assemblée nationale, XVIe législature, Question orale n° 1413, Réponse de Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe.

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