COMPTE RENDU DE L'AUDITION EN COMMISSION DE MME SOPHIE PRIMAS, MINISTRE DÉLÉGUÉE AUPRÈS DU MINISTRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, CHARGÉE DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

MARDI 3 DÉCEMBRE 2024

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. -- Nous recevons aujourd'hui Sophie Primas, ministre déléguée auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger, dans le cadre de notre mission d'information sur les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire.

L'idée de cette mission d'information, dont Olivier Bitz, Corinne Narassiguin et moi-même sommes les rapporteurs, a germé au cours des travaux que j'avais conduits avec Philippe Bonnecarrère lors de l'examen de la dernière loi relative à l'immigration.

Si on légifère souvent sur l'immigration, on oublie de préciser que des pans entiers de notre politique migratoire sont réglés par le droit international et échappent donc au législateur. L'exemple le plus parlant est évidemment celui des ressortissants algériens, qui bénéficient au titre de l'accord de 1968 d'un régime de séjour intégralement dérogatoire. Au-delà de ce cas emblématique, nos travaux nous ont conduits à identifier une myriade d'accords applicables dans tous les domaines de la politique migratoire : visas, réadmission, gestion concertée et codéveloppement, etc. Si l'on rajoute les accords européens, on arrive à un total d'environ 200 instruments internationaux à visée migratoire.

Le sujet mérite une attention particulière pour au moins deux raisons. D'une part, la structuration de la coopération avec les États de départ semble être un facteur clé de la prévention des départs comme de l'amélioration de notre politique de retours. D'autre part, la cohérence de notre droit pâtit de cet empilement d'accords dérogatoires qui ne sont pas toujours appliqués, voire jamais évalués et pour certains d'entre eux tombés en désuétude. Vous nous direz, madame la ministre, si vous partagez ce sentiment d'un certain « fouillis » en la matière.

Nous nous sommes donc donné trois objectifs dans nos travaux : fiabiliser le recensement des accords, établir un bilan de leur application et formuler des recommandations pour une meilleure structuration de notre politique migratoire. Par ailleurs, nous avons souhaité aborder spécifiquement deux points particuliers : le premier a trait à la relation franco-algérienne ; le second intéresse les accords de coopération transfrontalière conclus avec le Royaume-Uni. À ce titre, je souhaite vous poser deux questions.

Premièrement, pourriez-vous nous éclairer sur la stratégie mise en place par les pouvoirs publics pour structurer cette diplomatie migratoire, partagée entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur ? Bruno Retailleau a évoqué devant nous, la semaine dernière, son souhait de réunir prochainement le comité stratégique des migrations (CSM). Quelles pourraient être les nouvelles orientations retenues ?

Deuxièmement, sur le sujet hautement sensible de l'accord franco-algérien, et avant toute appréciation politique, il me semble essentiel de poser les termes du débat. Partagez-vous l'analyse selon laquelle cet accord est, dans l'ensemble, plus favorable que le droit commun pour les ressortissants algériens ? Dans l'hypothèse d'une dénonciation unilatérale, quel régime de séjour leur serait applicable ? Enfin, quelle est votre position quant au futur de cet accord : maintien du statu quo, renégociation ou dénonciation ?

Je précise que cette audition est captée et retransmise en direct sur les canaux de communication du Sénat.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger. -- Mon propos liminaire répondra d'abord à vos interrogations sur la structuration des outils à notre disposition, tant au niveau national qu'européen, en matière de politique migratoire.

La politique migratoire de la France, dans sa dimension extérieure, est un sujet complexe, souvent clivant, qui exige une réponse à la hauteur des défis d'un monde de plus en plus en proie à des mutations profondes et qui s'accélèrent. Les conflits, le changement climatique, les inégalités sociales mondiales exacerbent des crises migratoires qui nous rappellent à tous, quotidiennement, l'urgence d'agir. Cette politique résulte aujourd'hui d'une étroite coopération entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et le ministère de l'intérieur, ainsi qu'entre la France et ses partenaires européens.

Il ne s'agit pas seulement de gérer des flux ou de durcir les contrôles : le Gouvernement entend bâtir une vision qui assure à la fois une maîtrise rigoureuse de l'immigration et le maintien d'une politique d'attractivité à l'égard des talents, des investisseurs et des étudiants du monde entier. Nous cherchons ainsi à suivre une ligne de crête entre fermeté et attractivité.

Depuis la crise de 2015 et bien que le domaine migratoire relève d'une compétence partagée, le rôle de l'Union européenne s'est renforcé. Le pacte sur la migration et l'asile adopté le 17 octobre dernier marque en ce sens une étape très importante. Ce texte, que nous espérons mettre en oeuvre


avant juin 2025, permettra des contrôles stricts ainsi qu'une procédure d'asile aux frontières de l'Union, tout en assurant une meilleure répartition de l'accueil des bénéficiaires d'une protection internationale.

