C. MIEUX DOCUMENTER LES EFFETS DE LA GUERRE DES PRIX SUR LA VALORISATION DE LA MATIÈRE PREMIÈRE AGRICOLE FRANÇAISE
1. Mieux évaluer le relèvement du seuil de revente à perte
Les rapporteurs déplorent l'absence d'évaluation de l'expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10 %), prolongée par la loi dite « ASAP » de 2020 jusqu'au 15 avril 202520(*).
Ils rappellent la circonspection du Sénat dès 2018 sur ce dispositif inflationniste, qui n'a pas démontré son effet bénéfique « en cascade » sur la rémunération du producteur. Le rapport qui devait être transmis au Parlement le 1er octobre dernier sur l'utilisation du surplus de chiffre d'affaires engendré par la mise en oeuvre du SRP + 10 % n'a été remis qu'en mai 2024 et, surtout, ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage qui a été fait de ce surplus de chiffre d'affaires pour les années ultérieures à 2019. Néanmoins, les rapporteurs sont conscients des effets assurément néfastes pour les agriculteurs d'une guerre des prix entraînée par la fin du SRP + 10 %.
Les rapporteurs alertent donc sur la nécessité de diligenter une véritable évaluation du dispositif pour mieux documenter ses effets, y compris sur les produits vendus sous MDD, avant d'envisager une pérennisation. L'évaluation du SRP + 10 % doit également être intégrée au sein d'une réflexion plus globale sur la logique d'Egalim puisque le dispositif puise sa justification dans la sanctuarisation de la matière première agricole.
Pendant du SRP + 10 %, l'expérimentation de l'encadrement des promotions à 34 % en valeur et 25 % en volume a été prolongée jusqu'au 15 avril 2026. Les auditions menées par les rapporteurs soulignent d'ores et déjà les effets positifs de l'extension de cet encadrement à tous les produits de grande consommation, à partir du 30 mars 2024 : parmi eux, la hausse du nombre de références en promotions ou le lancement de nouveaux produits sur des catégories habituellement très bataillées en promotions.
Les rapporteurs se positionnent donc en faveur du maintien du dispositif et de sa prolongation au-delà de 2026. Ils mettent en garde contre le cagnottage, qui semble se développer en alternative aux promotions désormais encadrées sans avoir le même intérêt pour les industriels en termes de développement de volumes.
2. Renforcer notre information sur l'origine et le prix des produits vendus en grande distribution
À la suite à leur préoccupation quant au décrochage des marques nationales de la ferme France dans les rayons, les rapporteurs souhaitent améliorer le suivi des prix et de l'origine des produits vendus sous MDD et de marques nationales dans la grande distribution. À la connaissance du groupe de suivi, aucune étude officielle n'existe actuellement concernant l'origine de ces produits.
Les chiffres, anciens, de l'observatoire de l'origine France d'Olivier Dauvers de novembre 2015 montraient que les marques nationales étaient mieux-disantes que les MDD et plus encore que les premiers prix concernant l'origine France : par exemple, 63 % des produits de marques nationales de l'échantillon annonçaient une origine française de leur matière première contre seulement 39 % pour les produits sous MDD et 14 % pour les produits premiers prix21(*).
À ce titre, les rapporteurs préconisent l'instauration d'un observatoire des produits de grande consommation vendus sous MDD afin de suivre non seulement l'évolution de leurs prix, mais aussi de leur origine par rapport aux produits de marques nationales.
3. Évaluer les effets de la publicité comparative portant sur les prix des denrées alimentaires
Enfin, les rapporteurs s'alertent des effets de la hausse des dépenses publicitaires en matière alimentaire de la grande distribution ces dernières années : en 2023, les trois premiers annonceurs en France sont des distributeurs. En 2011, soit il y a plus de dix ans, les trois premiers annonceurs français étaient des industriels ou des entreprises des télécommunications.
Les rapporteurs préconisent une évaluation des effets, sur l'amont agricole, de la publicité comparative portant sur les prix des denrées alimentaires ainsi que des possibilités de l'encadrer en conformité avec le droit européen.
* 20 Article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 21https://www.olivierdauvers.fr/wp-content/uploads/2015/11/DGC-LObservatoire-Origine-France.pdf