III. 20 RECOMMANDATIONS POUR AMÉLIORER SANS RIGIDIFIER LES RELATIONS COMMERCIALES EN AMONT COMME EN AVAL

Les rapporteurs estiment contradictoire le procès en inefficacité des lois Egalim en parallèle d'une volonté de certains de l'étendre à tous les débouchés de l'agriculture. Plutôt qu'un « grand soir des négociations commerciales », alors que les acteurs sont encore en phase d'appréhension des dispositions votées il y a moins de deux ans et aspirent à de la stabilité juridique, les rapporteurs préconisent plutôt de renforcer l'application des lois Egalim et d'en améliorer certains paramètres.

A. DANS LES NÉGOCIATIONS AMONT, CRÉER LES CONDITIONS DE LA « MARCHE EN AVANT » DU PRIX SANS COMPLEXIFIER LA NÉGOCIATION

1. Généraliser la contractualisation amont

À l'heure actuelle, outre une application lacunaire, de nombreuses filières sont exemptées, par voie règlementaire, de l'obligation de contractualisation écrite - notamment les productions végétales comme les céréales, le riz, le lin et le chanvre, les oléo protéagineux, les fruits et légumes, certains vins, plantes et les produits de l'apiculture19(*).

Néanmoins, certaines d'entre elles ont récemment indiqué être volontaires pour entrer dans le champ de la contractualisation écrite obligatoire.

En effet, la pression commerciale peut fragiliser les producteurs opérant dans certaines de ces filières qui sont fortement atomisées et soumises aux aléas climatiques avec une forte pression commerciale en raison d'une demande très concentrée.

Les rapporteurs accueillent positivement les demandes de filières volontaires pour entrer dans le champ de la contractualisation écrite obligatoire. Ils préconisent à ce titre de réexaminer la liste des filières exonérées au niveau règlementaire, de même que le seuil de chiffre d'affaires d'exemption, notamment via un seuil par acheteur ou relation d'affaires.

Plus globalement, pour soutenir l'application de la contractualisation écrite, les rapporteurs appellent les interprofessions à poursuivre les efforts de mise en place d'outils et d'actions d'accompagnement des opérateurs à la contractualisation. Ils saluent, en outre, la mise en place d'un observatoire de la contractualisation par la filière bovine qui permet de suivre la contractualisation avec des données chiffrées.

Alors que le volet « sanctions » lié à l'obligation de contractualisation écrite n'a été mis en oeuvre que récemment, depuis fin 2023, les rapporteurs recommandent de poursuivre et renforcer les efforts d'accompagnement et de sensibilisation des interprofessions tout en rendant publics les enseignements des contrôles de la DGGCRF à la suite de ses contrôles.

2. Renforcer le poids des indicateurs

En ce qui concerne les indicateurs, de nombreux acteurs auditionnés ont souligné que, contrairement à l'intention du législateur, les acheteurs contestent parfois les indicateurs proposés par les producteurs au sein des propositions de contrats ou contrats-cadres pour chercher à imposer d'autres indicateurs, parfois privés et payants.

Or un principe fondamental des lois Egalim est que la proposition de contrat ou d'accord-cadre est à la main du producteur qui en maîtrise la négociation des principaux éléments.

Les rapporteurs estiment essentiel de systématiser le recours aux indicateurs de référence lorsqu'ils ont été proposés par le producteur au sein des propositions de contrat ou d'accord-cadre.

Aujourd'hui, le contrat ou l'accord-cadre résultant de la négociation inclut « un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts », présent au sein de la proposition de contrat ou d'accord-cadre et qui fait donc office de socle unique de la négociation. Néanmoins, la pondération des indicateurs au sein de la formule de détermination ou de révision du prix est librement déterminée par les parties qui y intègrent, outre les indicateurs relatifs aux coûts de production, des indicateurs relatifs aux prix de marché, des indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine et à la traçabilité des produits.

Dès lors, afin de sécuriser les producteurs face à la volatilité des prix des produits agricoles et alimentaires, un poids prépondérant pourrait être donné aux indicateurs de coûts de production dans les formules de détermination et de révision du prix.

Ces recommandations vont de pair avec celles appelant des interprofessions à publier les indicateurs de référence.

3. Gare à la rigidification des relations contractuelles

Les rapporteurs mettent en garde contre la tentation de rigidifier à outrance les relations « amont », entre les producteurs et leur premier acheteur. Pour eux, une date butoir « amont » produirait cet écueil, de même qu'un prix plancher.

Bien sûr, il est souhaitable que le fournisseur de la grande distribution ait conclu son contrat avec l'amont agricole avant d'entrer en négociations avec les enseignes, afin de disposer du coût de la MPA et des indicateurs associés. Le principe selon lequel le contrat amont doit être conclu avant l'envoi des conditions générales de vente (CGV) des industriels aux distributeurs matérialise, en effet, la construction du prix « marche en avant ». Pour les rapporteurs, il est donc utile de rappeler ce séquençage qui est dans l'intérêt de toutes les parties, sans pour autant aller jusqu'à l'instauration d'une date-butoir dans un contexte où la contractualisation écrite est loin d'être généralisée.

Les rapporteurs souhaitent que l'intérêt du séquençage de la négociation, de l'amont vers l'aval, soit rappelé. Néanmoins, plutôt qu'une date-butoir amont, les rapporteurs sont favorables à la mention, au sein des CGV envoyées par l'industriel au distributeur, des indicateurs qui ont été utilisés pour déterminer le prix de la MPA à l'amont.


* 19 Décret n° 2022-1668 du 26 décembre 2022.

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