Trois priorités guident l'action au niveau européen : la refonte de la directive dite « Retour », car une politique migratoire crédible repose sur la capacité à organiser des retours qui soient effectifs et dignes ; le renforcement des partenariats avec les pays d'origine et de transit
- la Tunisie, l'Égypte ou le Liban en offrent des exemples récents - ; et la réforme du code frontières Schengen, essentielle pour allier liberté de circulation à l'intérieur de l'Union européenne et sécurité renforcée. Sur le plan national, la loi du 26 janvier 2024 constitue désormais la déclinaison législative de cette politique.

Les accords bilatéraux et européens que nous avons signés sur les retours, les mobilités professionnelles, les visas ou les réadmissions sont autant d'outils stratégiques que nous devons continuer à développer et, peut-être, simplifier.

Le Premier ministre, dans son discours de politique générale du 1er octobre dernier, a placé la maîtrise de l'immigration parmi les cinq priorités nationales. Il nous a appelés à dépasser nos postures idéologiques pour aborder ce sujet avec fermeté, sérénité, pragmatisme et humanité. Nous partageons cette vision et c'est pourquoi nous plaçons au coeur de notre stratégie un dialogue exigeant avec les pays d'origine et de transit. Ce dialogue n'est pas un luxe, mais une absolue nécessité : sans la coopération de ces pays, nos efforts resteront vains.

L'approche du MEAE repose sur cinq piliers fondamentaux.

Premièrement, la lutte contre les causes profondes des migrations : pauvreté, instabilité politique, désastre climatique. Elles impliquent tout particulièrement une politique de coopération.

Deuxièmement, les migrations légales, qu'elles soient étudiantes, professionnelles ou humanitaires. Elles renvoient à la politique d'attractivité dont j'assure, dans mon ministère, la responsabilité.

Troisièmement, les dispositifs de protection et d'asile. Ils font depuis toujours de la France un havre pour ceux qui fuient les persécutions et font notamment intervenir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Quatrièmement, la prévention et la lutte implacable contre l'immigration illégale. C'est la mission conjointe du ministère de l'intérieur et du MEAE.

Cinquièmement, l'organisation de retours dignes, accompagnés de programmes de réintégration dans les pays d'origine. Elle relève essentiellement du ministère de l'intérieur.

Depuis janvier 2023, le CSM constitue un outil majeur pour coordonner les actions de l'État. Il est coprésidé par les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères. Son secrétariat est assuré par Cyrille Baumgartner, ambassadeur chargé des migrations, aujourd'hui présent à mes côtés. Réuni pour la première fois le 6 janvier 2023, ce comité a permis de fixer notre doctrine interministérielle en matière migratoire et d'arrêter des orientations stratégiques prioritaires précises : dialogue avec les pays tiers - incluant les questions relatives aux réadmissions de leurs ressortissants en situation irrégulière -, politique des visas dans le cadre des normes européennes et nationales applicables, prise en compte des enjeux d'attractivité économique - dont ceux liés à la mobilité des étudiants -, aide publique au développement et investissements solidaires et durables.

J'insisterai sur l'enjeu de l'attractivité. La politique migratoire de la France ne doit pas être seulement défensive ; elle doit également être offensive. Nous devons attirer les talents, les compétences et les énergies qui contribuent à notre rayonnement. Les meilleurs étudiants, les chercheurs, les entrepreneurs, mais aussi les travailleurs qualifiés et parfois les saisonniers sont des atouts stratégiques pour notre économie et notre influence. La France est une des principales destinations des investissements privés étrangers ; pour les favoriser, il nous faut pouvoir accueillir des cadres étrangers, des travailleurs qualifiés et des chercheurs du monde entier.

Nous menons une politique active d'accueil dans les lycées français de l'étranger. Leur réseau est unique et concourt à notre influence. Une grande partie de leurs élèves souhaitent ensuite poursuivre leurs études supérieures en France ; c'est un autre facteur d'influence et de rayonnement considérable qui, dans un second temps, engendre des flux économiques importants. Et cela n'est pas incompatible avec une politique de contrôle de la réalité du statut d'étudiant en France.

Pour que la France reste un pays attractif, notre politique des visas s'avère être un levier décisif. Paul Hermelin, président du groupe Capgemini, a formulé 40 recommandations que nous avons mises en oeuvre dès 2023, en réformant nos pratiques à l'échelle de notre réseau diplomatique. Une instruction conjointe du MEAE et du ministère de l'intérieur nous a conduits à donner la priorité à une approche déconcentrée et à un pilotage local.

