D. LES INITIATIVES NON OCCIDENTALES

1. La Proposition chinoise de gouvernance mondiale de l'IA

En octobre 2023, le président Xi Jinping a présenté une initiative pour la gouvernance mondiale de l'IA témoignant de l'effort stratégique de la Chine pour construire et infléchir la future gouvernance mondiale de l'intelligence artificielle419(*).

Cette initiative souligne l'engagement de la Chine à favoriser une gouvernance équitable de ces technologies par la coopération internationale en préconisant une approche équilibrée qui tienne compte à la fois des opportunités et des risques de l'IA. Elle se distingue par l'importance qu'elle accorde à la collaboration internationale en soulignant la nécessité de veiller à ce que les pays en développement aient une voix significative dans la gouvernance mondiale de l'IA, permettant à toutes les nations, quels que soient leur statut économique ou leur système politique, de participer au développement et à la supervision de l'IA. L'Initiative s'oppose ainsi aux monopoles technologiques et promeut la coopération mondiale pour empêcher l'utilisation abusive des technologies de l'IA.

2. Le travail des BRICS

Les BRICS représentent plus de la moitié de la population mondiale et plus du quart de la richesse mondiale. Composé de cinq pays (Brésil, Russie, Inde et Chine en 2009, rejoints par l'Afrique du Sud en 2011), le groupe s'est étendu le 1er janvier 2024 à l'Égypte, à l'Iran, aux Émirats arabes unis et à l'Éthiopie, et une vingtaine d'autres pays ont demandé leur adhésion420(*).

Depuis 2015, les BRICS ont jeté les bases de leur coopération en matière d'IA dans un « Memorandum of Understanding on Science, Technology, and Innovation », y soulignant que les technologies de l'information et des communications étaient un domaine essentiel de coopération. Dans leur déclaration commune de 2017, ces pays ont pour la première fois explicitement mentionné l'IA et en ont fait un domaine dans lequel ils devraient renforcer leurs efforts de coopération. Depuis, l'IA est régulièrement évoquée lors des sommets annuels et des rencontres ministérielles de l'organisation.

Une nouvelle étape a été franchie lors du sommet de Johannesburg en 2023, avec l'annonce par le président chinois Xi Jingping de la formation d'un Groupe d'étude sur l'IA sous l'égide de l'Institut des BRICS pour les réseaux du futur. Il s'agit à la fois de surveiller les avancées technologiques en matière d'IA, de favoriser l'innovation et d'établir un cadre international solide pour la gouvernance de l'IA. Le président Xi Jingping a annoncé que le groupe élaborerait des cadres et des normes de gouvernance de l'IA bénéficiant d'un large consensus. D'autres initiatives sur l'IA sont en cours au sein des BRICS, la Nouvelle Banque de Développement basée à Shanghai dirigée par l'ancienne présidente du Brésil Dilma Rousseff, dont l'Algérie est également membre, s'est par exemple dotée d'un groupe de travail sur l'économie numérique et les investissements dans les applications d'IA.

3. La stratégie de l'Union africaine

Les 55 États membres de l'Union africaine ont lancé, en 2013, « l'Agenda 2063 », un plan de développement de l'Afrique pour atteindre un développement socio-économique inclusif et durable en 50 ans.

L'Agence de développement de l'Union africaine dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (AUDA-NEPAD), a publié le 29 février 2024, lors de la conférence « AI Dialogue » un livre blanc intitulé « Régulation et adoption responsable de l'IA en Afrique vers la réalisation de l'Agenda 2063 de l'Union africaine »421(*), élaboré pendant deux ans par un groupe de haut niveau sur les technologies émergentes (African Union's High-Level Panel on Emerging Technologies ou APET).

En s'inspirant des lignes directrices de l'Unesco, le document exhorte toute future stratégie de l'Union africaine en matière d'IA à intégrer des principes éthiques et demande aux pays africains de mettre en oeuvre des stratégies nationales d'IA responsables en mettant l'accent sur des outils juridiques qui renforceront les valeurs d'équité, de sécurité, de confidentialité et de sûreté. Cependant, il n'aborde pas directement les modalités de gouvernance ni le détail des défis réglementaires et juridiques spécifiques de l'IA générative.

En février 2024, lors d'une réunion du Conseil exécutif de l'Union africaine (44e session), la Commission de l'Union africaine a appelé à une stratégie continentale pour l'IA, avec une feuille de route complète permettant aux nations africaines de développer de manière responsable les technologies d'IA. Un groupe de travail a été chargé de développer cette stratégie continentale en s'appuyant sur le livre blanc de l'AUDA-NEPAD. Le Comité technique de la communication et des technologies de l'information de l'Union africaine lors de sa réunion de juin 2024 a adopté à l'unanimité la stratégie continentale pour l'IA de l'Union africaine ainsi que le Pacte numérique africain, document distinct détaillant la stratégie de l'Afrique pour gérer son avenir numérique et promouvoir le progrès sociétal global.

Le Conseil exécutif de l'Union africaine a formellement adopté ces documents lors de sa 45e session qui s'est tenue à Accra en juillet 2024422(*). La commissaire aux infrastructures, à l'énergie et à la numérisation de l'Union africaine, Amani Abou-Zeid a déclaré qu'ils « fourniront des orientations sur l'utilisation de la technologie pour trouver des solutions aux défis de l'Afrique, aideront à accélérer de nombreux projets et programmes, et protégeront contre l'utilisation non éthique de la technologie : la technologie doit nous aider à préserver notre identité, nos langues et nos cultures, et nous être utile plutôt que de nous nuire ». Il s'agit aussi de créer plus globalement un environnement favorable au développement et à l'utilisation des technologies numériques et d'aider les gouvernements des différents États membres à élaborer leurs politiques en matière d'IA et de régulation du secteur numérique.


* 419 Cf. Wang Cong & Yin Yeping, « China launches Global AI Governance Initiative, offering an open approach in contrast to US blockade », Global Times, Oct. 18, 2023, https://www.globaltimes.cn/page/202310/1300092.shtml ; cf. aussi l'initiative en chinois https://www.cac.gov.cn/2023-10/18/c_1699291032884978.htm ou sa traduction en anglais http://gd.china-embassy.gov.cn/eng/zxhd_1/202310/t20231024_11167412.htm

* 420 L'Indonésie, l'Arabie saoudite, le Mexique, la Corée du Sud le Viêt-Nam, la Turquie, le Bahreïn, le Bangladesh, la Biélorussie, la Bolivie, Cuba, le Honduras, le Kazakhstan, le Koweït, le Nigeria, la Palestine, la Serbie, le Sénégal, la Thaïlande, le Venezuela et l'Argentine (dont le nouveau Président a cependant renoncé à la candidature souhaitant se rapprocher des États-Unis). L'Algérie a vu sa demande d'adhésion rejetée en août 2023 et a renoncé à sa candidature.

* 421 Auda-Nepad, « Regulation and Responsible Adoption of AI in Africa Towards Achievement of African Union Agenda 2063 » : https://dig.watch/resource/auda-nepad-white-paper-regulation-and-responsible-adoption-of-ai-in-africa-towards-achievement-of-au-agenda-2063

* 422 Cf. cet article : https://pouvoirsafrique.com/article/1249/blunion-africaine-lance-une-strategie-pour-lia-et-un-pacte-pour-le-numeriqueb

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