Dans cet élan, plusieurs mesures clés ont été adoptées : l'identification des publics prioritaires, l'adaptation de l'organisation et une communication ciblée. Ces efforts, qui s'inscrivent dans une volonté de transformation profonde, portent déjà leurs fruits. Le bilan, depuis dix-huit mois, est largement positif. Autour de nos ambassadeurs, c'est l'ensemble de



l'« équipe France » qui contribue à ce travail déterminant de ciblage des publics prioritaires, avec l'aide de nos opérateurs, Campus France pour les étudiants et Business France pour les salariés et entrepreneurs que nous voulons attirer.

Mieux cibler ces publics dans le cadre d'une stratégie assumée, c'est aussi améliorer le « parcours utilisateur » de ces talents. Cela se fait dès la phase amont, avec des rendez-vous facilités, davantage de visas de circulation délivrés et pour une durée plus longue, puis au cours de la phase aval, c'est-à-dire une fois l'installation effective en France, grâce à des référents attractivité et par des dispositifs d'accueil mis en oeuvre par les préfectures.

L'attractivité des étudiants internationaux illustre cette dynamique, avec plus de 400 000 d'entre eux accueillis par an. La France confirme son statut de destination privilégiée. Cette stratégie repose sur l'excellence. Nos ambassades ont reçu des instructions claires en vue de renforcer la sélectivité et la détection des talents. Avec la stratégie « Bienvenue en France », nous affirmons notre volonté d'être une terre d'accueil pour les élites académiques mondiales.

Cependant, nous devons aller plus loin en matière d'attractivité économique. Le constat est sans appel : en dix mois, entre 2023 et 2024, le flux de visas « talent » destinés aux salariés a chuté de 30 %. C'est pour moi un sujet de grande préoccupation. Ce dispositif, essentiel pour attirer les meilleurs profils, est aujourd'hui peu lisible du fait du nombre des catégories de cibles prioritaires ; il est aussi de moins en moins accessible pour les entreprises situées en dehors de la région parisienne, ainsi que pour les start-up et les jeunes diplômés en raison de la hausse constante et rapide des seuils de rémunération minimaux indexés sur le Smic.

Face à la concurrence internationale accrue, nous devons réviser nos critères. Les décrets d'application des articles 30 et 31 de la loi du 26 janvier 2024 sont attendus, mais je plaide dès à présent en faveur de trois mesures correctrices fortes : la fusion des catégories, qui simplifierait le dispositif, l'abaissement du seuil de rémunération requis, avec une indexation sur le salaire brut de référence plutôt que sur le Smic, ce qui permettrait de mieux répondre aux besoins des entreprises, et, enfin, une transposition immédiate de la directive européenne 2021/1883, qui assouplit les conditions d'accès à un titre de séjour « talent -- carte bleue européenne » pour les salariés hautement qualifiés, avec, de nouveau, un abaissement du seuil de rémunération. La plupart des autres États membres de l'Union européenne qui ont déjà transposé cette directive, dont l'Allemagne, proposent des conditions d'éligibilité plus favorables que celles applicables en France, ce qui crée un déficit d'attractivité en notre défaveur.

La relance de notre politique d'attractivité des talents est cruciale et parfaitement compatible avec une politique d'ensemble de fermeté contre les migrations clandestines. Elle constitue l'un des chantiers prioritaires du MEAE.

Cette stratégie ne peut être dissociée d'une action diplomatique coordonnée. Nos efforts doivent s'inscrire dans le cadre d'un dialogue global avec les pays partenaires, en particulier ceux qui sont identifiés comme prioritaires dans le champ migratoire. C'est l'objectif que visent les trente-neuf accords bilatéraux et les sept arrangements administratifs que notre pays a conclus en matière de réadmissions.

Ces accords établissent des règles claires pour chacun des États signataires et organisent les procédures de réadmission dans le pays d'origine. Nous constatons qu'ils fonctionnent et remplissent la principale mission qui leur a été assignée, à savoir faciliter la réadmission de personnes en situation irrégulière. Plus de 90 % des réadmissions sont réalisées avec les pays ayant signé un accord.

Ces accords permettent également d'alimenter le dialogue avec les pays signataires. Le dialogue est par exemple fructueux sur le sujet avec les autorités marocaines, avec lesquelles nous avons signé en 2019 un arrangement administratif portant sur la délivrance de laissez-passer consulaires.

On le constate aussi au stade de la négociation de nouveaux accords, comme c'est le cas actuellement avec la région de l'Afrique des grands lacs. Il est nécessaire pour notre pays de toujours veiller à articuler la négociation de ces accords avec les autres dimensions de notre action diplomatique.

Au-delà des accords bilatéraux de réadmission, nous entendons mobiliser tous les leviers disponibles en vue de renforcer la coopération. Dans une logique d'incitation, et au besoin de contrainte, le niveau européen doit être privilégié. En mutualisant les efforts au sein de l'Union européenne, nous renforçons évidemment l'efficacité de nos actions, tout en réduisant leur coût politique.

Un exemple significatif est le levier « visa-réadmission » introduit dans le code communautaire des visas il y a cinq ans. Il est encore assez peu exploité, mais il prévoit des mesures restrictives à destination des pays insuffisamment coopératifs en matière de retours qu'il pourrait être intéressant d'utiliser. Seules la Gambie, en 2021, et l'Éthiopie, en 2022, ont jusqu'à présent fait l'objet de telles mesures. Nous devons améliorer ce dispositif pour en faire un outil pleinement opérationnel.

En parallèle, je souhaite que nous puissions également faire usage du levier « préférence commerciale » au niveau européen à brève échéance. Cela suppose de mener à terme la négociation sur le règlement du système de préférences généralisées (SPG), de sorte qu'il intègre une conditionnalité relative aux réadmissions dans les accords commerciaux.

Le dernier levier dont nous disposons à l'échelle européenne est celui de l'aide publique au développement.

Il n'existe évidemment pas de réponse simple à un problème complexe. Le traitement des enjeux de la migration requiert un panachage de mesures qui ne peuvent être uniquement restrictives, au risque qu'elles se révèlent contre-productives. C'est le cas du levier de l'aide publique au développement, dont nous devons user de manière flexible et, surtout, incitative, conformément à l'approche européenne que nous avons d'ailleurs fortement contribué à forger, selon une logique « plus de coopération pour plus de facilités de réadmissions », afin de renforcer l'appui européen aux partenaires dont la coopération est jugée satisfaisante.

Nous avons oeuvré à ce que l'Union européenne incorpore la dimension extérieure des migrations dans ses instruments financiers ; c'est ainsi que l'instrument européen de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale consacre désormais 10 % de son montant total, soit 78 milliards d'euros, aux migrations et aux déplacements contraints.

Pour traiter de ces sujets complexes et leur apporter des réponses à la hauteur des enjeux, gardons-nous de solutions à l'emporte-pièce prises sous l'effet de l'actualité et qui ne prennent pas en compte le temps long de notre relation bilatérale avec les pays concernés.

Je pense notamment aux pays du Maghreb lorsque, sous la précédente législature, la décision avait été prise de diviser par deux le nombre de visas accordés aux ressortissants marocains et algériens, et d'un tiers pour les ressortissants tunisiens. La décision avait été justifiée par le manque d'efforts de ces pays d'accepter de recevoir leurs ressortissants faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Tant la mesure que son application indiscriminée nous sont revenues en boomerang et nous avons dû faire machine arrière. Nous avons constaté leur effet par trop négatif et disproportionné par rapport à celui que nous recherchions. De plus, cette mesure ruinait nos efforts destinés à attirer les talents de ces pays.

Cela signifie non pas qu'il faille être laxiste ou baisser les bras, mais plutôt que, pour traiter les causes profondes de la migration, nous devons mener une action diplomatique prenant en compte toutes les facettes des enjeux migratoires. À cette fin, notre ambition européenne dans ce domaine peut et doit s'articuler étroitement avec les outils dont nous disposons à l'échelle nationale. Deux leviers majeurs existent ici : la politique des visas et le développement solidaire.

En ce qui concerne la première, l'article 47 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler les migrations, améliorer l'intégration nous offre une base juridique solide pour refuser des visas en cas de coopération insuffisante. En partenariat avec le ministère de l'intérieur, nous adaptons les instructions aux ambassades afin de garantir une mise en oeuvre précise et ciblée. Ce n'est toutefois qu'un début et nos deux ministères soutiennent sans réserve l'introduction d'une clause suspensive pour défaut de coopération en matière migratoire dans tout nouvel accord bilatéral d'exemption de visa sur passeport officiel. Essentielle à la préservation de nos intérêts, cette clause pourrait encore s'étendre, au cas par cas, aux accords existants ; ce serait un signal clair et puissant envoyé à nos partenaires : la coopération ne saurait être une option.

Quant à la dimension du développement solidaire, il est impératif, dans un contexte budgétaire contraint, de flécher nos financements vers des priorités stratégiques. Il s'agit notamment de lutter contre la traite des êtres humains, de garantir le retour et la réadmission dans des conditions dignes, et de fiabiliser les systèmes d'état civil dans les pays partenaires. Ce soutien renforcé aux États les plus coopératifs en matière de retours et de réadmissions est à la fois une question d'efficacité et d'équité. Nous devons bâtir des partenariats solides, durables et ancrés dans une logique de bénéfice réciproque.

Vous l'aurez compris, les enjeux de notre politique migratoire extérieure sont complexes. Ils nécessitent un dialogue interministériel constant et approfondi et, probablement, des échanges avec chacun des pays, qui, tous, réagissent de façon différente. Soyez assurés de l'engagement de Jean-Noël Barrot et moi-même en ce sens, en lien étroit avec le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau.

À cet égard, je vous confirme l'intention de nos deux ministères de réunir le CSM au début de l'année 2025, afin notamment d'actualiser la liste des pays prioritaires de notre politique migratoire et d'arrêter nos orientations stratégiques communes. Cette réunion sera précédée d'une rencontre entre ambassadeurs et préfets, en présence des ministres, lors de la prochaine conférence des ambassadeurs, dans les premiers jours du mois de janvier prochain. Cette séquence permettra non seulement de renforcer la compréhension partagée des enjeux migratoires par nos deux ministères, mais aussi d'imaginer des solutions et d'affûter les réflexes de travail collectif entre nos administrations respectives.

Je terminerai en répondant à vos deux premières questions.

L'accord franco-algérien de 1968 est plus favorable que le droit commun pour certaines catégories de demandeurs de titre de séjour
- les conjoints de Français et les personnes ayant de la famille en France -, mais elle l'est moins pour d'autres -- les étudiants, les salariés qualifiés et les chercheurs. Pour ces derniers, il empêche en effet l'application de dispositifs introduits récemment, tels que le visa « talent ». Cet accord explique que l'immigration algérienne en France est nettement plus familiale que professionnelle.

Arrêtons-nous sur l'hypothèse d'une dénonciation unilatérale de cet accord. En le signant, la France et l'Algérie ont entendu substituer ses dispositions à celles des accords d'Évian, et non compléter ces dernières. Les secondes resteraient donc inapplicables, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas de principe de libre circulation. Le régime de droit commun de l'immigration et du séjour s'appliquerait alors aux ressortissants algériens. Par ailleurs, les effets de cette dénonciation ne seraient pas immédiats, puisqu'un préavis de douze mois à partir de sa notification - délai reconnu comme raisonnable par la convention de Vienne sur le droit des traités - devrait être respecté. Enfin, il existe un risque de contentieux dans la mesure où l'accord franco-algérien ne prévoit pas de clause de dénonciation et il appartiendrait dans ce cas à la France de prouver que l'accord n'exclut pas une telle possibilité.

Il nous revient de réfléchir au devenir de l'accord. Trois options s'ouvrent à nous : le statu quo, la négociation d'un avenant, la dénonciation. Chacune doit être pesée en considération de l'ensemble des intérêts en présence : intérêts migratoires, mais aussi intérêts économiques, politiques et diplomatiques. Compte tenu de la place qu'occupe l'accord dans la relation bilatérale franco-algérienne, nous ne pouvons ignorer que du choix retenu dépendra en grande partie le visage que prendra cette relation, laquelle est importante pour nous du point de vue tant humain que stratégique, sécuritaire et migratoire. Toute décision doit donc faire l'objet d'une concertation entre le MEAE et le ministère de l'intérieur. À titre personnel, je pense que la négociation d'un avenant constitue la meilleure option, afin de préserver nos intérêts avec l'Algérie, qui ne disparaîtront pas en dépit des crises, et de nous diriger vers un nouvel équilibre entre immigration familiale et immigration des chercheurs et des entrepreneurs.

En ce qui concerne la relation franco-britannique, la France ne dispose pas d'accord migratoire avec le Royaume-Uni. Toutefois, depuis 1986, nos deux pays ont développé des traités sur la construction et l'opération de la liaison fixe trans-Manche ainsi qu'un partenariat dense pour la gestion de la frontière commune, terrestre comme maritime.

Le traité du Touquet du 4 février 2003 a consacré l'externalisation réciproque du contrôle aux frontières sur le territoire du pays de départ pour les principales liaisons maritimes entre les deux pays. Un arrangement administratif l'a complété, en encadrant la création et le fonctionnement de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) dans les ports de la Manche et de la mer du Nord. La mise en oeuvre efficace du protocole de Sangatte et du traité du Touquet a quasiment réduit à néant les tentatives de traversées illégales de la frontière via les liaisons maritimes régulières et les liaisons ferroviaires.

Le traité de Sandhurst du 18 janvier 2018 relatif au renforcement de la coopération interétatique pour la gestion coordonnée de leur frontière commune ajoute au traité du Touquet un volet de lutte contre l'immigration clandestine et, en particulier, contre le phénomène terrible des small boats. Il organise les modalités d'échanges d'informations entre les autorités des deux pays et établit un cadre financier pour l'attribution des crédits britanniques, accordés en contrepartie des efforts engagés par la France. Ces crédits représentent 762 millions d'euros depuis 2018. Fructueuse, la mise en oeuvre du traité a été récemment renforcée par la déclaration bilatérale de mars 2023 qui porte accord financier triennal, d'un montant de 540 millions d'euros pour la période 2023-2026.

Ces derniers engagements financiers ont d'ores et déjà permis un important investissement dans les moyens de surveillance des côtes et d'intervention contre les départs de small boats, avec l'achat de deux hélicoptères, de cinq avions et de drones, et l'engagement de l'intégralité des crédits planifiés pour la première année de l'accord financier. Ils ont en outre permis le déploiement quotidien de 700 agents sur l'ensemble du littoral Manche-mer du Nord et de dépasser ainsi l'objectif de 500 agents initialement fixé. Une montée en puissance graduelle de ce dispositif est prévue, avec l'adjonction de 16 réservistes de gendarmerie au 1er janvier 2025.

Enfin, les échanges entre le ministère de l'intérieur et le Home Office se déroulent selon un rythme soutenu. Ils ont conduit au démantèlement de quelque 50 filières d'immigration illégale en moyenne chaque année.

Devons-nous renégocier ce cadre juridique et, dans l'affirmative, dans quel sens ? Nous considérons que sa mise en oeuvre a atteint ses objectifs. Son efficacité suggère de n'y pas renoncer. La dénonciation du traité de Sandhurst n'empêcherait pas l'afflux vers les côtes françaises de migrants espérant gagner le Royaume-Uni ; au contraire, elle créerait un appel d'air qui aggraverait la situation. Elle priverait la France et le Royaume-Uni d'une possibilité de coopération dans la lutte contre les petites embarcations, d'échanges d'informations et de contributions financières. Une renégociation dans le sens d'un renforcement de ce traité serait une meilleure voie à explorer.

M. Olivier Bitz, rapporteur. -- Je vous soumettrai deux questions.

La première concerne vos relations avec le ministère de l'intérieur dans l'organisation de la diplomatie migratoire. Ces dernières années, nous assistons à la montée en puissance dans ce domaine du ministère de l'intérieur, qui négocie de plus en plus directement avec ses homologues. La conséquence en est immédiate quant à la structuration et à la nature des accords conclus : ces accords, le plus souvent des arrangements administratifs, se révèlent de moins en moins globaux et multisectoriels, pour se concentrer toujours davantage sur les thèmes de l'immigration. Quelle est votre appréciation sur cette évolution, au lendemain de la nomination de Patrick Stefanini par le ministre de l'intérieur pour s'occuper des relations extérieures du ministère ?

La deuxième porte sur l'accord franco-algérien de 1968. La négociation d'un avenant à l'accord vous semble une voie intermédiaire acceptable, entre celle de la dénonciation et celle du statu quo. Nos travaux nous ont toutefois amenés à constater que, au-delà de la nature de l'instrument, c'est la qualité de la relation diplomatique avec l'État concerné qui prévaut le plus souvent. Comment envisagez-vous la possibilité d'un avenant connaissant nos relations complexes avec l'Algérie ?

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. -- Merci, madame la ministre, d'avoir rappelé, au-delà de la question des réadmissions, le sujet important de l'attractivité de la France.

Je souhaite évoquer l'accord franco-algérien dans un cadre plus global. Les accords, notamment ceux négociés sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ont été, pour une part, efficaces, notamment concernant les réadmissions ; mais, pour une autre part, on a constaté une rigidité. In fine, ces accords n'ont pas été respectés à la lettre et ont surtout permis de fixer un cadre de discussion, avec des ajustements selon l'état des relations diplomatiques et en jouant sur l'aide publique au développement (APD) ou la suspension des visas. Est-il souhaitable de favoriser la négociation et la diplomatie, tout en respectant les demandes et exigences du ministère de l'intérieur sur la question des réadmissions ? La renégociation de l'accord franco-algérien s'inscrit-elle dans un effort plus large de rétablissement de relations normalisées avec l'Algérie ?

Vous avez évoqué une renégociation des accords du Touquet et de Sandhurst. Le ministre de l'intérieur, pour sa part, a évoqué la négociation d'un accord au niveau européen plutôt qu'une renégociation des accords bilatéraux. Cela permettrait d'engager les pays concernés sur la question du contrôle des frontières, avec une voie légale de passage au Royaume-Uni. Dans la mesure où les migrants traversent plusieurs pays avant d'arriver en France, se pose un sujet de coopération avec nos partenaires européens. Par ailleurs, le démantèlement des réseaux exige également une coopération globale.

Mme Sophie Primas, ministre. -- Il est évident que notre force sera décuplée par une politique européenne ambitieuse. Nous arrivons à moment clé de la relation entre l'Union européenne (UE) et le Royaume-Uni. Le nouveau gouvernement travailliste souhaite élargir sa coopération avec le continent. Durant cette phase, nous devons rester vigilants afin de faire strictement respecter les intérêts de l'UE, et en particulier de la France, dans ce domaine comme dans d'autres ; je pense, par exemple, à celui de la pêche.

Depuis les négociations liées au Brexit, une approche globale est privilégiée afin d'éviter ce que les Anglais appellent le cherry picking
-- je prends ce qui m'intéresse et je laisse le reste. Tous les champs sont en négociation, y compris celui sur la responsabilité migratoire. Cette politique ne peut être menée qu'à un niveau européen, les migrants traversant de nombreux pays européens avant d'arriver à Calais ou Dunkerque. Sur ce sujet, j'approuve les propos de Bruno Retailleau.

Vous avez pointé un déséquilibre dans l'organisation entre le ministère de l'intérieur et celui des affaires étrangères. C'est la raison pour laquelle a été mis en place le CSM. Je laisse la parole à Cyrille Baumgartner, ambassadeur chargé des migrations, afin qu'il vous explique le fonctionnement présent et à venir de ce comité.

M. Cyrille Baumgartner, ambassadeur chargé des migrations. -- La question migratoire est à la fois fondamentale et complexe. Il est donc essentiel que nos deux ministères travaillent de façon coordonnée sur le sujet. De nombreux efforts ont été effectués en ce sens au cours des dernières années, et la mise en place du CSM, présidé par les deux ministres - celui de l'intérieur et celui des affaires étrangères - en est l'illustration. Ce comité fixe les orientations de la politique migratoire au niveau externe, en permettant notamment l'utilisation de certains leviers et en identifiant les pays avec lesquels nous menons un dialogue migratoire prioritaire. Accessoirement, la lettre de mission de l'ambassadeur chargé des migrations est adoptée dans ce cadre.

Notre approche - celle de la France et des États membres de l'UE - a été définie au plus fort de la crise migratoire en 2015-2016 ; elle s'incarne dans le plan d'action conjoint de la Valette (PACV) et s'appuie sur cinq piliers : action sur les causes profondes des migrations ; protection et asile ; voies de migration légale ; prévention des départs et lutte contre les trafics de migrants et la traite d'êtres humains ; et enfin, retour, réadmission et réintégration durable. L'idée est d'aborder tous ces sujets dans la globalité, selon une approche partenariale.

Ces accords en matière de réadmission ou de migration professionnelle sont des instruments, mais ne résument pas l'ensemble de la politique migratoire. Celle-ci, en effet, inclut le dialogue et la coopération avec les pays partenaires. Sur des sujets spécifiques avec un intérêt opérationnel majeur, comme celui de la réadmission, il n'est pas étonnant que le ministère de l'intérieur soit en première ligne pour porter les discussions. L'important, ensuite, est de resituer le sujet par rapport aux autres éléments de la problématique, en tenant compte de la relation politique et diplomatique avec les pays concernés.

Mme Sophie Primas, ministre. -- Un déséquilibre est apparu ces dernières années, favorable au ministère de l'intérieur. Il existe désormais des outils pour une relation plus équilibrée, dans le cadre notamment du PACV. Le rapport de M. Hermelin, concernant les besoins en termes d'attractivité, a également été important pour la restauration de cet équilibre entre les deux ministères.

Vous m'avez interrogé sur la manière dont on peut renégocier les accords avec l'Algérie. Dans la période actuelle, nos relations diplomatiques avec ce pays sont dégradées. Le fait de reprendre attache avec l'Algérie sans occulter les sujets qui fâchent, en cherchant à réactualiser un accord qui date de 1968, est une manière de rétablir peu à peu des relations diplomatiques apaisées entre deux pays ayant une part d'histoire commune.

Vous avez évoqué la possibilité d'un chantage concernant l'aide au développement ou le sujet des visas. Une palette d'outils est à la disposition de notre pays, sans aucune volonté de chantage. Notre seule volonté est de favoriser les pays qui jouent le jeu en matière d'immigration et de réadmission, avec des relations fondées sur la clarté et des résultats à la hauteur des attentes respectives.

Mme Sophie Briante Guillemont. - J'ai apprécié que vous insistiez, lors de votre propos liminaire, sur les effets positifs de l'immigration et sur le besoin d'attractivité ; cela tranche avec de nombreux discours actuels.

Mon interrogation porte sur la politique des visas. Les problèmes concernent les délais de traitement, la prise de rendez-vous ou même, via les prestataires externes, la revente de rendez-vous. Comment comptez-vous traiter le sujet ?

Par ailleurs, où en sommes-nous des mesures attendues à la suite du rapport Hermelin, notamment concernant le besoin d'agents instructeurs ? Les élus consulaires sont souvent sollicités sur le sujet des visas, alors que cela n'entre pas dans leurs prérogatives.

Mme Olivia Richard. - Vous avez évoqué les lycées français à l'étranger. Je vous remercie de mettre en valeur notre réseau et la plus-value de nos compatriotes partout dans le monde.

Concernant l'accord franco-algérien, vous avez évoqué la nécessité de préserver nos relations avec l'Algérie. À ce titre, certaines déclarations peuvent avoir des conséquences sur notre tissu économique dans certains pays, et notamment celui-ci. La position française sur le Sahara a notamment entraîné des menaces sur la domiciliation bancaire. De nombreuses entreprises ont des intérêts économiques en Algérie, ainsi que dans le bassin méditerranéen et une partie de l'Afrique, et il s'agit de veiller aux conséquences de nos déclarations.

M. André Reichardt. - Je souhaite revenir sur l'accord avec l'Algérie. Vous envisagez un avenant à l'accord, mais, au regard de nos relations actuelles avec ce pays, celui-ci est-il possible ? Cet accord est profitable aux Algériens ; je ne vois pas l'intérêt qu'ils auraient à atténuer la mansuétude dont ils bénéficient. Ne vaudrait-il pas mieux commencer par dénoncer l'accord pour mieux le renégocier ensuite ?

Mme Sophie Primas, ministre. - Madame Briante Guillemont, la politique des visas est, en effet, compliquée dans certains postes consulaires. Pour améliorer cela, nous avons prévu deux dispositions : premièrement, nous allons augmenter le nombre d'agents affectés en postes consulaires avec 17 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ; et deuxièmement, avec le déploiement en 2025 du service France Consulaire, nous allons alléger le travail d'un certain nombre d'agents consulaires en mutualisant, à partir d'une plateforme française, les réponses adressées à nos concitoyens partout dans le monde. Cela permettra d'éviter entre 70 % et 80 % des appels dans les consulats, et nous espérons ensuite redéployer des effectifs pour améliorer la politique des visas.

À ce jour, l'externalisation est perçue de façon positive, car celle-ci permet de fluidifier le processus de demandes. Mais nous sommes attentifs à certains endroits où des fraudes et des irrégularités ont pu être observées.

Madame Richard, sachez que je suis tombée amoureuse des lycées français à l'étranger ! J'ai notamment vu avec bonheur le lycée français de Pondichéry, un petit bijou actuellement sous l'eau en raison d'une tornade.

Le sujet des conséquences sur la domiciliation bancaire, à la suite des déclarations sur le Sahara, a été réglé. Nos relations avec l'Algérie sont toujours épidermiques. Toutes les déclarations, de part et d'autre, sont de nature à exacerber les tensions. Il s'agit de retrouver un canal diplomatique pour un dialogue raisonnable. Cela n'est pas simple, compte tenu de l'histoire particulière qui nous lie à ce pays. Avec 7 millions de personnes d'origine algérienne en France, nous avons l'obligation de rétablir les voies du dialogue. Cela ne veut pas dire qu'il faut éviter le rapport de force, mais nous ne pouvons pas être dans la confrontation avec ce pays.

Pour répondre à M. Reichardt, si l'accord est profitable aux Algériens pour l'immigration familiale, il l'est moins pour celle des talents, des étudiants et des chercheurs. Tout en limitant l'immigration familiale, la France peut être plus ouverte concernant l'immigration des talents et des étudiants. Cela n'empêche pas non plus de contrôler la qualité du statut d'étudiant, car des fraudes existent.

La diplomatie d'influence passe par le fait de pouvoir compter sur des étudiants algériens et des chefs d'entreprise qui viennent s'installer en France. Encore une fois, il s'agit d'éviter la confrontation et de privilégier la diplomatie, afin de faire comprendre à l'Algérie qu'elle a aussi intérêt à cette renégociation de l'accord de 1968. Les Algériens sont notamment intéressés par des visas de circulation professionnelle, et des discussions sur le sujet pourraient entrer dans le cadre des négociations.

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Je vous remercie de votre venue devant la commission.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

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